L’enfant tente continuellement de donner un sens à son univers et de communiquer sa vision de ce qui l’entoure. Le jeu est le contexte idéal pour tester ses idées et ses théories ainsi que se servir de ses connaissances afin d’approfondir sa compréhension et son apprentissage. Naturellement curieux, l’enfant explore, manipule, construit, crée, se questionne, pose des questions et évolue dans le monde selon ce qu'on pourrait appeler une « démarche d’enquête ». Les membres de l’équipe pédagogique observent et documentent les idées, le raisonnement et l’apprentissage de l’enfant; ils interprètent et analysent leurs observations et expriment leurs propres réflexions et questionnements lorsqu'ils interagissent avec l’enfant. Dans une classe de maternelle ou de jardin d’enfants efficace, l’équipe pédagogique adopte elle aussi une démarche d’enquête; la culture d’enquête caractérise donc le milieu d’apprentissage.

Le processus et les habiletés d’enquête font partie intégrante de certaines disciplines : les sciences et technologies, par exemple. Toutefois, dans le programme de la maternelle et du jardin d’enfants, l’enquête n'est pas un ensemble de processus et d’habiletés, mais plutôt une approche générale ou une « démarche », une habitude de la pensée qui imprègne les réflexions et l’apprentissage pendant la journée. Elle ne se limite pas à une matière, à un sujet, à un projet ou à un moment précis de la journée. Il ne s'agit pas non plus d’une activité ponctuelle ou d’une approche qui ne convient qu'à certains enfants. Comme l’indiquent les programmes-cadres du curriculum de l’Ontario, l’enquête est « au cœur de l’apprentissage dans toutes les disciplines ». Les membres de l’équipe pédagogique se servent de leurs connaissances et compétences professionnelles pour coconstruire une enquête avec l’enfant, c'est-à-dire qu'ils soutiennent son apprentissage par le jeu, à l’aide d’une approche fondée sur l’enquête.

Le jeu, le contexte idéal pour l’apprentissage : élément probant de la recherche

Le jeu enrichit globalement la croissance de l’enfant : il constitue le fondement des compétences intellectuelles, sociales, physiques et affectives nécessaires pour réussir à l’école et dans la vie; il ouvre la voie à l’apprentissage. (Conseil canadien sur l’apprentissage, 2006, p. 2)

Le jeu est le véhicule de l’apprentissage et est au cœur de l’innovation et de la créativité. Il offre des occasions d’apprendre dans le contexte où l’enfant est le plus réceptif. Le jeu et le travail scolaire ne constituent pas des catégories distinctes pour l’enfant; de même, l’apprentissage et l’action sont, pour l’enfant, inextricablement liés. Il est reconnu et admis depuis longtemps que l’apprentissage chez l’enfant est étroitement lié au jeu, tout particulièrement en ce qui a trait à la résolution de problèmes, à l’apprentissage de la langue, à la littératie, aux mathématiques et au développement des habiletés sociales, physiques et affectives (NAEYC, 2009; Fullan, 2013; ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2014b).

Par le jeu, l’enfant explore activement son environnement ainsi que le monde qui l’entoure. Lorsque l’enfant explore des idées ou la langue, manipule des objets, incarne un rôle ou découvre différentes matières, il ou elle contribue à son apprentissage tout en jouant. Par conséquent, le jeu occupe une place importante dans son apprentissage et peut être utilisé pour approfondir l’apprentissage dans tous les domaines du programme de la maternelle et du jardin d’enfants.

Comment se fait l’apprentissage par le jeu?

Dans sa Déclaration sur l’apprentissage par le jeu, le Conseil des ministres de l’Éducation du Canada (CMEC) reconnaît ainsi la valeur éducative du jeu :

La communauté scientifique reconnaît les bienfaits du jeu. Il est prouvé que l’exploration, la réflexion, la résolution de problèmes et la communication verbale présentes dans le jeu influencent le développement cérébral des enfants.

Des recherches ont également démontré que l’apprentissage par le jeu favorise la réussite sociale, émotionnelle et scolaire. Les ministres de l’Éducation appuient donc une pédagogie durable pour l’avenir qui, plutôt que de séparer l’apprentissage du jeu, les unit afin d’encourager la créativité des nouvelles générations. En fait, le jeu occupe une place tellement importante dans le développement sain de l’enfant que l’Organisation des Nations Unies en a fait un des droits de l’enfant […]

À la lumière de ces faits, le CMEC croit à la valeur et à l’importance intrinsèque du jeu et de son lien avec l’apprentissage. Les éducatrices et éducateurs doivent planifier et mettre en place des occasions d’apprentissage stimulantes et dynamiques basées sur le jeu. L’enseignement intentionnel est l’opposé du "par cœur" et du maintien des traditions simplement parce qu'il en a toujours été ainsi. Pour offrir ce type d’enseignement, les éducatrices et éducateurs doivent intentionnellement et consciemment créer un milieu d’apprentissage par le jeu, parce qu'un enfant qui joue est un enfant qui apprend.

(CMEC, 2012)

Le processus par lequel l’apprentissage a lieu par le jeu est très complexe et requiert de la part des membres de l’équipe pédagogique une compréhension, qu'ils continueront d’approfondir, dans le cadre d’apprentissage professionnel et d’observation, d’interprétation et d’analyse en salle de classe. L’efficacité d’une équipe pédagogique dépend de sa compréhension nuancée des différentes façons dont chaque enfant apprend, se développe et manifeste sa compréhension des concepts durant le jeu (Trawick-Smith et Dziurgot, 2010). L’équipe pédagogique doit aussi comprendre à quel point son rôle est crucial pour aider l’enfant à consolider et à approfondir son apprentissage par le jeu, en rendant cet apprentissage visible à ses yeux et pour sa famille.

Réflexion de l’équipe pédagogique

Nos équipes pédagogiques trouvaient important de comprendre et d’échanger leurs opinions et de discuter de l’apprentissage par le jeu. Même si tous croient en l’importance du jeu, les opinions étaient très différentes sur ce que cela signifie. Certains avaient appris que lorsque les enfants jouent, les adultes ne devraient pas s'en mêler. D’autres avaient appris que le jeu occupait les autres enfants pendant que l’un des membres de l’équipe pédagogique était occupé avec un petit groupe, ou lui "enseignait". Nous nous sommes ensuite penchés sur la description proposée dans une séance d’apprentissage professionnel sur le programme de la maternelle et du jardin d’enfants et nous avons commencé à voir le jeu comme un contexte primordial pour l’apprentissage. Nous étions d’accord pour étudier notre rôle dans le jeu.


Nous avons dû revoir la définition de jeu. Nous croyions que nos activités étaient des jeux : par exemple, chaque enfant devait faire un bricolage à l’aide d’un emporte-pièce, mais cette activité ne répondait pas vraiment à leurs besoins. Soit ils se dépêchaient de terminer le bricolage, soit nous devions les inciter à le finir, sinon il aurait fallu expliquer à leurs parents pourquoi il n'était pas terminé! Au début, nous étions réticents à éliminer ces activités, mais quand nous avons commencé à donner du matériel aux enfants en laissant libre cours à leur imagination, nous avons découvert qu'ils avaient beaucoup plus de talent en art que nous le croyions. Ils nous étonnent tous les jours avec les créations complexes qu'ils réalisent.

Les milieux efficaces tirent profit du jeu et combinent les occasions d’apprentissage dans l’environnement physique (L’apprentissage des jeunes enfants à la portée de tous dès aujourd'hui, p. 21; voir aussi le chapitre 1.3, Milieu d’apprentissage). Les situations d’apprentissage conçues par l’équipe pédagogique encouragent les enfants à utiliser leur pensée créative, à explorer et à enquêter, à résoudre des problèmes, à s'autoréguler, à s'engager dans le processus d’enquête et à échanger sur ce qu'ils ont appris.

Réflexion de l’équipe pédagogique

Je ne savais pas trop quel rôle jouer dans le jeu des enfants. Je pensais que je devais organiser les activités, puis les superviser et réagir, mais j’avais peur de trop diriger le jeu si j’interagissais avec eux. Maintenant, mon équipe et moi apprenons à consigner l’information et nous tentons de comprendre notre rôle. Nous trouvons du temps ensemble pendant la journée pour étudier nos notes : c'est devenu notre priorité. Nous comprenons mieux le processus d’apprentissage des enfants et nous réfléchissons vraiment ensemble à la façon de réagir et d’approfondir leurs pensées, et nous remettons en questions leur réflexion… et la nôtre!

Apprentissage par le jeu : les liens avec l’autorégulation

Lorsque les enfants participent pleinement à leur jeu, leur activité et leur apprentissage sont intégrés dans des domaines de développement. Ils cherchent à relever des défis qui peuvent l’être. […] Grâce au jeu, les enfants apprennent à faire confiance, à montrer de l’empathie et à acquérir des habiletés sociales. (Pascal, 2009, p. 9 et 10)

Vygotsky (1978) relie le jeu sociodramatique (« faire semblant ») au développement de l’autorégulation chez l’enfant. Pendant le jeu sociodramatique, les enfants apprennent naturellement ce qui est dans leur « zone proximale de développement », en d’autres mots, ce qui est à leur portée. On peut en avoir des preuves dans différents contextes de jeu en classe : l’enfant peut remarquer pour la première fois qu'il ou elle est capable de modifier la manière dont l’eau bouge dans un tuyau, que son ombre suit ses mouvements ou que le fait de déplacer un pinceau sur une toile lui procure une sensation. En remarquant ces choses et en se fondant sur ses observations, l’enfant régule son propre apprentissage.

Dans le jeu sociodramatique, le langage devient un outil d’autorégulation. Se parler à soi-même est une manière de passer de la régulation extérieure (par un membre de la famille ou de l’équipe pédagogique) à l’autorégulation. L’enfant commence à assimiler les pistes, les descriptions, les explications et les stratégies des adultes en les incorporant à son monologue intérieur. En intégrant des mots entendus à son discours, l’enfant enclenche des processus cognitifs complexes comme l’attention, la mémoire, la planification et l’autodétermination (Shanker, 2013b). Les participants au jeu sociodramatique communiquent entre eux à l’aide de mots et de gestes symboliques pour décrire des expériences familières et extrapoler à partir de celles-ci ainsi que pour imaginer et créer de nouvelles histoires. Ce type de jeu contribue à l’autorégulation chez l’enfant et améliore son potentiel d’apprentissage au fur et à mesure qu'il ou elle se mêle aux autres et intègre les ressources de son environnement (Pascal, 2009a).

Approche fondée sur l’enquête : élément probant de la recherche

Selon les études, il y a plus de chances que les enfants participent et deviennent autonomes dans des classes faisant appel à l’enquête (Jang, Reeve et Deci, 2010).

L’enquête permet aux [enfants] de prendre des décisions au sujet de leur apprentissage et d’en assumer la responsabilité. [L’équipe pédagogique] crée des contextes d’apprentissage qui permettent aux [enfants] de prendre des décisions au sujet des processus d’apprentissage et de la façon dont ils vont démontrer ce qu'ils ont appris. [Elle] encourage l’apprentissage collaboratif et crée des espaces intellectuels pour que les [enfants] puissent participer à de riches discussions au sujet de leur raisonnement et de leur apprentissage. [Elle] crée une éthique de classe qui favorise le respect à l’égard des idées et des opinions des autres et encourage la prise de risques […] Collectivement, ces actions aboutissent à un fort sentiment d’autoefficacité chez les [enfants]. (Ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2011, p. 4)

Poser des questions et interpréter l’information pour accroître la compréhension est à la base de toute enquête. En misant sur une approche d’enquête, le programme de la maternelle et du jardin d’enfants promeut le développement de capacités supérieures de raisonnement en tirant profit de la curiosité naturelle de l’enfant, de son sens inné de l’émerveillement et de son désir de comprendre son environnement. Ce type d’approche nourrit la curiosité naturelle de l’enfant. En donnant à l’enfant la possibilité de chercher les réponses à des questions intéressantes, importantes et pertinentes à ses yeux, l’équipe pédagogique lui permet d’aborder le contenu du programme de façon intégrée et proche du « monde réel » et de développer – et de mettre en pratique – des modes de raisonnement et de pensée d’ordre supérieur qui mènent à un apprentissage en profondeur.

Lire : L’apprentissage par l’enquête, Accroître la capacité – Série d’apprentissage professionnel (septembre 2013) du ministère de l’Éducation de l’Ontario.
Voir : Trois vidéos sur l’apprentissage par l’enquête « Enquête est éducation et éducation est enquête », « Tenir compte du curriculum » de Jerome Harste et « Apprentissage par l’enquête » de Vivian Vasquez (français en voix hors champ) de la revue numérique Transition M-3 du gouvernement de l’Ontario.
Webémission « Apprentissage par l’enquête » de la revue numérique Transition M-3 du gouvernement de l’Ontario.

Mettre en œuvre l’apprentissage par le jeu dans une culture d’enquête

Comme mentionné précédemment, l’équipe pédagogique de la maternelle et du jardin d’enfants adopte la même démarche d’enquête que les enfants – un état d’esprit dans lequel elle se questionne et pose des questions – afin de leur permettre d’apprendre et de mettre en pratique leur curiosité naturelle. De plus, en tant que « chercheurs » dans la classe, les membres de l’équipe pédagogique se questionnent et posent des questions à propos des enfants et de ce qu'ils apprennent (p. ex., Pourquoi cet apprentissage pour cet enfant, à ce moment-ci et dans ce contexte-ci?) ainsi qu'à propos de l’effet de leurs interventions sur l’apprentissage et la progression de l’apprentissage des enfants (p. ex., Quels seront les effets sur l’apprentissage de ces enfants si j’interviens dans leur conversation de cette manière, à ce moment précis? Si je change la façon d’utiliser les tables dans la classe, quels seront les effets sur la participation des enfants?). Adopter une démarche d’enquête est primordial pour créer les conditions nécessaires à l’apprentissage par l’enquête.

En faisant cela, les membres de l’équipe pédagogique posent des questions et se questionnent avec les enfants, tout en gardant à l’esprit l’intention d’apprentissage, qui inclura forcément une ou plusieurs attentes présentées dans le présent document (voir le chapitre 4.2). Ils ne prévoient pas de leçons sur des sujets prédéterminés à des moments prédéterminés (p. ex., en fonction des événements de l’année, comme la fête des Mères en mai) ni sur les noms communs proposés par les enfants (p. ex., roche, train, têtard), comme il était l’habitude par le passé. Les enquêtes évoluent plutôt en fonction des questions et de l’émerveillement réciproques. Au fur et à mesure que l’enfant verbalise ses réflexions, l’équipe pédagogique doit imaginer des questions qui stimuleront davantage sa réflexion, sa curiosité et son émerveillement.

Par exemple, si un enfant apporte des têtards à l’école, il se peut qu'il pose des questions sur le sujet, exprime ses idées, présente des faits ou donne son opinion; les autres enfants qui s'intéressent aux têtards se joindront sans doute à lui. Les membres de l’équipe pédagogique échangent avec les enfants à propos de leurs questions et de leurs idées, leur demandent plus de détails ou des précisions. Plutôt que de donner de l’information sur les têtards, ils se demandent à voix haute de quelles façons trouver tous ensemble des réponses à leurs questions. L’un des enfants pourrait avancer que les têtards se transforment en grenouilles. En fournissant des pistes de réflexion aux enfants, comme « Comment pouvons-nous voir si c'est vrai? », l’équipe pédagogique peut amener le groupe à proposer des idées, à observer les têtards pendant un certain temps et à enregistrer leurs observations (p. ex., à l’aide d’un dessin, d’une démonstration) (attente 15). Les enfants et les membres de l’équipe pédagogique pensent ensuite au type de matériel dont ils auront besoin pour réaliser cette expérience. À cette étape-ci, ils peuvent inviter d’autres enfants à participer à l’enquête. L’équipe pédagogique pourrait chercher un texte documentaire (livre informatif ou revue pour enfants) pour appuyer le processus d’observation, ce qui constitue d’ailleurs une occasion de présenter quelques caractéristiques des textes documentaires (attente 13). Une fois l’enquête entamée, les observations devront être consignées : cela constitue une intention d’écriture et une occasion pour les enfants d’apprendre l’un des principaux éléments du processus d’écriture (attentes 2 et 12).

Questionner pour inciter l’enquête et stimuler la réflexion

En réponse aux questions et aux idées des enfants, l’équipe pédagogique peut dire :

  • Comment pourrions-nous le découvrir?
  • Que se passerait-il si…?
  • Je me demande pourquoi tu n'arrives pas au même résultat que Jasmine.
  • Comment fais-tu passer l’eau d’un contenant à l’autre?
  • À quoi ça te fait penser? Peux-tu me montrer ce que tu veux dire?
  • Je me demande si nous pouvons créer notre propre circuit de billes.

Les enfants posent des questions qui mènent à une enquête. En voici des exemples :

  • Comment cette voiture peut-elle descendre la pente plus vite?
  • Où sont les plus grosses flaques d’eau?

Les enfants expriment leurs idées et posent de nouvelles questions pendant qu'ils expérimentent et enquêtent. Ils décrivent parfois les matériaux qu'ils utilisent, font part d’un problème qu'ils rencontrent ou s'interrogent en disant, par exemple : « Je me demande ce qui va arriver si… ». Ils commencent à écouter leurs pairs et leur font des suggestions. Grâce à ces interactions ainsi qu'aux questions et aux observations des membres de l’équipe pédagogique qui stimulent leur réflexion, les enfants apprennent également à faire des prédictions et à tirer des conclusions.

  • « Je pense que si je mets un plus gros bloc en bas, ma tour ne tombera pas. Tu vois, ça fonctionne ! J’ai mis un gros bloc en bas et ma tour ne s'est pas écroulée. »
  • « Je pensais que je devrais faire six pas pour me rendre ici, mais j’en ai fait dix. »

Les membres de l’équipe pédagogique participent à l’enquête avec les enfants, à titre de coapprenants, pour leur permettre d’explorer leur questionnement. Ils piquent la curiosité des enfants, ce qui provoque leur réflexion, ou ils invitent les enfants à apprendre d’une nouvelle manière.

Pour revenir à l’exemple précédent, les membres de l’équipe pourraient expliquer aux enfants que les scientifiques font des recherches sur des sujets qui les intéressent et ajouter qu'ils peuvent, eux aussi, se glisser dans la peau de scientifiques. En plaçant près des têtards des loupes et du matériel pour noter les observations, on peut mentionner aux enfants que les scientifiques utilisent les mêmes types d’outils. Pendant que les enfants mènent leur enquête, l’équipe observe et documente ce qu'ils disent et ce qu'ils font. Elle discute ensuite de la documentation, puis, d’après les éléments probants recueillis, réfléchit sur le sujet avec les enfants et négocie avec ceux-ci pour cibler le matériel que les enfants pourraient enlever ou ajouter afin de continuer à tester leurs théories sur les têtards et à consolider leur réflexion.

Pour de plus amples renseignements sur la documentation pédagogique, voir le chapitre 1.4, Évaluation et apprentissage : rendre le raisonnement et l’apprentissage de l’enfant visibles.

Lire : « Curiosité naturelle » sur ÉduSource.
Voir : Webémission sur l’autorégulation sur ÉduSource.

Questions pour accompagner le visionnement des vidéos

  • Comment les enfants font-ils preuve d’autorégulation lors de la collation?
  • Comment le matériel et l’aménagement de la salle de classe peuvent-ils influencer l’autorégulation et l’apprentissage par l’enquête?

Le tableau suivant illustre les différents éléments du processus d’enquête à la maternelle et au jardin d’enfants, tant pour les enfants que pour les membres de l’équipe pédagogique.

Processus d’enquête dans les classes de la maternelle et du jardin d’enfants

Éléments du processus d’enquête chez l’enfantLes enfants qui participent au processus d’enquête :Pour modeler ou appuyer le processus d’enquête, les membres de l’équipe pédagogique :
Engagement initial
Remarquer, questionner, jouer
  • s'interrogent sur des objets et des événements qui les entourent;
  • observent et écoutent;
Exploration
Explorer, observer, questionner
  • analysent ces objets et ces événements et observent les résultats de leur analyse;
  • émettent des observations en se servant de tous leurs sens et formulent des questions;
  • animent en posant des questions ouvertes et réfléchies;
  • encouragent les enfants à observer et à parler entre eux et aux autres membres de l’équipe pédagogique;
Enquête
Planifier, se servir de ses observations, réfléchir
  • rassemblent, comparent, classent, trient, ordonnent, interprètent et décrivent les caractéristiques, les propriétés et les attributs, remarquent des régularités et tirent des conclusions en utilisant différents outils et matériaux;
  • fournissent du matériel et des ressources variées, posent des questions stratégiques et observent les enfants pour découvrir, préciser, approfondir ou comprendre la réflexion des enfants;
  • modèlent la manière de planifier, d’observer et de réfléchir;
Communication
Échanger à propos des résultats et des idées.
  • travaillent seuls ou en équipe, discutent de leurs idées et écoutent les idées des autres.
  • écoutent les enfants pour les aider à tisser des liens entre leurs connaissances antérieures et leurs nouvelles découvertes.

Questions de réflexion : appuyons-nous correctement l’enquête des enfants?

  • Comment l’enquête évolue-t-elle dans la classe et en dehors de la classe?
  • À quoi ressemble l’enquête dans la classe et en dehors de la classe? Que disent les enfants?
  • Les enfants ont-ils suffisamment de temps pour participer en profondeur au jeu et à l’enquête? Comment le savons-nous?
  • Comment expliquer le processus d’enquête par le jeu à une remplaçante ou à un remplaçant?
  • Quels éléments du milieu d’apprentissage contribuent à l’enquête et appuient l’apprentissage par l’enquête?
  • Est-ce que ce matériel contribue à créer une enquête riche et attrayante? Qu'est-ce qui le rend stimulant?

Lire : L’apprentissage par l’enquête, Accroître la capacité – Série d’apprentissage professionnel (septembre 2013) du ministère de l’Éducation de l’Ontario.
Voir : Deux vidéos sur l’apprentissage par l’enquête « Tenir compte du curriculum » et « Réflexions sur le curriculum » de Jerome Harste (français en voix hors champ) de la revue numérique Transition M-3 du gouvernement de l’Ontario.

Importance du rôle de l’équipe pédagogique : la coconstruction de l’enquête et de l’apprentissage

[…] Nous devons cesser de voir les membres de l’équipe pédagogique comme des êtres figés qui savent tout et considérer qu'ils sont en perpétuelles formation et évolution. Leur rôle passe de celui de communication des connaissances à ceux d’écoute, de catalyseur, d’observation et de négociation d’élément de sens. (Pacini-Ketchabaw et coll., 2009, p. 103, traduction libre)

Les exemples de la section précédente illustrent comment les membres de l’équipe pédagogique, dans leurs interactions avec les enfants, participent constamment à la coconstruction de la pensée et de l’apprentissage. En compagnie des enfants, les membres de l’équipe pédagogique collaborent avec eux et ils :

  • formulent des questions;
  • choisissent du matériel;
  • stimulent et appuient la créativité;
  • formulent à voix haute diverses perspectives et interprétations;
  • formulent à voix haute de nombreuses possibilités ou solutions;
  • résolvent des problèmes;
  • documentent les réflexions et l’apprentissage.

De façon intentionnelle et délibérée, ils :

  • écoutent;
  • observent;
  • documentent;
  • analysent ce qu'ils ont documenté prenant en considération diverses interprétations et perspectives et font des liens avec les attentes;
  • fournissent de la rétroaction en posant des questions pertinentes et en offrant des pistes de réflexion qui contribuent au raisonnement et à l’apprentissage.

Les membres de l’équipe pédagogique visent à intérioriser les attentes, en s'assurant d’en saisir les compréhensions conceptuelles afin de comprendre les concepts qui définissent l’apprentissage et qui en découlent. Ils gardent ces attentes en tête dans leurs interactions avec les enfants pendant le jeu et l’enquête.

La documentation pédagogique permet à l’équipe pédagogique d’examiner des perspectives variées, y compris celles des enfants, des parents, des collègues, leur donnant un meilleur aperçu du raisonnement et de l’apprentissage de l’enfant, ce qui l’aide à faire des rapprochements et à proposer des questions pertinentes et des pistes de réflexion qui contribuent à l’apprentissage.

Lors de leurs interactions avec les enfants, les membres de l’équipe pédagogique réagissent, précisent et approfondissent le raisonnement de l’enfant. Ils font la sélection d’une grande variété de matériel et de ressources à utiliser et coconstruisent le processus d’enquête avec l’enfant.

Pendant la transition entre les étapes où les enfants remarquent les objets qui les entourent et ce qui se passe autour d’eux et les étapes où ils les explorent, les observent et posent des questions de manière sérieuse, les membres de l’équipe pédagogique documentent leurs réflexions, remarques, théories, idées et intérêts. L’équipe pédagogique analyse et interprète la documentation pour informer sa propre enquête et son apprentissage au sujet des enfants. L’analyse de la documentation pédagogique, qui est axée sur le raisonnement de l’enfant en fonction des attentes, avise l’équipe pour nourrir et enrichir le raisonnement et l’apprentissage de l’enfant. Cette analyse sert aussi de guide pour déterminer le niveau et le type d’aide dont chaque enfant a besoin.

Au fil de leurs observations et interprétations, les membres de l’équipe pédagogique « doivent être particulièrement prudents et ne pas partir du principe que l’enfant voit les situations, les problèmes ou les solutions comme les adultes les voient. Au lieu de cela, de bons membres de l’équipe pédagogique interprètent ce que l’enfant fait et pense et essaient de voir la situation selon le point de vue de l’enfant » (Clements et Sarama, 2009, p. 4, traduction libre).

Pour que l’apprentissage ait lieu, le cerveau doit pouvoir faire des liens et en dégager des modèles. Alors que les enfants tissent des liens entre leurs connaissances antérieures et de nouvelles informations, leur cerveau produit des scénarios qui les aident à comprendre le monde autour d’eux. Il est donc essentiel que les enfants dans le programme de la maternelle et du jardin d’enfants aient des occasions multiples et variées de tisser des liens entre les expériences antérieures et les nouvelles expériences qu'ils vivent tous les jours. Lorsque l’équipe pédagogique constate, documente et analyse les manifestations de liens établis, elle peut coconstruire et tirer parti des expériences des enfants qui appuient et favorisent leur apprentissage.

La documentation et son analyse permet à l’équipe pédagogique de rendre visibles l’apprentissage et le raisonnement de l’enfant et l’aiguille par rapport à la manière d’appuyer l’apprentissage de chaque enfant.

Pour en savoir plus, voir le chapitre 1.4, Évaluation et apprentissage : rendre le raisonnement et l’apprentissage de l’enfant visibles.

Figure 4. Ce graphique illustre l’interdépendance des rôles de l’enfant et de l’équipe pédagogique dans l’apprentissage par le jeu. Il représente les différentes façons par lesquelles l’enfant et l’équipe pédagogique participent au cours de la journée, démontrant leurs rôles dans la coconstruction de l’apprentissage.

Questions de réflexion

En passant en revue et en analysant les données sur un enfant en situation individuelle ou au sein d’un groupe, il faut se poser les questions suivantes :

  • Pourquoi apprend-il ainsi à ce moment précis?
  • À quoi pourrait bien penser cet enfant?
  • En quoi son approche actuelle à l’égard d’un problème est-elle différente de l’approche qu'il utilisait avant?
  • Comment l’information recueillie jusqu'à présent m'aide-t-elle à déterminer les prochaines étapes de son apprentissage?

La littératie et la démarche d’enquête

  • Comment les enfants intègrent-ils les lettres à leur jeu?
  • Que savent-ils de leur propre nom?
  • Comment abordent-ils le texte d’un livre? Comment réagissent-ils aux messages écrits?
  • Comment se servent-ils du language pour négocier, débattre, décrire, donner des ordres, compter, supposer, faire des prédictions ou émettre des hypothèses?
  • Comment utilisent-ils les dessins ou l’écrit (les représentations graphiques) pour consigner un souvenir, décrire des expériences, représenter leurs pensées, négocier, énumérer et créer des étiquettes?
  • Comment intègrent-ils le sociodrame à leur jeu?
  • Comment racontent-ils une expérience ou une histoire familière de nouveau pendant leur jeu?

Les mathématiques et la démarche d’enquête

  • Comment les enfants expriment-ils leurs connaissances et leur réflexion par rapport aux nombres et aux relations de quantité?
  • Que révèle leur utilisation du matériel de manipulation sur leur pensée mathématique?
  • Que pensent-ils des mesures et de la manière dont elles sont utilisées dans différents contextes familiers? Comment se manifeste leur pensée au sujet des mesures?
  • Pour eux, qu'est-ce qu'une suite?
  • Pour eux, pourquoi recueillons-nous des données (p. ex., pour nous renseigner, pour nous aider à prendre certaines décisions)? Comment croient-ils que nous recueillons des données (p. ex., à l’aide de sondages)?
  • Comment se manifeste leur pensée mathématique au sujet des figures géométriques et des relations spatiales?

Quelle est la différence entre l’approche axée sur l’enquête et celle axée sur un thème ou sur une unité d’enseignement?

Dans l’approche traditionnelle de planification, le personnel enseignant devait élaborer des « thèmes » ou des unités d’enseignement accompagnées de plans de leçon dans lesquels étaient détaillés les objectifs, les attentes et les contenus d’apprentissage associés au programme et une liste de matériel. Les programmes à la maternelle et au jardin d’enfants étaient habituellement construits autour d’un thème mensuel portant sur les événements ou les fêtes selon les saisons; on s'appuyait sur des guides de ressources proposant des activités thématiques que les adultes croyaient adaptées aux jeunes enfants. Cette approche et les ressources qui y sont associées sont fondées sur la perception qu'ont les adultes des intérêts et de l’apprentissage des enfants, mais il a été prouvé qu'elles ont un effet négatif sur la participation de ces derniers (Edwards, Gandini et Forman, 1998, Wells, 2001).

Réflexion de l’équipe pédagogique

Dernièrement, à une séance d’apprentissage professionnel, j’ai éprouvé un certain malaise lorsque j’ai vu à quel point un des modèles soumis à notre critique correspondait aux planifications que je mets en pratique depuis plusieurs années. Au fil de ma réflexion, je me suis demandé si ma façon actuelle de planifier avait du sens du point de vue des enfants. Je me suis dit que j’avais toujours ressenti une certaine contrainte par rapport aux planifications fondées principalement sur un échéancier mensuel. J’avais toujours supposé que les enfants s'intéressaient aux thèmes mensuels que je choisissais. Mais ai-je déjà demandé aux enfants ce qui les intéressait? Étaient-ils capables de saisir des sujets inconnus comme l’ours blanc ou la forêt tropicale?

Planification traditionnelle par opposition à l’approche axée sur l’enquête

Planification traditionnelleApproche axée sur l’enquête
  • Les sujets sont choisis par le personnel enseignant (p. ex., pommes, Action de grâce, dinosaures).
  • Le sujet change tous les mois.
  • Les enfants participent peu, voire pas du tout, dans la prise de décisions et la planification.
  • La planification s'articule souvent autour des événements notables de l’année (p. ex., les fêtes, les saisons) ou de sujets considérés comme intéressants pour tous les jeunes enfants.
  • La planification se concentre presque entièrement autour des contenus d’apprentissage plutôt que des attentes.
  • Les enfants réalisent tous les mêmes activités (p. ex., dessins de pommes ou de citrouilles, bricolage prédéterminé), peu importe leurs intérêts et leurs besoins personnels.
  • Il est important de respecter les consignes et de terminer l’activité.
  • Les sujets sont souvent abstraits pour les enfants (p. ex., ours blancs, dinosaures). Ils ont donc de la difficulté à exercer leurs habiletés supérieures de la pensée.
  • On demande aux enfants de faire des liens artificiels (p. ex., trouver les mots qui commencent par « a », dessiner des abeilles).
  • La planification porte souvent sur les métiers.
  • Le sujet des enquêtes provient des réflexions des enfants, de leurs questionnements, de leurs hypothèses et des idées qui piquent leur curiosité.
  • La durée des enquêtes n'est pas déterminée à l’avance et peut varier.
  • Les expériences, le choix du matériel, les réflexions et l’apprentissage découlent d’une coconstruction avec les enfants.
  • L’équipe pédagogique se concentre sur les attentes pour coconstruire l’apprentissage avec les enfants.
  • L’apprentissage est personnalisé et basé sur la différenciation pédagogique.
  • On s'applique à donner aux enfants plus d’occasions pour vérifier leurs hypothèses par l’exploration afin de trouver les réponses à leurs propres questions.
  • Les enfants explorent leurs propres idées et questions plus en profondeur et plus concrètement, et exercent ainsi plus facilement leurs habiletés supérieures de la pensée (p. ex., Comment l’eau bouge-t-elle ? Où lisent les gens ? Où utilise-t-on des chiffres?).
  • La compréhension du concept de citoyenneté émerge de la démarche d’enquête (p. ex., Comment mon comportement affecte-t-il mes amis, ma famille et les autres membres de la communauté?).

Mythes sur l’apprentissage par le jeu

  • L’apprentissage par le jeu qui « laisse les enfants décider » signifie que les membres de l’équipe pédagogique ne sont pas actifs dans la création des expériences d’apprentissage pendant qu'ils participent au jeu, ou qu'ils n'intègrent pas de façon intentionnelle et délibérée des occasions planifiées pour porter à réfléchir et à enrichir le raisonnement et l’apprentissage des enfants.
  • Le jeu a lieu après l’apprentissage, ou il n'a pas de lien avec l’apprentissage.
  • La littératie et les mathématiques sont négligées dans ce contexte.
  • Le jeu ne laisse pas de place au travail d’équipe.
  • Le jeu est toujours manuel et physique.
  • Le jeu doit être proposé par l’équipe pédagogique ou par l’enfant (plutôt que découler d’une négociation).

Mythes sur l’apprentissage et l’enseignement dans une approche axée sur l’enquête

  • Les membres de l’équipe pédagogique s'appuient sur absolument tous les sujets qui intéressent les enfants pour définir les sujets d’enquête ou suivent les intérêts des enfants qui changent sans arrêt.
  • Les enquêtes doivent être tirées des sujets abordés dans les textes documentaires et s'y limiter.
  • Le rôle de l’équipe pédagogique est de choisir un thème général (p. ex., les animaux de la forêt) et de demander aux enfants d’en explorer un aspect (p. ex., un animal en particulier).
  • Seuls les enfants peuvent proposer des idées d’enquêtes, susciter des réflexions ou poser des questions.
  • L’enquête comprend un projet ou est menée à un moment précis de la journée.
  • Les enfants choisissent ce qu'ils apprennent.

Expliquer l’apprentissage par le jeu aux parents et à la famille

L’apprentissage par le jeu favorise l’enrichissement linguistique et culturel des enfants et de leur famille. (CMEC, 2012, p. 1)

L’apprentissage par le jeu est au cœur du programme de la maternelle et du jardin d’enfants de l’Ontario. Ce concept n'a pas la même signification pour tous, particulièrement pour les parents et les familles. Il est donc important que les membres de l’équipe pédagogique en comprennent bien la réalité en Ontario pour pouvoir l’expliquer aux familles, à leurs collègues et aux partenaires communautaires. En s'assurant que tous comprennent de la même manière les façons dont l’apprentissage a lieu par le jeu, ils contribuent à ce que les parents et les partenaires appliquent ce concept à la maison ou en contexte communautaire, ce qui contribuera à accroître les occasions de jeu et d’apprentissage des enfants.

Voir Principes directeurs de l’apprentissage par le jeu au chapitre 1.1, Introduction.

Les membres de la famille veulent comprendre comment l’enfant se développe et apprend. Ils sont généralement ouverts aux observations et aux renseignements de l’équipe pédagogique sur la manière dont ils peuvent appuyer l’apprentissage de leur enfant, et ils en tirent profit. En parlant avec les familles de manière informelle, ou lors des visites en classe, les membres de l’équipe pédagogique peuvent montrer les liens entre le jeu et l’apprentissage en faisant leurs observations, par exemple :

Amalla découvre la symétrie en jouant avec les blocs. Demandons-lui ce qu'elle observe dans sa construction.
En jouant aux cartes avec d’autres enfants aujourd'hui, Jérôme a appris à attendre son tour.

L’enfant communique son apprentissage et le représente à ses pairs et aux membres de l’équipe pédagogique durant le jeu et l’enquête. L’équipe pédagogique devrait lui fournir plus d’occasions structurées pour expliquer ce qu'il ou elle a appris à sa famille, grâce à la documentation, par exemple, en organisant une conférence familiale menée par l’enfant.

Voir : Webémission « Observation et documentation de l’apprentissage » sur ÉduSource.
Vidéo « Utilisation de la technologie / Documentation pédagogique – Se servir de la documentation pédagogique pour mieux comprendre la pensée des enfants » de la revue numérique Transition M-3 du gouvernement de l’Ontario.
Ces ressources sont fournies à titre de complément aux discussions de vive voix et ne doivent pas les remplacer.