Résolution des différends et arbitrage

Un mécanisme indépendant, neutre et accessible

La décision de couvrir ou non un vice de construction touchant un logement neuf dans le cadre de la garantie est une décision importante pour le propriétaire et le constructeur. Sans égard à la valeur en dollars de la réclamation, une telle décision touche ce qui sera vraisemblablement l’achat le plus important d’une vie pour un individu ou une famille. L’intérêt du propriétaire est directement lié à la manière dont sera traitée la réclamation au titre de la garantie.  

Lorsqu’il y a un différend, un mécanisme de résolution doit non seulement rendre justice, mais doit aussi être perçu comme rendant justice. Un mécanisme d’arbitrage indépendant offre la possibilité d’obtenir une nouvelle perspective sur une réclamation au titre de la garantie pour laquelle le propriétaire et le constructeur ou le fournisseur de la garantie n’ont pu parvenir à une entente. L’arbitrage indépendant devrait être visiblement neutre et indépendant des fournisseurs de la garantie (voir l’annexe B, Mécanisme recommandé de résolution des différends touchant la garantie).

Avec le modèle que je propose, les propriétaires de logements neufs devront traiter avec un fournisseur de la garantie choisi par leur constructeur. Il est important d’offrir aux propriétaires un accès raisonnable à un tiers indépendant qui pourra examiner la réclamation et valider, d’un point de vue externe, une décision prise par le fournisseur de la garantie.

Un arbitre indépendant devrait continuer d’offrir une solution de rechange aux litiges complexes et coûteux ‒ il ne se substituerait pas au litige, mais offrirait une solution accessible et économique à un tel litige.

Avec des fournisseurs multiples dans un modèle concurrentiel, avoir accès aux décisions d’un organisme d’arbitrage lors de réclamations au titre de la garantie pourra contribuer à une plus grande uniformité dans l’interprétation et l’application de la Loi sur le Régime de garanties des logements neufs.

Si le choix des arbitres s’effectue à partir d’une liste, des associations réputées et des personnes spécialisées dans le domaine de la résolution des différends peuvent aider à leur sélection. Les critères pour faire ajouter son nom à la liste pourraient être une expérience d’arbitrage et une formation dans ce domaine qui peuvent être démontrées; le processus de sélection pourrait aussi comporter une grille d’évaluation qui tiendrait compte des décisions déjà rendues par les candidats dans d’autres dossiers d’arbitrage. Les organismes de résolution des différends existants disposent déjà de méthodes pour retenir les services d’arbitres neutres et éviter les conflits d’intérêts lorsqu’ils confient des mandats. De la formation supplémentaire touchant précisément les nouvelles constructions pourrait aussi être offerte. Le tout ne viserait pas à faire de l’arbitre un expert en construction résidentielle, mais plutôt à préciser les contextes entourant l’éventail de normes et d’attentes, ainsi que les divers différends susceptibles de survenir.  

Examen des décisions de l’arbitre indépendant

La Cour a un rôle à jouer dans la révision des décisions de tribunaux administratifs. Habituellement, la révision de ces décisions prend la forme d’un examen judiciaire de la décision concernée, à la suite d’une demande déposée auprès de la Cour divisionnaire, une division de la Cour supérieure de justice. La Cour divisionnaire siège en une formation de trois juges. Subsidiairement, les audiences peuvent aussi se tenir devant un seul juge de la Cour supérieure. L’envergure appropriée et le processus d’examen des décisions de l’arbitre indépendant devront être précisés dans le concept final.  

Droit d’intenter des poursuites

L’accessibilité, le caractère abordable et la neutralité du processus d’arbitrage indépendant devraient être de nature à permettre à la plupart des propriétaires de choisir le processus d’arbitrage proposé en lieu et place du litige. Toutefois, il peut y avoir des cas où le recours aux tribunaux est mieux indiqué, et je ne recommande pas qu’il soit obligatoire de soumettre d’abord une réclamation au titre de la garantie au processus d’arbitrage.

Les propriétaires devraient continuer d’avoir accès aux tribunaux lors d’un différend avec un constructeur ou un fournisseur de la garantie, comme c’est le cas aujourd’hui. Ce pourrait être le cas, par exemple, lorsque la valeur en dollars de la réclamation dépasse largement les limites de la garantie. Il est impossible de dire dans quelle mesure, à l’heure actuelle, les propriétaires ont recours aux tribunaux pour résoudre des différends liés à la garantie. Des décisions importantes ont toutefois été rendues par les tribunaux relativement au Régime de garanties des logements neufs, dont certaines concernaient directement l’aspect de protection du consommateur de la Loi sur le Régime de garanties des logements neufs. Les décisions du tribunal continueront de jouer un rôle important dans l’interprétation et l’application de la Loi.

On a observé que dans certains cas, surtout dans le secteur des condominiums, les délais de traitement des réclamations au titre de la garantie sont tels qu’une partie doit parfois intenter un recours en justice par mesure de prudence, afin de s’assurer que sa réclamation sera présentée à temps si jamais les démarches liées à la garantie comme telle ne parviennent pas à résoudre le problème. De nombreux intervenants m’ont affirmé que les limites de temps actuelles permettent aux constructeurs de transmettre des offres aux propriétaires en toute dernière minute, en fin de journée, ce qui ne leur laisse pas suffisamment de temps pour étudier l’offre ou demander un avis juridique à l’égard du règlement proposé. Le problème est particulièrement criant du côté des condominiums. On devrait se pencher sur la possibilité de suspendre les limites de temps imposées pour des recours en justice lorsque les parties sont engagées dans une procédure de résolution des différends. Il serait important d’évaluer les implications d’un tel changement pour éviter toute conséquence inattendue sur les autres parties, y compris les professionnels de la construction et les sous-traitants.

Rôle du fournisseur de la garantie dans la résolution des différends

De nombreuses personnes ont mentionné les problèmes généralement associés à la procédure de résolution des différends. Ce point de rencontre entre le propriétaire du logement neuf et le système de garantie ‒ lorsqu’on n’arrive pas à résoudre un différend entre un propriétaire et un constructeur, et que Tarion entre en scène ‒ est particulièrement litigieux. La procédure de résolution des différends qui a cours aujourd’hui n’est pas aussi accessible et efficace qu’elle pourrait l’être.  

Certains propriétaires et constructeurs ont fait part de leur frustration devant l’actuelle procédure de résolution des différends. Les problèmes qui surviennent découlent souvent d’un manque de compréhension, de la part des propriétaires comme des constructeurs, de ce qui est couvert par la garantie. Dans certains cas, des problèmes surviennent en raison du manque d’information sur les obligations du propriétaire pour l’entretien de sa propriété. Dans d’autres cas, il y a différence entre les attentes du propriétaire du logement et celles du constructeur quant à ce qui devrait être fait et dans quels délais. Et parfois, l’évaluation d’un expert tôt dans le processus aurait pu atténuer le conflit et permis d’en arriver à une solution beaucoup plus tôt.

La procédure de résolution des différends prévue dans la Loi a été mise en place pour les cas où la seule avenue possible pour un propriétaire de logement neuf est d’intenter des recours. Dans la Loi, la procédure de résolution des différends est appelée « conciliation ». D’autres dispositions de la Loi disent clairement que l’intention est que les parties à un différend puissent avoir accès à la conciliation avant que des recours soient entrepris devant les tribunaux. Cette procédure avait été créée pour faciliter la vue aux propriétaires et leur éviter de devoir déposer des poursuites.

Le fait de qualifier la résolution des différends de « conciliation » était dans doute correct lorsque cette procédure est entrée en vigueur, mais cela constitue un mot bien mal choisi pour la pratique qui a cours aujourd’hui et qui s’apparente davantage à un arbitrage qu’à une véritable conciliation. Le sens courant du terme « conciliation » est une démarche qui aide les parties à parvenir par elles-mêmes à une solution. À l’heure actuelle, chez Tarion, la « conciliation » est devenue une procédure d’arbitrage.

À diverses étapes de la procédure, le propriétaire percevra Tarion comme un allié, comme un organisme qui se porte à sa défense ou comme un inspecteur neutre, mais, à un certain moment, pourrait aussi voir l’organisme comme l’allié du constructeur, celui qui le défend ou qui le favorise. Certains constructeurs ont la perception inverse et disent se sentir pressés d’effectuer des travaux de réparation pour des problèmes non couverts par la garantie, et estiment que Tarion était motivée, lors de telles décisions, par la nécessité de parvenir à un règlement pour des raisons externes. Dans un cas comme dans l’autre, on demande au propriétaire et au constructeur d’accepter le fait qu’en bout de ligne, Tarion rendra une décision contraignante de manière neutre et non biaisée.

Cette situation et d’autres problèmes ont été exposés en détail par Mme Chornenki dans son rapport, Tarion Warranty Corporation: Independent Dispute Resolution Review – 2015footnote 1 . Mme Chornenki formule des recommandations positives pour l’amélioration de la procédure actuelle de résolution des différends. Bien que je recommande que l’arbitrage soit une démarche approfondie et indépendante des fournisseurs de la garantie, les problèmes établis précédemment devront quand même être résolus. Les nouveaux fournisseurs de la garantie devraient tenir compte de ces recommandations au moment de concevoir leur propre procédure de résolution des différends.

La procédure de résolution des différends que j’envisage aurait comme fonction, pour le fournisseur de la garantie, d’aider le propriétaire et le constructeur à résoudre leur différend directement. Il s’agirait là d’un aspect fondamental de la procédure de résolution des différends : une procédure de « facilitation » qui aiderait propriétaires et constructeurs à s’entendre. Dans le contexte des assurances, l’expert en sinistres peut assumer les fonctions de « facilitateur ». Cette responsabilité peut aussi échoir à toute autre personne dont les responsabilités supposent, entre autres, d’aider les propriétaires et les constructeurs à détecter les vices de construction et à voir comment y mettre un terme.

Dans les recommandations 19 et 20 de mon Rapport final sur le Système de règlement des différends de l’assurance-automobile en Ontario, que j’ai remis au gouvernementfootnote 2, je recommandais que « chaque assureur [établisse] un processus d’examen interne et [soit] tenu d’informer le demandeur sur la façon d’y avoir recours à la suite du refus d’une demande d’indemnité ». Dans le même rapport, je recommandais aussi que « chaque assureur [détermine] la façon dont son processus d’examen interne sera structuré, mais devra fournir au demandeur une réponse par écrit indiquant le résultat de l’examen et les raisons de la décision de la compagnie dans les 30 jours suivant la signification de la demande ».

Les fournisseurs de la garantie des logements neufs devraient faire l’objet d’attentes similaires et disposer eux aussi d’un processus d’examen interne en cas de refus de la couverture en vertu de la garantie. Dans le secteur de l’assurance, à l’heure actuelle, lorsqu’une garantie est offerte dans le cadre d’un produit d’assurance, les compagnies d’assurance peuvent avoir recours à des processus de résolution des différends qui diffèrent d’une à l’autre. Toutes sont cependant dans l’obligation de faire part de leur décision à un propriétaire dans un délai prescrit. Avec un nouveau modèle à multiples fournisseurs de la garantie, la réglementation pourrait imposer certaines obligations telles que des limites de temps pour informer un propriétaire d’une décision et des raisons justifiant la décision touchant la réclamation au titre de la garantie.

Le fournisseur de la garantie pourrait avoir recours aux services d’experts indépendants pour aider les parties. Il est raisonnable de conclure que plusieurs réclamations continueront d’être réglées efficacement, sans recours à l’arbitrage d’un tiers. Le fournisseur de la garantie, qui agira comme facilitateur, aiderait à des échanges constructifs entre le propriétaire du logement neuf et le constructeur et, à cette étape, ne serait pas nécessairement engagé directement dans le différend.  

Si le propriétaire et le constructeur n’arrivent pas à trouver une solution, le fournisseur de la garantie interviendrait et jouerait le rôle de l’expert en sinistres, évaluerait la réclamation, prendrait une décision et, si la réclamation est couverte par la garantie, ferait en sorte que les travaux soient réalisés. C’est alors à cette étape, lorsqu’une réclamation est jugée non admissible à la garantie ou qu’un propriétaire n’est pas d’accord avec les mesures correctives ou les réparations proposées, que le propriétaire aurait le droit de demander que la question soit entendue par un arbitre indépendant.  

Il pourrait être nécessaire d’imposer des délais qui pourraient s’appliquer, par exemple, pour soumettre des réclamations ou pour effectuer les réparations. Il pourrait alors être du ressort du gouvernement et de l’organisme de réglementation du secteur de l’assurance d’établir des attentes et des exigences minimales.  

Des procédures souples et accessibles

Je recommande une procédure souple, qui permettrait un recours à divers moyens en fonction de la nature et de la valeur en dollars de la réclamation en cause. Une telle approche permettrait une réponse proportionnelle à la valeur en dollars et à la complexité des différends à dénouer. Des lignes directrices pourraient être élaborées pour soutenir l’arbitre, notamment la possibilité d’établir des limites de valeur en dollars en vertu desquelles, par défaut, une audience sur pièces serait possiblefootnote 3. Les règles pourraient exiger, par exemple, des audiences en personne pour les réclamations touchant des vices de construction majeurs, mais permettraient aussi des audiences sur pièces pour les différends au cours de la première année.  

En vue de favoriser des audiences efficaces, tenues dans des délais raisonnables, des attentes précises quant aux temps d’audience et à la durée des procédures devraient être précisées dans les lignes directrices.

Les procédures d’arbitrage doivent être accessibles pour les propriétaires. Une mesure susceptible de favoriser l’accessibilité consisterait par exemple à tenir l’audience dans le logement en cause. Les représentants sur le terrain de Tarion se rendent déjà dans les logements au besoin. Dans le monde de demain, les évaluateurs des fournisseurs de la garantie, les experts en sinistres et autres pourraient être présents à la maison ou au logement concernés. On pourrait aussi se pencher sur la possibilité de permettre à l’arbitre de décider où tenir l’audience, y compris dans le logement concerné.  

Coûts de la procédure d’arbitrage et demandes d’arbitrage individuelles

Ma recommandation est que les frais administratifs de décisions individuelles, y compris les coûts pour les experts, continuent d’être financés avec un coût minimal pour le propriétaire, comme c’est le cas à l’heure actuelle. La procédure de résolution des différends de Tarion impose des coûts administratifs limités au propriétaire d’un logement neuf pour amorcer la procédure. Il n’en coûte rien toutefois pour déposer une réclamation au titre de la garantie, mais des frais de 250 $ sont exigés pour demander une inspection de conciliation (ce montant peut être remboursé si au moins un des points faisant l’objet d’une réclamation est jugé garanti). Le coût pour porter une décision en appel devant le TAMP est de 100 $, non remboursables. Il s’agit d’un montant raisonnable pour le propriétaire et il permet d’enclencher les procédures de résolution du différend. Une approche similaire devrait être adoptée dans un nouveau système d’arbitrage.  

Pour le propriétaire, les coûts d’une réclamation et de l’arbitrage devraient continuer de se limiter à des frais administratifs qui ne sont pas trop élevés. Les règles devraient permettre l’imposition de frais administratifs raisonnables à diverses étapes de la procédure d’arbitrage, y compris, par exemple, des droits initiaux de dépôt, des frais de préaudience et des frais d’audience.  

Conformément aux règles propres aux tribunaux d’arbitrage similaires qui entendent les appels de décisions administratives, on ne devrait accorder de dépens à l’encontre d’un propriétaire qu’en des circonstances exceptionnelles.

Pour l’affectation des coûts lors d’audiences en arbitrage avec des associations condominiales, plusieurs règles pourraient s’appliquer. Dans certains cas, tout au moins, les associations condominiales sont en meilleure position financière pour retenir les services d’experts et en assumer les coûts.

Il serait également important d’envisager le financement des frais administratifs de base liés aux procédures d’arbitrage, comme cela se fait dans le cadre du Programme d’arbitrage pour les véhicules automobiles du Canada (PAVAC), un programmefootnote 4 pour lequel les coûts sont financés par les fabricants participants. Dans notre cas, les bailleurs de fonds seraient les fournisseurs de garantie participants.

Fardeau de la preuve

On constate à l’heure actuelle une grande ambiguïté relativement au fardeau de la preuve. Des précisions en ce sens doivent être incluses dans le texte de loi. Le propriétaire n’est pas expert technique et doit se fier au constructeur pour mener à bien les tâches prévues dans son contrat, pour l’embauche d’ouvriers compétents et pour veiller à ce qu’une surveillance adéquate soit en place pour assurer un travail de qualité. Le propriétaire d’un logement neuf achète un produit fini et on ne devrait pas attendre de lui qu’il possède l’expertise nécessaire pour évaluer s’il y a effectivement vice de construction, même si on lui offre la possibilité de procéder à une « inspection ». En conséquence, le mieux que le propriétaire d’un logement neuf puisse faire est de fournir une preuve crédible des symptômes qu’il vit ou qu’il constate. Un propriétaire constatera les symptômes, mais on ne doit pas attendre qu’il en démontre la cause.  

Un demandeur pourrait devoir fournir les documents justificatifs nécessaires pour décrire les symptômes qu’il subit ou observe et, au besoin, y ajouter des photos ou d’autres éléments de mesure. Dans le cas de symptômes intermittents ou de symptômes difficiles à observer, des délais supplémentaires ou la contribution d’experts pourraient être nécessaires.  

On pourrait demander aux propriétaires s’ils ont pris connaissance de ce qui est couvert par la garantie et s’ils ont bien lu la définition de ce qui constitue un vice majeur. On pourrait leur demander s’ils croient qu’il y a eu effectivement des dommages matériels à une ou plusieurs des parties de leur logement, ou s’ils croient que celui-ci n’est plus sûr ou plus habitable. Pour les symptômes, on s’attendra à ce que le propriétaire se montre précis et fournisse des photos et d’autres preuves matérielles, lorsqu’elles sont disponibles. On devrait leur demander également de noter quand les symptômes ont été constatés pour la première fois, et à quelle fréquence ils sont constatés.

Recours à des experts


Notes en bas de page