Pour qu'une culture de soya produise des rendements élevés, il lui faut une quantité considérable d'azote (N), soit entre 200 et 300 lb/ac. La capacité du soya à fixer l'azote et l'azote résiduel dans le sol ne suffisent pas toujours à combler les besoins en azote du soya qui produit plus de 70 boisseaux/ac. Est-ce que les applications d'azote faites pendant la pleine saison (au début de la formation des gousses) augmente de manière significative le rendement du soya?

Dans le passé, on n'appliquait pas d'engrais azoté sur les cultures de soya. Jusqu'à 75 % des besoins totaux en azote du soya sont comblés par la capacité biologique de cette culture à fixer l'azote grâce aux nodules racinaires. Il existe une symbiose entre ces nodules et les bactéries du genre Rhizobium. En échange de l'azote, la plante offre aux bactéries des hydrates de carbone, des minéraux et un milieu de croissance protégé. Il se peut toutefois que la fixation biologique de l'azote ne suffise pas à combler la demande élevée d'azote d'une culture de soya exceptionnelle. La photo 1 montre une feuille de soya carencée en azote, comme on en trouve souvent dans bien des champs de l'Ontario.

Un certain nombre d'études ont été menées sur les apports additionnels d'azote. Ces études se concentraient sur le moment des applications, les produits azotés et les doses, afin de déterminer si le soya profite d'une quelconque façon d'épandages d'azote.

 

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Photo 1. À gauche - Feuille trifoliée de soya dont la teinte vert pâle trahit une carence en azote.
À droite - Feuille trifoliée de soya saine ne présentant aucun symptôme de carence en azote.

Application d'azote en présemis

Aucune étude ne démontre que l'azote appliqué avant les semis ou comme engrais de démarrage procure une amélioration des rendements. Des recherches menées aux États-Unis et en Ontario montrent qu'en dépit de possibles gains de rendement, ceux-ci sont généralement faibles (moins de 2 boisseaux/ac), inégaux et insuffisants pour augmenter les profits. Les gains de rendement varient beaucoup d'une année à l'autre, les applications faites par temps frais et pluvieux étant les plus à même de se traduire par des gains de rendement. Les gains de rendement les plus constants sont observés sous des conditions de croissance très mauvaises, en présence de sols pauvres en matière organique et de faibles concentrations d'azote organique, de même qu'en présence de conditions peu favorables à la formation de nodules. Sous des conditions de croissance normales, les applications n'apportent habituellement aucun gain de rendement mesurable.

Application d'azote avant les semis de soya succédant à une première récolte

L'azote appliqué tardivement parce que le soya succède à une première récolte peut procurer un gain de rendement (tableau 1).

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Tableau 1 - Réaction du soya en termes de rendement à des apports d'azote pour différentes densités de peuplement.
Source : David Hooker, Université de Guelph, Ridgetown.

Dans ce cas précis, un apport d'azote stimule la croissance du soya en début de saison, ce qui peut aider la plante à regagner le temps perdu en début de saison. En 2012, les gains de rendement ont atteint jusqu'à 3,4 boisseaux/ac lorsque l'azote était appliqué dans le soya succédant à une récolte. Toutefois, sans apport d'azote, un taux de semis accru a donné le même résultat. Des recherches sont en cours sur les pratiques de gestion optimales applicables au soya semé tardivement.

Application en pleine saison (au début de la formation des gousses)

C'est lorsque les semences se développent que la demande en azote est la plus grande. Cette période de l'année coïncide avec l'épuisement des réserves d'azote dans le sol et le ralentissement de la fixation de l'azote. C'est sans doute un bon moment pour effectuer les apports d'azote dans le soya, surtout si les attentes sont grandes quant au rendement. Au cours d'essais menés au Kansas à la fin des années 1990, on a obtenu des augmentations de rendement de 6,9 boisseaux/ac avec l'application de 20-40 lb de N/ac au stade R3 (Wesley et collab.,1998). Toutefois, les gains de rendement n'ont été réalisés que dans les champs qui étaient irrigués et où les rendements dépassaient 55 boisseaux/ac. Ces résultats ont suscité un nouvel intérêt les applications d'azote dans le soya et ont été le point de départ d'un grand nombre d'études. Malheureusement, une étude subséquente (tableau 2) menée dans les États du Midwest américain a révélé des résultats inégaux en conditions réelles.

Dans le cadre des essais SMART qui ont été menés en Ontario sur le soya, on a fait des applications foliaires d'azote durant les stades de reproduction qui coïncidaient avec l'application d'un fongicide (R3). Les applications foliaires étaient constituées d'un engrais azoté à libération lente, à raison de 6 L/ac, mélangé à un fongicide. Au cours de ces essais, on a aussi épandu en pleine surface au moment des semis 50 lb d'azote sous forme d'azote ESN et de sulfate d'ammonium. Les faibles gains de rendement de l'ordre de 2 à 3 boisseaux/ac ont été décevants. Ils ne représentaient aucun avantage économique.

En fin de compte

Les applications d'engrais azoté dans des champs de soya normaux n'ont pas procuré de gains de rendement constants. La fixation biologique de l'azote comble la majeure partie des besoins en azote du soya, sauf si la composition du sol limite la formation de nodules. Il ressort des études que les champs de soya très productifs (rendements supérieurs à 70 boisseaux/ac) peuvent bénéficier d'apports supplémentaires d'azote, mais, dans les faits, le nombre de champs qui procurent de tels rendements est limité (F. Salvagiotti et collab.). Indépendamment du moment où se fait l'application, l'expérience démontre que le gain de rendement est faible, sinon inexistant. Les applications d'azote ne sont donc pas recommandées sous des conditions normales, ni en présemis ni en pleine saison.

L'application d'un engrais azoté commercial est un moyen coûteux de suppléer à la fixation biologique de l'azote. Font exception, certains cas où les apports d'azote commercial tombent sous le sens, notamment la première année d'une culture de soya, alors que la nodulation n'est pas satisfaisante. Les champs qui procurent des rendements supérieurs à 70 boisseaux/ac méritent une analyse plus poussée. La meilleure stratégie dans la production normale de soya, pour s'assurer que la culture ait accès à suffisamment d'azote, consiste à inoculer les semences avant la mise en terre. Des essais menés en Ontario montrent un gain de rendement de 1,2 boisseau/ac avec l'utilisation de semence traitée avec un inoculant.

Application d'azoteRendement en grainesTeneur
en protéines des graines
Teneur en huile des grainesPrélèvement d'azote
 
boisseaux/ac
%
%
lb/ac
Parcelle témoin
49,4
37,2
19,6
154
Épandage d'urée en pleine surface (juillet)
50,3
37,0
19,6
155

Épandage d'urée avec incorporation (juillet)
50,3
37,4
19,6
157

Épandage en pleine surface d'urée enrobée d'un polymère (juillet)
51,0
37,4
19,5
159

Épandage d'urée enrobée d'un polymère avec incorporation (juillet)
50,3
37,5
19,5
157
Épandage d'urée en pleine surface (août)
50,3
37,6
19,5
158
Caractère significatif(0,05)
NS
Sign.
NS
Sign.
Les épandages en juillet se font dans la troisième semaine du mois, au stade R2. Les épandages en août se font dans la deuxième semaine du mois, aux stades R4 et R5. L'incorporation se fait à une profondeur de 15 cm. Un épandage en pleine surface se fait sur le feuillage, sans incorporation. Tous les épandages d'azote se font à raison de 75 lb de N/ac. University of Minnesota.

Tableau 2. Effet d'épandages d'engrais azoté en pleine saison sur du soya, observé sur 12 parcelles d'essai-années au Minnesota, en 1998-1999. Adaptation d'un tableau de Schmitt et collab., 2001.