Aperçu

Les traitements de semences insecticides protègent efficacement les grandes cultures contre les insectes terricoles. Depuis que cette technique s'est répandue, on l'emploie de moins en moins à titre correctif et de plus en plus de façon préventive. Il en résulte un accroissement du risque d'exposition des organismes non ciblés.

Ce nouveau mode d'utilisation des traitements de semences insecticides fait en sorte qu'il est plus nécessaire que jamais de rétablir des stratégies de lutte intégrée dans les grandes cultures, où ces traitements viseront uniquement les champs considérés à risque d'une infestation de ravageurs terricoles.

La lutte intégrée s'appuie sur toutes les pratiques et techniques connues et vise à maintenir les populations de ravageurs sous un certain seuil économiquement viable tout en limitant les effets sur l'environnement. Dès les premières étapes de cette démarche, il faut bien comprendre chaque espèce de ravageurs, son cycle biologique et ses effets sur les cultures. Il faut également effectuer un dépistage pour évaluer les risques liés à ces ravageurs et pour pouvoir planifier adéquatement les mesures préventives et culturales dans le temps.

Facteurs d’accroissement du risque

Certains facteurs font que certains champs sont plus exposés aux ravageurs terricoles que d'autres : type de sol, cultures précédentes et rotations, méthode de lutte contre les mauvaises herbes avant les semis et pratiques de gestion des éléments nutritifs. Par exemple, les vers fil-de-fer sont fortement attirés par les sols sablonneux ou limoneux où l’on a souvent une rotation de graminées (céréales, fourrages mixtes, graminées adventices) ou là où il y a eu des cultures de canola ou de certains légumes (carotte, betterave sucrière, pomme de terre), et c'est là qu'ils survivent le mieux.

Les risques sont également élevés dans les champs mis en culture dans les deux années suivant un gazon ou un pâturage. Les risques sont moindres là où ces facteurs sont absents. De même, certains facteurs rendent les champs plus vulnérables à d'autres insectes terricoles comme les vers blancs, la mouche des semis et le ver-gris noir, entre autres. Dans les champs qui ne répondent pas à ces critères, le risque est moins important, et on n'aura pas besoin de semences traitées avec des insecticides chaque année.

Dépistage et confirmation

Le dépistage est toujours la meilleure méthode pour évaluer le risque réel dans une culture donnée. Le dépistage d'automne permet de prévoir les infestations printanières de vers fil-de-fer et de vers blancs parce que les populations présentes en automne seront également présentes au printemps. Cette pratique est recommandée même là où il y a déjà eu des infestations de ces deux types de ravageurs.

Les néonicotinoïdes employés pour le traitement des semences ne permettent pas de maîtriser les populations de vers fil-de-fer ou de vers blancs; cependant, lorsque ceux-ci s'attaquent à la semence ou à la plantule ainsi traitée, ces produits les intoxiquent et les empêchent de se nourrir assez longtemps pour permettre aux jeunes plants de s'établir. L'insecticide ne réduit pas les populations de ravageurs et on peut devoir employer la dose maximale si les conditions sont très propices à leur accroissement la même année. Si les populations de ravageurs sont nombreuses, on peut également devoir recourir à d'autres méthodes culturales comme le travail du sol ou l'ajustement des dates des semis pour réduire les risques de dommages aux cultures.

Les évaluations printanières permettent de déterminer quel a été l'effet des conditions hivernales et du début du printemps sur les ravageurs précoces. Les hivers rigoureux peuvent avoir un effet prononcé sur la chrysomèle du haricot, par exemple, alors que les vers blancs hibernent sous la ligne de gel où ils sont bien protégés des fortes fluctuations de température. Le printemps est également le meilleur moment pour effectuer le dépistage des ravageurs qui passent l'hiver aux États-Unis et qui arrivent dans nos régions au début du printemps (comme le ver-gris noir).

Le dépistage effectué avant les semis permet au producteur de savoir quels sont les facteurs qui ont accru les risques liés aux ravageurs. Il peut alors mettre en œuvre des mesures culturales supplémentaires ou prendre certaines décisions afin de mieux cibler l'utilisation des traitements de semences insecticides. Dans les champs où les principaux ravageurs terricoles représentent un risque faible, on peut employer des semences traitées uniquement avec des fongicides, car les pertes dues aux insectes terricoles devraient être faibles ou inexistantes.

La présente fiche technique porte sur l'utilisation d'appâts pour la détection des populations de vers fil-de-fer et sur l'évaluation des populations de vers blancs et de certains des principaux ravageurs rhizophages présents dans le sol. On trouvera d'autres informations sur le dépistage des autres insectes terricoles dans le guide des ravageurs de débuts de saison dans les grandes cultures, Guide to Early Season Field Crop Pests (en anglais seulement).

Appâts à vers fil-de-fer

Comme les vers fil-de-fer (larves de taupin) peuvent vivre jusqu’à six ans dans le même champ, les appâts constituent la méthode idéale pour leur surveillance. Il est facile de les mettre en place; il suffit d'une pelle, d'un thermomètre de sol, d'un sac de farine, d'une tasse à mesurer et de fanions.

En automne ou au printemps, lorsque le sol est humide et que les températures sont juste au-dessus de 10°Cfootnote *, placer deux pièges dans chaque zone à risque du champ. Les zones à risque sont les buttes sablonneuses ou limoneuses, les surfaces où poussent des graminées adventices et les endroits où l’on a remarqué des manques dans les cultures. Plus les appâts sont nombreux, plus l'évaluation sera précise.

Pour chaque appât, creuser un trou d'une profondeur et d'une largeur d'environ 15 cm (6 po), et y verser une tasse de farine tout usage (figure 1). Enterrer l'appât en brisant les mottes et faire un tas de terre pour éviter la formation d'une flaque d'eau. Placer un fanion pour faciliter le repérage de l'appât. Revenir sept jours plus tard et déterrer l'appât pour évaluer la présence des les vers fil-de-fer.

Appât déversé dans un petit trou à partir d’une tasse à mesurer
Figure 1. Mise en place d'un piège à vers fil-de-fer.

Seuil d'intervention : La présence d’un ver fil-de-fer indique qu’il est nécessaire d’utiliser un traitement insecticide des semences. On peut aussi trouver des mille-pattes dans les appâts.

Identifications des vers fil-de-fer et des mille-pattes

Ces appâts peuvent attirer à la fois des vers fil-de-fer et des mille-pattes. Il faut bien identifier ces deux ravageurs parce que les traitements des semences insecticides ne les protègent que contre les vers fil-de-fer et non contre les mille-pattes.

Les vers fil-de-fer (larves de taupin) ont un corps dur, cylindrique, légèrement luisant et de couleur cuivrée, et une tête aplatie caractéristique (figure 2). Les larves fraîchement écloses sont blanches et molles, puis elles deviennent dures et acquièrent une teinte cuivrée. Les vers fil-de-fer n'ont que trois paires de pattes sur la partie antérieure de leur corps.

Larve du ver fil-de-fer
Figure 2. Larve du ver fil-de-fer.

Les mille-pattes ont un corps dur et cylindrique, et leur couleur va du brun rougeâtre foncé au gris-noir (figure 3). Ce ne sont pas des insectes, mais des arthropodes, et ils ont un grand nombre de pattes courtes, soit deux paires par segment. Les mille-pattes immatures sont de couleur jaune blanchâtre et ont moins de pattes que les adultes. Les adultes et les immatures s'enroulent sur eux-mêmes lorsqu'on les dérange. Les uns comme les autres peuvent se nourrir des semences et des plantules.

Mille-pattes mature
Figure 3. Mille-pattes mature.

Prise d'échantillons et évaluation visuelle

Dépistage d’automne

L'évaluation des populations de vers blancs et de vers fil-de-fer peut être effectuée en automne après la récolte, avant que le sol ne gèle. Les populations qui sont présentes en automne sont celles qui seront également présentes au printemps, au moment des semis.

Commencer le dépistage dans les parties du champ qui sont les plus à risque, notamment sur les buttes sablonneuses ou limoneuses, au voisinage des haies d'arbres, là où il y a des mauvaises herbes et aux endroits où, dans le passé, il y avait des manques dans la culture.

À l'aide d'une pelle ou d'un transplantoir, prélever un carré de sol d'environ 30 cm de côté (1 pi2) et d'une profondeur de 7 à 10 cm (3 à 4 po) dans au moins cinq secteurs du champ. Examiner l'échantillon de sol à la main en brisant les mottes et compter les insectes qui s'y trouvent. Rechercher les racines sectionnées ou tout autre signe de dommages causés aux jeunes plantules par les larves qui se nourrissent, à la fois dans le sol et sur le sol. Trier et compter les insectes présents.

Prise d’échantillons et évaluation visuelle
Figure 4. Prise d’échantillons et évaluation visuelle.

On peut trouver de l’information sur l’identification de tous les ravageurs terricoles de début de saison ainsi que sur les seuils d’intervention dans le Guide to Early Season Field Crop Pests et le Guide agronomique des grandes cultures.

Dépistage de printemps

Au moment du dépistage de printemps, d'autres insectes et ravageurs peuvent être présents : mouche des semis, ver-gris noir et autres vers-gris, chrysomèle du haricot, limaces, etc. Suivre la même procédure que pour le dépistage d'automne. Si la culture a déjà été ensemencée, trouver des parties du champ où le peuplement présente des manques ou où les jeunes pousses sont flétries. Dans le rang, déterrer le premier jeune plant survivant pour vérifier si des ravageurs sont présents sur ses racines.

Pour obtenir de l'aide en vue de l'identification, prendre une photo haute résolution du ravageur avec une bonne mise au point ou placer l’insecte dans un flacon d’alcool ou de désinfectant pour les mains et envoyer le tout à un agronome ou un spécialiste des ravageurs au ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario (MAAARO). On peut aussi faire parvenir les échantillons à l’adresse suivante :

Université de Guelph
Division des services de laboratoire - Clinique de diagnostic phytosanitaire
95, chemin Stone Ouest
Guelph (Ontario) N1H 8J7
Tél. : 519 767-6299
Téléc. : 519 767-6240