Introduction

Les plants de pommes de terre peuvent être endommagés par des concentrations élevées de divers polluants en suspension dans l'air. Dans le milieu des années 1960, on avait déjà remarqué en Ontario les méfaits de la pollution de l'air sur des pommes de terre. La face inférieure des feuilles et, parfois, la face supérieure étaient piquetées de noir (mouchetures). Les dommages peuvent aller de simples altérations du feuillage à la destruction complète du plant. L'exposition à la pollution de l'air peut en outre réduire la croissance et le rendement. L'apparition des lésions et leur gravité sont fonction d'un certain nombre de facteurs, à savoir la concentration des polluants, les conditions environnementales, le stade de croissance des plantes, la sensibilité du cultivar et la santé globale des plantes.

 

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Figure 1. Feuilles de pommes de terre piquetées de noir, symptôme couramment observé depuis le milieu des années 1960. Hamilton, Ontario.

 

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Figure 2. Feuilles du cultivar Atlantic atteintes de chlorose et de nécrose internervaire après exposition aux polluants de l'air. Shrigley, Ontario.

Lorsque les conditions atmosphériques décrites ci-dessous existent simultanément, les polluants s'accumulent dans l'air à des taux qui deviennent néfastes.

  1. Un taux d'ozone atmosphérique supérieur à 0,08 ppm durant quatre ou cinq heures ou à 0,07 ppm durant une journée ou deux suffit d'ordinaire pour blesser le feuillage exposé lorsque les plantes sont à un stade sensible de leur croissance.
  2. Des taux élevés de gaz d'échappement endommagent les pommes de terre. Il n'est pas rare de constater des dommages sur les cultures situées à proximité de l'autoroute 400, au lendemain d'une fin de semaine où la circulation a été intense.
  3. Atmosphère humide, ciel nuageux ou couvert, brume et vent presque nul favorisent une forte concentration des polluants au ras du sol et dans les dépressions du terrain. Un indice de pollution élevé à Toronto et à Hamilton est un bon indicateur de l'existence de ce genre de conditions.
  4. Le brouillard et la rosée abondante contribuent souvent aux dommages causés par la pollution de l'air.

 

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Figure 3. Sénescence prématurée d'un cultivar sensible (Yukon Gold); champ de pommes de terre après exposition aux polluants de l'air. Primrose, Ontario.

 

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Figure 4. Grave dépérissement de la bordure des feuilles et enroulement des feuilles (le plant de droite, non mûr, n'est pas sensible). Cochrane, Ontario.

Soumis à ce genre de conditions atmosphériques défavorables, le feuillage des pommes de terre ne manifeste pas toujours des symptômes nets de dommages, mais on peut remarquer un léger jaunissement de la plantation et une maturité précoce de la culture.

Le stade de développement du plant est aussi un facteur déterminant de la sensibilité à la pollution de l'air. Au stade végétatif, les pommes de terre risquent peu d'être endommagées alors que, pendant la tubérisation, elles sont très sensibles. Les stress possibles, comme une tubérisation intense, une mauvaise nutrition, un manque d'humidité ou la maladie, augmentent la sensibilité des plants à des concentrations élevées de polluants, et par conséquent l'étendue des dommages subis. Les plants soumis à un stress pendant la tubérisation risquent d'amorcer la maturité des tubercules déjà formés et de cesser toute formation de nouveaux tubercules. Selon le moment où il survient, le stress peut affecter gravement le rendement de la culture.

 

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Figure 5. Brûlure grave du cultivar Atlantic. Beeton, Ontario.

 

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Figure 6. Dépérissement soudain de plants Superior après exposition simultanée à différents polluants de l'air. Kearney, Ontario.

 

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Figure 7. Roussissement de la partie supérieure et enroulement des feuilles, caractéristiques des dégâts causés par la pollution de l'air. Honeywood, Ontario.

 

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Figure 8. Symptômes dus à la pluie acide sur le cultivar Trent, particulièrement sensible à ce type de pollution. Trout Creek.

La sensibilité des cultivars, principalement à l'égard de l'ozone, est un autre facteur clé dont dépend le risque de dommages. Certains cultivars sont génétiquement plus sensibles à l'ozone que d'autres; c'est la raison pour laquelle le cultivar Norland n'est presque plus cultivé dans le sud de l'Ontario. Le Jemseg, le Yukon Gold, l'Atlantic et le Shepody se sont également révélés très sensibles. Voici à ce sujet le tableau établi par le Dr A. McKeown de la station d'horticulture expérimentale de Simcoe :

Tableau 1. Sensibilité à la pollution de l'air des principaux cultivars de pommes de terre cultivés en Ontario
Cultivar*Sensibilité relative**
Transformation
Atlantic1,5
Kennebec1,0
Monona2,0
Norchip2,0
Shepody3,0
Superior1,5
Consommation en frais
Chieftain2,5
Conestoga2,0
Jemseg2,5
Norland5,0
Yukon Gold3,5

* Certains cultivars énumérés dans la colonne * Transformation + sont aussi utilisés pour le marché en frais.

** Échelle de 1 à 5; 1 = * résistant + (aucun symptôme); 5 = très sensible.

Remarque: Du fait de sa grande sensibilité, le cultivar Norland peut servir d'indicateur du taux d'ozone.

 

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Figure 9. Feuilles de pommes de terre piquetées de noir, altération caractéristique causée par l'ozone. Huntsville, Ontario.

 

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Figure 10. Les tâches brun rougeâtre qui s'étendent entre les nervures des feuilles de renouée persicaire ont été causées par le bioxyde de soufre. Blezard Valley, Ontario.

 

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Figure 11. Feuilles de pommes de terre endommagées par le bioxyde de soufre. Noter les tissus morts blancs ou décolorés. Blezard Valley, Ontario.

 

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Figure 12. À gauche, dégâts graves subis par le cultivar sensible après exposition à la pollution de l'air à la fin d'août. À droite, cultivar résistant qui a été défané chimiquement. Hornings Mills, Ontario.

 

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Figure 13. Plants de pommes de terre se remettant d'une exposition à la pollution de l'air survenue peu après la levée. Trout Creek, Ontario.

 

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Figure 14. Dégâts typiques dus à une exposition au nitrate de peroxyacétyle (PAN), donnant à la face inférieure des jeunes feuilles de pommes de terre une couleur bronze et un aspect vitrifié. Alliston, Ontario.

 

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Figure 15. La pollution de l'air peut aussi provoquer le bronzage des plantes. Powasson, Ontario.

 

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Figure 16. Les dégâts peuvent être plus graves d'un côté du plant que de l'autre. Noter le noircissement internervaire des feuilles du côté gauche de la plante. Enghehart, Ontario.

 

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Figure 17. L'enroulement des feuilles et la nécrose internervaire résultent souvent d'un contact avec les polluants de l'air. Moonbeam, Ontario.

 

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Figure 18. Les zones touchées dessèchent et, souvent, meurent dans les jours qui suivent l'exposition. North Bay, Ontario.

Les photos suivantes sont ajoutées dans le but de faciliter le diagnostic des dégâts causés par la pollution de l'air.

 

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Figure 19. Mildiou: taches foliaires brunes ou noires souvent auréolées de jaune pâle. On remarque parfois des amas duveteux de spores à la face inférieure des feuilles encore couvertes de rosée.

 

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Figure 20. Alternariose: taches nécrotiques brunes formées de cercles concentriques ressemblant à une cible.

 

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Figure 21. Les dégâts causés par la foudre dans un champ se reconnaissent en général à la forme circulaire ou elliptique de la zone endommagée. Au point d'impact, les tubercules sont cuits.

 

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Figure 22. Symptôme de chlorose internervaire causé par un herbicide, la métribuzine.

La pollution par les oxydants photochimiques peut causer le vieillissement prématuré ou la mort des plants de pommes de terre, processus qui commence par le jaunissement ou le bronzage du feuillage et le flétrissement prématuré des feuilles du bas. Les symptômes ressemblent à ceux qui accompagnent la sénescence et les troubles nutritionnels. Les dégâts infligés à la végétation par une atmosphère chargée d'oxydants peuvent s'étendre sur une vaste région géographique. Par exemple, la pollution de l'air qui a sévi durant la fin de semaine des 11 et 12 août 1990 a endommagé le feuillage des pommes de terre de Shelburne à Kapuskasing.

L'ozone, principal composant des oxydants, se forme par l'action du soleil sur les produits de la combustion des carburants et peut être transporté par le vent dans les zones de culture avoisinantes. Comme il a été dit plus haut, les symptômes varient en fonction de la concentration de l'ozone dans l'air et de la durée de l'exposition. L'ozone endommage les jeunes feuilles dès leur sortie. Les dégâts caractéristiques dus à l'ozone ne sont pas toujours reconnaissables lorsque les feuilles sont exposées à plusieurs polluants. Les dégâts diffèrent également selon les endroits de la province.

Les plants de pommes de terre sont relativement résistants au bioxyde de soufre. Cependant, lorsque ce polluant atteint des concentrations élevées, les plants peuvent se couvrir de taches nécrotiques, allant du brun clair au blanc, et donner un rendement inférieur. Il est possible de confirmer le diagnostic en observant les symptômes présentés par des plantes sensibles se trouvant à proximité, comme la luzerne, le soya, l'herbe à poux et la renouée. Le bioxyde de soufre est rejeté dans l'atmosphère par les fonderies et les centrales alimentées au charbon, et par les appareils qui brûlent du pétrole.

Les cultivars sensibles peuvent subir des pertes graves lorsqu'ils sont soumis à la pollution de l'air en début de développement.