Introduction

La gestion de la nutrition constitue l’une des plus importantes facettes de la production ovine. Les brebis qui sont nourries adéquatement sont plus fertiles et faciles à traire, et sèvrent davantage d’agneaux qui, à leur tour, connaissent une croissance plus rapide (figure 1).

Non seulement les brebis bien nourries sèvrent plus de livres d’agneau par année, mais elles sont aussi en meilleure santé et plus résistantes aux maladies que celles qui souffrent de stress nutritionnel. En réalité, bon nombre de problèmes de production auxquels font face les éleveurs d’ovins sont attribuables à une nutrition inadéquate plutôt qu’aux maladies.

De plus, les coûts liés à l’alimentation constituent la dépense d’exploitation la plus importante des élevages d’ovins en Ontario, comptant pour près de 41 % de l’ensemble des dépenses. La publication intitulée 2010 Ontario Sheep Enterprise Analysis Summary (portant sur 26 éleveurs représentant 10 % des troupeaux de la province) révèle que les coûts moyens liés à l’alimentation des 10 troupeaux les moins rentables se sont chiffrés à 106,70 $ par agneau élevé, alors que ceux des 10 troupeaux les plus rentables ont totalisé 69,00 $ par agneau (écart de 35 %)footnote 1.

Une gestion rigoureuse des aliments pour animaux peut avoir un effet réel sur le profit réalisé ou la perte subie pour chaque agneau vendu. Il est donc indispensable que les éleveurs évaluent les ressources alimentaires dont ils disposent et qu’ils les gèrent avec soin afin de maintenir une bonne nutrition de leurs brebis et d’assurer la rentabilité du troupeau.

Brebis se nourrissant de grains au sol.
Figure 1. Des brebis de race prolifique se nourrissent de grains complémentaires livrés dans le pâturage avec un chariot distributeur.

Élaboration d’un programme d’alimentation

Il est nécessaire de prendre en considération plusieurs éléments pour mettre au point un programme d’alimentation qui convient au troupeau.

Les éleveurs doivent collaborer étroitement avec leur nutritionniste à l’élaboration et à l’amélioration de leur programme d’alimentation, recueillir continuellement des données afin de déterminer si ce dernier donne de bons résultats, et tenir compte de leur programme d’alimentation lors de l’aménagement des installations.

Les étapes de l’élaboration d’un programme d’alimentation sont, entre autres, les suivantes :

  • comprendre l’évolution des besoins en éléments nutritifs au cours du cycle de production
  • faire analyser les aliments pour animaux
  • formuler les rations
  • évaluer l’état corporel des animaux
  • concevoir les installations destinées à l’alimentation

Évolution des besoins en éléments nutritifs au cours du cycle de production

Afin de gérer facilement et correctement les ovins selon leurs besoins respectifs, il est primordial de savoir en tout temps à quelle phase du cycle de production se situe chaque groupe de brebis.

Qu’importe le système de production (annuel ou accéléré), la rentabilité est principalement tributaire d’une alimentation adaptée au cycle de production et d’une réduction des coûts liés à l’alimentation en évitant de nourrir excessivement le troupeau.

Le cycle de production d’une brebis comporte généralement six grands stades de production :

  • l’entretien
  • l’alimentation intensive
  • la reproduction
  • le début de gestation
  • la fin de gestation
  • le début de lactationfootnote 2

À chacun de ces stades, les éleveurs doivent adapter la gestion et plus particulièrement l’alimentation pour que la production d’agneaux soit satisfaisante et, plus important encore, pour réaliser un bon profit sur la vente des agneaux de marché.

Du côté de l’alimentation, les besoins sont moindres durant l’entretien (période de tarissement) et en début de gestation. Ils sont toutefois plus grands en fin de gestation et pendant la lactation (notamment chez les brebis qui vivent une grossesse multiple et qui allaitent deux agneaux ou plus)footnote 2. La figure 2 montre l’évolution des besoins en éléments nutritifs à mesure qu’une brebis franchit les différents stades de production. L’emploi de techniques de reproduction appropriées incluant le contrôle de la durée des périodes de reproduction, et le recours à des programmes de synchronisation et aux échographies de gestation facilite la gestion du troupeau de brebis en tenant compte du stade de production.

Il est important de savoir que pour qu’un système de production accéléré donne les résultats attendus, la variabilité annuelle de l’état corporel des brebis élevées selon ce système doit être faible. Les brebis ne doivent subir qu’une perte minime de leur note d’état corporel pendant la lactation pour être en mesure de se reproduire à nouveau et de donner un bon rendement en ce qui concerne le nombre d’agneaux nés et sevrés, et le poids des agneaux sevrés lors du prochain agnelage.

Besoins approximatifs en énergie digestible quotidienne des brebis d’élevage aux divers stades de production, montrant les besoins nutritionnels relatifs variables des brebis au cours d’un cycle type de production.
Figure 2. Besoins approximatifs en énergie digestible quotidienne des brebis d’élevage de 65 à 70 kg (144 à 156 lb) aux divers stades de production, montrant les besoins nutritionnels relatifs variables des brebis au cours d’un cycle type de production. Adapté de NRC, 1985footnote 2.

Entretien (de la naissance à 16 semaines)

Les seuls besoins nutritionnels de l’animal sont ceux lui permettant de maintenir le poids corporel voulu. Aucune forme de production n’a lieu (c’est-à-dire que l’animal n’est pas en croissance, en lactation ou en gestation). Par conséquent, les besoins propres à tous les autres stades sont toujours plus élevés que ceux au stade de l’entretienfootnote 2.

La durée de l’entretien dépend du système de production, allant de quasi nulle dans le cas de certains programmes d’agnelage accélérés à 16 semaines dans le cas d’agnelages annuels.

Puisque les brebis ne font que maintenir leur poids, l’alimentation composée de grains n’est pas nécessaire pendant cette période.

Reproduction et alimentation intensive

L’alimentation intensive consiste à augmenter l’apport en éléments nutritifs et la note d’état corporel avant et durant la reproduction. Elle a pour but de stimuler l’ovulation et, par conséquent, le taux d’agnelagefootnote 2.

La réaction à l’alimentation intensive dépend de l’âge de la brebis (la réaction d’une brebis mature est plus grande que celle d’une brebis d’un an), de sa race, de son état corporel et du moment au cours de la période de reproductionfootnote 2. La réaction la plus marquée survient au début et à la fin de la période de reproduction; l’alimentation intensive contribue moins à augmenter le pourcentage d’agnelage durant le pic de la période de reproduction. L’alimentation intensive est surtout profitable aux brebis maigres qui n’ont pas encore récupéré du stress qu’elles ont subi lors de la lactation précédente.

Pendant l’alimentation intensive, l’éleveur fournit habituellement aux brebis de l’herbe fraîche, un fourrage récolté en complément ou jusqu’à 0,45 kg (1 lb) de grains par brebis selon le temps de l’année, la disponibilité du fourrage, la température et l’état corporel des brebis. L’alimentation complémentaire commence environ 2 semaines avant la reproduction et se poursuit au moins de 2 à 4 semaines après le début de la période de reproduction. L’éleveur s’assure, de cette façon, que l’embryon est bien fixé à la paroi utérine, réduisant du même coup la mortalité embryonnaire précocefootnote 2.

L’alimentation intensive ne doit pas se poursuivre trop longtemps, car elle est coûteuse et il faut éviter un état corporel supérieur à la moyenne pendant la gestation ainsi qu’une diminution radicale ou marquée de la quantité d’aliments ingérés.

En général, l’alimentation composée de grains est fournie en rations quotidiennes d’environ 0,23 à 0,45 kg (0,5 à 1 lb) par brebis.

Début de gestation (15 semaines)

Au début de la gestation, la croissance fœtale est minime dans la mesure où moins d’un quart de la croissance totale du fœtus se produit avant le 100e jourfootnote 3.

Dans ces conditions, les besoins alimentaires sont semblables à ceux au stade d’entretien, mais l’éleveur doit tout de même s’assurer de donner aux brebis une quantité quotidienne d’aliments un peu plus grande.

Une alimentation composée de grains est inhabituelle pendant ce stade, à moins que le fourrage soit exceptionnellement de mauvaise qualité ou que l’état corporel des brebis soit inférieur à la moyenne.

Fin de gestation (4 dernières semaines)

Outre la période de lactation, il s’agit du stade durant lequel les besoins en éléments nutritifs sont les plus grands en raison de la croissance fœtale et du développement d’un potentiel de production laitière abondante. Plus de 70 % de la croissance fœtale se produit durant les 6 dernières semaines de gestationfootnote 3. Une alimentation inadéquate pendant cette période entraîne des effets nuisibles sur la production de lait des brebis ainsi que sur le poids à la naissance, sur la vigueur et sur la capacité à survivre des agneauxfootnote 2. Pour obtenir un pourcentage d’agnelage moyen, il faut prévoir quotidiennement au moins 0,34 kg (0,75 lb) de grains par brebis, et cette quantité peut augmenter jusqu’à 0,68 à 0,79 kg (1,5 à 1,75 lb) pour un pourcentage d’agnelage supérieur à 200 %.

Lactation (6 à 12 semaines)

Les brebis en lactation atteignent généralement leur production maximale de lait de 3 à 5 semaines après l’agnelage, laquelle diminue ensuite jusqu’à un niveau minimal au-delà de la 12e semaine d’âge des agneauxfootnote 4. Une brebis qui allaite deux agnelets produit de 20 à 40 % plus de lait qu’une brebis qui n’en allaite qu’un seulfootnote 2.

Puisque la croissance de l’agneau est primordiale et qu’elle est tributaire de la production laitière de la brebis, il est essentiel de stimuler la production. Trop souvent, les brebis d’un troupeau ne consomment pas une quantité suffisante d’aliments pour le nombre d’agneaux qu’elles allaitent. Dans la majorité des cas, cela est attribuable au fait que les rations de grains qui leur sont servies au cours des 4 à 6 premières semaines de lactation sont inadéquates, provoquant non seulement une carence en énergie, mais surtout en protéines. Chez la brebis, la production de lait dépend de l’apport en éléments nutritifs, de la même façon que chez les bovins laitiers.

Les brebis qui allaitent un seul agneau et qui sont nourries avec du foin de moyenne à bonne qualité ont besoin d’environ 0,68 kg (1,5 lb) de grains par jour, alors que celles qui en allaitent deux peuvent avoir besoin de 0,90 kg (2 lb) de grains ou plus par jour.

Analyse des aliments pour animaux

L’étape initiale de mise au point d’un programme de nutrition consiste à déterminer les ressources alimentaires disponibles et leur teneur en éléments nutritifs. Les éléments nutritifs présents dans les aliments pour animaux varient considérablement d’une année à l’autre et d’un champ à l’autre.

C’est pourquoi il est essentiel de faire analyser les aliments avant d’élaborer un programme de nutrition adapté. Les nutritionnistes se servent des renseignements contenus dans les rapports d’analyse des aliments pour bien équilibrer les rations. En l’absence de tels renseignements, il se peut que les rations formulées contiennent des éléments nutritifs en excès qui sont coûteux et entraînent un gaspillage, ou des éléments nutritifs inappropriés qui sont susceptibles de diminuer la productivité et d’occasionner des problèmes de santé.

Les fiches techniques du MAAARO intitulées Effectuer un échantillon représentatif du fourrage et Explications des rapports d’analyse des aliments pour animaux fournissent d’autres renseignements à ce sujet.

Fourrages

Les fourrages, comme le foin, sont les sources de nourriture les plus variables dans l’exploitation agricole. Pour en évaluer la qualité, une analyse fouillée s’impose. La qualité du foin dépend de plusieurs facteurs, dont la composition des espèces végétales (% de graminées, % de légumineuses), le moment de la coupe (maturité) et la fertilité du sol.

L’étape de croissance est le principal déterminant des unités nutritives totales (UNT) qui est une indication de l’énergie, de la digestibilité et de la teneur en protéines. Les espèces ont également un certain effet, en particulier sur les protéines brutes (PB), et les légumineuses accroissent la teneur en PB.

La teneur en protéines brutes (% PB) du foin de graminées varie entre 17 % et 8 %, et sa teneur en unités nutritives totales (% UNT) se situe entre 65 % et 50 %. Le % PB de la luzerne varie de 20 % à 12 % et son % UNT se situe entre 66 % et 59 %. Ces valeurs diminuent à mesure que le moment de la coupe est retardé de la croissance végétative tardive à la maturité.

Étant donné que la qualité des fourrages est très variable, il est indispensable de faire analyser chaque année les aliments pour animaux. Il est recommandé de faire analyser les fourrages pour connaître au moins ce qui suit :

  • la digestibilité et l’énergie (par example UNT)
  • la teneur en protéines brutes
  • la valeur de la fibre au détergent acide (FDA)
  • la teneur en calcium
  • la teneur en phosphore
  • la teneur en magnésium
  • la teneur en potassium
  • possiblement la teneur en oligo-éléments (cuivre, manganèse et zinc)

Il est très important de prélever de bons échantillons du fourrage pour obtenir des résultats précis au terme de l’analyse. Les laboratoires d’analyse des aliments pour animaux fournissent habituellement la marche à suivre.

Céréales

Les céréales cultivées sur place doivent être analysées pour en évaluer la qualité nutritive et comparer celle-ci aux valeurs attendues (au livre), et pour y détecter la présence d’anomalies comme les mycotoxines. Des analyses fréquentes de la teneur énergétique et des ingrédients protéinés des aliments sont recommandées afin de proposer la meilleure formulation possible.

Formulation des rations

Une ration formulée convenablement procure au troupeau de brebis la quantité appropriée d’éléments nutritifs (énergie, protéines, minéraux, vitamines) en vue d’atteindre le niveau de production souhaité.

De façon générale, les éleveurs doivent donner du fourrage au troupeau pour rassasier ce dernier. Ils y ajoutent des grains afin d’obtenir la note d’état corporel voulu ainsi que du sel enrichi d’oligo-éléments ou un mélange minéral pour ovins.

Dans le cadre de l’élaboration d’un programme d’alimentation, il appartient aux éleveurs de déterminer si les aliments sont distribués sous forme de rations individuelles ou de rations totales mélangées (RTM). Ration totale mélangée pour l’alimentation de brebis fournit plus de renseignements à ce sujet.

Le National Research Council (NRC) publie des lignes directrices sur les besoins nutritionnels des animaux d’élevage à des étapes particulières de leur vie. Les nutritionnistes ont recours à ces lignes directrices et aux résultats des analyses d’aliments pour animaux afin de formuler des rations équilibrées qui satisfont les besoins nutritionnels du troupeau en tenant compte du stade de production de ce dernier. Les nutritionnistes chevronnés sont des ressources précieuses pour l’équipe soignante du troupeau. Il est d’ailleurs recommandé aux éleveurs de travailler en collaboration avec un nutritionniste à la mise au point et à l’adaptation continue de leur programme d’alimentation.

Évaluation de l’état corporel

Il arrive fréquemment que l’évaluation de l’état corporel soit négligée. Les éleveurs doivent pourtant connaître la note d’état corporel (NEC) de leur troupeau afin de déterminer comment les brebis réagissent à leur programme de nutrition. Dans la mesure où il est impossible d’évaluer correctement la NEC à l’œil nu, il faut recourir à une méthode pratique adaptée.

Les éleveurs doivent évaluer l’état corporel à différents stades de production (c’est-à-dire, reproduction, échographie, agnelage, sevrage) et enregistrer les notes obtenues. De cette façon, ils peuvent constater comment les brebis du troupeau réagissent aux aliments qu’elles consommentfootnote 5.

La NEC moyenne du troupeau au cours d’une phase particulière du cycle de production indique si les éléments nutritifs ingérés sont fournis en quantité suffisante, supérieure ou inférieure aux besoins du troupeau.

La NEC peut également être utile pour séparer le troupeau et nourrir les animaux en tenant compte de leur état corporelfootnote 5. Il est ainsi possible de s’occuper des brebis dont la NEC est inférieure à la cible au stade de production visé afin qu’elles atteignent la NEC voulue, et ce, sans gaspiller des ressources alimentaires en suralimentant les brebis dont la NEC est supérieure à la cible.

Installations destinées à l’alimentation

Des installations bien conçues pour nourrir le troupeau de brebis contribuent à l’alimentation de ce dernier.

Mangeoires

Il est important de prévoir dans les installations un espace d’alimentation de 40 à 46 cm (16 à 18 po) par brebis pour que toutes les brebis puissent manger en même temps. Grâce à ces espaces d’alimentation, toutes les brebis ont des chances égales de se nourrir. Lire les Systèmes de distribution des aliments pour les élevages ovins et Conception des mangeoires et systèmes d’alimentation économes en main-d’œuvre pour les ovins fournissent plus de renseignements à ce sujet.

Lorsque les installations sont dépourvues d’espaces d’alimentation appropriés, les brebis plus jeunes et de races plus prolifiques qui doivent consommer de plus grandes quantités d’aliments subissent une perte de leur état corporel et de leur productivité. Par conséquent, il se peut que les éleveurs aient besoin d’exclure peu à peu les brebis plus productives du troupeau en raison de leur incapacité à maintenir une NEC.

Eau

Le troupeau doit toujours disposer d’une source d’eau potable. Les éleveurs ontariens doivent penser à la façon dont ils s’y prendront pour assurer l’approvisionnement en eau durant l’hiver, puisque l’eau est particulièrement importante pour les brebis en lactation et les agneaux.

Les brebis en lactation ont besoin de plus d’eau pour produire du lait, alors que les brebis taries en ont besoin de moins et qu’il est possible de faire fondre de la neige pour leur en procurer.

Il est recommandé de fournir un pied carré de superficie d’eau pour 40 brebis. Les exigences en eau du bétail présente plus de renseignements à ce sujet.

Conclusion

Les coûts liés à l’alimentation constituent la principale dépense des élevages d’ovins en Ontario. Ils comptent pour 40 % de l’ensemble des dépenses, et l’utilisation efficace des ressources alimentaires peut faire la différence entre un troupeau rentable et non rentable!

Pour s’assurer que l’alimentation de leur troupeau est adaptée, les éleveurs doivent :

  • évaluer les stocks d’aliments pour animaux
  • faire analyser les aliments
  • formuler des rations en fonction de la production attendue
  • aménager des installations de distribution d’aliments et d’eau
  • déterminer à intervalles réguliers la NEC afin d’examiner la pertinence du programme de nutrition du troupeau

Chacune de ces étapes est essentielle et doit être suivie pour assurer la meilleure nutrition possible du troupeau de brebis.

La présente fiche technique a été rédigée initialement puis mise à jour par des spécialistes des moutons du MAAARO.