Conception des installations de manipulation ovines : tirer parti du comportement naturel des bêtes
Apprenez comment utiliser le comportement des moutons pour améliorer la conception des installations de transport, de manipulation et de capture des moutons. Ces renseignements techniques sont destinés aux producteurs commerciaux de moutons de l’Ontario.
ISSN 1198-712x, date de publication septembre 2014.
Introduction
Le producteur ovin qui connaît les comportements de ses animaux peut utiliser ses connaissances avantageusement dans tous les aspects de la production ovine et de la conduite de troupeau. Qu’il s’agisse d’aménager et d’utiliser des installations de manipulation et de tonte, de conduire le troupeau vers un nouveau pâturage ou d’attraper un animal donné, l’éleveur pourra exécuter la tâche de façon efficace et avec un minimum de stress s’il sait tirer parti des réactions naturelles des ovins.
Pour déplacer ou manipuler des moutons, il convient de garder à l’esprit les aspects suivants de leur éthologie :
- les moutons n’aiment pas être parqués dans un espace exigu; ils partiront vers un espace plus vaste dès qu’ils en auront la possibilité
- leur instinct grégaire les pousse à rejoindre des congénères
- ils s’enfuient à l’approche des êtres humains et des chiens
- ils ont une mémoire à long terme relativement bonne, surtout en ce qui concerne les expériences désagréables
- s’ils ont le choix, les moutons préfèrent avancer sur une surface plane plutôt que de monter sur un plan incliné, et ils montent plus facilement qu’ils ne descendent
- iIls préfèrent passer d’un endroit sombre à un endroit plus éclairé, mais ils évitent les contrastes de lumière si le changement est trop marqué
- ils circulent mieux dans des installations s’ils sont habitués aux trajets et au sens de circulation
- la vue d’autres moutons en train de se sauver donne envie de courir à ceux qui ne bougeaient pas
- Ils n’avancent plus ou cherchent à rebrousser chemin quand ils voient d’autres moutons passer en sens inverse.
- ils traversent plus rapidement un enclos long et étroit qu’un enclos carré
- ils avancent avec moins de réticence dans le couloir de manipulation s’ils ne voient pas l’exploitant
- ils se dirigent plus volontiers vers une aire ouverte que vers un endroit qui leur semble n’offrir aucune issue
- les très jeunes agneaux que l’on sépare de leur mère cherchent à retourner à l’endroit où la séparation s’est produite
- comme tous les animaux d’élevage, les moutons réagissent négativement aux bruits intenses, aux cris et aux aboiements
- les jeunes moutons se déplacent plus facilement dans des installations si la première fois qu’ils le font est en suivant d’autres moutons plus âgés qui sont accoutumés aux lieux
Les observations éthologiques ci-dessus ont été faites par des personnes qui ont travaillé de nombreuses années avec des ovins dans toutes sortes de conditions. Les comportements des ovins étant très prévisibles, le producteur peut en tirer perti dans tous les aspects de la conduite de son troupeau. Ce faisant, il peut obtenir des résultats avantageux :
Taking sheep behaviour into account when managing your flock creates positive results :
- il devient plus facile de déplacer des groupes d’animaux
- les moutons sont plus enclins à pénétrer dans les installations pour y être traités
- les indicateurs de stress diminuent chez les animaux comme chez les personnes qui les soignent
Concevoir des installations de manipulation adéquates
La manipulation des ovins dans des installations de fortune est non seulement difficile, mais aussi désagréable, ce qui peut retarder des tâches importantes telles la vaccination ou la vermifugation, voire dissuader de les effectuer.
La bonne conception des installations de manipulation ovines est essentielle au succès de l’exploitation. Peu d’investissements contribuent autant à l’efficacité du travail humain et aux économies. Or la plupart des producteurs ne construisent ou n’achètent de telles installations qu’une fois dans leur vie, d’où la nécessité de bien les concevoir.
Annexer les allées et les enclos existants aux installations de manipulation permet de créer suffisamment d’espace pour les longues périodes où le troupeau est gardé dans les enclos. Étant donné que les moutons doivent pouvoir circuler sans heurts entre les divers compartiments, il est important que le producteur comprenne comment une bonne conception encourage adultes et agneaux à se déplacer de manière fluide dans les circuits, afin d’éviter autant que possible des complications pour les travailleurs. Des installations bien conçues facilitent les opérations et réduisent le stress et les besoins en main-d’œuvre, ainsi que les coûts qui leur sont associés.
Pour s’assurer que les installations de manipulation se prêteront à toutes les tâches requises, il convient de dresser une liste exhaustive de ces tâches et de planifier leur déroulement.
Pour être utile, la liste doit comprendre les éléments suivants :
- tonte
- tonte du ventre et des pattes
- triage
- vermifugation
- vaccination
- évaluation de l’état corporel
- dépistage des gestations
- soins des pieds
- bain des pieds
- pesée
- chargement
- vente
Les facteurs suivants doivent être pris en considération :
- emplacement idéal pour les installations
- effectifs que les installations devront accueillir
- main-d’œuvre disponible pour travailler dans les installations
- pertinence de modifier des installations existantes, d’en bâtir de nouvelles ou d’acheter des enclos amovibles
- coûts associés
Conception des installations
Sommairement, les installations de manipulation comprennent les éléments suivants< :
- des enclos d’attente à faible densité
- des enclos d’attente à forte densité
- un enclos de forçage
- un couloir de triage
- un couloir de manipulation (également appelé « couloir de service » ou « couloir de contention »)
Enclos d’attente à faible densité
La plupart des producteurs peuvent utiliser les allées et pâturages avoisinants comme enclos d’attente à faible densité. Ces enclos doivent être suffisamment sûrs pour empêcher les bêtes (surtout les agneaux) de s’échapper. Une clôture de treillis métallique peut être installée, pourvu que la grosseur des mailles ne dépasse pas 15 x 15 cm et que les poteaux soient rapprochés.
Enclos d’attente à forte densité
Les enclos d’attente à forte densité doivent être entourés de clôtures faites de matériaux de résistance moyenne à élevée. Leur surface doit être assez grande pour accueillir deux moutons en pleine toison par m2. Cela crée suffisamment d’espace pour guider les animaux dans les enclos, ouvrir et fermer les barrières et laisser des chiens travailler, le cas échéant. Il est important de concevoir des enclos longs et étroits pour maîtriser facilement les groupes lorsqu’ils sont conduits à l’enclos de forçage. En Australie et en Nouvelle-Zélande, une largeur maximale des enclos d’attente à forte densité de 10 m est recommandée. S’il faut agrandir un tel enclos, mieux vaut le rallonger que l’élargiri
Enclos de forçage
L’utilisation d’un couloir d’amenée combiné à un enclos de forçage de 3 m de large s’est révélée très efficace dans bien des cas, surtout pour les gros troupeaux. Elle permet de diviser de gros effectifs en petits groupes pour faciliter les tâches. Les animaux sont ensuite conduits vers les couloirs de triage et de manipulation.
Les enclos de forçage triangulaires (également appelés « entonnoirs de serrage ») sont habituellement aménagés dans des installations rectangulaires. Ils peuvent comporter un ou deux compartiments (voir figure 1). Dans le cas d’un enclos triangulaire simple, un côté du triangle est le prolongement de la clôture du couloir, alors que l’autre côté rétrécit avec un angle de 30 à 40 degrés. L’enclos double est muni de deux clôtures de rabattage ayant sensiblement le même angle et d’une barrière centrale pivotante à l’entrée du couloir, qui permet aux bêtes de s’engager dans le couloir depuis un compartiment ou l’autre.
Les enclos de forçage incurvés ont été pensés de manière à tirer parti de la tendance des ovins à suivre leurs congénères « disparus » dans la courbe et à permettre ainsi à une personne seule de les faire avancer. Toutefois, des études récentes ont démontré que dans des couloirs de 1,5 m, les animaux circulent mieux si le couloir est rectiligne que s’il est incurvé. Les couloirs incurvés ne sont supérieurs que si les bêtes progressent en file indienne
Certaines formes d’enclos de forçage ne sont pas fonctionnelles et sont à éviter; il s’agit notamment des enclos carrés et des enclos triangulaires doubles sans barrière centrale (voir figure 2). Le principal inconvénient de ces formes est que les moutons peuvent facilement se dérober à l’entrée du couloir en se retournant brusquement
Couloir de triage
Pour effectuer un triage efficace, le personnel doit pouvoir identifier et extraire facilement, avec le moins d’erreurs possible, l’animal qu’il veut séparer du reste troupeau et le débit d’animaux doit demeurer égal. Si le troupeau est peu nombreux, un couloir de triage à deux voies est suffisant, mais dans une grande exploitation ovine, un triage à trois voies, à l’aide de deux barrières, peut être requis.
Le couloir de triage doit mesurer au moins 3 m de long et son point de sortie doit évoquer sans ambiguïté une possibilité de fuite pour l’animal qui s’y engage. Les parois du couloir doivent être pleines (opaques) pour éviter que l’animal soit distrait par la vue de congénères de l’autre côté et que cela nuise à la fluidité de la circulation. Si le couloir sert aussi à la douche et à la vaccination, le producteur peut évaluer la possibilité qu’il soit légèrement plus large ou à parois ajustables.
La barrière de triage doit mesurer au moins 1 m de long pour permettre aux moutons de sortir du couloir facilement. Dans le cas contraire, les moutons (surtout ceux qui ont une toison épaisse et les brebis gestantes) peuvent rester bloqués à la sortie du couloir à leur sortie, ralentissant considérablement le débit. Vaut-il mieux installer une barrière à claire-voie ou une barrière pleine? Les opinions sont partagées. Barber et Freeman
- Comme le mouton qui approche voit celui qui le précède s’éloigner du couloir de triage, il est plus enclin à le suivre.
- Plus légères, les barrières à claire-voie se manient plus facilement et plus rapidement.
- Les barrières à claire-voie offrent moins de prise au vent qui souffle dans le couloir de triage.
Les mêmes auteurs dressent également la liste des avantages des barrières pleines :
- elles prolongent les parois du couloir, ce qui incite les moutons à se diriger vers l’enclos de sortie
- elles évitent que les cornes ou les pattes des animaux se prennent dans la barrière
Couloir de manipulation
Les élevages ovins doivent être dotés d’un couloir de manipulation multifonctionnel pour la douche et la vaccination, entre autres opérations. La plupart des producteurs en Ontario optent pour ce type de couloir, plutôt que pour des couloirs de triage et de manipulation distincts.
Différents types de couloirs de manipulation sont envisageables :
- couloir simple de 52 à 64 cm de large, le personnel se tenant à l’extérieur du couloir
- couloir simple de 70 à 80 cm de large, le personnel travaillant dans le couloir
- couloir à parois ajustables, de 45 à 80 cm de large
Un couloir de manipulation convenable mesure de 6 à 15 m de long et ses parois, 85 cm de haut.
Les figures 3 et 4 sont des plans sommaires d’installations de manipulation pour troupeaux ovins. Ces plans indiquent les éléments clés des installations, qui peuvent être construits à la ferme avec des matériaux communs. Le tableau 1 fournit les dimensions des divers éléments des installations.
Élément | Dimensions (cm) | Remarques |
---|---|---|
Couloir de manipulation | ||
Longueur | 600 - 1 200 cm | Parois pleines ou à claire-voie. |
Largeur (parois fixes) | 60 - 75 cm | À maintenir basses si le personnel travaille depuis l’extérieur du couloir. |
Largeur (parois ajustables) | 45 - 80 cm | Les moutons sautent habituellement au-dessus des barrières plutôt que des parois latérales. |
Hauteur | 82 - 90 cm> | Pas de commentaires |
Hauteur de la barrière de sortie | 110 cm | Pas de commentaires |
Couloir de triage | ||
Longueur | 300 - 350 cm | Parois pleines. |
Largeur | 42 - 48 cm | Peut être plus étroite à la base ou de largeur variable. |
Hauteur | 85 - 100 cm | Pas de commentaires |
Hauteur des clôtures | ||
Périmétriques | 95 - 110 cm | Pas de commentaires |
Internes | 90 - 105 cm | Pas de commentaires |
Barrières | ||
Périmétriques | 300 - 400 cm | À claire-voie. |
Internes | 200 - 300 cm | Pas de commentaires |
De triage | 120 - 150 cm | Pas de commentaires |
Rampe de chargement | ||
Largeur | 70 - 100 cm | La pente ne doit pas dépasser 1 :3. |
Longueur | 300 - 500 cm | Pas de commentaires |
Hauteur (fixe) | 120 70 - 210 cm | Pas de commentaires |
Hauteur (variable) | Pas de commentaires | Pas de commentaires |
D’après Sheepyard and Shearing Shed Design, F. Conroy et P. Hanrahan, 1994.
Éfficacité de la main-d’oeuvre dans les installations de manipulation
Les producteurs ovins qui disposent d’installations de manipulation adéquates sont peu nombreux. Les autres producteurs allèguent fréquemment que de telles installations coûtent trop cher à l’achat ou que leur cheptel n’est pas assez important pour motiver leur achat ou leur construction. Pourtant, tout producteur doté d’une installation de manipulation dira qu’il ne pourrait pas s’en passer pour élever ses moutons. Pourquoi les points de vue diffèrent-ils? Cela tient aux économies de main-d’œuvre et de coûts associés, qui justifient l’investissement. Selon une enquête menée auprès de fermiers irlandais élevant diverses espèces de bétail, les fermiers qui avaient des installations de manipulation fonctionnelles consacraient 5,1 h de moins par unité animale que ceux qui avaient des installations inadéquates (L. Connolly, Irish Farmers’ Journal). Avec une unité animale comptant six brebis, cela représente une économie de 51 min par bête ou 85 h pour 100 brebis chaque année.
Tableau 2. Valeur en dollars des économies de main d’œuvre réalisées dans des troupeaux commerciaux de taille variable en multipliant différentes rémunérations horaires par le temps de travail épargné. D’après L. Connolly, Irish Farmers’ Journal.
Rémunération horaire de la main-d’œuvre | Économies de main-d’œuvre pour 100 brebis (85 h) |
Économies de main-d’œuvre pour 500 brebis (425 h) |
---|---|---|
10 $/h | 850 $ | 4 250 $ |
15 $/h | 1 275 $ | 6 375 $ |
20 $/h | 1 700 $ | 8 500 $ |
25 $/h | 2 125 $ | 10 625 $ |
Pour un troupeau de 1 000 brebis, cela représente 84,2 jours supplémentaires, qui pourraient être consacrés à d’autres tâches. Si l’exploitant accorde une valeur de 15 $/h à son temps, son installation de manipulation sera rentabilisée en moins de trois ans. Pour preuve, le tableau 2 fournit les valeurs en dollars des économies de main-d’œuvre réalisées pour deux tailles de troupeaux et quatre taux de rémunération.
Des installations adéquates permettent non seulement de réduire les coûts de main-d’œuvre, mais aussi d’effectuer à temps des tâches nécessaires, telles la vaccination et la vermifugation, ce qui n’est pas moins important. Le triage pour la reproduction, l’agnelage, le sevrage et la tonte prend très peu de temps avec une installation de manipulation sommaire; il n’est pas rare qu’une seule personne soit capable de vermifuger ou de vacciner 150 à 200 brebis ou de trier 250 à 350 brebis par heure.
En résumé, les installations de manipulation :
- Allègent les tâches;
- Réduisent le stress des moutons et du personnel;
- Permettent d’effectuer les tâches au moment prévu.
L’exploitant qui n’a pas d’installations de manipulation et prévoit de poursuivre l’élevage ovin devrait se demander sérieusement pourquoi il n’a pas encore investi dans de telles installations, qui sont une nécessité pour les éleveurs souhaitant réaliser des économies de main-d’œuvre et conduire leur troupeau avec efficacité.
Conclusion
Les installations de manipulation conçues et construites de manière à tirer parti du comportement ovin réduisent notablement le stress des bêtes causé par les manipulations et, tout aussi important, celui du personnel également. Les moutons se déplacent spontanément dans de telles installations; les personnes qui s’en occupent ne redoutent plus les tâches qui exigeaient auparavant beaucoup d’efforts physiques pour saisir, attraper et déplacer chaque animal.
Références
- Barber, A., et R.B. Freeman. « Design of Sheep Yards and Shearing Sheds », dans T. Grandin, éd., Livestock Handling and Transport, Wallingford (R.-U.), CAB International, 1993, p. 147 à 157.
- Conroy, F., et P. Hanrahan. Sheepyard and Shearing Shed Design, Melbourne Est, Agmedia, 1994.
- H.M. Hamilton. « Yards ‘n’ Yakka - A summary », dans M.F. Casey et G.R. Hamilton, éd., Yards ‘n’ Yakka : The Sheep Yard and Handling Systems Manual, Perth, Kondinin Group, 1990, p. 5 à 9.
- MidWest Plan Service. Sheep Housing and Equipment Handbook, 4e éd., Ames, Iowa, MidWest Plan Service, 1994.
- Ransom, K., et P. Hanrahan. « Thorough planning for new yards », dans M.F. Casey et G.R. Hamilton, éd., Yards ‘n’ Yakka : The Sheep Yard and Handling Systems Manual, Perth, Kondinin Group, 1990, p. 10 à 12.
La présente fiche technique a été rédigée en anglais à l’origine par Anita O’Brien, spécialiste des ovins et des caprins, Division du développement économique, MAAARO, Kemptville, puis mise à jour par Christoph Wand, spécialiste de la durabilité des élevages, Division du développement économique, MAAARO, Guelph.
Notes en bas de page
- note de bas de page[1] Retour au paragraphe Conroy, F., et P. Hanrahan. Sheepyard and Shearing Shed Design, Melbourne Est, Agmedia, 1994.
- note de bas de page[2] Retour au paragraphe Ransom, K., et P. Hanrahan. « Thorough planning for new yards », dans M.F. Casey et G.R. Hamilton, éd., Yards ‘n’ Yakka : The Sheep Yard and Handling Systems Manual, Perth, Kondinin Group, 1990, p. 10 à 12.
- note de bas de page[3] Retour au paragraphe H.M. Hamilton. « Yards ‘n’ Yakka - A summary », dans M.F. Casey et G.R. Hamilton, éd., Yards ‘n’ Yakka : The Sheep Yard and Handling Systems Manual, Perth, Kondinin Group, 1990, p. 5 à 9.
- note de bas de page[4] Retour au paragraphe Barber, A., et R.B. Freeman. « Design of Sheep Yards and Shearing Sheds », dans T. Grandin, éd., Livestock Handling and Transport, Wallingford (R.-U.), CAB International, 1993, p. 147 à 157.