Politique : PL 2.02.02

Rédigé par – Direction : Direction des terres et des eaux

Section : Gestion des terres

Date de publication : 26 février 2007

Remplace la directive intitulée : Inchangé

Numéro : Inchangé

Date : 11 février 1997

1.0 Contexte

Afin d’exercer ses responsabilités d’administrateur des terres de la Couronne, le Ministère des Ressources Naturelles (MRN) doit rendre des décisions administratives en ce qui a trait à la navigabilité. Il en est ainsi parce que le droit de propriété du lit des cours d’eau en Ontario dépend souvent de la question de la navigabilité aux termes de la Loi sur le lit des cours d’eau navigables (LLCEN) et, dans certains cas, d’une clause de réserve ou d’une exception à une concession de la Couronne. La Loi sur le lit des cours d’eau navigables est jointe au présent document en annexe A, et ce, à titre informatif.

L’article 1 de la Loi sur le lit des cours d’eau navigables stipule que :

Dans tous les cas où un bien-fonds qui est concédé par la Couronne, ou qui l’a été, est bordé ou traversé par un plan ou cours d’eau navigable, ou en contient un en tout ou en partie, il est réputé, en l’absence de toute concession expresse à cet effet, que le lit de ce plan d’eau n'a pas été transmis au cessionnaire ni n'était destiné à l’être.

L’expression « concession expresse » mentionnée dans la Loi désigne les concessions de terres de la Couronne et comprend des énoncés tels que « Lot 16, Concession X, ainsi que le lit de la rivière Jones ». La terminologie générale, y compris la phrase préimprimée sur bon nombre d’anciennes lettres patentes telles que « ainsi que le bois et l’eau qu’il contient…» ne constitue pas une concession expresse.

Pour déterminer l’existence d’une concession expresse, il est nécessaire de rechercher et de vérifier les concessions des hautes terres et les concessions des terres immergées. Il se peut que la Couronne ait concédé le lit d’un cours d’eau dans une concession distincte ou comme une partie de la concession des hautes terres. Il se peut également, qu’en raison d’une inondation, les portions des concessions des hautes terres originales soient immergées maintenant. Ces terres immergées demeurent des propriétés privées.

Quand il a été établi qu’il n’y a eu aucune concession expresse, on doit déterminer si le cours d’eau est navigable. S’il est navigable, le lit du cours d’eau relève de la compétence de la Couronne en vertu de la Loi sur le lit des cours d’eau navigables. Il relèvera également de la compétence de la Couronne si, aux termes de la concession de la Couronne originale, il a été l’objet d’une clause de réserve ou d’une exception.

Remarque : Que le lit du cours d’eau soit une terre privée ou une terre de la Couronne n’affecte en rien la navigabilité. Le droit de navigation (ayant trait à PL 2.09.02 Navigation – Un droit public) est protégé aux termes de la Loi sur la protection des eaux navigables, tel qu’administré par le gouvernement fédéral.

2.0 Détermination de la navigabilité

Bien que la LLCEN stipule qu’en l’absence d’une concession expresse, les lits des cours d’eaux navigables sont réputés ne pas avoir été transmis au titulaire de lettres patentes (et appartiennent par conséquent à la Couronne), elle ne définit pas le critère de navigabilité. La présente politique propose d’interpréter le critère de navigabilité tel qu’il est établi par les tribunaux.

Pour déterminer l’existence d’une concession expresse, on doit rechercher et examiner les concessions des hautes terres et les concessions supplémentaires (p. ex., les concessions de lots riverains). Puisque la navigabilité doit être déterminée au départ à partir de la date de l’octroi de la concession par la Couronne, les crues ultérieures provoquées artificiellement ne modifieront pas la superficie de la parcelle de terre privée.

La navigabilité est une question que seuls les tribunaux sont habilités légalement à trancher. Il n’est pas pratique de déférer chaque cas aux tribunaux afin qu’une décision judiciaire soit rendue. Par conséquent, le Ministère continuera de rendre des décisions en matière de navigabilité à des fins administratives au chapitre de la gestion des terres publiques.

3.0 Rôle du MRN dans la détermination de la navigabilité

Le seul et unique but des décisions rendues par le MRN relativement à la navigabilité est de déterminer si le lit d’un cours d’eau est sous l’administration des terres de la Couronne ou sous sa responsabilité, sur la foi d’une clause de réserve ou d’une exception à un plan d’eau navigable ou de l’application de la Loi sur le lit des cours d’eau navigables.

Les surveillants régionaux du Ministère sont responsables des décisions administratives du Ministère en ce qui a trait à la navigabilité des cours d’eau dans leurs districts respectifs. Ces décisions administratives peuvent évidemment être contestées devant les tribunaux. Les surveillants régionaux doivent, par conséquent, veiller à l’exactitude de tous les faits avant de rendre une décision administrative sur la navigabilité.

La détermination de la navigabilité de manière active ou réactive est laissée à la discrétion des surveillants régionaux. Si les surveillants régionaux ont de la difficulté à se prononcer sur la navigabilité, ils doivent consulter la Direction des services juridiques avant de formuler un avis. Le cas échéant, cette dernière consultera le Bureau de l’arpenteur général

Les propriétaires de terres privées demandent aux bureaux régionaux du Ministère de se prononcer sur la navigabilité d’un cours d’eau et, par ricochet, sur la propriété du lit du cours d’eau. Ces avis sont demandés le plus fréquemment dans des situations où un propriétaire d’une terre peut exploiter le fait qu’il existe une division naturelle, si la propriété, dans son essence, est divisée en deux parties par un mince lisière de terre de la Couronne, et si cette propriété est divisée par un cours d’eau jugé navigable et si une clause de réserve ou une exception à la navigabilité visée par l’article 1 de la LLCEN s’applique.

Lorsqu’une division naturelle existe, la question du droit de propriété d’un plan d’eau devient très importante, en particulier quand le zonage municipal pourrait interdire la division en vertu du processus d’approbation de la Loi sur l’aménagement du territoire. Il est important que les surveillants régionaux mettent en garde les tiers privés de ne pas se fonder uniquement sur l’avis du Ministère pour les prises de décision concernant la division et qu’il serait opportun de demander un avis juridique.

Les décisions du MRN en matière de navigabilité seront fondées sur les principes de navigabilité établis par les tribunaux selon les besoins.

4.0 Éléments à prendre en compte lors des prises de décision en matière de navigabilité à des fins administratives

Il conviendrait de tenir compte au départ des faits relatifs à la détermination de la navigabilité aux fins d’établir qui est le propriétaire à la date de l’inspection. Cependant, il demeure entendu que la question de la navigabilité devrait également être examinée à la date de la concession originale de la Couronne parce que la jurisprudence la plus pertinente à cet égard en Ontario repose essentiellement sur l’interprétation d’une clause de réserve des eaux navigables dans les lettres patentes, plutôt que sur les dispositions de la Loi sur le lit des cours d’eau navigables. Si les décisions rendues dans ces affaires avaient été fondées essentiellement sur la Loi sur le lit des cours d’eau navigables, cette question de la navigabilité aurait sans doute était abordée uniquement dans une perspective actuelle.

Afin de rendre une décision sur la navigabilité à la date d’émission des lettres patentes, en particulier en ce qui a trait aux anciennes concessions, le personnel des bureaux régionaux du MRN doit s’enquérir de l’usage historique et des caractéristiques physiques du cours d’eau en plus de retracer les lettres patentes et les levées d’arpentages originaux ainsi que les notes de terrain afin de rendre une décision administrative sur la navigabilité d’un cours d’eau. L’interprétation des plans d’arpentage et des notes de terrain doit être exécutée de concert avec le Bureau de l’arpenteur général. Si, après avoir tenu compte de la question de la navigabilité dans les conditions actuelles et à la date d’émission des lettres patentes, différentes conclusions prévalent concernant la navigabilité (p. ex., en raison d’améliorations artificielles ou d’entraves artificielles à la navigation; ou l’assèchement du lit d’une la rivière), le personnel de la Direction des services juridiques devrait être consulté avant de déterminer la position du Ministère. La Direction des services juridiques examinera, le cas échéant, la situation en collaboration avec le Bureau de l’arpenteur général.

La navigabilité est une question de droit et une question de fait. Pour être considéré navigable au sens de la loi, le cours d’eau doit être navigable dans les faits. La navigabilité dans les faits est démontrée si le cours d’eau est utilisé ou s’il peut être utilisé par le public comme une voie d’eau. Pour qu’une voie d’eau soit navigable au sens de la Loi, elle doit présenter une valeur pratique réelle ou potentielle de moyen de voyage ou de transport pour le public, généralement entre deux points d’accès publics.

Dans l’affaire portant sur la navigabilité Canoe Ontario c. Julian Reed, le juge Doherty a formulé plusieurs déclarations qui seront sans doute citées dans l’avenir comme critère de navigabilité :

[Traduction libre] En l’essence, le test de navigabilité élaboré au Canada en est un d’utilité publique. Si un cours d’eau présente une valeur pratique réelle ou potentielle pour le public comme un moyen de voyage ou de transport d’un point d’accès public à un autre, il est considéré navigable... la navigabilité doit dépendre de l’utilité publique. Si le cours d’eau sert ou peut servir à un intérêt public légitime en ce qu’il est ou peut être utilisé régulièrement et de façon profitable par le public pour la tenue de certaines activités bénéfiques du point de vue social, alors, en supposant que le cours d’eau s’étend d’un point d’accès public à un autre, il doit être considérée comme navigable et comme appartenant au domaine public.

 Dans cette affaire, le juge Doherty a entériné les sept conclusions suivantes issues de l’affaire Coleman :

  1. pour être navigable au sens de la Loi, un cours d’eau doit être navigable dans les faits. Il doit pouvoir, dans son état naturel, permettre le passage de petites ou de grandes embarcations;
  2. navigable s'entend également de flottable, au sens où la rivière ou le cours d’eau est utilisé ou susceptible d'être utilisé pour le flottage des troncs, des trains de bois et des estacades;
  3. une rivière peut être navigable sur une partie de son cours et non navigable sur d’autres parties;
  4. pour être navigable, au sens de la Loi, il n'est pas nécessaire qu'une rivière soit utilisée dans les faits pour la navigation, en autant qu'elle soit raisonnablement susceptible de l’être;
  5. une rivière n’est pas nécessairement navigable si elle est utilisée uniquement à des fins privées ou à des fins ne nécessitant pas le transport le long de la rivière (pour la pêche par exemple);
  6. la navigation n'a pas à être continue; elle peut fluctuer selon les saisons;
  7. quand un intérêt propriétal démontré dépend d’une concession de la Couronne, la navigabilité effective doit être déterminée à compter de la date des concessions de la Couronne (dans ce cas, 1821 et 1822).

À la lumière de la décision prise dans l’affaire Canoe Ontario, le ministère des Ressources naturelles, en plus de tenir compte des sept conclusions susmentionnées, tiendra compte des principaux points clés suivants quand il rendra des décisions relatives à la navigabilité à des fins administratives :

  1. Pour rendre une décision sur la navigabilité, la position du Ministère sera déterminée uniquement après avoir tenu compte de la question de la navigabilité au regard de la date d’inspection et de la date d’émission des lettres patentes. La nécessité d’examiner la navigabilité en fonction de ces deux perspectives procède du fait que les tribunaux ont toujours pris en compte la navigabilité à la date de l’octroi de la concession, mais il se peut, mais sans que cela soit une certitude, que les décisions futures tiendront compte uniquement de la situation actuelle.
  2. La navigabilité dépend de « l’utilité publique ».
  3. L’utilité publique signifie l’utilisation commerciale ou récréative réelle ou potentielle ou une autre « activité sociale bénéfique ».
  4. La voie navigable sert en général de moyen de transport d’un point d’accès public à un autre.
  5. Les contraintes saisonnières ne nuisent pas à la navigabilité dans la mesure où certaines utilisations (ou utilisations possibles) se font de façon régulière et présentent un aspect pratique.

5.0 Références

5.1 Dispositions juridiques

  • Loi sur le lit des cours d’eau navigables, L.R.O. 1990
  • Canoe Ontario c. Julian Reed (1989) 69 OR 2d 494
  • Coleman c. A.G. For Ontario (1983) 143 DLR (3e) 608

5.2 Renvois à d’autres directives

  • PL 2.09.02 Navigation – A Public Right (Bulletin)

Annexe A

Loi sur le lit des cours d’eau navigables

R.S.O. 1990, Chapter B.4

Abrogée par l’art. 2 de l’annexe L du chap. 18 de 2002.

Concession réputée exclure le lit

  1. Dans tous les cas où un bien-fonds qui est concédé par la Couronne, ou qui l’a été, est bordé ou traversé par un plan ou cours d’eau navigable, ou en contient un en tout ou en partie, il est réputé, en l’absence de toute concession expresse à cet effet, que le lit de ce plan d’eau n'a pas été transmis au cessionnaire ni n'était destiné à l'être. L.R.O. 1990, chap. B.4, art. 1.

Exception

  1. L’article 1 n'a pas d’incidence sur les droits, le cas échéant, du cessionnaire de la Couronne ou d’un ayant droit de ce dernier, si ces droits ont été, avant le 24 mars 1911, établis par un tribunal compétent conformément aux règles de la common law anglaise, ou si l’un ou l’autre prouve à la satisfaction du lieutenant-gouverneur qu'avant le 24 mars 1911, le cessionnaire ou l’ayant droit a mis en exploitation une ou des centrales hydro-électriques en croyant raisonnablement qu'il en avait le droit reconnu par la loi, étant entendu que le lieutenant-gouverneur en conseil peut exiger de lui qu'il exploite cette ou ces centrales à leur capacité maximale, et peut fixer le prix de l'électricité qui en provient. Le lieutenant-gouverneur en conseil peut ordonner que des lettres patentes octroyant ces droits soient délivrées au cessionnaire ou à son ayant droit, sous réserve des conditions et dispositions jugées appropriées pour assurer la pleine exploitation de cette ou ces centrales hydro-électriques ainsi que la réglementation du prix de l'électricité qui en provient. L.R.O. 1990, chap. B.4, art. 2.

Exception pour certaine localité

  1. La présente loi ne s'applique pas au lit de la rivière qui se trouve dans le lot 8, 6e concession, du canton de Merritt dans le district de Sudbury. L.R.O. 1990, chap. B.4, art. 3.
  2. Abrogée par l’art. 2 de l’annexe L du chap. 18 de 2002.