Introduction

L’enroulement des feuilles du céleri est surtout causé par le champignon Colletotrichum fioriniae. La maladie, aussi appelée anthracnose du céleri, a été observée en Ontario pour la première fois en 2012. Les plants de céleri affectés sont invendables en raison des déformations et des lésions qui apparaissent sur les tiges (pétioles) (figure 1). Les feuilles, les tiges et le collet sont tous susceptibles d’être infectés. L’enroulement des feuilles de céleri est observé chaque année en Ontario et peut entraîner de lourdes pertes lorsque les températures sont tièdes et humides. La présente fiche technique décrit les symptômes, la biologie, les modes de propagation et les stratégies de lutte contre l’anthracnose du céleri.

Symptômes

La présence de petites feuilles tordues en forme d’éventail vers le bas constitue un symptôme caractéristique de l’enroulement des feuilles du céleri (figures 2 et 3) d’où son nom. Ce symptôme peut s’apparenter à des dommages attribuables à l’herbicide 2,4-D, mais dans le cas de l’anthracnose, l’enroulement est toujours vers le bas, alors que pour les dommages associés à l’herbicide, l’enroulement peut se faire vers le haut.

À mesure que l’infection progresse, des lésions brunes apparaissent sur les bords des feuilles et des fissures et lésions beiges à brunes peuvent être observées sur les tiges de céleri (figure 4). Plus les tiges se développent, plus les feuilles se replient et deviennent friables, ce qui ralentit la croissance. Une pourriture du collet apparaît souvent ainsi que des racines adventives le long de la tige, c’est-à-dire des racines se formant à partir de tissus non racinaires. Une fois que le champignon a infecté le collet du plant, il s’ensuit un rabougrissement de celui-ci et dans les cas graves, le plant meurt (figure 5).

Plants de céleri dans un champ présentant des symptômes d’enroulement des feuilles
Figure 1. Culture de céleri gravement infectée par l’anthracnose.
Tige de céleri dont les feuilles sont enroulées
Figure 2. Symptôme de l’anthracnose du céleri (Colletotrichum fioriniae) : enroulement des feuilles.
Gros plan d’un céleri dans un champ dont les feuilles sont enroulées
Figure 3. Symptôme de l’anthracnose du céleri (Colletotrichum fioriniae) : enroulement des feuilles.
Pieds de céleri dont les tiges sont brunies avec des feuilles jaunes et enroulées
Figure 4. Symptôme de l’anthracnose du céleri (Colletotrichum fioriniae) : lésions sur les tiges.
Pied de céleri dont les feuilles sont enroulées et fanées
Figure 5. Symptôme de l’anthracnose du céleri (Colletotrichum fioriniae) : plant rabougri et jauni.

Les symptômes de la pourriture du collet sont semblables à ceux du cœur noir, un trouble causé par une carence en calcium associée aux conditions de température. Les symptômes de l’anthracnose du céleri peuvent aussi être confondus avec les symptômes précoces de la jaunisse de l’aster. Afin de s’assurer qu’il s’agit bien de cette maladie, il vaut mieux faire parvenir des échantillons à un laboratoire de diagnostic en phytoprotection.

Biologie et propagation de l’agent pathogène

Colletotrichum fioriniae est la principale espèce de Colletotrichum associée à l’anthracnose du céleri en Ontario ainsi que dans d’autres provinces et États américains du nord-est. D’autres espèces, dont C. nymphaeae, l’agent responsable de l’anthracnose dans la fraise, peuvent causer des lésions sur les feuilles et les tiges ainsi que la nécrose du collet dans le céleri, mais cette espèce ne semble pas être la principale cause de l’enroulement des feuilles du céleri des plants prélevés dans des champs de l’Ontario.

Le champignon Colletotrichum fioriniae a été observé dans des plantes hôtes autres que le céleri. Les pommes représentent la principale culture où C. fioriniae entraîne la pourriture amère. Les mauvaises herbes hôtes de ce champignon en Ontario sont notamment le chénopode blanc, l’amarante à racine rouge, le séneçon vulgaire et le chénopode glauque. Certaines plantes ornementales, dont la pivoine et l’érable à Giguère (érable négondo), sont également reconnues comme étant des hôtes de ce champignon. Des recherches ont permis de montrer que le champignon C. fioriniae isolé à partir de ces autres hôtes peut causer des infections croisées; ces mauvaises herbes et ces plantes ornementales peuvent dont être des sources d’inoculum pour le céleri.

Des températures entre 25 et 30 °C sont optimales pour l’apparition de la maladie. La sporulation se déclenche en présence d’au moins 12 heures de mouillure sur les feuilles. Les feuilles immatures sont plus vulnérables à l’infection que les feuilles plus vieilles. L’infection attribuable aux champignons de l’espèce Colletotrichum peut demeurer latente longtemps, ce qui veut dire qu’un plant infecté peut ne manifester aucun symptôme pendant des jours, voire des semaines.

Les spores se propagent par les éclaboussures de pluie ou d’eau d’irrigation. Des vents forts peuvent transporter des spores, mais ce n’est habituellement pas le cas. Les spores peuvent toutefois être facilement disséminées par les personnes et le matériel à travers un champ et vers d’autres champs. Ces derniers doivent être bien secs avant que les travailleurs ou du matériel y aient accès, afin de réduire les risques de propagation. Des recherches ont montré que le paraquat, un herbicide dessiccant, peut déclencher une dissémination de spores provenant de mauvaises herbes hôtes.

Colletotrichum fioriniae peut survivre à l’hiver sous forme de mycélium sur des résidus de feuilles. Les semences peuvent s’infecter et donner des plantules symptomatiques ou asymptomatiques. Le mycélium qui a survécu à l’hiver peut infecter les plantules le printemps suivant. L’agent pathogène survit sur le céleri et les plantes non hôtes sans manifester de symptômes, permettant ainsi à l’inoculum de se développer au cours de la saison.

Stratégies de lutte

Mettre en place des pratiques de stratégies de lutte intégrée contre l’anthracnose du céleri, soit l’intégration de méthodes de lutte culturales, biologiques, physiques ou chimiques (ou une combinaison des deux) dont l’efficacité contre la maladie est prouvée.

Mesures à prendre avant le repiquage

Les producteurs devraient pratiquer une rotation culturale sur trois à quatre ans avec des cultures non hôtes. La lutte contre les mauvaises herbes est importante pour toutes les cultures, car ces dernières risquent de continuer à héberger la maladie même en l’absence de céleri. Inspecter et retirer les plantules symptomatiques avant de les repiquer au champ. Garder les plants de repiquage provenant de lieux différents à des endroits distincts. Prévoir une bonne circulation d’air sur les plants et éviter les périodes prolongées de mouillure sur les feuilles.

Le traitement des semences avec un fongicide homologué contre Colletotrichum spp. peut contribuer à réduire la propagation de la maladie. Des recherches ont montré qu’un traitement à l’eau chaude à une température de 50 °C pendant 30 minutes constituait le meilleur moyen d’éradiquer des semences l’agent pathogène de l’anthracnose du céleri sans affecter la germination de manière importante. Certains fournisseurs de semences utilisent régulièrement de l’eau chaude pour traiter ces dernières et peuvent produire des semences dans des régions où la pression exercée par la maladie est faible. S’informer des traitements possibles auprès du fournisseur de semences.

Sensibilité des différents cultivars

Bien que tous les cultivars de céleri semblent vulnérables à l’infection par cet agent pathogène, la sensibilité n’est pas la même pour tous. Des recherches effectuées par l’Ontario Crops Research Centre, à Bradford, de 2015 à 2018, ont permis d’établir les degrés suivants de sensibilité à la maladie :

Tolérant :
Merengo, Balada

Tolérant à modérément tolérant :
TZ 6010, Sabroso

Modérément tolérant à sensible :
Hadrian, Geronimo

Sensible :
Stetham, TZ 0295, TZ 6200, TZ 6029

Sensible à très sensible :
Kelvin, Nero, TZ 9779

Très sensible :
Plato

Mesures à prendre durant la saison de croissance

Le dépistage de l’anthracnose devrait inclure l’endroit où la maladie a été détectée dans le champ. Si le dépisteur touche un plant qui présente des symptômes, on doit interrompre le dépistage et retirer le plant en le plaçant dans un sac à ordures pour identification, puis changer de gants. Une fois que l’anthracnose a été détectée dans un champ, continuer à retirer les plants infectés qui s’y trouvent à l’aide d’un sac à ordures en plastique. Irriguer de manière à réduire la durée pendant laquelle le couvert végétal est mouillé. Irriguer, par exemple, la nuit lorsqu’on s’attend à ce qu’il y ait de la rosée de toute manière ou tôt le matin afin que les feuilles humides puissent sécher rapidement.

Les fongicides peuvent être efficaces quand ils sont appliqués avant l’infection et de nouveau quand les conditions sont favorables. Les fongicides homologués en 2022 pour la maîtrise de l’anthracnose du céleri sont les suivants :

  • Interrupteur 62.5 WG (cyprodinil – groupe 9 + fludioxonil – groupe 12)
  • Quadris Flowable (azoxystrobine – groupe 11)

D’autres fongicides homologués pour le céleri peuvent être efficaces contre l’anthracnose du céleri :

  • Pristine (boscalide – groupe 7 + pyraclostrobine – groupe 11)
  • Luna Sensation (fluopyrame – groupe 7 + trifloxystrobine – groupe 11)
  • Flint (trifloxystrobine – groupe 11)
  • Bravo ZN/Echo 90DF (chlorothalonil – groupe M5)

Pour plus d’information, consulter la publication 838F, Guide de protection des cultures légumières. Toujours lire et respecter les directives mentionnées sur l’étiquette du pesticide.

Des modèles de prévision basés sur les conditions météorologiques pour l’anthracnose du céleri ont été mis au point en Ontario pour les cultivars sensibles (TZ6200 et Kelvin). À l’aide du système TOMCAST, les applications de fongicide à un degré de gravité de la maladie (DSV) de 15 ont donné un degré de gravité similaire aux pulvérisations basées sur les dates avec moins d’applications de fongicides. Le recours au système TOMCAST à un degré DSV de 15 permet d’effectuer des traitements fongicides lorsque des conditions météo propices à la maladie persistent et de réduire les quantités d’applications non nécessaires de fongicides.

Si un champ de céleri a été infecté, enfouir profondément les résidus immédiatement après la récolte afin de faciliter la décomposition des débris végétaux.

Gestion des résistances aux fongicides

Les fongicides peuvent être un outil de lutte important contre l’anthracnose du céleri. Les mesures préconisées pour gérer les résistances doivent être suivies dans le cas des fongicides. Les champignons Colletotrichum spp., y compris C. finoriniae et C. nymphaeae, présentent un risque élevé de développer une résistance. Les risques de développement de résistance sont particulièrement élevés lorsqu’on utilise des fongicides du groupe 11 (azoxystrobine, pyraclostrobine, trifloxystrobine). Les pratiques de gestion des résistances sont très importantes dans le cas de cette maladie afin de maintenir l’efficacité des produits de lutte.

Il est fortement recommandé d’utiliser en alternance d’autres groupes de fongicides efficaces. Les produits contenant des fongicides du groupe 11 (Quadris, Pristine, Luna Sensation et Flint) ne peuvent pas être appliqués de manière consécutive. Lorsque c’est possible, mélanger en cuve des fongicides du groupe 11 avec un fongicide du groupe M (c.-à-d. du mancozèbe ou du chlorothalonil) ou un fongicide d’un autre groupe efficace. Cette mesure réduit la sélection pour la résistance de chaque fongicide. Si on utilise uniquement des fongicides du groupe 11 (Quadris, Flint), ne pas les utiliser pour plus du tiers de tous les traitements fongicides. Si on utilise un mélange dans lequel les deux matières actives des produits sont efficaces contre la maladie, ne pas utiliser un fongicide du groupe 11 pour plus de la moitié du nombre total d’applications.

Il est important en outre de maintenir la culture de céleri le plus saine possible et de recourir à d’autres stratégies de lutte, comme de semer des cultivars tolérants, afin de réduire la dépendance aux fongicides pour lutter contre l’anthracnose du céleri.

Sources additionnelles sur le web :

Références

  • Liu, B., Pavel, J. A., Hausbeck, M. K., Feng, C., et Correll, J. C., Phylogenetic Analysis, Vegetative Compatibility, Virulence, and Fungal Filtrates of Leaf Curl Pathogen Colletotrichum fioriniae from Celery, dans Phytopathology, 111(4), 751–760, https://doi.org/10.1094/PHYTO-04-20-0123-R, 2021.
  • McDonald, MR., Vander Kooi, K., Reynolds, S., Celetti, M., Jordan, K. et Pauls, P., Muck Vegetable Cultivar Trial and Research Reports – 2015 to 2019. Consulté sur https://bradford-crops.uoguelph.ca/publications/cultivar-trial-and-research-reports
  • Yamagishi, N., Fujinaga, M., Ishiyama, Y., Ogiso, H., Sato, T. et Tosa, Y., Life cycle and control of Colletotrichum nymphaeae, the causal agent of celery stunt anthracnose, dans Journal of General Plant Pathology: JGPP, 81(4), 279–286. https://doi.org/10.1007/s10327-015-0598-7, 2015.

Cette fiche technique a été rédigée par Katie Goldenhar, phytopathologiste, cultures horticoles, et Travis Cranmer, spécialiste de la culture des légumes, ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires Rurales.