Introduction

Les cultures non traditionnelles sont souvent des cultures occupant de faibles superficies qui sont destinées à des marchés de niche comme les herbes aromatiques et médicinales et culinaires et les plantes utilisées à des fins industrielles (par exemple, le chanvre pour la production de fibres).

Une culture non traditionnelle peut être nouvelle dans une région ou simplement nouvelle pour l’exploitant. Nombreux sont les producteurs agricoles qui voient dans les cultures non traditionnelles un moyen de s’adapter aux tendances nouvelles en agriculture ou à l’évolution démographique.

L’Ontario compte l’une des populations les plus ethniquement diversifiées d’Amérique du Nord. Cette diversité se traduit par l’ouverture d’importants débouchés pour les cultures non traditionnelles produites localement.

La décision de se lancer dans une culture non traditionnelle doit s’appuyer sur une analyse de rentabilité complète. Celle-ci permet à l’exploitant d’examiner tous les aspects de la production de la culture non traditionnelle, y compris :

  • les conditions agronomiques de la culture envisagée
  • les questions potentielles de salubrité des aliments et de réglementation
  • la commercialisation
  • les avantages et les risques potentiels

L’expérience acquise par l’exploitant dans la production de cultures traditionnelles ne se transpose pas toujours directement aux cultures non traditionnelles. Il importe d’effectuer une recherche approfondie avant de se lancer dans la production d’une nouvelle culture. Cette page présente les principaux points à prendre en considération avant de décider de produire une culture non traditionnelle.

La culture

Matériel végétal à utiliser

S’assurer que l’espèce en question peut être importée, exportée et cultivée en toute légalité. Des dispositions législatives visant, par exemple, des espèces en voie de disparition, des mauvaises herbes nuisibles ou des espèces envahissantes, peuvent interdire l’importation ou la culture de certaines plantes. Ainsi, en vertu de la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition (Ontario), il peut être illégal de cultiver une espèce classée comme étant en voie de disparition ou menacée. Le ginseng, le noyer cendré et l’hydraste du Canada sont mentionnés dans cette loi et leur production est soumise à des restrictions précises. D’autres plantes, comme le chanvre et le tabac, ne peuvent être cultivées légalement sans l’obtention d’un permis. S’informer de toutes les exigences législatives concernant la culture envisagée.

Se renseigner sur la façon de partir la culture (par semis, repiquage) et s’assurer de la disponibilité du matériel végétal nécessaire. Pour certaines plantes en provenance de pays chauds (comme les melons de spécialité) le départ de la culture peut devoir se faire au moyen de plants à repiquer si l’on veut que les plants atteignent leur pleine maturité au cours de la saison végétative de l’Ontario. D’autres espèces (comme le pak-choï à fleurs) peuvent avoir du mal à atteindre leur plein développement si on les part à partir de plants à repiquer.

Considérer également la disponibilité des semences ou des plants à repiquer, de même que la source du matériel végétal. Si les semences ou les plants à repiquer viennent de l’extérieur du Canada, il faudra peut-être demander un permis d’importation et une inspection par l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Il faudra aussi trouver un fournisseur fiable et de bonne réputation qui pourra fournir des semences et des plants du cultivar souhaité (exempts de maladies, d’insectes et de virus) et, s’il y a lieu, des plants convenablement certifiés (par exemple, bio ou exempts de virus).

Environnement

Comme de nombreuses espèces non traditionnelles sont souvent originaires de pays chauds, il est important de déterminer s’il vaut mieux les cultiver en plein champ ou en serre. La culture en serre peut s’imposer pour produire des cultures qui ne parviennent pas à maturité dans les limites de la saison végétative ontarienne ou pour améliorer la qualité de la récolte et éventuellement réduire la pression exercée par les ennemis de la culture.

Toutefois, certaines cultures non traditionnelles peuvent ne pas être suffisamment rentables pour justifier les coûts supplémentaires engagés pour la culture en serre, de sorte que le seul mode de production économique reste la culture en plein champ. Dans ce cas, on s’assurera que la région possède les sols et les conditions climatiques qui permettent une production rentable.

Exigences agronomiques

Déterminer les conditions agronomiques (type de sol, fertilité et irrigation) qu’exigent les différentes cultures non traditionnelles. Pour certaines de ces cultures, les exigences agronomiques sont bien connues ailleurs dans le monde (on peut obtenir cette information dans diverses publications ou auprès de producteurs ou des services de vulgarisation des pays visés). Dans certains cas, ces exigences agronomiques peuvent être facilement adaptées aux exploitations qui pratiquent des cultures traditionnelles en Ontario, surtout si les conditions de croissance locales sont semblables. Il peut également être possible d’adapter les pratiques agronomiques qui s’appliquent à une culture apparentée déjà produite en Ontario. Dans certains cas, il faudra procéder à des expériences sur le terrain pour déterminer les conditions de prédilection de la nouvelle culture. Les rendements et la qualité de la production pourraient s’en trouver affectés pendant quelques années, le temps qu’on mette au point une méthode adaptée à la plante.

L’introduction de cultures non traditionnelles peut nécessiter l’élaboration de nouvelles stratégies de rotation des cultures, de manière à freiner la prolifération des organismes nuisibles et à rehausser la santé générale des sols. En outre, il faudra éventuellement repenser les calendriers de plantation et de récolte et redéfinir les besoins de main-d’œuvre, de façon que les cultures non traditionnelles n’entravent pas les pratiques agricoles courantes.

Certaines cultures, comme les herbes et les légumes-feuilles, peuvent autoriser plus d’un semis par saison de culture, ce qui procure une souplesse accrue, notamment si la récolte se fait sur une base continue. Le calendrier des récoltes, qui peut être compliqué, exige de bien connaître les particularités de la croissance des cultures et l’évolution de la demande sur le marché.

De nombreuses cultures non traditionnelles exigent du matériel spécialisé pour la préparation des sols, la mise en terre des semences ou des plants et la récolte. L’achat de ce matériel devra être pris en compte dans l’analyse des coûts de production.

Lutte contre les ennemis des cultures

Dans le cas de nombreuses cultures non traditionnelles, il y a peu de produits chimiques et d’agents biologiques homologués. Il importe donc d’adopter des pratiques culturales susceptibles d’atténuer ou de compenser cette lacune.

Il est assez fréquent que les organismes nuisibles épargnent les cultures nouvelles les premières années, mais ils apparaissent plus tard, à mesure que les superficies qui leur sont consacrées augmentent. Aussi, avant de se lancer dans une culture non traditionnelle étroitement apparentée à une culture déjà pratiquée en Ontario (par exemple, une culture qui appartient à la même famille de végétaux), il convient de se renseigner sur les ennemis qui s’attaquent habituellement à la culture traditionnelle en place; il y a en effet de bonnes chances que les mêmes ennemis s’attaquent à la nouvelle culture. Ainsi, la tinda, un tout petit melon originaire de l’Inde, donc de la famille des cucurbitacées, pourrait être la cible de bon nombre d’insectes et de maladies qui s’attaquent aux concombres et aux melons en Ontario.

L’un des plus grands défis qui se posera aux producteurs de cultures non traditionnelles est sans doute la lutte contre les mauvaises herbes. Les méthodes de lutte contre les mauvaises herbes autres que chimiques (comme le sarclage) sont importantes vu la rareté, quand ce n’est pas l’absence, d’herbicides homologués.

Pour la plupart des cultures non traditionnelles, le recours à des méthodes préventives pour atténuer les problèmes causés par les ennemis des cultures est crucial puisque les solutions de rechange peuvent être limitées une fois que les infections ou infestations sont présentes. Ces méthodes comprennent :

  • une rotation appropriée des cultures
  • l’utilisation de cultivars résistant aux ravageurs
  • une attention portée à l’assainissement des champs et à la gestion des résidus de culture
  • l’utilisation de semences de qualité supérieure, certifiées exemptes de maladies (lorsque ces semences sont disponibles)
  • la pratique de cultures intercalaires, la variation des dates de semis et des densités de peuplement, le travail du sol et l’utilisation de bandes ou de parcelles pièges

Un suivi serré et la tenue de registres aideront l’exploitant à repérer les ennemis à combattre avant que ceux-ci n’atteignent des seuils de nuisibilité. Ils lui donneront en outre des indications précieuses sur les ennemis susceptibles de lui poser des problèmes dans les campagnes agricoles à venir.

Exigences postérieures à la récolte

L’importance des manutentions que devra subir le produit après la récolte dépend des exigences du marché auquel il est destiné. Certaines productions sont écoulées à l’état frais tandis que d’autres doivent être transformées. À cela peuvent s’ajouter des exigences réglementaires relatives à la transformation des aliments, comme le type d’installation requis pour le respect des lois en matière de salubrité des aliments et des règlements d’étiquetage. Dans certains cas, une transformation supplémentaire à valeur ajoutée (comme l’épluchage ou le hachage) pourra accroître la marge bénéficiaire de l’exploitant.

Un autre aspect à considérer est le stockage de la récolte. L’exploitant doit déterminer si des installations d’entreposage spécialisées sont nécessaires et combien de temps la culture peut être entreposée. Une durée de stockage courte pourra constituer un avantage concurrentiel s’il est impossible de se procurer des produits importés de haute qualité. Une longue durée de conservation permettra cependant à l’exploitant d’étaler dans le temps les livraisons aux clients et de réduire les risques liés à la fluctuation des prix.

Commercialisation

Il est difficile de planifier et de valider la demande du marché avant de produire et de vendre une culture. Il importe donc d’élaborer une stratégie de commercialisation qui définit précisément chacune des étapes menant à des ventes fermes.

La commercialisation consiste en des décisions stratégiques qui influencent la perception du client. Les décisions de commercialisation portent sur :

  • un produit (y compris l’étiquetage et le conditionnement)
  • un ou des points de vente et un réseau de distribution
  • une stratégie de promotion
  • le prix

Les aspects clés à considérer dans le processus décisionnel sont les suivants :

  • les caractéristiques et les avantages du produit
  • les personnes les plus susceptibles d’acheter le produit
  • le nombre d’acheteurs éventuels
  • le volume de produit nécessaire
  • la question de savoir si le marché est saisonnier ou annuel
  • la meilleure façon de joindre les acheteurs éventuels
  • les produits et les entreprises concurrents
  • la stabilité de la demande des consommateurs
  • la fourchette prévisible de prix
  • le prix le plus bas qui permettra de dégager un profit
  • le chiffre d’affaires prévu

Débouchés

Les débouchés pour les producteurs ontariens comprennent les commerces de détail et les services d’alimentation.

Commerces de détail

L’Ontario compte plus de douze mille détaillants en alimentation, qui comprennent notamment :

  • des dépanneurs
  • des épiceries
  • des magasins-entrepôts
  • des pharmacies
  • des sites Internet de vente d’aliments
  • des comptoirs routiers
  • des marchés d’agriculteurs

Pour plus d’information sur la vente de cultures non traditionnelles, directement de la ferme à la clientèle des comptoirs routiers et des marchés d’agriculteurs ainsi qu’aux adeptes de l’auto-cueillette, communiquer avec l’Ontario Farm Fresh Marketing Association. Pour s’informer des possibilités d’écouler sa production dans les marchés d’agriculteurs, voir les exploitants locaux de ces marchés ou visiter le site Web de Farmers’ Markets Ontario.

Services d’alimentation

Il existe plus de trente mille points de service d’alimentation en Ontario, qui comprennent notamment :

  • des boulangeries
  • des traiteurs
  • des cafés
  • des cantines mobiles
  • des friteries mobiles
  • des services de livraison à domicile
  • des hôpitaux
  • des écoles
  • des prisons
  • des établissements exploités par des traiteurs à forfait (y compris les cafétérias d’entreprise)

Ces débouchés peuvent être saisonniers ou ils peuvent fonctionner l’année durant. Pour prendre contact avec l’un ou l’autre de ces points de service, on peut s’adresser au Marché des produits alimentaires de l’Ontario, à Toronto.

Choix d’une clientèle cible

Il est préférable de recenser d’éventuels acheteurs et de communiquer avec eux avant d’entreprendre la mise en culture : ces premiers contacts se traduiront peut-être par la signature de contrats. L’exploitant qui vise de larges segments de la clientèle ontarienne devrait communiquer avec les trois grandes chaînes de magasins d’alimentation implantées en Ontario (qui vendent plus de 75 % des produits d’épicerie dans la province). Chacune de ces chaînes compte un responsable des achats qui dispose de toute l’information utile sur :

  • l’assurance
  • l’étiquetage
  • les pratiques agricoles et d’audits à la ferme
  • les exigences en matière d’emballage

On aura avantage à se procurer cette information avant d’aller plus loin.

La production peut aussi être écoulée directement auprès d’un distributeur qui se spécialise dans la revente à des commerces de détail et à des services d’alimentation. Des organisations comme le Marché des produits alimentaires de l’Ontario et certaines entreprises spécialisées dans la desserte des services d’alimentation peuvent joindre un nombre important de points de vente.

Si l’exploitant constate qu’un commerce de détail ou qu’un service d’alimentation vend déjà des produits à une clientèle qu’il a lui-même ciblée, il devrait communiquer avec le distributeur qui approvisionne cet établissement. Le distributeur à qui il offrira son produit non traditionnel pourrait y voir une occasion d’augmenter son chiffre d’affaires.

En élargissant l’éventail des marchés visés, on réduit les risques d’échec commercial. Si la liste des débouchés se résume à un seul marché, il faudra évaluer le degré de stabilité de celui-ci et prévoir une porte de sortie au cas où le marché s’affaisserait ou disparaîtrait complètement.

Exigences en matière d’étiquetage

S’informer des exigences des clients en matière d’étiquetage et des frais supplémentaires que celles-ci pourraient entraîner. Les étiquettes doivent être conformes en tous points aux lois et aux règlements en vigueur (provinciaux et fédéraux).

Ciblage de la clientèle

Pour accroître ses ventes, l’exploitant doit apprendre à attirer l’attention de sa clientèle cible. Il est prouvé que des stratégies simples – comme des annonces publiées dans les magazines lus par la clientèle cible ou la décoration d’un stand avec des couleurs ou des motifs auxquels les clients visés s’identifient (par exemple, les couleurs de leur drapeau national) – permettront de gonfler le chiffre d’affaires.

S’assurer que le cultivar choisi plaît à la clientèle visée. Par exemple, parmi les nombreux cultivars d’aubergine qui existent et qui ont tous des caractéristiques différentes, il s’en trouve qui présentent des caractères uniques ayant la faveur de certains groupes ethniques particuliers.

Pour réussir un projet de culture non traditionnelle, il importe de bien comprendre le marché visé et de s’assurer que la demande pour le produit est suffisante. En raison des faibles superficies consacrées à ces cultures, l’équilibre entre l’offre et la demande est souvent difficile à maintenir dans leur cas. Il est particulièrement important de déterminer avec précision la superficie minimale requise pour prendre pied sur le marché en raison de l’obligation où se trouve le producteur de se familiariser avec la culture avant d’investir dans un agrandissement substantiel des superficies cultivées. Toute hausse de la production d’une culture nouvelle peut se traduire par un excédent de l’offre susceptible de faire chuter les prix, particulièrement si le marché est restreint.

Il importe de déterminer comment les variations de l’offre vont influencer le prix de vente du produit et de s’assurer que le plan d’affaires tient compte des fluctuations éventuelles du prix. Le caractère concurrentiel de la production peut être influencé par des facteurs comme la fraîcheur et la qualité du produit ou la proximité du marché.

Gestion du risque

Bien cerner les options à sa disposition en cas d’échec de la culture, étant entendu par ailleurs que ce type de risque – soit des cultures non traditionnelles sur des superficies réduites – n’est peut-être pas couvert par l’assurance-récolte. Envisager de diversifier la production : en cultivant un certain nombre d’espèces faciles à écouler sur les marchés visés, on atténue les répercussions négatives de l’échec d’une culture unique.

Le risque financier de mauvaises récoltes augmente également avec le temps qu’une culture met à mûrir. Par exemple, perdre une plantation sur quatre d’une herbe aromatique aurait moins d’impact que la perte d’une plantation de noix qui met 15 ans à atteindre sa pleine production.