Remerciements

D’entrée de jeu, j’aimerais souligner que ce rapport est le fruit des contributions, de la collaboration, du soutien et de l’expertise de nombreuses personnes, qui ont toutes joué un rôle essentiel dans la réussite de cet Examen et la préparation de ce rapport.

Premièrement, j’aimerais remercier le juge en chef George Strathy, juge en chef de l’Ontario, et mes collègues de la Cour d’appel de l’Ontario, pour leur appui constant et leur compréhension pendant mon absence de la Cour pour l’exécution de ce mandat.

Deuxièmement, j’aimerais remercier tous les membres de l’équipe qui ont travaillé à l’Examen indépendant sur les contrôles de routine. La réussite de cet Examen est le résultat direct de l’équipe qui m’a soutenu tout au long de ce processus. Chaque membre a apporté des compétences et une expertise uniques à cet Examen, et chaque contribution a fait partie intégrante de son succès final. Je n’aurais pas pu accomplir ce mandat sans leur engagement infaillible, leur dévouement et leur travail exemplaire au cours des 18 derniers mois. Leurs contributions sont nombreuses et inestimables. Je leur suis très reconnaissant pour tout ce qu’ils ont fait pendant les consultations menées dans le cadre de l’Examen et pour la préparation de ce rapport.

Troisièmement, j’aimerais exprimer ma reconnaissance et mes remerciements à tous les intervenants que nous avons rencontrés au cours des vastes consultations publiques, avec les groupes communautaires et la police, réalisées un peu partout dans la province. Les consultations tenues avec un vaste éventail de membres de la collectivité, d’experts, d’organisations, de services de police et de membres du public ont fait partie intégrante de cet Examen et revêtu une importance capitale dans la définition de mon approche. Je n’oublierai jamais les contributions et les observations précieuses formulées par les intervenants lors de ces rencontres ou par écrit. Leur concours et leurs observations ont guidé mon analyse et les recommandations contenues dans ce rapport.

Quatrièmement, j’ai eu la chance de pouvoir compter sur de nombreuses personnes pour tester mes idées et mes approches et solliciter des commentaires sur certaines parties de mon rapport. Elles se reconnaîtront toutes ici. Leurs commentaires ont été vraiment utiles dans le cadre de ce processus, et je les en remercie.

Enfin et surtout, j’aimerais remercier ma famille. Je vous remercie de votre appui indéfectible, de votre confiance en moi et de vous être accommodés de mes nombreuses absences et de l’horaire qu’a nécessité cet Examen au cours des 18 derniers mois. Je n’aurais jamais pu entreprendre ce travail sans vous et je vous en suis immensément reconnaissant. Vous êtes toute ma vie.

Michael H. Tulloch

Résumé

  1. Le 7 juin 2017, le gouvernement de l’Ontario m’a chargé de mener un examen indépendant du Règlement 58/16 (Collecte de renseignements identificatoires dans certaines circonstances — Interdiction et obligations) et de sa mise en œuvre. Le Règlement 58/16, adopté en 2016, énonce les nouvelles règles de l’Ontario sur la collecte de renseignements identificatoires par la police dans certaines circonstances, une pratique communément appelée « contrôle de routine » (et parfois appelée « fichage »).
  2. À titre d’examinateur indépendant sur les contrôles de routine, j’ai examiné le contenu du Règlement et évalué dans quelle mesure les agents de police, les chefs de police et les commissions des services policiers s’y conformaient. Plus particulièrement, l’Examen a porté sur la question de savoir si le Règlement reflétait l’objectif du gouvernement d’assurer que les relations entre la police et la population sont cohérentes, exemptes de préjugés et exécutées d’une manière qui favorise la confiance du public et protège les droits de la personne.
  3. Ce rapport cherche à répondre à certaines questions critiques et à formuler des recommandations sur la façon d’améliorer le Règlement et de s’assurer qu’il respecte l’intention et les fins pour lesquelles il a été adopté. Dans ce sommaire (partie I de mon rapport), je résume le contexte de cet Examen (partie II), le contexte juridique (partie III) et mes conclusions et recommandations (parties IV et V).

Sommaire de la Partie II : Contexte

  1. La prévention du crime est essentielle au maintien de la sécurité publique, et la police doit disposer des outils adéquats pour assumer cette tâche. Toutefois, la confiance de la population à l’égard des services policiers est l’assise sur laquelle repose la légitimité de la police : sans elle, la police perd de l’autorité et la capacité de faire son travail. C’est l’optique dans laquelle toute analyse des contrôles de routine et du fichage doit être faite.
  2. À l’origine, les contrôles de routine devaient être un outil d’enquête pour recueillir des renseignements sur des gens que la police avait des motifs de soupçonner qu’ils avaient participé à une activité criminelle. Avec le temps, toutefois, c’est devenu une pratique beaucoup moins ciblée. Certains services de police ont commencé à recueillir et à stocker des renseignements personnels identificatoires sur de nombreux citoyens sans avoir le moindre motif de croire qu’ils avaient participé à une activité criminelle, et sans qu’il soit démontré que ces bases de données étaient bien utiles pour résoudre les crimes.
  3. Bon nombre des questions entourant les contrôles de routine découlent d’une mauvaise compréhension des termes eux-mêmes. Un contrôle de routine est une demande de renseignements de la police auprès d’un citoyen qui n’est pas liée à une enquête en particulier et qui a lieu à l’extérieur d’un poste de police. C’est une catégorie très générale de collecte de renseignements effectuée par la police, et souvent c’est une collecte légitime de renseignements potentiellement utiles. En anglais, on utilise le terme carding (« fichage ») pour faire référence à une petite fraction des contrôles de routine où l’agent de police demande de façon aléatoire à un citoyen de fournir des renseignements identificatoires alors qu’il n’est soupçonné d’aucun crime, pas plus qu’il n’y a de motifs de croire qu’il détient des renseignements sur un crime. Ces renseignements sont ensuite entrés dans une base de données sous le contrôle de la police.
  4. Au chapitre 2 de ce rapport, j’analyse l’histoire et l’évolution des contrôles de routine, ainsi que l’effet des contrôles de routine aléatoires, y compris leurs avantages et leurs coûts. Bien que les partisans des contrôles de routine aléatoires fassent valoir que ces contrôles peuvent aider à prévenir le crime et contribuer aux enquêtes criminelles, ils ont aussi de nombreux coûts comme les effets négatifs sur la santé physique et mentale des personnes soumises à ces contrôles, les effets négatifs potentiels sur leur emploi et autres possibilités, la perte de confiance et de coopération du public et le fléchissement de la légitimité accordée à la police. Ces effets sont ressentis de façon disproportionnée par certains groupes ethniques, en particulier les communautés autochtones, noires et autres communautés racialisées, ainsi que par les jeunes et les membres de groupes socioéconomiques défavorisés.
  5. Ces questions ont amené le gouvernement de l’Ontario à déposer le Règlement 58/16, que j’ai reçu le mandat d’examiner. Au chapitre 2, je passe également en revue l’histoire et l’objet du Règlement, et les problèmes critiques entourant la compréhension, l’interprétation et l’application du Règlement en Ontario. Dans ce contexte, je recommande que le gouvernement de l’Ontario procède immédiatement à la mise en œuvre ou à la modification du Règlement conformément aux recommandations que je formule aux chapitres 5 à 12 de ce rapport. Je fais remarquer que toutes les recommandations et les modifications doivent tenir compte du temps et des ressources dont ont besoin les services de police pour offrir une formation adéquate et assurer la mise en œuvre efficace du Règlement révisé. Le gouvernement devrait affecter des ressources supplémentaires aux services de police expressément à cette fin (recommandation 2.1).
  6. Conformément aux termes du mandat, le gouvernement de l’Ontario m’a demandé de répondre à un certain nombre de questions sur (a) le contenu du Règlement et (b) la mise en œuvre du Règlement.
  7. Concernant le contenu du Règlement, on m’a demandé de répondre aux questions suivantes :
    • Le Règlement assure-t-il que les interactions entre la police et la population sont cohérentes?
    • Le Règlement assure-t-il que les interactions entre la police et la population sont exemptes de préjugés et de discrimination?
    • Le Règlement assure-t-il que les interactions entre la police et la population sont exécutées d’une manière qui favorise la confiance du public et assure la sécurité communautaire?
    • Le Règlement reflète-t-il fidèlement le principe que l’Ontario prend la protection des droits de la personne très au sérieux et ne fait preuve d’aucune tolérance à l’égard du racisme ou de toute forme de discrimination fondée sur un des motifs protégés par le Code des droits de la personne à son article 1?
    • Le Règlement reflète-t-il fidèlement le principe que l’Ontario est opposé aux contrôles arbitraires, aléatoires, dépourvus de motifs clairs en rapport avec le maintien de l’ordre et visant uniquement la collecte de renseignements identificatoires?
    • Y a-t-il des recommandations à faire concernant le contenu du Règlement à la lumière des questions précédentes?
  8. Concernant la mise en œuvre du Règlement, on m’a demandé de répondre aux questions suivantes :
    • L’application du Règlement pose-t-elle des difficultés, sur le plan opérationnel ou autre et, dans l’affirmative, quelles sont les recommandations de solution?
    • Les mécanismes de responsabilisation et de surveillance dans le Règlement sont-ils adéquats pour assurer la conformité au Règlement et, dans la négative, quelles sont les recommandations d’amélioration aux mécanismes?
    • Y a-t-il des recommandations de modification à des politiques ou à des marches à suivre en vue d’améliorer la mise en œuvre du Règlement?
    • Les agents de police et les chefs de police se conforment-ils au Règlement?
    • Les agents de police et les chefs de police se conforment-ils au Règlement en ce qui concerne les points suivants :
      • les exigences relatives à la conservation des données et à la gestion des données
      • l’élimination des objectifs de rendement
      • la formation
      • l’établissement des marches à suivre
      • la remise des rapports?
    • Les commissions des services policiers ont-elles élaboré des politiques conformes au Règlement?
    • Le curriculum et le matériel de formation connexe élaborés par le Collège de police de l’Ontario assurent-ils la conformité au Règlement?
    • Y a-t-il des recommandations à faire concernant l’efficacité de la formation élaborée par le Collège de police de l’Ontario?
    • Quelles méthodes les services de police ont-ils adoptées pour mettre en œuvre le Règlement?
    • Y a-t-il des recommandations à faire concernant les méthodes que les commissions des services policiers devraient adopter à l’égard du document à remettre aux personnes interpellées à la suite d’une interaction réglementée, et y a-t-il lieu d’assurer une certaine cohérence à l’égard de cet aspect?
    • Y a-t-il des recommandations à faire concernant les méthodes que les commissions des services policiers devraient adopter à l’égard de la conservation des renseignements recueillis conformément au Règlement, et y a-t-il lieu d’assurer une certaine cohérence à l’égard de cet aspect?
    • Y a-t-il des recommandations à faire concernant les méthodes que les commissions des services policiers devraient adopter en ce qui concerne l’établissement de groupes d’âge et de groupes racialisés dans les rapports sur la collecte de données, et y a-t-il lieu d’assurer une certaine cohérence à l’égard de cet aspect?
  1. Ces questions sont nombreuses et complexes, et une analyse, des recherches, des consultations et des prises de contact approfondies étaient nécessaires pour y répondre.
  2. À ce stade-ci, je souhaite décrire le processus de consultation de l’Examen. Il était très important pour moi d’entendre le point de vue du plus grand nombre de personnes possible, afin de formuler des recommandations qui auraient un effet tangible.
  3. Le mandat exigeait que je consulte le ministre délégué à l’Action contre le racisme et le directeur indépendant d’examen de la police. Il m’a également été demandé de mener un sondage indépendant auprès de civils pour aborder certaines questions liées à la conformité de la police au Règlement et aux interactions entre la police et la population. Ce sondage a été réalisé dans le cadre de l’Examen, et un résumé de ses conclusions est donné à divers endroits dans ce rapport, ainsi qu’à l’annexe E.
  4. Le processus de consultation général dans le cadre de l’Examen s’est étendu sur 11 mois, pendant lesquels j’ai rencontré plus de 2 200 personnes et reçu plus de 100 représentations écrites. De nombreux intervenants ont été consultés, y compris des services de police, des groupes et des organismes communautaires, des groupes d’intérêt public, des particuliers et des universitaires.
  5. J’ai rencontré des agents de 34 services de police en Ontario, dont des chefs de police, des membres et des commissions des services policiers, afin de comprendre leurs points de vue et l’effet du Règlement sur leur travail.
  6. Douze consultations publiques ont eu lieu un peu partout dans la province, qui ont permis aux membres du public d’exprimer leurs points de vue et préoccupations et de formuler des commentaires et des recommandations sur les contrôles de routine et le Règlement.
  7. J’ai rencontré des membres des communautés autochtones, noires et d’autres groupes racialisés un peu partout dans la province. Le fait de recueillir directement les observations de ces communautés m’a permis de mieux comprendre les enjeux historiques et actuels auxquels elles se heurtent à l’égard des contrôles de routine.
  8. Les consultations tenues avec tous ces groupes m’ont été indispensables, car elles ont fourni un contexte, de l’information et un éclairage précieux sur les questions que je devais traiter dans le cadre de l’Examen. Les contributions de ces groupes ont inspiré les recommandations contenues dans ce rapport. Je suis immensément reconnaissant envers toutes les personnes que j’ai rencontrées pour leur ouverture et leur volonté de partager avec moi leur savoir, leur expérience, leur réalité et leur expertise.
  9. En plus des consultations, j’ai mené de vastes recherches sur les aspects juridiques de l’Examen du Règlement, afin de répondre aux questions qui m’étaient posées. J’ai effectué une analyse comparative des méthodes d’autres pays à l’égard de ces questions, dans le but de relever les méthodes ou les cadres d’analyse qui seraient particulièrement pertinents pour la situation en Ontario.
  10. Au chapitre 4 de ce rapport, je fournis des renseignements contextuels importants sur les principaux concepts juridiques, lois et dispositions constitutionnelles qui appuient l’analyse et les recommandations contenues dans ce rapport. Mes recommandations sont énoncées aux parties IV et V, plus précisément aux chapitres 5 à 12. J’ai inclus la liste complète des recommandations à l’annexe A. Dans les sections suivantes, je résume brièvement chaque chapitre et mets en évidence les principales recommandations formulées aux chapitres 5 à 12.

Sommaire de la Partie III : Le contexte de l’Examen indépendant

Chapitre 4 Maintien de l’ordre – Pouvoirs et limites

  1. Au chapitre 4, je résume un certain nombre de libertés civiles et de droits fondamentaux, ainsi que les obligations et les pouvoirs applicables des agents de police et les limites de ces pouvoirs prévues actuellement dans notre droit. Ce sommaire sert de contexte juridique au Règlement et à mes recommandations énoncées dans les chapitres suivants.
  2. Les citoyens jouissent de nombreux droits individuels, notamment celui de se déplacer librement sans intervention de l’État. Lorsqu’un agent de police aborde une personne pour la questionner, la personne est généralement libre de refuser de répondre et de s’en aller. Bien sûr, cela n’empêche pas un agent de police d’aborder des citoyens, mais, à moins qu’il n’ait des motifs d’arrêter ou de détenir quelqu’un, il ne peut pas l’empêcher de s’en aller et de mettre fin à l’interaction.
  3. Les obligations des agents de police constituent une part importante de l’analyse présentée dans ce chapitre. Certains pouvoirs sont octroyés aux agents de police pour leur permettre de s’acquitter de leurs obligations. Ces pouvoirs sont issus à la fois des lois (par exemple, le Code criminel) et de la common law. Les obligations de la police sont le maintien de la paix, la prévention du crime et la protection de la vie et de la propriété. Pour s’acquitter de ces fonctions, les agents de police peuvent devoir entrer en contact avec des membres du public, y compris pour un contrôle et afin de les interroger. Toutefois, leur capacité à le faire n’est pas illimitée : un équilibre doit être atteint entre la protection des libertés individuelles et la reconnaissance adéquate de certaines fonctions de la police.
  4. Pour s’acquitter de ses fonctions, la police dispose de certains pouvoirs limités de porter atteinte à la capacité des citoyens de se déplacer librement. Ces pouvoirs comprennent les pouvoirs d’arrestation, les pouvoirs de détention prévus par la loi et les pouvoirs de détention découlant de la common law.
  5. Les agents de police peuvent procéder à une arrestation avec ou sans mandat. Lorsqu’ils arrêtent quelqu’un sans mandat, ils doivent trouver la personne en train de commettre une infraction criminelle ou avoir des motifs raisonnables de croire qu’elle a commis ou qu’elle s’apprête à commettre une infraction. La police dispose également de certains pouvoirs d’arrestation issus d’autres lois. Lors d’une arrestation, la police doit informer la personne des motifs de son arrestation et de son droit à l’assistance d’un avocat, et la personne a ensuite l’obligation de s’identifier.
  6. La police dispose d’un certain nombre de pouvoirs légaux pour contrôler et détenir des particuliers, comme les lois régissant l’accès aux palais de justice et aux aéroports ou les lois prévoyant certains types de mandats (comme les mandats relatifs aux analyses génétiques).
  7. La détention aux fins d’enquête est le principal pouvoir de détention que la common law confère à la police. La police a le pouvoir de détenir brièvement une personne aux fins d’enquête si elle a des motifs objectivement raisonnables de soupçonner que cette personne est liée à un crime particulier et que sa détention est raisonnablement et objectivement nécessaire. Ce soupçon raisonnable doit reposer sur plus qu’un simple soupçon ou pressentiment, mais c’est une notion moins stricte qu’une conviction fondée sur des motifs raisonnables et probables qui justifieraient une arrestation. Lors d’une détention aux fins d’enquête, la police doit informer la personne des motifs de sa détention et de son droit à l’assistance d’un avocat. Dans ces circonstances, les particuliers n’ont pas à parler à la police.
  8. La détention ne survient pas automatiquement dès que la police aborde un particulier aux fins d’enquête; elle survient seulement lorsqu’il y a détention physique (par exemple, par le menottage) ou psychologique. La détention psychologique survient lorsqu’une personne raisonnable, à la place de la personne interpellée, se sentirait obligée de se conformer à une directive ou à une demande de la police. Les tribunaux ont mis en relief les nombreux facteurs à prendre en considération pour déterminer s’il y a ou non détention psychologique; ces facteurs sont traités au chapitre 4. En fin de compte, on détermine s’il y a ou non détention psychologique en tenant compte de toutes les circonstances de l’interaction et de la conduite de la police.
  9. Dans les situations qui n’entrent pas dans la définition de « détention », les particuliers disposent d’autres protections contre une conduite arbitraire prévues par la loi, comme celles prévues dans le Code des droits de la personne de l’Ontario et la Loi de 2017 contre le racisme de l’Ontario.
  10. En gardant à l’esprit ce contexte juridique, je résumerai maintenant chacun des chapitres suivants, ainsi que les principales recommandations qui s’y rapportent.

Sommaire de la Partie IV : Collecte et gestion de renseignements identificatoires : Conclusions et recommandations

Chapitre 5 Application et interprétation du Règlement

  1. Dans ce chapitre, j’examine les circonstances dans lesquelles le Règlement s’applique à une interaction entre un agent de police et un particulier. J’analyse l’application générale du Règlement, le sens des renseignements identificatoires, les catégories de collectes auxquelles le Règlement s’applique et les domaines où le Règlement ne s’applique pas. Je cerne les lacunes dans l’application du Règlement, en fonction des préoccupations auxquelles le Règlement était censé répondre, et je formule des recommandations afin de corriger ces lacunes.
  2. Dès le départ, je recommande que le Règlement stipule expressément que son but ou son objectif est d’empêcher les contrôles arbitraires ou aléatoires de particuliers (recommandation 5.1).
  3. Le Règlement s’applique aux tentatives de collecte de renseignements identificatoires auprès de particuliers par des agents de police lorsque la tentative est effectuée dans le but de se renseigner sur des infractions qui ont été ou pourraient être commises, de se renseigner sur des activités suspectes pour détecter des infractions ou de recueillir des informations aux fins du renseignement. Je recommande que les agents soient informés du fait que le Règlement s’applique, peu importe que l’agent décide ou non par la suite de ne pas conserver ces informations (recommandation 5.2). Je recommande aussi de normaliser la définition de « renseignements identificatoires » pour la rendre uniforme d’un ressort à un autre (recommandations 5.3 et 5.4).
  4. Le Règlement précise qu’il ne s’applique pas à un certain nombre de situations, notamment les cas où une personne est tenue par la loi de fournir des renseignements à un agent de police. Ces cas surviennent lorsque les lois, comme le Code de la route, la Loi sur les permis d’alcool ou la Loi sur l’entrée sans autorisation, permettent à la police d’obtenir des renseignements identificatoires auprès de particuliers. Je recommande que la province de l’Ontario étudie la possibilité de réviser ces lois pour y intégrer des protections semblables à celles contenues dans le Règlement (recommandation 5.5). Je fais également des recommandations concernant l’application du Règlement aux contrôles de véhicules et de passagers de véhicules (recommandations 5.6 et 5.7).
  5. J’analyse les circonstances où le Règlement ne devrait pas s’appliquer, et je formule des recommandations à cet égard, notamment lorsqu’un particulier semble correspondre à la description d’une personne portée disparue, d’une victime de la traite des personnes ou d’une autre victime de crime, ou lorsque l’agent bavarde simplement avec des citoyens pour nouer des liens (recommandations 5.8 et 5.9). Je recommande également que des marches à suivre soient élaborées par les chefs de police pour assurer que les renseignements identificatoires recueillis dans ces situations ne soient consignés dans aucune base de données sur les interactions réglementées (recommandation 5.10).
  6. Un aspect important du Règlement est la distinction entre enquêter sur des infractions, ce qui n’est pas visé par le Règlement, et se renseigner sur des activités suspectes et des activités criminelles générales, ce qui relève du Règlement. J’explique que, dans ce dernier cas, il devrait y avoir un quelconque soupçon fondé sur des motifs objectifs et crédibles justifiant la demande de renseignements, quoique moindre que des motifs raisonnables de soupçonner exigés dans le cas d’une enquête. Je fais des recommandations pour assurer que cette distinction soit claire et que les renseignements identificatoires recueillis au titre de cette disposition du Règlement soient recueillis conformément à l’esprit et à la lettre du Règlement (recommandations 5.12, 5.13 et 5.14). Je recommande également que les interactions réglementées ne prennent pas plus de temps qu’il est raisonnablement nécessaire (recommandation 5.11).
  7. Ensuite, j’aborde la question de la collecte d’informations aux fins du renseignement, qui est la dernière catégorie de collecte à laquelle le Règlement s’applique. La collecte d’informations peut être de nature particulière ou aléatoire. Elle est de nature particulière lorsqu’il y a un motif particulier de croire que les renseignements identificatoires constitueraient des informations utiles à la police. À mon avis, ces interactions sont adéquates et devraient relever du Règlement.
  8. En revanche, la collecte aléatoire d’informations aux fins du renseignement revient à pratiquer ce qu’on appelle en anglais carding (« fichage »), soit la collecte de renseignements identificatoires dans le seul but de créer une base de données des particuliers dans le secteur. Deux questions fondamentales sont au cœur de cet Examen : les contrôles de routine aléatoires sont-ils efficaces et devraient-ils même être autorisés?
  9. Pour évaluer l’efficacité des contrôles de routine aléatoires, j’ai analysé les expériences et les recherches canadiennes et internationales, en plus de mettre à profit mes propres observations à la suite des nombreuses consultations menées dans le cadre de cet Examen. Je conclus que les contrôles de routine aléatoires, qui demandent beaucoup de temps et d’efforts de la part d’un service de police, présentent peu d’avantages vérifiables, voire aucun, en ce qui concerne le niveau de criminalité ou même d’arrestations. En fait, même avant le Règlement, de nombreux services de police avaient déjà abandonné la pratique en raison de son manque d’efficacité.
  10. J’examine également les situations d’urgence et les menaces à la sécurité publique, et constate que les outils dont dispose déjà la police, sans les contrôles de routine aléatoires, leur permettent de composer efficacement avec ces situations. Je recommande donc de mettre fin complètement à l’utilisation des contrôles de routine aléatoires (recommandation 5.15).

Chapitre 6 Interdiction de collecter certains renseignements

  1. Dans ce chapitre, j’examine les cas où les agents de police ne sont pas autorisés à recueillir des renseignements identificatoires.
  2. Aux termes de l’article 5 du Règlement, les agents de police ne sont pas autorisés à recueillir des renseignements identificatoires si « un élément » du motif de la tentative de collecte consiste dans le fait que l’agent perçoit le particulier comme appartenant à un groupe racialisé ou que la tentative de collecte est effectuée « d’une façon arbitraire ». Je recommande que d’autres motifs de discrimination interdits aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario et la situation socioéconomique du particulier soient aussi inclus dans cet article (recommandation 6.1).
  3. La collecte de renseignements identificatoires est ainsi considérée comme injustifiée si un élément du motif de la tentative de collecte est l’appartenance du particulier à un groupe protégé (soit son appartenance à un groupe protégé par un motif de discrimination prévu dans le Code des droits de la personne de l’Ontario ou sa situation socioéconomique). Cela dit, l’appartenance à un groupe protégé, comme l’identité raciale, est souvent une composante nécessaire de la description d’un suspect. Ainsi, un agent de police peut tenter de recueillir des renseignements identificatoires auprès d’un particulier parce qu’il perçoit le particulier comme appartenant à un groupe protégé, pourvu qu’il cherche un particulier donné et qu’il dispose de renseignements supplémentaires au fait que le particulier appartient à un groupe protégé.
  4. Cette exigence vise à empêcher que des gens soient assujettis à un contrôle et interrogés pour des motifs qui ne sont pas autorisés ou en fonction d’une description vague. La solution consiste à exiger une description crédible et raisonnablement précise du particulier et de sa situation avant qu’une demande soit faite aux fins d’identification. Je fais une recommandation sur la formulation de cet article du Règlement pour contribuer à résoudre ce problème (recommandation 6.1).
  5. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, les agents de police ne sont pas autorisés non plus à recueillir des renseignements identificatoires d’une façon arbitraire. Une collecte est considérée comme arbitraire à moins que l’agent de police ne fournisse de motif valable à la tentative de collecte. Je recommande d’étoffer l’article du Règlement qui précise ce que les motifs peuvent ou non inclure (recommandation 6.2). J’examine également les circonstances dans lesquelles les agents de police devraient et ne devraient pas obtenir de renseignements identificatoires auprès de membres du public et je donne des exemples à ce sujet.
  6. Enfin, je termine ce chapitre en abordant une question dont le Règlement actuel ne traite pas : la nécessité que toutes les interactions entre la police et la population soient exemptes de préjugés et de discrimination. Je recommande que les agents reçoivent une formation et qu’ils disposent de motifs clairs pour demander et recueillir des renseignements, peu importe que des renseignements identificatoires soient demandés ou non, et qu’aucun élément des motifs de ces interactions n’en soit un interdit par le Règlement (recommandation 6.3).

Chapitre 7 Obligations relatives aux collectes de renseignements

  1. Le chapitre 7 porte sur les obligations des agents de police relativement à la collecte de renseignements identificatoires. Je commence le chapitre en soulignant l’importance de la justice procédurale et de la civilité, en faisant remarquer que la confiance du public envers la police est renforcée lorsque la police est perçue comme agissant de plein droit et qu’elle traite les membres du public d’une façon polie, respectueuse, franche et digne. Lorsque la police est perçue comme agissant de plein droit, les gens sont plus enclins à obtempérer aux directives policières, à signaler des crimes et à coopérer à des enquêtes.
  2. Concernant les demandes de renseignements identificatoires, la police a l’obligation d’informer les particuliers de certaines choses avant de tenter de recueillir des renseignements identificatoires. Dans ce chapitre, je souligne l’importance d’informer la personne interpellée de ses droits et je précise à quel moment et de quelle façon cela devrait être fait. J’explique pourquoi il est impératif d’informer les gens du motif pour lequel les renseignements sont demandés et de l’utilisation qui sera faite des renseignements.
  3. Dans ce chapitre, je recommande que les demandes de renseignements identificatoires soient faites d’une façon professionnelle et courtoise (recommandation 7.1). Je formule des recommandations sur ce que l’agent devrait dire lorsqu’il informe la personne interpellée de ses droits avant de demander des renseignements identificatoires, le ton et la manière que l’agent devrait employer et, enfin, les demandes de pièces justificatives qui peuvent être faites (recommandations 7.2, 7.3 et 7.4).
  4. Je porte une attention particulière aux demandes de renseignements identificatoires visant des enfants de moins de 12 ans. Je fais une recommandation sur les situations où un agent peut demander des renseignements identificatoires à un enfant et précise les règles particulières qui s’appliquent à ces situations (recommandation 7.5).
  5. J’examine ensuite le rapport d’interaction (le « relevé ») et l’importance de ce document pour promouvoir la confiance du public. Je formule des recommandations sur la normalisation provinciale du relevé, en donnant des détails sur la présentation du relevé et les renseignements qu’il devrait contenir (recommandations 7.6, 7.7 et 7.8).
  6. Je décris et j’analyse l’obligation de l’agent de consigner le motif de la collecte de renseignements identificatoires et j’examine les autres renseignements qui devraient être expressément consignés pendant et après une demande de renseignements identificatoires aux termes du Règlement. Je formule des recommandations sur ce qu’un agent de police doit consigner pendant une interaction réglementée (recommandations 7.9 et 7.10).
  7. Je recommande également une présentation et une normalisation provinciales du formulaire utilisé par les agents de police pour consigner les renseignements obtenus lors de ces interactions réglementées dans leurs bases de données (recommandations 7.11 et 7.12).

Chapitre 8 Inclusion des renseignements recueillis dans des bases de données

  1. Ce chapitre est divisé en deux parties.
  2. La première partie porte sur l’inclusion des données recueillies dans le cadre de demandes de renseignements identificatoires après l’entrée en vigueur du Règlement le 1er janvier 2017. J’analyse les cas où des renseignements identificatoires recueillis par un agent de police peuvent être entrés dans une base de données avec et sans restrictions d’accès, en fonction de la conformité aux dispositions du Règlement, et le rôle du chef de police et de son remplaçant désigné dans la prise de cette décision. À cette fin, je fais une recommandation sur le rôle du chef de police et de son remplaçant désigné pour assurer la conformité au Règlement (recommandation 8.1). Je formule également une recommandation sur les cas où les renseignements devraient être entrés dans une base de données dont l’accès est restreint, plutôt que dans une base de données sans restrictions d’accès (recommandation 8.2).
  3. Dans cette première partie, je définis également les circonstances où la police peut accéder à des informations à diffusion restreinte et formule des recommandations sur les règles d’accès à ces informations, la documentation de l’accès et les restrictions relatives à l’utilisation des informations (recommandations 8.3, 8.4 et 8.5). En ce qui concerne la conservation des renseignements identificatoires dans les bases de données policières, je note qu’il n’y a pas, à l’heure actuelle, de limite de conservation provinciale cohérente. Je recommande la mise en place d’une période limite de conservation des données (cinq ans), après laquelle les données devraient automatiquement être détruites, à moins qu’elles ne soient nécessaires à une fin précise énoncée dans le Règlement (recommandation 8.6). Je recommande également que les services de police puissent choisir de détruire les renseignements identificatoires avant la fin de la période de cinq ans suivant leur collecte (recommandation 8.7).
  4. Concernant l’analyse des renseignements identificatoires dans les bases de données policières, je décris les exigences relatives à l’examen annuel détaillé par le chef de police (ou son remplaçant désigné) d’un échantillon aléatoire de taille appropriée d’entrées dans la base de données sans restrictions d’accès, tout en recommandant que soit précisé ce qui constitue un échantillon aléatoire de taille appropriée (recommandation 8.8). Lorsque le chef de police, dans le cadre de son examen, détermine que la collecte des renseignements identificatoires n’était pas conforme au Règlement, les renseignements doivent être conservés dans une base de données dont l’accès est restreint. Le chef de police doit tenir compte des résultats de l’examen et prendre les mesures appropriées pour s’assurer que les données sont recueillies conformément aux exigences du Règlement. Je formule également une recommandation sur l’utilisation des données dépersonnalisées recueillies à des fins de recherche (recommandation 8.9).
  5. Dans la seconde partie du chapitre 8, j’aborde la question de la conservation, de l’utilisation et de la divulgation des données recueillies avant le 1er janvier 2017, auxquelles le Règlement se serait appliqué (également appelées les « données historiques »). Plus particulièrement, le Règlement exige que les commissions des services policiers élaborent des politiques et que les chefs de police élaborent des marches à suivre, respectivement, concernant la conservation, l’utilisation et la divulgation des données historiques auxquelles le Règlement se serait appliqué.
  6. Le défi auquel je me suis heurté ici est que les renseignements identificatoires recueillis avant le 1er janvier 2017 n’étaient pas séparés par type d’interactions. Avant l’entrée en vigueur du Règlement, les modules informatiques sur les contrôles de routine dans les bases de données policières englobaient ce qui est maintenant considéré comme des interactions réglementées et d’autres interactions non réglementées (par exemple, les contraventions et les contrôles d’observation). La baisse marquée du nombre de ce qu’on appelle communément « contrôles de routine » après l’entrée en vigueur du Règlement s’explique en partie par le fait que le nombre indiqué avant l’entrée en vigueur du Règlement, souvent dans les milliers, comprenait à la fois les interactions réglementées et les interactions non réglementées, regroupées sous le module des contrôles de routine.
  7. Actuellement, le Règlement n’exige pas que les renseignements identificatoires recueillis avant le 1er janvier 2017 soient supprimés au bout d’un certain temps, pas plus qu’il n’exige que les renseignements recueillis en violation du Règlement soient entrés dans une base de données dont l’accès est restreint. Ces décisions relèvent des politiques et des marches à suivre que j’ai décrites ci-dessus.
  8. Au cours de mes consultations, j’ai entendu beaucoup de communautés et d’organisations demander la suppression de toutes les données historiques, alors que d’autres intervenants ont indiqué que les données historiques pouvaient être utiles dans des litiges futurs ou d’éventuelles enquêtes sur des personnes portées disparues.
  9. Compte tenu de ces observations et pour équilibrer ces perspectives, je recommande que les données historiques soient détruites cinq ans après leur collecte (recommandation 8.12). Je formule également des recommandations sur le stockage des données historiques dans des bases de données dont l’accès est restreint et les circonstances où les données historiques peuvent être consultées et utilisées (recommandations 8.10 et 8.11). Enfin, je fais remarquer que les services de police devraient pouvoir choisir de détruire les données historiques avant le délai de cinq ans suivant leur collecte (recommandation 8.13)

Sommaire de la Partie IV  : Défis relatifs aux operations, aux politiques et aux marches à suivre – Constatations et recommandations

Chapitre 9 Formation de la police et éducation du public

  1. Dans le cadre de mon mandat, il m’a été demandé d’examiner le curriculum et le matériel de formation connexe sur le Règlement élaborés par le Collège de police de l’Ontario et de faire des recommandations sur la formation offerte aux agents de police à l’échelle provinciale. Conformément au Règlement, une formation doit être offerte à tous les agents de police qui tentent de recueillir des renseignements identificatoires.
  2. Pour retracer les origines et l’évolution de la formation et déterminer si elle était conforme au Règlement, j’analyse en détail à la fois les séances de formation en personne et les modules de formation en ligne que les agents de police devaient suivre. Je donne également un aperçu des difficultés liées à la prestation initiale de la formation à l’automne 2016, en notant l’élaboration et la prestation précipitées de la formation et le fait que les services de police n’ont terminé les marches à suivre pour la mise en œuvre du Règlement qu’après que la formation ait été donnée.
  3. Je constate que la formation ne portait pas l’attention requise à la raison d’être du Règlement et, de ce fait, qu’elle n’est pas parvenue à obtenir un appui solide de la part des agents de police, qui considéraient souvent les contrôles de routine comme un enjeu torontois et non comme une question provinciale. À mon avis, la formation n’accordait pas une place suffisante au Règlement lui-même et aux fondements juridiques des contrôles policiers.
  4. Même si la formation se concentrait sur les agents de police de première ligne qui recueillent des renseignements identificatoires et les remplaçants désignés des chefs de police, il n’y avait pas de formation particulière à l’intention des vérificateurs de données sur leurs rôles et responsabilités, ni de formation pour les chefs de police ou leurs adjoints sur les exigences de déclaration, de conservation des données et de surveillance du Règlement. Je formule des recommandations afin d’élargir la formation aux agents de supervision et de faire en sorte qu’ils reçoivent un appui solide de leurs superviseurs (recommandations 9.1 et 9.2). Je recommande également que les formateurs soient sélectionnés en fonction de leur crédibilité auprès des autres agents et de leur adhésion au Règlement (recommandation 9.3).
  5. Au cours de mes rencontres avec les services de police en Ontario, j’ai constaté un manque de cohérence dans la formation offerte. Certains services ont indiqué que la formation était excellente, tandis que d’autres ont dit qu’elle était problématique et qu’elle soulevait des préoccupations parmi les agents. Certains agents estimaient que la formation sur les préjugés implicites était fondée sur l’hypothèse erronée que tous les agents de police étaient racistes. Je constate toutefois qu’une formation sur les préjugés inconscients est offerte dans de nombreux secteurs. Les préjugés inconscients sont un problème qui touche tous les acteurs du système de justice criminelle et toute la société de façon générale. Je formule des observations et des recommandations sur la façon dont la formation sur la lutte contre les préjugés et les préjugés implicites devrait être conçue et mise en œuvre (recommandations 9.4, 9.5, 9.6, 9.7, 9.8 et 9.9).
  6. e souligne l’importance de la collaboration entre la police et les communautés dans l’élaboration et la prestation de la formation aux agents de police. Je recommande que la formation comprenne un volet sur le développement de l’adolescent, des segments sur la région et les réalités locales du service de police, des scénarios d’application du Règlement tirés de la réalité, en plus de porter une attention particulière à la capacité d’énoncer les motifs d’une interaction réglementée (recommandations 9.4, 9.5, 9.6 et 9.10). Je recommande que la formation comprenne une évaluation (recommandation 9.9). Étant donné la complexité du Règlement, je recommande que soient offertes des formations de recyclage périodiques sur le Règlement (recommandation 9.11). Je recommande aussi en cas de mutation d’un agent de police d’un service de police à un autre que l’agent suive une formation portant sur les collectivités spécifiques desservies et leurs problèmes particuliers (recommandation 9.12). Selon moi, la ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels devrait financer la formation continue sur le Règlement pour l’ensemble des services de police en Ontario.
  7. Je recommande la création d’un code de déontologie, semblable à celui utilisé au Royaume-Uni, qui fournirait aux agents des directives claires, cohérentes et complètes sur la mise en œuvre du Règlement. Le code de déontologie comprendrait les définitions des principaux termes et concepts juridiques, de l’information sur les circonstances où le Règlement s’applique, des protocoles et des marches à suivre, en plus de souligner l’importance de la civilité et du professionnalisme (recommandation 9.15). Je recommande que le code de déontologie soit mis à la disposition du public pour que les gens disposent d’informations sur le Règlement et son application (recommandation 9.18).
  8. Comme il est indiqué dans mon rapport sur l’Examen indépendant des organismes de surveillance de la police, je recommande d’étudier la possibilité d’établir un Ordre des policiers à titre d’organisme professionnel des services policiers, et de moderniser le curriculum des études policières (recommandation 9.13). Un programme menant à un grade ou des exigences de formation accrues contribueraient grandement à assurer que les agents aient tous les outils nécessaires pour accomplir leur travail critique. Je recommande la formation d’un comité de réflexion ou d’un groupe de travail afin d’évaluer les programmes d’études postsecondaires actuels en études policières et les cours sur l’application de la loi, dans le but de moderniser ces programmes et de mettre à jour le curriculum du Collège de police de l’Ontario, pour mettre en place un programme d’études postsecondaires en études policières exhaustif et indépendant (recommandation 9.14).
  9. Également dans ce chapitre, j’aborde la question de l’information limitée offerte au public et du manque d’éducation du public sur le Règlement. Le défaut de bien informer le public a provoqué une grande confusion au sujet du Règlement, de ses modalités et de son fonctionnement concret. Je recommande que la ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels travaille avec les groupes communautaires, les groupes de défense des droits des jeunes, les cliniques d’aide juridique et les conseils scolaires pour élaborer et diffuser des documents d’éducation du public (recommandation 9.16). Je recommande que le Ministère crée une stratégie complète de publicité multiplateforme et sur les médias sociaux au sujet du Règlement (recommandation 9.17).

Chapitre 10 Objectifs de rendement, politiques et marches à suivre

  1. Au chapitre 10, je décris les exigences actuelles aux termes du Règlement concernant les politiques et les marches à suivre élaborées par les commissions des services policiers et les chefs de police, respectivement. Mes recommandations dans ce chapitre sont formulées pour assurer une clarté et une cohérence à l’échelle de la province.
  2. Je fais remarquer au début de ce chapitre que le Règlement interdit aux services de police d’imposer à leurs agents de police des objectifs de rendement liés à la collecte de renseignements identificatoires. Cette restriction visait à éviter les contrôles de routine inutiles et injustifiés, et c’est une bonne restriction.
  3. Toutes les politiques et les marches à suivre doivent être conformes au Règlement. Le Règlement actuel exige que des politiques et des marches à suivre soient élaborées concernant la présentation du relevé, le contenu du rapport annuel et la conservation, l’utilisation et la divulgation des renseignements recueillis.
  4. Les services de police et les commissions des services policiers partout dans la province sont très différents, tout comme leurs politiques et leurs marches à suivre. Pour remédier à ce problème, je recommande l’adoption d’une politique provinciale minimale cohérente de mise en œuvre du Règlement qui soit exécutoire pour toutes les commissions des services policiers (recommandation 10.1).
  5. Pour assurer l’exactitude et la cohérence des renseignements stockés par la police, je recommande que l’accès aux renseignements inexacts soit restreint et que ces renseignements soient éventuellement supprimés des bases de données sur les interactions réglementées (recommandation 10.2).
  6. Je recommande que les politiques visent à éliminer les interactions fondées, même en partie, sur des motifs illicites de discrimination aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario (recommandation 10.3). Les commissions des services policiers pourraient également élaborer des politiques qui élargissent le contenu du Règlement afin de protéger les droits de la personne et de prévenir la discrimination (recommandation 10.4).
  7. Une autre question d’importance qui a été soulevée dans le cadre de mes consultations est la façon dont la police utilise les renseignements qu’elle recueille. Bien des gens ont dit craindre d’être étiquetés de « suspects habituels » ou d’« individus connus de la police », ce qui entraînerait d’autres contrôles et traitements injustes, en plus de nuire à leurs perspectives d’emploi et à leurs déplacements. Cette question revêt une importance particulière, car il n’y a aucun moyen de garantir la fiabilité des renseignements recueillis au cours d’un contrôle de routine (par exemple, quelqu’un pourrait se faire passer pour quelqu’un d’autre). Je formule une recommandation pour corriger ce problème (recommandation 10.5).
  8. Les chefs de police doivent élaborer des marches à suivre qui sont conformes aux politiques élaborées par les commissions des services policiers. Cela n’a pas toujours été le cas, en particulier lorsqu’une commission des services policiers adopte une politique qui dépasse les exigences de base du Règlement. Je recommande que les chefs de police veillent à ce que leurs marches à suivre soient conformes aux politiques de leur commission des services policiers (recommandation 10.6). Je formule également une recommandation concernant le fond des marches à suivre : que celles-ci devraient viser à éliminer les interactions réglementées qui sont fondées, même en partie, sur un motif illicite de discrimination aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario (recommandation 10.7). Bien sûr, les marches à suivre peuvent dépasser les exigences du Règlement afin de protéger les droits de la personne et prévenir la discrimination, pourvu qu’elles respectent la norme minimale énoncée dans le Règlement (recommandation 10.8). Enfin, je recommande que les marches à suivre soient exécutoires pour les chefs de police (recommandation 10.9).

Chapitre 11 Rapports et conformité

  1. Dans ce chapitre, je porte mon attention sur les rapports annuels que, conformément au Règlement, les chefs de police doivent préparer et que les commissions des services policiers doivent examiner pour assurer la conformité au Règlement.
  2. Les rapports annuels doivent fournir les renseignements suivants sur les tentatives de collecte de renseignements identificatoires : le nombre de tentatives de collecte; le nombre de personnes auprès desquelles des renseignements identificatoires ont été recueillis; le nombre de fois où des articles précis du Règlement ont été invoqués pour exempter des agents de l’obligation d’informer les citoyens de leurs droits ou de fournir un relevé; l’âge, l’origine ethnique et le sexe des personnes auprès desquelles les tentatives de collecte de renseignements identificatoires ont été faites et, le cas échéant, s’il y a eu des collectes disproportionnées; les quartiers ou les secteurs où les tentatives de collecte ont eu lieu; les cas de non-conformité au Règlement; et le nombre de fois où des membres d’un service de police ont été autorisés à consulter des renseignements dont l’accès était restreint dans la base de données du service de police.
  3. En examinant les rapports annuels exigés des divers services aux termes du Règlement, j’ai constaté que la longueur des rapports pouvait varier d’un simple paragraphe dans le rapport annuel général du service de police à un rapport séparé de 20 pages. Les rapports englobent différentes tranches d’âge, catégories ethniques et approches à l’égard du nombre de demandes de renseignements conformes et non conformes. À cause de ces différences, il est difficile de comparer la mise en œuvre et l’incidence du Règlement à la grandeur de l’Ontario. Je constate aussi que certains services indiquent le nombre de plaintes et de demandes de renseignements qu’ils ont reçues à l’égard des interactions réglementées, tandis que d’autres ne le font pas. Je recommande qu’un rapport annuel type soit préparé à l’intention des services de police de toute la province (recommandation 11.1).
  4. La rapidité de publication des rapports annuels est un sujet de préoccupation. Au moment de la rédaction du présent rapport, seulement 13 services de police avaient publié leur rapport. À l’heure actuelle, le Règlement ne précise pas de délai pour la présentation des rapports annuels. Je recommande que les rapports annuels soient rendus publics au cours des six premiers mois de l’année civile suivante (recommandation 11.2).
  5. Je recommande que les rapports annuels dressent la liste des plaintes et des demandes de renseignements faites à l’égard des interactions réglementées (recommandation 11.3). De plus, je recommande que les groupes d’âge des personnes auprès desquelles des renseignements identificatoires ont été recueillis soient normalisés et que les renseignements fassent la distinction entre les enfants et les adultes, notamment au moyen d’une liste claire des groupes d’âge recommandés (recommandations 11.4, 11.5 et 11.6). De la même façon, je recommande que les groupes ethniques des personnes auprès desquelles des renseignements identificatoires ont été recueillis soient normalisés, notamment au moyen d’une liste des catégories de groupes ethniques recommandés (recommandations 11.7 et 11.8).
  6. À l’heure actuelle, le Règlement exige que les données soient analysées afin de déterminer si les renseignements identificatoires ont été recueillis d’une façon disproportionnée, sans toutefois définir ce qu’on entend par « d’une façon disproportionnée ». Chaque service de police pourrait ainsi avoir une interprétation différente de « disproportionné ». J’analyse la situation dans divers territoires, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, ainsi que les pratiques en vigueur dans certains services de police en Ontario, afin de clarifier le concept de collectes de renseignements disproportionnées. Je formule des recommandations pour remédier à ce problème et assurer une cohérence entre les services de police, notamment en définissant le terme « disproportionné » et en rendant publiques les données dépersonnalisées analysées (recommandations 11.9, 11.10, 11.11 et 11.12).
  7. Dans le contexte de collectes de renseignements identificatoires disproportionnées, je souligne l’importance que les chefs de police examinent les pratiques en vigueur dans leur service et préparent des rapports résumant leur examen ainsi que toute proposition visant à corriger les problèmes relevés. Je recommande que la conformité des renseignements identificatoires recueillis soit vérifiée au moment de la réception des renseignements pour assurer qu’ils ont été correctement obtenus, et qu’un système d’alerte précoce soit mis en place pour assurer la conformité des agents et corriger toute erreur de nature involontaire (recommandations 11.13, 11.14 et 11.15). En relevant les problèmes dès le début du processus, on s’assure que les agents qui ne se conforment pas au Règlement puissent recevoir la formation ou le recyclage nécessaire (recommandation 11.16). Je recommande que les agents qui persistent à recueillir des renseignements identificatoires en violation du Règlement fassent l’objet de mesures disciplinaires (recommandation 11.17).
  8. Enfin, dans ce chapitre, j’aborde la question des mesures disciplinaires, en faisant remarquer que les agents de police pourraient être sanctionnés pour avoir obtenu des renseignements d’une façon injustifiée, mais que les chefs de police ne le seraient pas pour avoir utilisé les renseignements obtenus d’une façon injustifiée, dans la mesure où l’utilisation de ces renseignements est permise aux termes du Règlement. Je fais remarquer que les mesures disciplinaires ne devraient pas être limitées aux agents qui tentent de recueillir des renseignements identificatoires en violation du Règlement, mais aussi à ceux qui autorisent ou permettent ces tentatives de collecte, y compris les superviseurs et les chefs de police. Je recommande que le Code de conduite soit modifié pour inclure les deux groupes (recommandation 11.18).
  9. Au cours de mes consultations, j’ai également entendu parler de cas répétés où des agents ont refusé de décliner leur nom ou leur numéro matricule lorsqu’un membre du public leur en a fait la demande. Je formule une recommandation afin de remédier à cette situation en faisant remarquer que le refus d’un agent qui ne participe pas à une opération secrète de décliner ses nom et numéro matricule lorsqu’on lui demande devrait être considéré comme une action fautive (recommandation 11.19).

Chapitre 12 Autres recommandations concernant les politiques et les marches à suivre pour améliorer la mise en œuvre du Règlement

  1. Cet Examen porte sur le Règlement 58/16 et les modalités et dispositions qui s’y rapportent. Toutefois, le mandat qui m’a été confié exige que j’examine toute modification générale et toute révision aux politiques et aux marches à suivre susceptible d’améliorer la mise en œuvre du Règlement.
  2. En tenant compte de ces paramètres, j’ai examiné comment les questions relatives aux contrôles de routine recoupaient la pratique policière de façon plus générale. À cette fin, je fais un certain nombre d’observations et de recommandations sur les services de police communautaire, les partenariats avec les communautés autochtones, les services de police locaux, l’éducation des jeunes, et la diversité et l’inclusion dans les services de police.
  3. La police communautaire fait partie intégrante du maintien de l’ordre en Ontario et contribue fortement à l’établissement et au maintien de relations solides entre la police et la communauté, qui sont essentielles pour favoriser la confiance du public envers la police. Après avoir donné quelques exemples de programmes de police communautaire solides et positifs en Ontario, je recommande que les services de police ontariens reçoivent un financement adéquat pour accroître leur engagement communautaire (recommandation 12.1).
  4. Au cours de mes consultations avec la police et les communautés autochtones, beaucoup de gens ont dit que la relation entre la police et de nombreux peuples autochtones partout en Ontario était une relation complexe. Pour que des relations respectueuses puissent s’établir entre la police et les communautés autochtones, il faut du temps et de la détermination. Je recommande que les services de police augmentent leurs activités de prise de contact afin de former des partenariats véritables et équitables avec les communautés autochtones (recommandation 12.2).
  5. Au cours de mes consultations, j’ai entendu nombre d’intervenants se dire préoccupés du fait que les agents de police ne vivent pas dans les communautés qu’ils servent, ce qui explique qu’ils connaissent mal les communautés et qu’ils n’établissent pas de liens directs et forts avec elles. Étant donné l’importance accordée à la police communautaire, je crois qu’il serait utile que des agents de police soient engagés pour travailler dans la communauté où ils vivent, et je recommande que des efforts soient déployés par les services de police pour embaucher des agents de police vivant dans la ville ou la région qu’ils serviront (recommandation 12.3).
  6. Reconnaissant le rôle vital joué par les agents de police communautaire, je recommande qu’ils s’engagent dans la communauté locale pendant une période de temps suffisante pour leur permettre d’établir de véritables relations avec cette communauté (recommandation 12.4).
  7. De plus, en fonction des consultations que j’ai menées auprès des jeunes de la province et de mon étude du programme d’éducation de la Saskatchewan sur les droits, de la maternelle à la 12e année, je recommande la mise sur pied d’un programme solide semblable dans les écoles de l’Ontario pour enseigner aux jeunes : leurs droits et responsabilités, l’histoire des Autochtones et des Noirs, ainsi que le Règlement et son fonctionnement (recommandation 12.5).
  8. Enfin, une partie de la perception de discrimination dans les interactions réglementées pourrait découler du fait que l’agent de police qui demande les renseignements identificatoires est d’une origine ethnique différente de celle de la personne auprès de laquelle les renseignements sont recueillis. Je crois qu’un service de police diversifié et inclusif, à tous les échelons, réglera ce problème et fera une différence notable.
  9. Je sais que la diversité et l’inclusion présentent de nombreux avantages concrets pour les services de police, comme le fait de dissiper les mythes et les stéréotypes, d’apporter de nouveaux points de vue, d’établir des liens avec diverses communautés et d’améliorer la compréhension des communautés desservies. Les statistiques actuelles démontrent un manque visible de diversité au sein de la police, et ce, à tous les échelons, et j’estime qu’il faut faire davantage pour assurer que la profession soit représentative de la société canadienne.
  10. La diversité des services de police ne suffira pas plus à garantir l’établissement de relations solides entre la police et la communauté, qu’à régler automatiquement tous les problèmes soulevés dans ce rapport. Il convient de reconnaître que la culture policière est une force puissante qui peut avoir une grande influence sur tous les agents, quels que soient l’identité raciale, l’orientation sexuelle, le sexe ou l’identité autochtone, qui les amène à adopter les normes hiérarchiques de l’organisation.
  11. Je formule une série de recommandations pour aborder cette question, y compris la tenue de sondages et d’examens périodiques et la définition de stratégies en matière de diversité et d’inclusion (recommandations 12.6, 12.7, 12.8, 12.9, 12.10, 12.11, 12.12, 12.13 et 12.14).