Introduction

La reproduction en contre-saison des ovins est de plus en plus pratiquée à mesure que les producteurs adoptent des programmes d'agnelage accéléré dans le but d'assurer un meilleur approvisionnement des marchés à longueur d'année.

La reproduction contrôlée des ovins repose sur la synchronisation de l'œstrus, de manière à ce que l'agnelage se produise à l'intérieur d'une période réduite. Elle permet aussi d'induire l'œstrus en dehors de la saison normale de reproduction, de manière à ce que les brebis puissent être fécondées au printemps dans le cadre des programmes d'agnelage accéléré, ce qui permet de commercialiser l'agneau pour Noël et durant l'hiver.

Chez les ovins, l'œstrus se produit à la fin de l'été et à l'automne au moment où les jours raccourcissent. À cette époque de l'année, le cycle sexuel des brebis dure environ 17 jours (la fourchette étant de 15 à 19 jours). Chez certaines races, le cycle et l'œstrus s'étendent sur une plus longue période. Certaines races et certaines femelles présentent un cycle sexuel à longueur d'année. Les races prolifiques et celles qui proviennent des régions situées plus proches de l'équateur ont tendance à avoir des cycles moins saisonniers.

Méthodes de reproduction en contre-saison

Races et sélection

La durée de la saison de reproduction varie énormément d'une race à l'autre. Pour une même race, la saison varie également, mais a tendance à se situer autour du jour le plus court. Les races affichant les saisons de reproduction les plus longues ont plus de chances de se reproduire en contre-saison. Si la saison de reproduction pour une race donnée est d'une centaine de jours, la saison aura tendance à commencer cinquante jours avant le jour le plus court et à se terminer cinquante jours après le jour le plus long. Si la saison dure soixante-dix jours, la saison aura tendance à commencer trente-cinq jours avant le jour le plus court et à se terminer trente-cinq jours après le jour le plus court.

La sélection génétique est un moyen lent, mais permanent de modifier la saison de reproduction. Ce caractère génétique a une héritabilité faible (10 %), ce qui signifie qu'il est difficile et long de mettre au point un troupeau d'animaux ayant (naturellement) la faculté de se reproduire à longueur d'année. Afin d'élaborer un programme de sélection qui donne des résultats, le producteur doit définir ce qu'il entend sur sa ferme par reproduction en contre-saison.

Voici quelques points à considérer :

  • La mise à la lutte doit-elle se faire en avril, en mai, en juin ou en juillet?
  • La brebis doit-elle toujours mettre bas en contre-saison pour être considérée comme une reproductrice en contre-saison?
  • La reproduction en contre-saison sexuelle doit-elle s'appliquer aux brebis primipares?
  • Combien de filles un bélier doit il produire pour être considéré comme un reproducteur d'élite en contre-saison?

L'autre aspect qui explique la lenteur du travail de sélection pour ce caractère tient au fait qu'il faut attendre que l'animal mette bas à son tour pour que le caractère soit exprimé.

Modification de la photopériode

La modification de la longueur du jour peut induire l'ovulation en contre-saison chez les brebis. Le fait de passer de jours longs à des jours courts déclenche l'œstrus. Il s'agit donc de créer une situation où, grâce à une modification de l'éclairage, les jours longs sont suivis de jours courts avant le début de la période de reproduction en contre-saison. Ce passage peut se faire graduellement ou abruptement.

Les races ne réagissent pas toutes de la même façon aux modifications de la photopériode, mais la plupart y réagissent.

  • Exposer les races dont la saison de reproduction est naturellement plus courte à des jours longs et à des jours courts pendant plus longtemps.
  • Exposer les brebis à des jours longs pendant 8-12 semaines, puis à des jours courts pendant 8-12 semaines avant la mise à la lutte. Si la période de reproduction en contre-saison tombe en juin, près des jours les plus longs de l'année, on obtient un maximum de résultats avec 12 semaines.
  • Exposer autant les béliers que les brebis à la photopériode modifiée. L'exposition des béliers aux jours courts augmente la croissance testiculaire, l'activité reproductrice et la qualité de la semence.

Facteurs de conduite du troupeau

Plusieurs facteurs de gestion doivent être observés quand on intervient sur la photopériode.

  • La différence entre les jours longs et les jours courts doit être de 6-8 heures de lumière. Des éclats de lumière perturberont la perception de noirceur chez les brebis.
  • Pour bien marquer le jour, il faut un éclairage d'au moins 100 lux. Pour conférer une impression de noirceur, l'intensité lumineuse ne doit pas dépasser 10 lux.
  • Le moment de la mise à la lutte après le début des jours courts dépend de la race des brebis et de la période de l'année. Ce moment tombe habituellement au moins 8 semaines après le début des jours courts.
  • Mettre un terme à la période de jours courts le plus tôt possible après l'enlèvement des béliers.

Si tous les protocoles sont rigoureusement observés, des taux de gestation de plus de 80 % peuvent être atteints si un intervalle post partum d'au moins 70 jours a été respecté. Les brebis soumises à ce système afficheront plus de un cycle de chaleurs de la même manière que les brebis en saison.

Si la photopériode est modifiée, il est important de tout faire pour que le programme réussisse, car chez les brebis qui ne se reproduisent pas en contre-saison (en réaction à une modification de la photopériode), le retour des chaleurs ne se fera que l'automne suivant, soit 8-12 semaines plus tard qu'il ne se serait fait normalement.

Pour déterminer les dates où exposer les brebis aux jours longs, faire le calcul en comptant à rebours à partir de la date de saillie souhaitée. Voici un exemple qui illustre les calculs à faire.

Exemple :

  • Date souhaitée du début de la mise à la lutte - 15 mai
  • Début des jours courts (durée de 8 sem.) - 15 mars
  • Début des jours longs (durée de 12 sem.) - 15 décembre

Traitements hormonaux

Deux méthodes permettent de modifier le cycle sexuel des brebis : les dispositifs intra-vaginaux (DIV) libérateurs de médicaments ou l'acétate de mélengestrol (MGA).

DIV libérateurs de médicaments

  • Insérer un DIV imprégné de progestérone naturelle dans le vagin et le laisser en place pendant 12-14 jours.
  • Au moment du retrait du DIV, administrer à la brebis de la gonadotropine sérique (PMSG).
  • Introduire le bélier parmi les femelles 24 heures après le retrait des DIV alors que la plupart des brebis sont normalement en chaleurs. Toutes les brebis doivent être en chaleurs après 48 heures.
  • L'efficacité de la méthode du DIV varie d'une ferme à l'autre et d'une saison à l'autre.
  • Il y a des risques d'infection vaginale ou de blessures si l'opérateur n'est pas délicat et si le matériel utilisé n'est pas assaini convenablement.
  • La méthode du DIV n'est pas recommandée pour les brebis primipares (agnelles), surtout en raison du risque de blessures.
  • La méthode du DIV est une méthode qui convient surtout à la synchronisation de l'œstrus en vue de l'insémination artificielle (IA), étant donné que le moment de l'ovulation peut ainsi être prévu avec plus de précision qu'avec la méthode du MGA.
  • On doit se procurer les DIV et la PMSG auprès d'un vétérinaire.

Selon les producteurs, l'efficacité du traitement varie de 8 à 85 %. En général, il amène un agnelage en contre-saison chez 50 à 60 % des brebis. La méthode du DIV ne donne en général qu'un seul œstrus synchronisé en contre-saison.

MGA

L'acétate de mélengestrol est un additif alimentaire. Il est couramment utilisé dans les rations des génisses en parcs d'engraissement pour empêcher l'œstrus. Comme ce produit n'est pas homologué pour une utilisation chez les ovins, il doit être prescrit par un vétérinaire.

  • Administrer le MGA par voie orale à raison de 0,125 mg, deux fois par jour pendant 12-16 jours.
  • Le MGA peut être formulé comme supplément destiné aux brebis ou intégré à la ration complète.
  • Les deux doses doivent être administrées selon un intervalle le plus rapproché possible de 12 heures. Il est important de garder les taux d'hormone dans le sang le plus stables possibles.
  • Comme avec les DIV, le traitement est suivi de l'administration de PMSG.
  • Administrer la PMSG 5-10 heures après la dernière dose de MGA.
  • Pour un maximum de résultats, suivre à la lettre les consignes concernant le moment de l'administration du MGA et de la PMSG.
  • Les chaleurs apparaissent 2-2 ½ jours après la dernière dose de MGA.
  • Introduire le bélier après 48 heures.

Comme pour la méthode du DIV, le MGA donne des résultats très variables, la fourchette d'efficacité étant de 10-85 %, l'efficacité moyenne étant de l'ordre de 50 à 60 %.

Facteurs de gestion influençant les performances reproductrices en contre-saison

Traitement des brebis

La conduite des brebis et les soins qui leur sont prodigués influencent beaucoup les performances reproductrices en contre-saison sexuelle.

  • Les brebis doivent présenter un bon état corporel. Idéalement, elles doivent être en période de gain de poids au moment de la mise à la lutte. Offrir aux brebis une alimentation intensive avant et pendant la saison de reproduction.
  • Le début et la durée de la période d'alimentation intensive dépendent de l'état corporel des brebis. Commencer deux semaines avant le traitement hormonal si les brebis sont maigres, ou en même temps que le traitement hormonal si les brebis présentent un bon état corporel. Maintenir ce régime pendant 2-4 semaines après l'accouplement, encore selon l'état corporel des brebis, et jusqu'à ce que celui ci atteigne la cote de 3-3,5.
  • Minimiser ou éviter les facteurs de stress et les manipulations durant le traitement, la lutte et pendant un mois suivant l'accouplement.
  • Dans la mesure du possible, la mise à la lutte des brebis primipares doit se faire séparément de celle des brebis adultes, parce que, d'une part, les béliers préfèrent monter les brebis plus âgées et, d'autre part, parce qu'à la suite d'un traitement hormonal, les chaleurs mettent plus de temps à se manifester chez les brebis primipares.

Traitement des béliers

Il est important par ailleurs de veiller à la qualité des soins et de la conduite des béliers. Une alimentation déficiente peut réduire la taille des testicules et les réserves de sperme au moment même où à la fois la taille et les réserves sont déjà plus petites.

  • La production de spermatozoïdes prend 7-8 semaines. Commencer à enrichir la ration de suppléments 8 semaines avant la mise à la lutte afin d'accroître les réserves de sperme.
  • Chez les béliers, il y a des variations saisonnières dans la production de sperme, la qualité du sperme et la libido. Les élévations de température corporelle attribuables au temps chaud peuvent provoquer chez eux une infertilité temporaire.
  • Tondre les béliers deux mois avant la lutte et de retirer toute la laine du scrotum.
  • Veiller à ce que le bélier soit en pleine forme pour la reproduction en contre-saison. Les béliers ne peuvent pas fertiliser autant de brebis en contre-saison. Il est recommandé de respecter le ratio de un bélier pour cinq brebis lorsque la lutte doit avoir lieu en contre-saison, surtout si l'on a eu recours à des traitements hormonaux et que les chaleurs sont synchronisées. Il est possible de décaler les traitements hormonaux de manière à ne pas épuiser les béliers.

Conclusion

Indépendamment de la méthode de reproduction en contre-saison utilisée, les performances reproductrices sont étroitement liées à la qualité de la conduite à la fois des brebis et des béliers. La race du troupeau influencera la saison naturelle de reproduction et la faculté qu'ont les animaux de réagir aux méthodes de reproduction accélérée. La modification de la photopériode, les DIV et le MGA sont tous des outils pouvant assurer la réussite d'un programme de reproduction en contre-saison.

La présente fiche technique a été rédigée en anglais à l'origine par Delma Kennedy, spécialiste des ovines, Division du développement économique, MAAARO, Guelph.