Nous voilà revenus à la période de l'année où les producteurs de légumes en serre commencent à penser au nettoyage des serres en vue des cultures du printemps. Il s'agit sans doute d'une tâche fastidieuse, mais on doit l'exécuter sans compromis. Certains aimeraient bien croire que quelques semaines de froid imposées à la structure de la serre et aux substrats de culture devraient suffire à littéralement geler les ravageurs. Cependant, les insectes, les acariens, et les organismes pathogènes ont tous développé des mécanismes qui leur permettent de survivre aux hivers rigoureux, et il est donc impossible de simplement les " congeler ". Bon nombre d'organismes sont très résistants et persistent longtemps. Ainsi, pour illustrer cette longévité, la survie des bactéries responsables des chancres sur la plupart des surfaces est d'environ un mois, mais elle peut atteindre 71 semaines dans les résidus et la laine de roche contaminés. Le virus de la mosaïque du tabac et les virus qui y sont associés sont d'autres exemples d'organismes pathogènes qui peuvent survivre très longtemps. Les virus peuvent survivre des années dans des débris infectés secs. On comprend donc l'importance de supprimer tout le matériel végétal et tous les substrats de culture infectés, ainsi que de nettoyer la serre le mieux possible afin de réduire au minimum les sources de contamination pour la nouvelle culture.

Marche à suivre pour un nettoyage en huit étapes :

  1. Ne pas faire chevaucher les cultures - La meilleure stratégie pour réduire au minimum le retour des ravageurs et des maladies à la prochaine saison est de faire un bon nettoyage entre chaque production. Éviter donc tout chevauchement entre les nouvelles cultures et les anciennes à l'intérieur d'une serre. Il y a chevauchement lorsque des plants de repiquage pour le printemps suivant sont insérés entre des plants d'une culture d'automne, ou lorsque des plants de repiquage d'une culture de printemps sont mis en place alors qu'une autre culture est encore présente dans une autre section de la serre. Il est particulièrement important d'éviter les chevauchements entre les cultures afin de briser le cycle reproducteur des organismes pathogènes persistants, ainsi que dans les cas des ravageurs qui peuvent perturber un programme de lutte biologique en place dans la culture nouvellement établie.
  2. Maintenir des températures assez chaudes - Il est préférable que les températures soient assez chaudes (environ 25 °C) durant le nettoyage afin d'en augmenter l'efficacité. Les insectes sont plus actifs lorsqu'il fait chaud et ils sont donc plus sensibles aux insecticides. Les températures chaudes améliorent aussi l'efficacité des désinfectants. En général, des températures plus basses exigent une durée de contact plus longue alors que les températures plus élevées doublent ou triplent l'efficacité des produits pour chaque hausse de température de 10 °C.
  3. Piéger les ravageurs - En traitant la culture après la dernière récolte, mais avant de retirer les plants, on capture les ravageurs avant qu'ils aient le temps de s'échapper et de se dissimuler. Un traitement à ce moment prévient aussi les ravageurs de s'échapper à l'extérieur pour passer l'hiver sur des mauvaises herbes ou de migrer en provenance de serres avoisinantes. Une brumisation avec un insecticide efficace de faible rémanence constitue une bonne façon d'éliminer rapidement les insectes qui sont à un stade actif dans toute la serre. Les insecticides systémiques ne sont efficaces que sur les insectes qui sont sur les plants pour se nourrir et n'ont pas d'effet sur ceux qui se tiennent sur les mauvaises herbes ne poussant pas dans le substrat de culture. Il est également conseillé de refaire une brumisation dans la serre lorsqu'elle est vide et encore à une température assez chaude afin de se débarrasser des insectes actifs qui restent.
  4. Éliminer avec soin les résidus de cultures- Les résidus de cultures doivent être immédiatement retirés et enfouis de manière appropriée afin de prévenir la survie de tout ravageur jusqu'à la prochaine saison. Le passage des disques à la surface du sol n'est pas suffisant pour enfouir les résidus. En effet, les bactéries responsables du chancre bactérien, par exemple, peuvent survivre pendant au moins 24 mois dans les résidus de surface. Si, par contre, ces mêmes résidus sont profondément enfouis dans le sol, la durée de leur survie est réduite à environ sept mois. Lorsque les résidus ne peuvent être retirés du site ou enfouis immédiatement, on doit alors les placer dans d'immenses contenants et bien les couvrir.
  5. Désinfecter tout - Il est important de nettoyer et laver la structure de la serre et tout le matériel comme les piquets du système d'irrigation, les outils, les caisses, l'équipement d'irrigation, les véhicules, etc., avant la désinfection pour que cette dernière soit efficace. Les résidus ou la matière organique qui restent sur les surfaces réagissent avec le désinfectant et neutralisent en fait l'ingrédient actif de la solution. Les surfaces en ciment dans les serres sont celles qui exigent le plus d'attention. Les surfaces grenues en ciment, et probablement d'autres types de surfaces grenues, contiennent différents types de matière organique ainsi que des spores de champignons ou de bactéries susceptibles de causer des maladies dans les cultures en serre. Ces surfaces doivent donc être raclées ou nettoyées avec un détergent ou un nettoyeur commercial et une laveuse à pression. Bon nombre d'organismes pathogènes se retrouvent sur les surfaces horizontales, comme les chevrons, les rebords de fenêtres, le dessus des tuyaux, etc. Il est préférable de mélanger les désinfectants à l'eau tiède (environ 20 °C) et d'appliquer la solution sur les surfaces sèches le soir dans la serre encore chaude. Pour des résultats optimaux, la durée de contact entre le désinfectant et la surface doit normalement être d'au moins 15 à 30 minutes.
  6. Enlever la poussière - Prévenir toute contamination des racines des jeunes pousses ou de l'eau d'irrigation par la poussière. Celle-ci contient énormément d'organismes pathogènes, dont Pythium, Fusarium, le champignon responsable de la racine liégeuse, la bactérie qui cause le chanvre bactérien, etc. Selon Bill Jarvis, Ph.D. (phytopathologiste à la retraite, qui travaillait auparavant pour le Centre de recherche pour les cultures abritées et industrielles de Harrow, en Ontario), il peut y avoir " plus de 10 000 spores de Fusarium par gramme de poussière (une pincée)". On recommande donc fortement d'utiliser des bacs désinfectants pour les chaussures, de ne jamais placer les jeunes pousses directement sur le plancher, de laver les roues des tracteurs, etc.
  7. Enlever les mauvaises herbes - Retirer toutes les mauvaises herbes dans la serre et autour de celle-ci, sur le plus grand périmètre possible. Les mauvaises herbes abritent non seulement des insectes et des acariens nuisibles, mais elles sont aussi des réservoirs d'une grande quantité de virus et d'autres maladies.
  8. Respecter les mesures relatives à la biosécurité et à l'assainissement - Une fois que la structure de la serre est propre, veiller à ce que toutes les chaussures, les roues des véhicules, etc., soient propres et désinfectées avant de pénétrer dans la chaufferie et les diverses sections de la serre, et en plaçant des tapis désinfectants ainsi que des bacs pour nettoyer les chaussures à toutes les entrées. Offrir des survêtements de protection et des produits désinfectants pour les mains à tous les visiteurs.
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Fig. 1 - Plancher recouvert de débris de plantes durant le nettoyage.

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Fig. 2 - Serre après une désinfection et un nettoyage complets.