Introduction

La présente fiche technique traite des risques associés à l’eau d’irrigation, des directives concernant son analyse, de l’interprétation des résultats d’analyses et des pratiques de gestion optimales axées sur la prévention de la contamination des cultures fruitières ou légumières par l’eau d’irrigation.

Préoccupations relatives à la qualité de l’eau d’irrigation

L’eau occupe une place importante dans le secteur des productions végétales parce qu’elle intervient dans de nombreuses activités telles que l’irrigation, le lavage et le refroidissement. Cependant, l’eau d’irrigation peut propager des microorganismes pathogènes (capables de déclencher des maladies chez l’humain), comme Salmonella spp. (les salmonelles), E. coli O157:H7 et Cryptosporidium parvum, une cryptosporidie. Un risque de transmission de ces organismes pathogènes au consommateur est créé à chaque fois que des fruits et légumes entrent en contact direct avec de l’eau contaminée.

Faire analyser l’eau d’irrigation pour détecter les organismes pathogènes et conserver les rapports d’analyses sont de bonnes pratiques agricoles qui forment un volet crucial du plan de salubrité des aliments à la ferme.

Risques de toxi-infections alimentaires causées par l’eau d’irrigation

Plusieurs paramètres font varier le risque de contamination microbienne :

  • les types et les nombres d’organismes pathogènes présents dans l’eau d’irrigation, ainsi que la vulnérabilité de celui ou de celle qui consomme le fruit ou le légume contaminé
  • les caractéristiques de la culture fruitière ou légumière
  • la provenance de l’eau
  • la méthode d’irrigation
  • le moment de l’irrigation par rapport à celui de la récolte

Types d’organismes pathogènes

Pour ce qui est de certains organismes pathogènes, par exemple E. coli O157:H7, il suffit d’en ingérer quelques cellules (moins de 10) pour être infecté. La probabilité qu’une personne ingère un ou plusieurs organismes pathogènes dépend de la capacité de ces derniers à survivre à la surface des produits alimentaires.

Les jeunes enfants (moins de 5 ans), les personnes âgées et celles dont le système immunitaire est affaibli sont plus à risque de souffrir d’une toxi-infection alimentaire après avoir ingéré un petit nombre d’organismes pathogènes. Or, selon les chiffres les plus récents publiés par Statistique Canada, les personnes de 80 ans et plus forment la tranche de la population canadienne qui connaît la plus forte croissance.

Caractéristiques des fruits ou des légumes

Les fruits et les légumes qui présentent de larges surfaces où l’humidité peut persister, comme la laitue, sont plus susceptibles d’héberger des organismes pathogènes vivants. Le risque de transmission au consommateur s’élève lorsqu’il s’agit de fruits ou de légumes consommés crus ou non épluchés. Par contre, la transformation ou la cuisson réduit les chances de survie des organismes pathogènes.

Provenance de l'eau

L’eau d’irrigation peut avoir deux origines principales : une eau de surface et une nappe souterraine. Les eaux de surface comprennent les lacs, les rivières, les ruisseaux, les étangs et les sources qui sortent de terre. Les puits fournissent de l’eau souterraine. En Ontario, l’eau d’irrigation est majoritairement puisée dans des eaux de surface. En règle générale, la probabilité que l’eau de surface soit contaminée est plus élevée que celle de l’eau souterraine.

L’eau peut être contaminée par :

  • des excréments d’animaux d’élevage ou sauvages
  • des eaux de ruissellement d’une structure de stockage de fumier
  • des installations septiques défectueuses
  • le ruissellement consécutif à de fortes pluies

Les sources d’eau de surface sont celles dont les niveaux de contamination sont les plus variables, parce qu’elles peuvent subir l’influence de sources de contamination temporaires ou intermittentes. Dans les cours d’eau, rivières et ruisseaux, la qualité de l’eau est imprévisible à cause des activités exercées en amont qui peuvent élever brusquement le taux de contamination des eaux qui rejoignent leur lit. Les lacs ont généralement une eau de meilleure qualité que les cours d’eau, mais cette qualité est également sous la menace des cours d’eau qui s’y déversent ou des activités polluantes qui ont lieu sur le lac ou dans les zones riveraines. En ce qui concerne les étangs ou bassins, la qualité de l’eau dépend de la qualité de l’eau qui les alimente et des précautions prises pour la protéger des contaminations ultérieures. Dans les étangs qui sont alimentés par un cours d’eau, un fossé ou des ruissellements, l’eau est généralement moins bonne que dans les étangs alimentés par la nappe souterraine, une source ou un puits.

Quand il pleut à verse, l’afflux d’eau subi peut soulever les sédiments qui tapissent le fond de l’étang, du ruisseau ou de la rivière et rendre l’eau boueuse. Comme les bactéries ont tendance à adhérer aux particules sédimentaires, l’eau qui a été remuée peut contenir une population bactérienne plus élevée que l’eau calme.

L’eau d’irrigation tirée directement d’un puits ou d’un réseau municipal est généralement de qualité très sûre. L’eau des nappes souterraines a subi une filtration naturelle pendant sa percolation à travers les couches de sol jusqu’à l’aquifère. Néanmoins, le risque de contamination demeure et les personnes qui tirent leur eau d’un puits doivent situer et construire leurs puits avec le plus grand soin, assurer leur entretien et les mettre hors service en se conformant aux règlements.

Type de source d’eauVariabilité de la qualité de l’eau
Rivière ou cours d’eauForte variabilité
Étang alimenté par un cours d’eau, un fossé ou le ruissellementForte variabilité
LacVariabilité moyenne
Étang alimenté par la nappe souterraine, une source ou un puitsVariabilité moyenne
Matériel d’irrigation directement approvisionné par un puitsFaible variabilité
Source d’eau municipaleFaible variabilité

Méthode d’irrigation

En Ontario, les méthodes d’irrigation sont l’irrigation en hauteur (aspersion sur frondaison) et l’irrigation au goutte-à-goutte (micro-irrigation). Lorsque l’eau d’irrigation ne touche pas les parties comestibles des plantes, ce qui est le cas par exemple avec l’irrigation au goutte-à-goutte, on considère que le risque de contamination est faible. Ainsi le risque de contamination est-il plus faible avec les mini-asperseurs qui diffusent leur eau sous le feuillage qu’avec les asperseurs sur tige haute ou les rampes pivotantes.

Calendrier des irrigations

Malgré le peu de recherches qui ont été effectuées dans ce domaine, le risque pour le consommateur d’ingérer des organismes pathogènes s’accroît quand le fruit ou le légume a été en contact avec de l’eau contaminée peu de temps avant la récolte ou durant les manipulations post-récolte. L’organisme pathogène a d’autant plus de chances d’être toujours vivant que l’intervalle entre la contamination et la consommation est plus court.

Comment faire analyser l’eau d’irrigation

Prélèvement de l’échantillon

Les échantillons d’eau prélevés pour les analyses microbiennes peuvent être facilement contaminés. Les outils et les récipients utilisés pour prélever et conserver l’échantillon doivent être propres et exempts de microorganismes. La plupart des laboratoires fournissent sur demande des flacons stériles.

On puise l’échantillon à l’endroit où l’eau entre en contact avec les fruits ou les légumes — par exemple, à sa sortie d’un diffuseur. On peut aussi prendre l’échantillon directement à la source d’eau. Dans le cas d’une eau de surface, on leste le seau ou la tasse à échantillonner de manière à l’enfoncer aussi près que possible de la prise d’eau. Pour échantillonner l’eau qui sort du réseau d’irrigation, faire marcher celui-ci pendant au moins quinze minutes avant de prendre l’échantillon au niveau d’un goutteur ou d’un asperseur. Placer l’échantillon d’eau immédiatement au réfrigérateur et le faire parvenir au laboratoire, par transport réfrigéré, dans les vingt-quatre heures.

Choisir un laboratoire d’analyses

Certains bureaux de santé fournissent des services d’analyses. La liste des bureaux de santé est affichée sur le site du Santé Public Ontario.

Plusieurs laboratoires de l’Ontario réalisent des analyses microbiennes de l’eau. Choisir un laboratoire qui est accrédité par un organisme de certification reconnu (p. ex. le Conseil canadien des normes).

Préciser sur l’échantillon de quelle source il provient (eau de surface ou puits), parce que les normes sont différentes selon qu’il s’agit d’eau potable ou d’eau d’irrigation. Conserver en dossier une copie de tous les rapports d’analyses. Le producteur qui utilise de l’eau municipale doit obtenir de la municipalité des copies des rapports sur la qualité de l’eau et les ranger dans ses dossiers.

Fréquence des analyses

La fréquence des analyses d’eau est fonction des facteurs de risque dont il a été question plus haut (p. ex. le type de culture) et la variabilité de la source d’eau (p. ex. réseau municipal ou rivière). Quand l’eau provient d’une source présentant un plus grand risque ou dont la qualité est sujette à variation, augmenter la fréquence des analyses. Certains programmes de salubrité des aliments à la ferme recommandent une analyse annuelle, au début de la saison de végétation, quand l’eau est fournie par des puits fermés, souterrains ou obturés, et une analyse au moins trimestrielle durant la saison de végétation, quand l’eau vient d’une source de surface. Cependant, pour les cultures à plus haut risque, comme la laitue, certains acheteurs exigent que les producteurs fassent analyser l’eau tous les mois.

Garder à l’esprit que la contamination de l’eau est souvent un phénomène intermittent et que les organismes pathogènes ne colonisent pas l’eau uniformément. En conséquence, le fait qu’un échantillon donne des résultats négatifs ne garantit pas l’absence de bactéries pathogènes dans la source d’eau. Des analyses régulières augmentent les chances de détecter toute contamination.

Interprétation des résultats

Eau servant au lavage et au refroidissement

L’eau utilisée pour laver et refroidir les fruits et légumes frais prêts à manger doit être de qualité potable; autrement dit, elle doit répondre aux normes ontariennes de qualité de l’eau potable.

Normes de qualité de l’eau potable de l’Ontario (Loi de 2002 sur la salubrité de l’eau potable — Règl. de l’Ont. 169/03)footnote 1

  • E. coli : non décelé dans 100 mL d’eau, et
  • Coliformes totaux : non décelés dans 100 mL d’eau.

Eau d’irrigation

L’eau utilisée pour l’irrigation devrait être conforme aux Recommandations canadiennes pour la qualité des eaux visant la protection de l’eau d’irrigation.

Recommandations canadiennes pour la qualité des eaux visant la protection de l’eau d’irrigationfootnote 2

  • Coliformes fécaux (Escherichia coli) : 100 bactéries par 100 mL d’eau;
  • Coliformes totaux : 1 000 bactéries par 100 mL d’eau.

Contexte des recommandations

Les laboratoires se servent des coliformes fécaux ou des E. coli de toutes espèces comme indicateurs d’une contamination fécale de l’eau; leur présence dans un échantillon autorise à supposer la présence d’organismes pathogènes. Une eau d’irrigation qui contient des organismes pathogènes peut contaminer les fruits ou les légumes. La mise en évidence d’organismes pathogènes particuliers est possible, mais il en coûte moins cher de rechercher les organismes indicateurs pour présumer l’existence possible d’organismes pathogènes dans l’eau analysée.

Qu’est-ce que serait une analyse idéale, pour ce qui est des indicateurs de contamination fécale? Ce serait une analyse qui détecterait les microorganismes : 1) qui sont présents seulement dans une eau qui a été contaminée par une source de matières fécales; 2) qui ont les mêmes caractéristiques de survie que l’organisme pathogène dont ils sont l’indice; 3) dont l’eau et le sol ne sont pas les milieux où ils se développent normalement; 4) qui peuvent être contrôlés facilement et rapidement. À l’heure actuelle, aucun des indicateurs couramment utilisés ne répond à ce profil. L’identification des « meilleurs » indicateurs avec la mise au point des techniques d’analyse correspondantes est un domaine actif de la recherche.

Les indicateurs les plus couramment utilisés pour la qualité microbienne de l’eau sont les coliformes totaux, les coliformes fécaux et les E. coli de toutes espèces (figure 1).

Un graphique montrant que les coliformes totaux sont constitués de coliformes fécaux et d'E. Coli
Figure 1. Par rapport des coliformes fécaux et des E. coli aux coliformes totaux. (Nota : Proportions non respectées.)

Coliformes totaux : Approximativement 10 % des bactéries trouvées dans les excréments animaux et humains sont des coliformes. Ce groupe de bactéries est un bon indicateur de la qualité de l’eau des réseaux d’adduction d’eau potable. Malheureusement, comme certains coliformes sont capables de se développer sur de la matière organique en décomposition, ce groupe n’est pas toujours un indicateur sûr de la contamination fécale des eaux de surface.

Coliformes fécaux : Ce groupe de bactéries est un sous-groupe de coliformes capables de se multiplier à 44,5 °C (112 °F). On y trouve E. coli, mais aussi d’autres bactéries qui se développent à cette température. Certains de ces coliformes ne sont pas nécessairement associés à la contamination fécale.

E. coli (toutes espèces) : Les E. coli sont normalement présents dans les intestins des animaux et des humains. La présence d’espèces quelconques d’E. coli est, à l’état actuel des choses, le meilleur indice d’une contamination fécale.

Il est important de se rappeler que la non-détection d’un organisme indicateur ne garantit pas que l’eau est exempte de bactéries pathogènes ni que tout risque de contamination est écarté.

Protection de la source d’eau

Toujours protéger sa source d’eau afin de préserver la qualité de son eau (Tableau 1). Établir une zone tampon (exempte de contaminants) autour de son étang, de son puits ou de son cours d’eau. Limiter l’accès à la source d’eau des animaux sauvages et d’élevage (figure 2). Situer les installations septiques à une distance suffisante de la source d’eau et veiller au bon fonctionnement de la fosse. Enfin, être conscient de toutes les sources de contamination existantes (p. ex. tas de fumier, parcs d’engraissement, installations septiques défectueuses, entrepôt de produits chimiques) et les éloigner autant que possible de sa source d’eau.

Tableau 1. Pratiques de gestion optimales selon les sources d’eau
Source d’eauPratiques de gestion optimales
Cours d’eau
  • Aménager en dérivation du cours d’eau un bassin de sédimentation qui recueillera les eaux de ruissellement — les grosses particules sédimentaires susceptibles de contenir des organismes pathogènes s’y déposeront, ce qui réduira l’éventuelle charge de contaminants.
  • S’entendre avec les voisins pour réduire l’accès des animaux d’élevage aux cours d’eau.
  • Établir des zones tampons de végétation pour filtrer l’eau et ralentir le ruissellement.
Étangs
  • Clôturer les étangs pour empêcher les animaux sauvages et d’élevage de déféquer dans l’eau ou à proximité.
  • Dévier les eaux de ruissellement de manière qu’elles contournent l’étang et qu’elles n’y déversent pas leurs contaminants. (Par exemple, aménager une berge surélevée autour de l’étang ou creuser des fossés qui détournent les ruissellements de l’étang).
  • Établir des voies d’eau gazonnées ou des zones tampons de végétation qui filtreront l’eau avant qu’elle ne rejoigne l’étang.
  • Installer des berges à pente raide ou des talus rocailleux pour décourager les oies d’y établir leurs nids.
Étangs alimentés par des cours d’eau
  • Éviter de prélever de l’eau dans l’étang après une pluie qui a gonflé les cours d’eau — cette eau charrie la majorité des sédiments (et probablement des organismes pathogènes) lessivés par la pluie.
  • Établir des zones tampons de végétation pour filtrer l’eau et ralentir le ruissellement.
Puits
  • Avec de la terre propre, élever un monticule tout autour du puits ou de la fosse du puits pour drainer l’eau de surface et diriger les ruissellements à l’écart du puits.
  • Veiller à ce que le tubage du puits dépasse du sol.
  • Veiller à ce que le tubage du puits soit intact, sans fissures ni orifices.
  • Faire en sorte qu’il n’y ait aucun espace libre entre le tubage et le sol environnant (cet espace pourrait laisser les eaux ruisselant en surface passer directement vers l’aquifère et le contaminer).
  • Pour de plus amples renseignements, consulter :
    • MAAARO Le fascicule Les puits, no BMP 12F, de la série « Pratiques de gestion optimales ».
Photo d'un ruisseau clôturé avec 5 brins de barbelés à 3 m du bord de la berge
Figure 2. Clôture à 5 rangs de barbelé installée à 3 m de la berge pour réduire l’accès des animaux sauvages et d’élevage au ruisseau.

Choisir la source d’eau en fonction de la culture. Si l’eau ne répond pas aux critères recommandés, envisager d’utiliser un mode d’irrigation qui ne dépose pas d’eau sur le produit, par exemple, l’irrigation au goutte-à-goutte. En dernier recours, un traitement de l’eau d’irrigation peut être la seule solution si l’eau est de mauvaise qualité et qu’on ne peut compter sur une autre source d’eau.

Réduction des risques de contamination

Si, en moyenne, l’eau dont on dispose ne répond pas aux normes de qualité énoncées plus haut, on peut intervenir pour réduire le risque de contamination des fruits et légumes. Par exemple, on peut :

  • changer de méthode d’irrigation (au lieu de l’aspersion sur frondaison, opter pour l’irrigation au goutte-à-goutte)
  • changer de source d’eau
  • traiter l’eau destinée à certaines applications de manière à en améliorer la qualité

Il y a plusieurs façons d’éliminer des organismes pathogènes dans l’eau (traitement de l’eau). Certaines de ces options sont pratiques pour l’eau utilisée à des fins de pulvérisation (pesticides et herbicides) et pour des applications après la récolte (lavage des produits). La plupart ne sont toutefois pas pratiques pour les volumes et débits d’eau élevés associés à l’irrigation par aspersion sur frondaison.

Miser sur la prévention

Il est beaucoup plus facile de prévenir la contamination et de protéger l’eau existante que d’essayer de traiter une source contaminée.

La version anglaise de la présente fiche technique a été rédigée par Sandra Jones, chef du Programme de salubrité des aliments à la ferme, MAAARO, et Rebecca Shortt, ingénieure spécialiste de l’irrigation et de la gestion de l’eau, MAAARO. Les auteures aimeraient remercier Pascal Delaquis, Ph.D., AAC, Pam Fisher, spécialiste des petits fruits, MAAARO, et Bengt Schumacher, spécialiste de la gestion des risques, MAAARO, qui ont assuré la relecture de la version anglaise.