Le seigle d'automne est une excellente culture fourragère d'urgence, qui peut être obtenue par semis après une récolte hâtive automnale d'autres cultures, pour en faire de l'ensilage préfané ou l'offrir en pâturage au printemps. Comme le seigle d'automne est habituellement récolté à la mi-mai dans le sud de l'Ontario, il est possible de l'intégrer dans les systèmes en double culture pour combler les pénuries de fourrages. Semez le plus tôt possible en septembre, appliquez de l'azote au printemps et récoltez au moment où la qualité des éléments nutritifs répond aux besoins de l'exploitation. Ne confondez pas le seigle céréalier (Secale cereale) avec le ray-grass (Lolium multiflorum or L. perenne); ce sont deux espèces de graminées totalement différentes qui possèdent des caractéristiques distinctes.

Le seigle d'automne est surtout connu comme plante de couverture pour prévenir l'érosion et faciliter la lutte contre les mauvaises herbes. Le seigle est une plante qui tolère très bien le froid et, parmi les céréales d'hiver, elle est la plus rigoureuse et celle qui résiste le mieux aux maladies. Le seigle d'automne possède un système racinaire fibreux imposant qui capte l'azote du sol de manière très efficace et qui utilise l'humidité du sol au printemps pour croître rapidement. Le seigle d'automne est plus précoce et pousse plus vite au printemps que les autres céréales d'automne, dont le blé, l'orge et le triticale, permettant une récolte de fourrages plus hâtive et plus de possibilités de semis successifs.

Le seigle d'automne pousse bien dans les sols plus légers et dans les sols à faible pH, mais ne se développe pas bien dans des sols plus lourds et mal drainés. Le seigle d'automne fourrager donne de meilleurs rendements que le blé d'hiver, mais n'est pas aussi appétent. La maturation du seigle progresse rapidement à la sortie de la feuille de l'épi, au stade du gonflement et au début de l'épiaison, ce qui réduit considérablement sa qualité fourragère. Cela peut également restreindre beaucoup la période de récolte, surtout si la pluie retarde les travaux.

Choix de double culture

Les agriculteurs qui souhaitent avoir plus de fourrages peuvent semer du seigle d'automne après la récolte de nombreux types de cultures, surtout après le maïs à ensilage. Le seigle d'automne récolté comme fourrage au début de mai peut être suivi de cultures plus tardives comme la fève soya, les haricots comestibles ou encore une plante fourragère annuelle de saison chaude comme le sorgho. Le blé d'automne forme ses épis plus tard que le seigle d'automne, soit vers le 5 juin, et sa récolte en tant que fourrage se ferait trop tard pour permettre un semis successif de soya ou de maïs. Les plus faibles teneurs du sol en humidité à la récolte du seigle fourrager risquent d'avoir un effet négatif sur les rendements de la culture subséquente. Il serait important de détruire totalement le seigle avec un traitement au glyphosate ou avec un travail du sol pour minimiser l'ombrage et toute concurrence pour l'humidité.

Le seigle est connu pour présenter parfois un « effet allélopathique » qui inhibe la germination et la croissance des mauvaises herbes et d'autres cultures. Comme une grande partie des résidus est enlevée, les risques sont cependant faibles dans la plupart des cas où le seigle est cultivé comme céréale fourragère. Il pourrait y avoir des exceptions dans les champs de maïs en semis directs dans un sol lourd.

Semis

Le seigle d'automne est facile à implanter et peut être semé de la fin de l'été jusqu'à la fin de l'automne. Si l'on prévoit le récolter pour l'ensilage au mois de mai suivant, on doit semer le seigle d'automne en septembre, mais des semis plus tardifs peuvent donner de bons résultats en sol sableux. Les semis hâtifs donnent plus de temps pour le tallage, favorisent des rendements fourragers plus élevés ainsi que des dates de récolte un peu plus hâtives pour les fourrages. La plante requiert un certain développement avant l'hiver pour avoir une bonne croissance au printemps et donner de bons rendements. Les semences de seigle sont relativement peu coûteuses. Sous de bonnes conditions, on peut semer le seigle d'automne à des taux de 110 kg/ha (100 lb/ac), mais les taux de semis peuvent aller jusqu'à 190 kg/ha (168 lb/ac, 3 boisseaux/ac) si les semis sont faits à la volée plutôt qu'avec le semoir à grains, ou si les semis sont faits tard en saison.

Pâturage

Le seigle d'automne est un bon choix si on veut devancer la saison de pâturage tôt au printemps, mais il peut aussi servir à prolonger le pâturage tard l'automne. Le seigle d'automne peut être brouté au début du printemps et sa croissance est très rapide. Pour éviter qu'il ne devienne trop mature, il faut se préparer à déplacer souvent le bétail en ayant recours à un système d'affouragement en bandes. Il n'est pas conseillé de faire brouter le seigle sur des sols humides argileux tard l'automne ou au début du printemps en raison des risques de piétinement et de compactage. Si on veut l'utiliser comme pâturage d'automne, il faut semer le seigle d'automne entre le 15 et le 30 août.

Ensilage préfané

Le seigle d'automne peut faire un bon aliment d'entreposage sous forme d'ensilage, soit dans les silos-tours, les silos-fosses, les silos-boudins ou en balles. Le seigle d'automne fauché au stade de croissance souhaitable a beaucoup de difficulté à sécher suffisamment pour être entreposé en foin sec. L'azote appliqué à des doses de 55 à 80 kg/ha (50 à 70 lb/ac) au printemps lorsque l'herbe commence à reverdir favorisera le tallage et fera augmenter les rendements fourragers.

L'époque à laquelle s'effectue la coupe de seigle est déterminante. La qualité, l'appétibilité et la prise alimentaire diminuent très rapidement à l'épiaison (plus rapidement que les autres céréales). La période optimale de récolte est donc très restreinte. Il est conseillé de récolter le seigle fourrager au stade de la sortie de la feuille de l'épi ou au début du stade du gonflement pour obtenir une meilleure qualité d'éléments nutritifs. Le début du stade du gonflement se produit normalement entre le 10 et le 20 mai dans le sud de l'Ontario. À ce stade, il est possible d'obtenir un rendement en matière sèche de 2 tonnes à l'acre ou plus sous de bonnes conditions.

Toutefois, il peut y avoir une très grande variation dans la qualité du fourrage avec seulement quelques jours de différence dans la récolte. Au début du stade de gonflement (stade 39 sur l'échelle Zadok — la ligule de la dernière feuille est à peine visible), la protéine brute (PB) peut atteindre 18 % (tout dépendant de la quantité d'engrais azoté apportée) et la fibre détergent neutre (NDF) une valeur inférieure à 50 %.

Au stade d'épiaison (stade 55 sur Zadok), la PB descend dans la fourchette de 13–14 %, alors que la NDF augmente à plus de 60 %. Ce fourrage peut convenir aux vaches de boucherie, aux génisses et aux vaches taries, mais n'aura pas les qualités nécessaires pour les vaches ou les brebis laitières. Quand le seigle est récolté plus tard, au début du stade pâteux, les rendements peuvent avoisiner les 3 tonnes à l'acre, mais la qualité, l'appétibilité et la consommation seront très inférieures. Le fait de retarder la récolte de seigle fourrager après le stade de gonflement parce qu'il y a d'autres travaux dans les champs ou à cause de mauvaises conditions météorologiques ne serait pas vraiment excusable.

Triticale d'automne

Selon Tom Kilcer de l'État de New York, le triticale d'automne, un croisement entre le seigle et le blé, est préférable au seigle et au blé d'automne comme céréale fourragère à la fois pour le rendement et la qualité. Ses recherches montrent que le triticale d'automne récolté à la sortie de la feuille de l'épi (plutôt qu'au stade du gonflement) peut être un fourrage de grande qualité pour les vaches laitières. On possède cependant peu de données sur l'évaluation agronomique et la qualité des éléments nutritifs du triticale d'automne en Ontario. Il est difficile de se procurer de la semence et elle coûte plus cher que celle du seigle. La récolte de triticale se fait un peu plus tard que celle du seigle au même stade de maturité, ce qui peut retarder les semis des cultures subséquentes. Bien que le triticale semble avoir un bon potentiel en tant que céréale fourragère en Ontario, les agriculteurs qui s'y intéressent auraient peut-être avantage à essayer du seigle aussi pour comparer les deux cultures dans leur exploitation.

Résumé

Il peut être très avantageux et peu coûteux de semer du seigle d'automne pour avoir accès à des fourrages additionnels. Semez aussitôt que possible en septembre, appliquez de l'azote au printemps et prévoyez le moment de la récolte de manière à obtenir une bonne qualité d'éléments nutritifs. En double culture, le seigle peut combler les besoins lorsqu'il manque de fourrages ou être intégré au système de rotation.