Introduction

La notation de l’état de l’état corporel, aussi appelé état de chair, est un système universel développé dans les années 1960 qui permet de classer les animaux matures en fonction de leur état de chair sur une échelle de 1 à 5. L’objectif de cette évaluation est d’arriver à estimer et à quantifier le bien-être nutritionnel des ovins reproducteurs.

Le même système de notation est utilisé pour de nombreuses races ovines dans le monde. Bien que certaines races aient tendance à présenter davantage de dépôts internes de graisse que d’autres, l’évaluation de l’état de chair tel qu’elle est effectuée actuellement demeure subjective et ne constitue pas une mesure suffisamment précise pour exiger d’adapter les systèmes de notation en fonction des différentes races.

Importance de l’évaluation de l’état corporel

Les moutons sont élevés en groupes, ce qui signifie que leurs besoins nutritionnels sont estimés par groupe en fonction de leur poids et de leur stade de croissance afin de formuler une ration alimentaire à partir des ingrédients disponibles. Toutefois, le poids n’est pas une bonne mesure de leur bien-être nutritionnel. Deux moutons de même poids peuvent avoir une morphologie différente, l’un étant plus mince que l’autre. La figure 1 montre la distribution de poids des brebis par rapport à l’indice d’état corporel au sein d’un groupe de brebis matures. Toutes les brebis sont de la même race et du même groupe d’élevage et elles ne semblent pas très différentes les unes des autres.

Diagramme de dispersion montrant des poids vifs de 0 à 120 kilogrammes à gauche et les indices de l’état corporel de 0 à 5 sur l’axe horizontal. Une grappe de points est illustrée entre les indices 2 à 5.
Figure 1. Poids vifs de brebis par indice de l’état corporel pour un groupe de brebis matures.

La figure 1 montre que le poids individuel des brebis est très variable pour chaque indice d’état corporel. Pour un indice moyen de 3, le poids varie d’environ 40 kg à un peu plus de 80 kg. Si une ration est formulée pour un poids moyen de 60 kg à un indice d’état de chair de 3, certains animaux vont perdre du poids et d’autres pourraient en prendre. Une évaluation de l’état de chair doit donc être effectuée pour établir comment ajuster le programme de nutrition afin que le plus d’animaux possible disposent de ressources corporelles optimales aux moments déterminants de leur cycle de production.

Moment optimal pour évaluer l’état corporel

L’évaluation de l’état corporel peut être effectuée pour vérifier si les animaux reproducteurs présentent un indice d’état de chair qui correspond à leur stade de production ainsi que pour quantifier les effets du programme d’alimentation.

Il est particulièrement important d’évaluer l’état de chair des brebis dont on souhaite améliorer la production au milieu de la gestation et à la période de sevrage. À la mi-gestation, il est crucial de s’assurer que les brebis affichent un bon indice d’état corporel pour entamer la deuxième moitié de leur gestation et pour l’agnelage. Au sevrage, il est également important de procéder à cette évaluation afin de formuler un programme d’alimentation approprié permettant aux brebis de retrouver un indice optimal de 3 au moment de leur prochaine saillie. Dans le cadre de l’évaluation du programme d’alimentation, l’évaluation de l’état de chair des brebis doit être effectuée au moment de la saillie et de l’agnelage. L’indice observé chez les brebis au moment de la saillie fournira un aperçu de l’efficacité du programme d’alimentation depuis le sevrage et l’indice obtenu à l’agnelage indiquera si la ration donnée en fin de gestation était appropriée.

L’évaluation de l’état corporel des béliers devrait s’effectuer 8 à 12 semaines avant la saillie, afin de s’assurer que leur état de chair sera satisfaisant à l’accouplement. La spermatogenèse prend sept semaines, ce qui signifie que les conditions qui ont un effet sur un bélier aujourd’hui peuvent affecter le sperme produit pour la saillie qui aura lieu sept semaines plus tard. L’état corporel de bon nombre de béliers va diminuer au cours de la période d’accouplement et il est donc recommandé qu’ils présentent un indice de 3,5 à 4 au début des saillies.

Effets de l’indice d’état corporel sur la production

Étant donné que l’indice de l’état corporel représente une mesure du bien-être nutritionnel, on comprend que les avantages de l’évaluation de cet état sont étroitement reliés au programme d’alimentation et aux effets de la nutrition sur la production.

Brebis reproductrices

Les brebis qui sont minces au moment de la saillie vont présenter des taux inférieurs d’ovulation, de conception et d’agnelage comparativement à celles dont l’état de chair est satisfaisant. Des études ont montré que des indices faibles ou élevés de l’état corporel peuvent avoir un effet sur les taux de reproduction. De manière générale, un indice qui se situe entre 3,0 et 3,5 donnera les meilleurs taux de gestation. Des études à grande échelle réalisées en Australie et en Nouvelle-Zélande ont montré que l’indice de l’état corporel à la saillie a aussi un effet sur le poids des agneaux à la naissance et sur les taux de sevrage même si les brebis affichent un bon indice au moment de l’agnelage.

Brebis en fin de gestation

C’est vers la fin de la gestion qu’il est le plus important pour les brebis de présenter un bon indice d’état corporel. La plus grande partie de la croissance fœtale se produit durant les quatre à six dernières semaines de gestation. Les brebis qui ne présentent pas un indice optimal auront de plus petits agneaux et produiront moins de lait. Les brebis trop minces ou trop grasses présentent un risque plus élevé de toxémie gravidique à ce stade du cycle d’élevage.

Brebis à l’agnelage

Les brebis qui présentent un bon indice d’état corporel de 3,0 au moment de l’agnelage donnent habituellement naissance à des agneaux plus lourds qui ont un meilleur taux de survie. Ces brebis s’occupent mieux de leur progéniture, produisent plus de lait et leurs agneaux sont plus lourds au sevrage. Un indice de 3 au moment de l’agnelage signifie que les brebis ont bénéficié de ressources alimentaires et corporelles adéquates pour la croissance de leurs agneaux en fin de gestation.

Béliers

L’état corporel des béliers au moment de la saillie aura un effet sur leur comportement sexuel. Les béliers dont l’indice d’état de chair est inférieur à 3 durant la période d’accouplement pourraient prendre deux fois plus de temps et avoir besoin de deux fois plus de saillies pour inséminer une brebis. L’indice influe sur la quantité et la qualité du sperme. Les béliers dont l’indice d’état corporel est inférieur à 3 produisent de plus faibles volumes de semence ainsi que de la semence moins mobile que ceux qui affichent un indice situé entre 3 et 4.

Bien-être animal

Les indices de l’état corporel des brebis et des béliers vont fluctuer au cours de leur cycle de reproduction. Idéalement, ils ne devraient pas présenter un indice minimal inférieur à 2 et un indice maximal supérieur à 4 pour une santé et une production optimales.

Il est cependant parfois difficile pour différentes raisons de respecter ces limites dans le cas de certains animaux :

  • animaux malades
  • brebis ayant reçu une alimentation intensive et qui ne deviennent pas gestantes
  • brebis n’ayant pas eu la capacité de manger suffisamment durant la gestation, et présence de nombreux agneaux
  • brebis mobilisant efficacement le gras requis pour produire du lait, mais qui ne mangent pas assez pour maintenir leur poids

Méthode d’évaluation de l’état corporel

L’évaluation de l’indice de l’état corporel est couramment utilisée dans le monde pour estimer les réserves de gras des ovins matures. Il est important de souligner qu’il ne s’agit pas de la meilleure méthode pour évaluer les agneaux prêts à être commercialisés. Les agneaux de marché doivent être évalués d’après l’épaisseur de gras au site de mesure (profondeur totale de tissu à la 12e côte, à 110 mm du milieu de la ligne dorsale). Chez les ovins reproducteurs matures, on évalue les réserves de gras sur la longe. La longe est identifiée à la figure 2 et on la trouve, chez les ovins, entre les os de la hanche et les longues côtes.

Afin de comparer les animaux entre eux, il est important d’utiliser la même méthode de palpation du gras sur la longe. S’inspirant de modèles de notation de l’état corporel par palpation de la longe développés en Australie, la figure 2 montre la méthode standard dans laquelle on utilise la main pour évaluer la réserve de gras autour de la longe.

Illustration de la colonne vertébrale d’un mouton dans la région de la longe avec identification de certaines parties.
Figure 2a. La région de la longe sur un mouton correspond à la section de la colonne vertébrale située entre les hanches et le début des longues côtes.
Gros plan d’une main montrant l’endroit de palpation sur le dessus de la colonne vertébrale de l’animal.
Figure 2b. En tenant la main à plat et les doigts collés ensemble, palper le dessus de la colonne vertébrale.
Gros plan d’une main montrant l’endroit où détecter le muscle.
Figure 2c. Tourner la main en la gardant à plat avec les doigts ensemble et palper l’animal le long du muscle de la longe.
Gros plan d’une main montrant l’endroit où détecter les apophyses transverses.
Figure 2d. Les doigts toujours ensemble, palper l’animal jusqu’aux apophyses transverses et palper l’animal sous ces dernières.

La méthode manuelle doit être utilisée pour établir les différents indices de l’état corporel. Il peut sembler évident d’évaluer visuellement les moutons très maigres, mais à moins d’être fraîchement tondus, les moutons ne peuvent pas vraiment être évalués précisément de cette manière. Afin de différencier ce qui caractérise les divers indices, mémoriser d’abord la description de l’état corporel qui correspond à l’indice 3. Bien que l’on décrive en détail cinq indices, la plupart du temps le but est de décider si l’animal a besoin d’être nourri davantage ou si son alimentation a été trop abondante.

Indice de l’état corporel 1

Vue en plongée d’une brebis très maigre présentant un indice d’état corporel de 1.
Coupe transversale associée à un indice d’état corporel de 1 montrant l’absence de couche de gras et peu ou pas de profondeur de muscle.
  1. La colonne vertébrale est saillante et pointue.
  2. Les apophyses transverses sont pointues.
  3. Pas de couche de gras, peu ou pas de muscle entre la colonne et les apophyses transverses.
  4. Les doigts peuvent s’insérer sous les apophyses transverses

Indice de l’état corporel 2

Vue en plongée d’une brebis maigre présentant un indice d’état corporel de 2.
Coupe transversale associée à un indice d’état corporel de 2 montrant une faible couche de gras et une épaisseur de muscle modérée.
  1. La colonne vertébrale est lisse, mais saillante.
  2. Les apophyses transverses sont lisses et légèrement arrondies.
  3. Faible couche de gras, profondeur de muscle modérée entre la colonne vertébrale et les apophyses transverses.
  4. Une légère pression des doigts suffit pour les glisser sous l’extrémité des apophyses transverses et entre celles-ci.

Indice de l’état corporel 3

Vue en plongée d’une brebis présentant un indice d’état corporel de 3 et un bon équilibre entre la couche de gras et l’épaisseur de muscle.
Coupe transversale associée à un indice d’état corporel de 3 montrant une couche de gras modérée et une pleine épaisseur de muscle.
  1. La colonne vertébrale est lisse et arrondie. L’espace entre les apophyses épineuses n’est pas perceptible.
  2. Les apophyses transverses sont lisses et bien arrondies.
  3. Couche de gras moyenne, bonne épaisseur de muscle entre la colonne vertébrale et les apophyses transverses.
  4. Bonne pression requise pour glisser les doigts sous les extrémités des apophyses transverses. Espace entre ces dernières non perceptible.

Indice de l’état corporel 4

Vue en plongée d’une brebis un peu grasse présentant un indice d’état corporel de 4.
Coupe transversale associée à un indice d’état corporel de 4 montrant une bonne couche de gras et une pleine épaisseur de muscle.
  1. Colonne vertébrale uniquement perceptible par palpation avec l’application d’une bonne pression.
  2. Forte pression requise pour détecter les apophyses transverses par palpation.
  3. Bonne couche de gras et pleine profondeur de muscle entre la colonne et les apophyses transverses.
  4. Très forte pression requise pour insérer les doigts sous les apophyses transverses.

Indice de l’état corporel 5

Vue en plongée d’une brebis très grasse présentant un indice d’état corporel de 5.
Coupe transversale associée à un indice d’état corporel de 5 montrant de très grosses couches de gras et de muscle.
  1. Colonne vertébrale non perceptible par palpation même avec forte pression. Une dépression se forme directement au-dessus de la colonne entre l’importante couche de gras et la profondeur de muscle.
  2. Les apophyses transverses ne sont pas perceptibles.
  3. Importante couche de gras et pleine épaisseur de muscle entre les apophyses épineuses.
  4. Apophyses transverses non détectables.

L’évaluation de l’état corporel demande de la pratique. Les moutons présentent différents niveaux de gras et non seulement les cinq qui sont décrits selon les indices. Cela signifie que dans un groupe de 30 brebis dont les indices de l’état corporel varient entre 2,5 et 3,5, la palpation des 30 longes donnera pour chacune une impression légèrement différente. La pratique permettra d’acquérir certaines connaissances, à savoir par exemple qu’un animal évalué avec un indice 2 qui a besoin d’être alimenté davantage va présenter une colonne vertébrale saillante, une certaine musculature et une légère couche de gras et qu’il sera possible de détecter l’espace entre ses apophyses transverses et d’y glisser les doigts en dessous.

Conclusion

L’évaluation de l’état corporel au cours du cycle d’élevage représente un outil de gestion simple qui permettra d’assurer le bien-être des ovins reproducteurs ainsi qu’une utilisation efficace des ressources alimentaires.

Il s’agit d’une habileté subjective qui doit être mise en pratique puisque l’état de chair réel d’un animal est en fait un processus continu et que les indices attribués ne sont que des niveaux le long d’une échelle.

L’acquisition, d’une part, de l’habileté à attribuer correctement un indice 3 d’état corporel et à établir si un mouton peut avoir besoin qu’on augmente ou réduise sa quantité de nourriture et, d’autre part, l’utilisation de ces données pour regrouper différemment les moutons en matière d’alimentation permettront d’accroître la productivité et la santé du troupeau ovin.

Ressources utiles

Beef + Lamb New Zealand. 2019. Ewe body condition scoring workshop.

Kenyon, P.R., et coll. 2014. Review of sheep body condition score in relation to production characteristics. New Zealand Journal of Agricultural Research, Vol. 57, No. 1, p. 38-64.

Maurya, V.P., et coll. 2010. Effect of induced body condition score differences on sexual behavior, scrotal measurements, semen attributes and endocrine responses in Malpura rams under hot semi-arid environment. Journal of Animal Physiology and Animal Nutrition, p. 309–317.

Cette fiche technique a été rédigée par Delma Kennedy, spécialiste des moutons, ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales.