Dans la première partie de cette série nous avons abordé les avantages de l'irrigation déficitaire sur les rendements et la qualité du raisin. Alors pour les viticulteurs qui ont accès à de l'eau et qui veulent irriguer, par où commencer?

Il peut être tentant de brancher le système d'irrigation et d'irriguer jusqu'à ce qu'il y ait quelques centimètres d'eau sur le sol, mais ce n'est peut-être pas le meilleur choix pour les cultures et vos revenus. Comme déjà mentionné dans la première partie, en irrigant trop les raisins on peut faire baisser la qualité du vin et entraîner une vigueur excessive. Si c'est possible, il vaut mieux surveiller les conditions météorologiques et irriguer pour répondre aux besoins de la culture. L'une des méthodes de gestion est l'irrigation déficitaire régulée (IDR), qui s'effectue en retenant l'eau d'irrigation durant certaines périodes du développement de la culture, et en donnant suffisamment d'eau pour maintenir l'humidité du sol au-dessus du point de flétrissement permanent à d'autres moments. Tôt en saison, il a été démontré que l'IDR réduit la croissance végétative et favorise la conservation de l'eau plus tard, étant donné la superficie réduite du feuillage. L'IDR peut être utilisée le plus efficacement quand elle est prévue au moment optimal de chaque stade de croissance du raisin, pour maximiser la qualité des fruits tout en économisant l'eau. L'eau est très importante pour la division cellulaire dans les grains de raisin, immédiatement après la floraison et la mise à fruit. La vigne est aussi simultanément en période de croissance végétative.

La période la plus critique pour l'irrigation, par conséquent, est de la mise à fruit jusqu'à la véraison (le début de la période de mûrissement indiqué par le ramollissement des raisins et le changement de couleur). L'irrigation déficitaire avant la véraison peut faire abaisser un peu le rendement à cause d'un nombre réduit de cellules dans les raisins, et vraiment diminuer la croissance végétative. L'IDR après la véraison peut aussi réduire légèrement le rendement à cause de la taille moindre des raisins, mais elle augmente normalement la qualité à cause d'une meilleure concentration.

Comment pouvez-vous déterminer combien d'eau les raisins ont besoin?

La quantité d'humidité dont ont besoin les raisins varient chaque année d'un endroit à l'autre, selon les conditions météorologiques (température, pluie, neige, percolation dans le sol), et le couvert de la vigne. Il est possible de calculer combien d'eau est utilisée par la culture en mesurant l'évapotranspiration (ET) d'une installation météorologique. L'eau utilisée par la culture peut être déterminée en multipliant la perte d'eau par évaporation et transpiration à cause des conditions météorologiques (ETo de référence calculée par une station météorologique) par le coefficient d'une culture (Kc), spécifique à la culture, et qui tient compte de la variation de la superficie du couvert de la vigne.

  • ETc= ETo X Kc
  • ETc= évapotranspiration de la culture, ou quantité d'eau que les raisins utiliseront
  • ETo= ET de référence, qui est la perte d'eau par évaporation et transpiration, basée sur les conditions météorologiques (température, rayonnement solaire, etc.). ETo suppose que le sol est herbagé.
  • Kc= coefficient de la culture.

Commencez par déterminer l'évapotranspiration de référence (ETo), qui est la perte d'eau par évaporation et transpiration d'un champ herbagé. ETo est affectée par les conditions météorologiques et exprime le pouvoir d'évaporation de l'atmosphère en un lieu spécifique et un temps de l'année, et ne tient pas compte des caractéristiques de la culture et des facteurs particuliers du sol. ETo est exprimé en mm par une période spécifique (en général par jour). ETo est à son maximum au milieu de l'été quand la durée du jour (heures d'ensoleillement) est à son maximum, que l'humidité relative est faible et que les températures sont maximales. L'ETo est calculée en entrant les données climatiques (p. ex. la température moyenne, l'humidité relative, etc.) dans des modèles climatiques (équation de Priestly-Taylor, équation de Penman-Monteith). Les valeurs moyennes d'ETo pour l'Ontario se trouvent dans la publication du MAAARO intitulée Gestion de l'irrigation, BMP08F. Autrement, Weather Innovations Network Inc. (WIN) offre des cartes hebdomadaires d'ETo basée sur l'équation Priestly-Taylor. Comme toujours, la méthode la plus précise reste encore d'utiliser les données spécifiques à l'endroit ou à la région pour déterminer l'ETo.

Aux fins de la discussion, supposons qu'un jour vous visitez le site Web de WIN et que vous trouvez la valeur maximale d'ETo pour votre région, qui est de 6,6 mm (0,26 pouce) par jour. Nous allons suivre cette valeur dans nos calculs et arriver à combien d'eau en supplément il faut appliquer dans un vignoble.

Utiliser un coefficient pour la culture : une fois que vous avez déterminé l'ETo, vous devez calculer un coefficient de la culture (Kc), qui tient compte de la quantité de sol recouvert par la culture. Dans le cas de raisins, ils sont en rangs espacés d'environ ~2,5 m (8 pieds), par conséquent la plus grande partie de la surface du sol n'est pas occupée par le couvert. Nous tenons compte du fait que les raisins sont sur treillis et peuvent occuper jusqu'à 1,8 à 2 m (~6 pieds) d'espace sur le treillis, ce qui vue d'en haut couvrirait environ 75 % de la surface du sol. C'est la base à utiliser pour un coefficient de culture (Kc). Si l'irrigation est appliquée à un vignoble qui est sur treillis au complet, un Kc entre 0,75 et 0,8 serait approprié. Si l'irrigation est appliquée pendant le développement du couvert, le volume de couvert serait moindre et doit être évalué le plus exactement possible. Pour ce faire, l'une des méthodes est de mesurer la longueur de l'ombre projetée par le couvert de la vigne et de la diviser par la largeur du rang (écartement des rangs).

Ainsi, si la longueur de l'ombre projetée par le couvert de la vigne à midi solaire était de 1,88 m et que la largeur du rang était de 2,5 m, le Kc serait comme suit :

Kc=1,88 m / 2,5 m

= 0,75

C'est la valeur qui sert à calculer le volume d'eau de remplacement. Si vous utilisez notre valeur d'ETo d'origine de 6,6 mm et un Kc de 0,75 Kc, alors notre ETc serait de 6,6 X 0,75 ou 4,95 mm d'eau de remplacement chaque jour (0,19 po).

Dans ce cas l'ETc serait comme suit :

ETc=ETo X Kc

Etc=6,6 mm X 0,75

=4,95 mm d'eau de remplacement chaque jour (0,19 po).

= 0,0162 pi/jour

Alors combien d'eau (volume) dois-je envoyer sur mes vignes?

Multipliez la profondeur d'eau nécessaire par jour, 4,95 mm (0,0162 pi/jour), par la superficie d'un plant (4 pi x 8 pi = 32 pi2 pour des raisins de cuve vinifera).

Vd = ETc x superficie d'un plant = 0,0162 pi/jour x 32 pi2 = 0,5184 pi3

Vd = 3,9 gal US (1 pi3 = 7,481 gal US)

Alors pour une chaude journée d'été en Ontario, dans cet exemple on utiliserait 3,9 gal US/vigne/jour. Pour une semaine, on aurait 27,3 gal US/vigne/semaine

Il reste l'étape finale de la conversion du volume en heures d'utilisation d'un système d'irrigation au goutte-à-goutte. Dans cet exemple, le système d'irrigation fournit 0,53 GH (gallons à l'heure) de goutteurs espacés de 61 cm (2 pi). Puisque les vignes sont espacées de 122 cm (4 pieds), ça veut dire que l'on a 2 goutteurs par vigne (0,53GH x 2) = 1,06 GH/vigne.

Chaque semaine on a besoin de pulvériser 27,3 gal US/vigne ÷ 1,06 GH/vigne = 25,8 heures.

Le temps d'utilisation du système d'irrigation serait réduit s'il y a de la pluie pendant la semaine.

Avec un système au goutte-à-goutte, il faudra procéder en 2 ou 3 applications par semaine.

Il s'agit donc de 8,6 heures, trois fois par semaine.

Voilà! Vous venez de calculer combien d'eau il faudra pour irriguer!