Introduction

Les nuits de printemps où il gèle, il peut faire très froid dans un champ de fraisiers. Les fraisiers fleurissent au début du printemps, souvent avant la dernière gelée. Les fleurs se trouvent très près du sol qui, lorsqu’il est recouvert de paille, ne fournit pas beaucoup de chaleur. C’est pourquoi, chaque printemps, de nombreux producteurs de fraises placent des systèmes d’irrigation qu’ils font fonctionner toute la nuit; ils se servent d’un principe thermodynamique pour protéger leur récolte de la gelée.

La présente fiche technique décrit les types de gelées, les dommages attribuables au gel et les techniques d’irrigation utilisées pour protéger les fraisiers.

Symptômes des dommages attribuables au gel

Les gelées surviennent quand la température autour du fraisier chute en deçà de 0 °C (32 °F). À cette température, l’eau pure forme des cristaux de glace sur les surfaces dont la température est inférieure au point de congélation de l’eau.

La sève des plantes n’est pas de l’eau pure. Par conséquent, les fraisiers ont un point de congélation inférieur à 0 °C (32 °F). Quand la température critique (figure 1) est atteinte, des cristaux se forment et endommagent les membranes cellulaires, ce qui entraîne une fuite des fluides cellulaires.

Les températures critiques approximatives sont de -5,5 °C pour le bouton fermé, -2,2 °C pour le bouton sur le point d’éclore, -1,1 °C pour la fleur éclose et -2,2 °C pour le fruit. De gauche à droite : Un bouton fermé est une fleur fermée, complètement verte et sans pétales blancs. Un bouton sur le point d’éclore est une fleur fermée où des pétales blancs sont visibles au centre du calicule. Une fleur éclose a des pétales blancs avec un centre jaune. Vert et blanc, un fruit immature a une forme conique arrondie.
Figure 1. Températures critiques pour les fraisiers, en fonction du stade de développement. Source : Perry et Poling, 1985footnote 1.

Les gelées peuvent rapidement tuer les fleurs ou les endommager suffisamment pour que les petits fruits qui en résultent soient difformes. Quand une fleur est endommagée par le froid, ce sont les pistils qui meurent en premier (figure 2). Le centre de la fleur devient noir dans un délai de quelques heures à un jour après la gelée.

Fraisier avec plusieurs fleurs, dont celle du bas est noire au centre, ayant été endommagée par le gel. Les fleurs non endommagées (au-dessus et à gauche) sont jaune vif au centre.
Figure 2. Fleur de fraisier endommagée par le gel.

Si les pistils sont tués avant la pollinisation, les embryons ne se développent pas. Une tache pigmentée se forme sur le petit fruit, et les graines sont creuses (figure 3). Parfois, le dessous des fruits craque.

Fraises avec des zones noircies « pincées ». Les zones endommagées semblent desséchées et ratatinées.
Figure 3. Fruits difformes en raison d’une gelée ayant partiellement endommagé les fleurs.

Les feuilles peuvent aussi être endommagées par les gelées, surtout lorsqu’elles poussent avec vigueur et qu’elles sont très tendres. Le bord et le bout des feuilles noircissent, puis s’assèchent (figure 4).

Feuille de fraisier dont l’extrémité est brune et desséchée par le gel.
Figure 4. Dommage à une feuille de fraisier attribuable au gel.

Les gelées endommagent habituellement les fleurs les plus grosses et les plus précoces. Or, les fleurs sont les parties les plus importantes et lucratives pour la culture des petits fruits, car les prix sont les plus élevés en début de saison. De plus, les premières fleurs qui éclosent produisent les plus gros fruits. Si 5 à 7 % des fleurs sont perdues et que ces dernières sont pour la plupart des fleurs centrales, alors la récolte totale sera réduite de 10 à 15 %.

Températures critiques pour les dommages attribuables au gel

Les fleurs et leurs parties sont les plus vulnérables aux dommages attribuables au gel (figure 1).

Ces températures, qui correspondent à celles dans les tissus, sont un ou deux degrés au-dessous de la température critique de l’air dans le couvert végétal. De nombreuses variables influent sur la température critique d’une plante donnée et sur le degré de dommage, soit :

  • la durée des températures froides
  • les conditions de culture avant la période de froid
  • les cultivars (en raison du port de la plante ou de l’évitement de certains cultivars, plutôt qu’à cause des différences génétiques)
  • le stade de développement
  • la surfusion (en l’absence de points de nucléation de la glace, la sève peut se refroidir et atteindre une température au-dessous du point de congélation sans former de cristaux de glace)
  • le type de sol et les conditions qui lui sont propres — les sols foncés et humides retiennent plus la chaleur que les sols secs et pâles

Comprendre le transfert de chaleur

Par temps froid, il y a perte de chaleur. On ne peut ajouter du froid, mais la chaleur peut être retirée (figure 5).

Moyens de transférer la chaleur :

  • La conduction : transfert d’énergie à l’intérieur d’un objet ou d’un système — le métal, l’eau et la glace sont de bons conducteurs, tandis que l’air en est un mauvais.
  • La convection : transfert de chaleur par le mouvement et le mélange de liquide ou de gaz — l’air est principalement réchauffé par convection.
  • Le rayonnement : transfert d’énergie dans l’espace libre, sans mode de transport — on reçoit l’énergie du soleil par rayonnement, et les objets sur Terre retournent aussi de l’énergie dans l’espace.
  • Le changement de phase : quand les molécules d’eau changent de phase, par exemple de la phase gazeuse à la phase liquide, de la chaleur est libérée. Ce potentiel d’énergie s’appelle « chaleur latente ». On peut le mesurer avec un thermomètre avant que la chaleur ne soit libérée par un changement à la phase liquide.

Quand l’eau se condense, se refroidit ou gèle, la température autour de l’eau s’élève à mesure que de la chaleur latente est libérée. L’eau qui se transforme en glace sur la surface d’une plante ajoute de la chaleur à cette plante. À l’inverse, quand la glace fond ou que l’eau s’évapore, la température autour de l’eau diminue à mesure que la chaleur se déplace vers l’eau. L’eau qui s’évapore de la surface d’une plante enlève de la chaleur à cette plante.

Lorsqu’elle chauffe, l’eau a besoin d’un supplément de chaleur et, par conséquent, l’air qui l’entoure se refroidit : L’eau s’évapore à 0 °C. Elle exige -600 cal/g. La glace fond à 0 °C. Elle exige -80 cal/g. Lorsqu’elle refroidit, l’eau libère de la chaleur et, par conséquent, l’air qui l’entoure se réchauffe : La vapeur se condense à 0 °C. Elle libère +600 cal/g. L’eau gèle à 0 °C. Elle libère +80 cal/g. Les changements de phase de l’eau sont illustrés par une gouttelette d’eau au centre, de la vapeur d’eau à gauche et un cube de glace à droite. Les flèches bleues indiquent le processus de changement de phase (de gauche à droite : évaporation, fonte, condensation, congélation) et les flèches rouges indiquent le supplément de chaleur « exigée » ou la chaleur « libérée ».
Figure 5. Échange de chaleur dû à des changements de phase. Le signe négatif indique que l’eau se réchauffe ou s’évapore et que l’air se refroidit; le signe positif indique que l’eau se refroidit ou gèle et que l’air se réchauffe.

Bilans énergétiques

Le jour, le soleil réchauffe le sol et d’autres objets ou éléments, comme les cultures. Quand ces objets deviennent plus chauds que l’air, ils transfèrent de la chaleur à l’air par conduction. Cet air chaud est moins dense et s’élève, puis il est remplacé par de l’air plus frais provenant des couches supérieures. Ce mélange d’air est à l’origine du réchauffement de la basse atmosphère. Normalement, l’air près de la surface du sol est plus chaud que l’air au-dessus. Les cultures renvoient également de la chaleur vers l’espace. Une partie de cette énergie est réfléchie vers la Terre par les nuages et le CO2 présent dans l’atmosphère.

La nuit, il n’y a pas de rayonnement solaire incident. Si l’air est clair, peu de chaleur est retournée vers la Terre. Le sol et les cultures continuent de diffuser de l’énergie vers l’espace. Les températures près de la surface du sol chutent, ce qui forme une couche d’air dont la partie inférieure est froide et la partie supérieure est chaude. S’il y a du vent ou une brise, l’air chaud et l’air froid se mélangent. Par contre, si la nuit est calme et, surtout, que l’air est sec, la température de l’air est moins élevée au niveau du sol et augmente avec la hauteur jusqu’à un certain niveau. Comme cette situation est à l’opposé des conditions diurnes normales, on la désigne par le terme « inversion ».

Les objets peuvent diffuser de la chaleur plus rapidement que l’air autour d’eux. Par conséquent, du givre se forme sur le toit d’un immeuble ou sur le capot d’une voiture quand les températures de l’air restent à un ou deux degrés au-dessus de zéro. Les fleurs de fraisiers peuvent diffuser de la chaleur assez rapidement quand la nuit est claire.

Faits importants sur les conditions météorologiques

Bien que l’on utilise ces termes de façon interchangeable, la gelée d’advection et la gelée de rayonnement sont deux phénomènes de froid distincts (tableau 1).

La gelée d’advection, ou gelée de plein vent, se produit quand une masse d’air froid se déplace vers une zone et entraîne des conditions glaciales. Des vents importants soufflent à mesure que le front froid s’installe. La couche d’air froid varie de 150 à 1 500 m. Il est difficile de protéger les cultures contre le gel quand de telles conditions se produisent.

Une gelée de rayonnement se produit quand un ciel clair et des vents calmes entraînent une inversion et une chute de température sous le point de congélation près de la surface du sol. L’inversion d’air froid a une profondeur de 10 à 60 m (avec de l’air chaud au-dessus).

Tableau 1. Caractéristiques d’une gelée de rayonnement et d’une gelée d’advection
CaractéristiqueGelée d’advectionGelée de rayonnement
VentsVents (plus de 8 km/h)Vents calmes (moins de 8 km/h)
CielNuages possiblesCiel clair
Couche d’air froid150 à 1 500 m10 à 60 m
InversionNonOui (air près du sol plus froid que celui au-dessus)
Drainage de l’air froidNonOui
Protection contre les geléesDifficileProbablement efficace

Surveillance des microclimats

Les températures de l’air qu’indiquent les rapports et les prévisions météorologiques sont mesurées à 1,5 m (5 pi) au-dessus du sol. Or, les températures peuvent être beaucoup plus faibles au niveau du sol et encore plus basses dans les parties creuses du champ. La couverture nuageuse et la vitesse des vents sont également des facteurs importants à considérer dans la détermination des risques de gel.

Utiliser des thermomètres maxima-minima pour surveiller les basses températures dans les champs. Comparer les mesures avec les prévisions de basses températures. Par temps nuageux et venteux, les prévisions devraient correspondre aux températures minimales observées dans une région. Par nuit claire, surtout dans une fraiseraie, les températures minimales observées peuvent être beaucoup plus basses que les prévisions.

Utiliser des thermomètres maxima-minima pour comparer les températures à plusieurs endroits sur une ferme pendant une nuit. Après plusieurs observations, on saura à quel point chaque fraiseraie est froide comparativement à une cour arrière. Installer un avertisseur de gelées à un endroit précis si l’on sait à quel point la fraiseraie peut devenir plus froide.

Facteurs influant sur le risque de gelée

L’air froid étant plus lourd que l’air chaud, il coule et se déplace dans une fraiseraie comme de l’eau. Il s’accumule aussi où des obstructions bloquent son écoulement vers une zone plus basse. Les talus le long des routes, les haies et les levées de terre sont des exemples d’obstructions à l’écoulement des masses d’air froid. L’air froid se déplacera des zones élevées vers des zones d’accumulation plus basses, par exemple un grand plan d’eau. Les fraiseraies situées dans des champs inclinés ou dans des zones généralement élevées sont moins vulnérables aux gelées. Surveiller les poches de gelée au sein des fraiseraies.

Enlever les obstructions sur le côté inférieur du champ pour améliorer l’écoulement de l’air. Concevoir des brise-vent pour ralentir le vent, mais pas pour bloquer tout mouvement d’air. Pour que l’air s’écoule, on recommande un espace d’environ 50 % dans le bas du brise-vent.

L’humidité et la compaction des sols peuvent avoir un effet marqué sur la température. Un sol humide et compact emmagasine plus de chaleur qu’un sol sec et meuble et, par conséquent, a plus de chaleur à transférer aux cultures pendant la nuit. La mise en culture juste avant une gelée peut augmenter le risque de dommages aux plantes, car le sol est plus meuble et plus sec après la mise en culture. Les sols sous une couverture herbeuse conservent plus de chaleur si l’herbe est courte.

Irrigation pour protéger contre les gelées

La plupart des producteurs se fient sur les systèmes d’irrigation par aspersion pour protéger leurs cultures contre les gelées. Quand l’eau des asperseurs se transforme en glace, la chaleur libérée protège les plantes contre le froid. Tant qu’une mince couche d’eau est présente, que ce soit sur les boutons ou sur la glace, les fleurs sont protégées. C’est important, car ce n’est pas la couche de glace qui assure la protection, mais l’eau qui gèle constamment et maintient la température au-dessus du point critique.

Caractéristiques du système

Les systèmes d’aspersion doivent présenter les caractéristiques suivantes :

  • la capacité d’irriguer l’ensemble d’une fraiseraie en une seule fois
  • la présence de têtes d’asperseurs conçues pour la protection contre les gelées — le ressort de celles en métal doit être recouvert pour empêcher le gel, et la tête arrière doit être branchée (figure 6), et il est aussi possible d’utiliser des têtes rotatives en plastique (figure 7)
  • une rotation rapide des asperseurs, d’au moins un tour par minute
  • un espace entre les porte-asperseurs qui ne dépasse pas 30 à 60 % (selon les conditions du vent) de la superficie arrosée par chacun des asperseurs — généralement, une configuration décalée fournit une couverture plus uniforme qu’un carré ou un rectangle, mais cela dépend réellement de la buse et de l’asperseur utilisés (faire appel à des spécialistes en approvisionnement de systèmes d’irrigation pour concevoir le système)
  • un espace traditionnel de 18 m par 18 m (60 pi par 60 pi), où moins d’asperseurs sont requis, mais il faudra plus de temps pour que les asperseurs couvrent la superficie entière — un espace de 9 m par 9 m (30 pi par 30 pi) est recommandé dans les régions où des vents et des gelées d’advection se produisent fréquemment
  • le recours à des systèmes de têtes rotatives en plastique, généralement conçus à partir d’un espacement plus serré, par exemple de 12 m par 15 m (40 pi par 50 pi)
  • un accès à suffisamment d’eau pour plusieurs nuits de suite

Exemple : Pour 0,4 ha (1 acre), il faut environ 225 L/min (60 gallons américains par minute), pour irriguer 3 mm/h (⅛ po/h), ce qui représente 13 600 L/h (3 600 gallons américains par heure); si l’irrigation est nécessaire pendant 10 heures, il faut 136 000 L (36 000 gallons) par nuit. Planifier suffisamment d’eau pour plusieurs nuits de suite.

Asperseur en métal conventionnel avec bras de rotation à ressort.
Figure 6. Asperseur en métal conçu pour la protection contre les gelées et dont la tête arrière est branchée. Source : Vanden Bussche Irrigation
Tête rotative en plastique sur une colonne montante avec de l’eau pulvérisée à droite dans une fraiseraie.
Figure 7. Tête rotative en plastique conçue pour la protection contre les gelées. Source : Vanden Bussche Irrigation.

Quantité d’eau à employer

La quantité d’eau à asperger à l’heure dépend du vent et de la température (tableau 2). Des taux d’arrosage d’eau plus élevés sont requis quand les nuits sont venteuses ou quand l’humidité est faible, car on perd beaucoup plus d’énergie par gramme d’eau évaporée qu’on en gagne par gramme d’eau gelée (tableau 2). On considère que, en l’absence de vent, un taux de 2,5 mm/h (0,1 po/h) offre une protection adéquate jusqu’à −4,4 °C (24 °F).

Quand l’eau sur la plante se transforme en glace claire (figure 8), il y a suffisamment d’eau aspergée. Une glace trouble ou laiteuse signifie, par contre, que l’arrosage n’est pas assez rapide pour protéger les fleurs. Dans ce cas, augmenter le taux d’arrosage en réduisant l’espace entre les asperseurs ou en utilisant des buses à débit plus élevé. Si la vitesse du vent est supérieure à 16 km/h ou si la température est inférieure à −6,7 °C (20 °F), l’irrigation par aspersion peut faire plus de mal que de bien parce qu’elle n’empêche pas une congélation rapide.

Tableau 2. Profondeur d’eau par heure requise pour bien protéger les fraisiers, en fonction de la température de l’air et de la vitesse du vent.
Vitesse du vent à la hauteur de la cultureTempérature de l’air dans le couvert végétal
−2.8 °C (27 °F)
Température de l’air dans le couvert végétal
−4.4 °C (24 °F)
Température de l’air dans le couvert végétal
−6.7 °C (20 °F)
Température de l’air dans le couvert végétal
−7.8 °C (18 °F)
0 à 2 km/h2,5 mm/h (0,10 po/h)2,5 mm/h (0,10 po/h)mm/h (0,16 po/h)mm/h (0,20 po/h)
3 à 6 km/h2,5 mm/h (0,10 po/h)mm/h (0,16 po/h)7,5 mm/h (0,30 po/h)10 mm/h (0,40 po/h)
7 à 14 km/h2,5 mm/h (0,10 po/h)7,5 mm/h (0,30 po/h)15 mm/h (0,60 po/h)18 mm/h (0,70 po/h)
15 à 19 km/h2,5 mm/h (0,10 po/h)10 mm/h (0,40 po/h)20 mm/h (0,80 po/h)25 mm/h (1,00 po/h)
20 à 35 km/hmm/h (0,20 po/h)20 mm/h (0,80 po/h)S. O.S. O.

Source : Gerber et Martsolf, 1979footnote 2.

Tête rotative en plastique sur une colonne montante avec de l’eau pulvérisée à droite dans une fraiseraie.
Figure 8. Fraisier sous une mince couche de glace.

Quand commencer l’irrigation

Pour que l’irrigation parvienne à protéger les fraisiers contre les gelées, les agriculteurs doivent connaître le point de rosée. Le point de rosée est particulièrement important dans la détermination du début de l’irrigation.

Point de rosée

Le point de rosée est la température à laquelle l’humidité de l’air se condense et forme de la rosée. Il dépend de l’humidité relative : il est à une température plus élevée lorsque l’air est humide plutôt que le contraire. Une fois que la rosée commence à se former, la température de l’air commence à chuter plus lentement. Quand la température atteint le point de congélation, la rosée se transforme en givre.

Les points de rosée sont établis lors de prévisions météorologiques, notamment :

  • Environment Canada — ce site fournit les points de rosée actuels ainsi que d’autres conditions météorologiques en vigueur, pour certains endroits
  • Farmzone — ce site (en anglais seulement) présente les prévisions de points de rosée

L’importance du point de rosée

Les agriculteurs utilisent les points de rosée pour estimer à quelle vitesse la température peut chuter pendant une nuit donnée (tableau 3). Une fois que de la rosée se forme, la température de l’air chute plus lentement, car de la chaleur est libérée. Souvent, la température nocturne chute jusqu’au point de rosée, mais pas beaucoup en deçà. Parfois, le point de rosée correspond à la « température de sous-sol ».

Quand l’air est sec, le point de rosée est bas. Quand le point de rosée est inférieur à 0 °C (32 °F), de la gelée se forme au lieu de la rosée. La gelée noire se forme lorsque la température est sous le point de congélation, mais au-dessus du point de rosée. Ne pas attendre que de la gelée se forme pour démarrer un système d’irrigation (surtout si l’humidité est faible).

Plus le point de rosée est bas, plus tôt il faut commencer à irriguer.

Tableau 3. Températures de départ recommandées pour l’irrigation, en fonction du point de rosée.
Point de roséeTempérature de l’air de départ recommandée
−1,1 °C°C
−1,7 °C0,5 °C
−2,8 °C1,1 °C
−3,8 °C1,6 °C
−4,4 °C2,7 °C
−5,5 °C3,3 °C
−6,7 °C3,8 °C
−8,3 °C4,4 °C

Température du thermomètre mouillé

Parfois, la « température du thermomètre mouillé » est utilisée pour déterminer quand démarrer les systèmes d’irrigation. Il s’agit de la température à laquelle une surface humide se refroidit à mesure que l’eau s’évapore. On obtient un thermomètre mouillé en le recouvrant d’une mousseline imbibée d’eau distillée. En faisant passer de l’air sur le réservoir du thermomètre, on provoque l’évaporation de l’eau, qui réduit la température autour du thermomètre.

Si elle est connue, utiliser la température du thermomètre mouillée pour déterminer quand l’irrigation doit commencer et quand le système doit être arrêté. Commencer l’irrigation juste avant que la température du thermomètre mouillé n’atteigne la température critique (figure 1).

Quand cesser l’irrigation

Cesser l’irrigation quand la glace sur les plantes commence à fondre, habituellement après le lever du soleil. Vérifier si la glace continue de fondre et si la température reste au-dessus du point de congélation. Les changements de vitesse du vent peuvent aussi faire fluctuer la température près de la surface des plantes. Recommencer à arroser si l’eau se met à geler.

La glace n’a pas à fondre complètement. La température des plantes augmente à mesure que les rayons du soleil touchent la fraiseraie. On sait que la température des plantes est supérieure au point de congélation lorsque la glace tombe de la plante et que l’eau se trouvant à proximité a commencé à fondre. À partir de ce moment, cesser d’irriguer (souvent vers 7 h 30 ou 8 h).

La meilleure façon de savoir quand arrêter l’irrigation est de surveiller la température des tissus végétaux sous la glace. Des thermomètres numériques fixés à des thermocouples insérés dans les tissus végétaux peuvent indiquer quand la température des plantes commence à augmenter au-dessus de la température critique.

Effets secondaires négatifs de l’irrigation

Parmi les effets secondaires négatifs du recours à l’irrigation figure le risque accru de maladies. La tache angulaire est une maladie bactérienne qui se propage sur les feuilles par l’eau de pluie ou d’irrigation. Les bactéries responsables semblent s’établir quand les conditions sont glaciales. L’anthracnose, quant à elle, peut entraîner le pourrissement des fruits et se développe généralement par temps chaud et humide. Toutefois, même au cours de périodes froides, cette maladie peut se propager par les éclaboussures d’eau sur les plantes. Ensuite, les parasites responsables bien établis se mettent à proliférer quand le temps chaud arrive (figures 9 et 10).

Dessous de trois feuilles de fraisier avec des taches brun rougeâtre (taches angulaires).
Figure 9. L’eau projetée peut contribuer à la propagation de maladies comme la tache angulaire du fraisier.
Trois fraises dont celle au centre présente une tache ronde et enfoncée dans une zone qui semble pourrie et où les graines sont de couleur brun noirâtre.
Figure 10. L’eau projetée peut contribuer à la propagation de maladies comme l’anthracnose du fraisier.

Les pourritures des racines, notamment la maladie des racines rouges (ou stèle rouge), sévissent dans des sols saturés. Des poussées de stèle rouge et d’autres pourritures des racines sont survenues après de longues périodes d’irrigation visant à protéger les fraisiers contre les gelées (figure 11). Les sites les plus propices à la protection par l’irrigation sont bien drainés et présentent des sols sableux ou loameux-sableux.

Fraisier déterré atteint de la stèle rouge. La racine principale est ouverte dans le sens de la longueur et présente une ligne rouge au centre — cette ligne serait blanche dans une racine saine.
Figure 11. Les sols saturés d’eau favorisent le développement de maladies des racines comme la stèle rouge.

La maladie peut être freinée en réduisant la quantité d’eau aspergée. Réduire les volumes d’eau par les moyens suivants :

  • utiliser de faibles taux d’aspersion et des buses à faible débit
  • cesser l’irrigation dès que la glace commence à fondre (et non quand la glace est complètement fondue)
  • surveiller les conditions météorologiques (au besoin seulement)
  • recourir à des couvertures flottantes, qui peuvent retarder le début de l’irrigation de plusieurs heures

Recouvrements

Les couvertures réduisent le refroidissement par évaporation et le taux de refroidissement sous la couverture. D’après les renseignements du fournisseur, les couvertures flottantes les plus lourdes (50 à 70 g/m2 ou 1,5 à 2 oz par verge carrée) peuvent offrir une protection de 2 °C à 3 °C, mais cela varie en fonction du poids ainsi que d’un fabricant à l’autre. Les couvertures plus légères (19 à 30 g/m2 ou 0,55 à 0,9 oz par verge carrée) fourniraient une protection de 1 °C à 2 °C. Des essais menés par Allen Straw, Ph.D., de l’Université du Tennessee, n’ont montré qu’une protection de 1 °C, même avec des couvertures plus lourdes. Les recherches indiquent que deux couches de couvertures flottantes de 30 g/m2 (0,9 oz par verge carrée) fournissent plus de protection qu’une couche de matériel de 70 g/m2 (2 oz par verge carrée). Quoi qu’il en soit, les couvertures flottantes permettent de gagner du temps pendant les nuits glaciales.

Si l’on opte pour l’irrigation et les couvertures flottantes pour assurer une protection contre le gel, il faut connaître la température des plantes sous les couvertures. Commencer à irriguer quand la température sous une couverture chute entre 0,6 °C et 1,1 °C, et ce, juste au-dessus de la couverture (figure 12). Cesser l’irrigation quand la température commence à s’élever. Les thermomètres numériques fixés à des thermocouples insérés dans les boutons de fleurs avant une gelée sont nécessaires pour protéger efficacement au moyen de couvertures flottantes.

L’irrigation et les couvertures flottantes fonctionnent ensemble de manière très efficace. En combinant l’irrigation avec les couvertures flottantes, il est possible de protéger les cultures contre les gelées dans des conditions mauvaises.

Champ recouvert de couvertures flottantes blanches en train d’être arrosées par aspersion au lever du soleil.
Figure 12. Protection contre le gel par l’irrigation et les couvertures flottantes.

Résumé

Les dommages au gel peuvent gravement nuire aux fraisiers, surtout aux fleurs ouvertes, mais aussi aux boutons non éclos lorsqu’il fait assez froid. Dans les fraiseraies, il fait souvent plus froid au niveau du sol que ce que les prévisions météorologiques annoncent.

L’irrigation protège contre les dommages au gel grâce à la chaleur qui est libérée lorsque l’eau se transforme en glace.

Principales conclusions :

  • Il est essentiel d’ajuster les taux d’irrigation pour tenir compte du refroidissement par évaporation dû aux vents et à l’humidité relative. Une plus grande quantité d’eau est nécessaire lors de nuits venteuses.
  • L’apport d’une quantité insuffisante d’eau peut nuire davantage que l’absence de toute irrigation.
  • Aux endroits où les couvertures flottantes sont utilisées, on peut irriguer au-dessus de la couverture.
  • Le moment choisi pour déclencher le système d’irrigation est crucial.

Détermination du moment idéal pour commencer la protection contre le gel :

  • La température à laquelle on commence la protection contre le gel est plus élevée lorsque l’humidité est faible, et elle est plus faible lorsque l’humidité est élevée.
  • Utiliser le point de rosée et le tableau 3 pour déterminer la température à laquelle commencer l’irrigation.
  • Le point de rosée est également utile pour prédire la plus faible température attendue et la rapidité de la chute de température.
  • Mesurer la température du thermomètre mouillé. Commencer l’irrigation juste avant que la température du thermomètre mouillé n’atteigne la température critique (figure 1).

Ressources

MAAARO, fiche technique :

Katherine B. Perry, Guide to Deciding When to Start and Stop Irrigation for Frost Protection of Fruit Crops, North Carolina State University, 1998 (feuillet d’information sur l’horticulture).

Katherine B. Perry et Lucy Bradley, Frost/Freeze Protection for Horticultural Crops, North Carolina State University, 1994 (feuillet d’information sur l’horticulture no 705).

Barclay Poling, Strawberry Plasticulture Advisory on Cold Protection (PDF), 2005, vol. 6, no 11.

Richard L. Snyder, Principles of Frost Protection, University of California, Davis, 2000.

Richard L. Snyder, J. Paulo de Melo-Abreu et Scott Matulich, Frost Protection: fundamentals, practice, and economics, vol. 2, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, 2005.

La présente fiche technique a été rédigée par Rebecca Shortt, ing., quantité d’eau, MAAARO, Erica Pate, spécialiste de la culture des fruits, MAAARO, et Patrick Handyside, ing., ingénieur principal de la gestion de l’eau, Agriculture et Agroalimentaire Canada.