La cécidomyie du pommier (CDP) s'est relativement bien établie au cours des dernières années dans bon nombre de vergers un peu partout en Ontario. On peut maintenant observer des dommages attribuables à cet insecte dans toutes les régions productrices de pommes, et la pression qu'il exerce va d'assez faible (moins de 1 % de bourgeons terminaux infestés) à grave (plus de 80 % de bourgeons terminaux infestés) dans les blocs de pommiers nains et semi-nains.

En sa présence, les feuilles peuvent s'enrouler étroitement (et former une galle) autour de l'insecte (figure 1). Les galles perturbent la croissance normale des jeunes pommiers, en retardant et en réduisant le développement de la structure des arbres de pépinière. De plus, dans les plantations à très haute densité, l'insecte peut affecter la croissance des arbres plus âgés. La diminution de la surface foliaire photosynthétique peut également avoir un effet sur la taille des fruits et la formation des boutons.

Plusieurs études réalisées au Royaume-Uni et en Europe ont mis en lumière un lien entre le nombre de CDP d'une génération en particulier capturées dans un piège à phéromones, et le nombre de galles qui apparaissent subséquemment (Cross & Hall, 2009). On a estimé que la capture d'une seule CDP mâle correspond à environ 140 galles/ha pour cette génération, sous réserve qu'il y ait suffisamment de nouvelles pousses en croissance. Dans les vergers de l'Ontario qui ont fait l'objet de suivis en 2016, le nombre moyen d'insectes capturés au stade du calice était de 1,500 CDP/jour, ce qui correspond à un potentiel de 210,000 galles/ha/jour pour une seule génération.

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Figure 1. Dommage caractéristique causé par la cécidomyie du pommier.

Pour lutter efficacement contre cet ennemi des cultures, il est très important de comprendre les divers stades de son cycle de vie dans le verger et de savoir comment l'identifier.

Adultes (figure 2)

  • Très petites mouches noires (1,5 à 2 mm) dotées de longues antennes perlées.
  • En raison de leur très petite taille, elles sont rarement observées dans les vergers. Toutefois, durant les périodes de croissance terminale, on peut observer des CDP femelles (dont l'abdomen est rouge) en train de pondre leurs œufs dans les toutes nouvelles feuilles des pousses terminales.
  • En Ontario, le premier pic de vol adulte a lieu de la fin mai au début juin et il est suivi de pics d'activité à la fin juin ou au début de juillet et de nouveau du début à la mi-août. On compte donc habituellement trois générations de CDP en Ontario chaque année dont les adultes commencent à apparaître dès la préfloraison. Il arrive souvent cependant que des générations se chevauchent en cours de saison, ce qui explique la présence simultanée d'adultes, d'œufs et de larves. Par ailleurs, certaines années, comme en 2016, alors que l'automne a été plus chaud que la moyenne, une quatrième génération a pu être observée.
  • Des pièges à phéromones commerciaux sont offerts sur le marché. Poser les pièges autour du stade du prébouton rose à bouton rose avancé dans les branches charpentières inférieures et surveiller deux fois par semaine les vols d'adultes.
  • Seuil d'intervention recommandé : 9 CDP/ piège/jour.
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Figure 2. Cécidomyie du pommier adulte.

Oeufs (figure 3)

  • œufs orange vif, de forme elliptique ou arrondie, avec des marques orangées au centre. Pondus dans les replis des feuilles ou sur les pourtours des plus jeunes feuilles enroulées des pousses terminales. Les pics de ponte se produisent habituellement du début à la mi-juin, du début à mi-juillet et à la mi-août.
  • Selon les conditions ambiantes, les œufs éclosent normalement trois à cinq jours après la ponte.
  • Quand les œufs sont pondus en vastes grappes, il est possible de les voir à l'œil nu. On recommande toutefois d'utiliser une loupe ou un microscope pour une meilleure identification visuelle.
  • Pour le dépistage des œufs, vérifier chaque semaine le nombre de feuilles enroulées sur plusieurs pousses terminales par pommier (10 pousses terminales sur 10 pommiers). Le dépistage devrait être plus fréquent durant les périodes critiques (bouton rose, calice, première pulvérisation de couverture).
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Figure 3. œufs de la cécidomyie du pommier.

Larves/pupes (figure 4)

  • Au cours des dernières années, les pics d'éclosion des œufs se sont produits à la mi-juin ainsi qu'en juillet et août.
  • Après l'éclosion des œufs, de petites larves semblables à des asticots (1,5 à 3 mm de longueur) commencent à se nourrir sur les pourtours des feuilles étroitement enroulées pendant deux à trois semaines.
  • La déprédation de la couche supérieure de l'épiderme provoque une réaction physiologique dans la feuille elle-même, ce qui entraîne la formation d'une galle ou d'un enroulement. Les larves restent à l'intérieur de la feuille enroulée tout au long de leurs différentes phases de croissance.
  • La CDP passe par cinq instars ou stade larvaires. Les larves des premiers stades ont une teinte qui va de de crème à jaune pâle. Avec le temps, elles prennent une teinte orange vif.
  • La pupaison peut se produire à l'intérieur des feuilles enroulées; la plupart des larves cependant tombent au sol pour la pupaison autour de la limite du feuillage. La profondeur exacte à laquelle la pupaison a lieu fait actuellement l'objet de recherches en Ontario. Pour les générations estivales, la pupaison prend habituellement d'une à deux semaines.
  • L'apparition des pupes à partir des feuilles enroulées dépend grandement de l'humidité. Le manque de pluie peut empêcher les larves de sortir des feuilles et prolonger leur développement jusqu'à 10 jours. Un épisode de pluie après une période prolongée de temps sec peut occasionner un exode massif d'un grand nombre de larves à partir des feuilles enroulées.
  • L'arrivée de la prochaine génération peut être prédite en surveillant les dommages aux pousses terminales durant l'année. À l'intérieur d'une feuille enroulée, la couleur des larves révèle leur maturité relative et le temps qu'il reste avant la pupaison. Entre les générations, les plus jeunes feuilles ne seront pas endommagées puisque les œufs ne sont pondus que dans la plus nouvelle pousse terminale.
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Figure 4. Larve de cécidomyie du pommier.

Moyens de lutte

Actuellement, les pyréthrinoïdes Mako et Up-Cyde sont les seuls produits homologués pour la maitrise de la CDP. Il pourrait toutefois y avoir d'autres produits efficaces applicables au stade du calice contre cet insecte. Depuis 2012, le MAAARO a collaboré avec diverses entreprises afin d'établir si des produits actuellement homologués pouvaient avoir une place au sein d'un programme de lutte contre la CDP. Les résultats d'essais réalisés en 2012, 2013 et 2014 ont été présentés plus tôt dans Le Pomiculteur : Volume 16(3), septembre 2012 (archivé), Volume 17 (4), décembre 2013 et le Volume 18 (4), décembre 2014. Une extension du profil d'emploi de Movento 240SC est attendue pour le printemps 2017 et un avis sera transmis aux producteurs à ce moment.

En 2016, Exirel (1 L/ha) et Delegate (420 g/ha) ont été appliqués au stade du calice avec une pulvérisation standard de Clutch (210 g/ha) dans un verger de Norfolk et de Movento (365 mL/ha) dans un verger de la région de Durham. Tous les traitements ont été répétés 10 à 14 jours plus tard. En d'une importante défoliation printanière par les chenilles, l'application initiale de la pulvérisation standard dans le verger de Norfolk a été effectuée avec Delegate (420 g/ha), mais les traitements subséquents ont été faits avec Clutch uniquement.

Dans le verger de Norfolk, la pression exercée par la CDP était extrêmement élevée, ce qui a occasionné de graves dommages aux pousses terminales, quel que soit le traitement (figure 5). Cependant, trois semaines après la première application, les dommages aux pousses terminales étaient moins prononcés dans les blocs traités avec Exirel et Delegate+Clutch que dans le bloc traité avec Delegate. On a observé la même tendance en comparant le nombre moyen d'enroulements foliaires par pousse terminale pour chacun des traitements (figure 6). La pression élevée observée dans ce verger confirme que la lutte contre la CDP devra se faire pendant plusieurs saisons une fois que l'insecte est établi et qu'il faut lutter contre chaque génération à l'intérieur d'une saison. Une seule pulvérisation au stade du calice ne suffira pas à réduire les populations à ce niveau de pression.

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Figure 5. Dommage aux pousses terminales causé par la cécidomyie du pommier après une application d'insecticide au stade du calice dans un verger de Norfolk, Ontario, en 2016. (Des lettres différentes au-dessus de la barre indiquent une différence significative avec les autres traitements, à la même date (p<0,05). Dans le cas des barres exemptes de lettres, il n'y a pas de différence significative.)

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Figure 6. Nombre moyen d'enroulements foliaires causés par la cécidomyie du pommier par pousse terminale après une application d'insecticide au stade du calice dans un verger de Norfolk, Ontario, en 2016. (Des lettres différentes au-dessus de la barre indiquent une différence significative avec les autres traitements, à la même date (p<0,05). Dans le cas des barres exemptes de lettres, il n'y a pas de différence significative.)

Dans le verger de la région de Durham, la pression exercée par la CDP était beaucoup plus faible dans l'ensemble. Les dommages aux pousses terminales étaient moins graves dans les blocs traités avec Exirel et Delegate et l'efficacité de ces produits était comparable à celle de Movento (figure 7). Aucune analyse statistique n'a été effectuée.

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Figure 7. Dommage aux pousses terminales causé par la cécidomyie du pommier après une application d'insecticide au stade du calice dans un verger de la région de Durham, Ontario, 2016.

Les traitements insecticides auront une efficacité maximale s'ils sont effectués au bon moment, puisque les larves deviennent rapidement protégées lorsqu'elles sont enroulées à l'intérieur des feuilles. Les étés chauds et secs modifient la phénologie de l'insecte; en effet, les précipitations ramollissent les feuilles, ce qui facilite la sortie des larves alors que des pluies peu abondantes retardent leur développement jusqu'à 10 jours. Des modèles de prédiction sont actuellement mis au point au Durham College (chef de projet : Margaret Appleby) et par Agriculture et Agroalimentaire Canada, QC (chef de projet : Dominique Plouffe).

Il existe plusieurs prédateurs et parasitoïdes qui se nourrissent des larves de la cécydomyie du pommier durant la saison, dont un minuscule anthocoride (Orius sp), la punaise de la molène, et le parasitoïde Platygaster demades. Des recherches menées à Agriculture et Agroalimentaire Canada se poursuivent en vue de déterminer la présence et l'abondance des parasitoïdes indigènes dans les vergers canadiens commerciaux. Le maintien d'un bon recouvrement du sol entre les rangs offre un habitat aux populations d'ennemis naturels de la CDP.

Les infestations tendent à être plus graves aux endroits où les pommiers présentent des pousses vigoureuses et abondantes. Sans que cela ait été démontré, on estime qu'on pourrait peut-être contribuer à réduire les populations de CDP en évitant la végétation excessive ou en éliminant les gourmands au cours de l'élagage d'été lorsque des œufs et des larves sont présents.

Nous tenons à remercier les producteurs qui ont collaboré aux essais ainsi que Bayer CropScience, Dow AgroSciences et DuPont pour les dons de produits.

Références

Cross, J., Hull, D.R., Shaw, P. et Anfora, G,. Exploitation of the sex pheromone of apple leaf midge Dasineura mali Kieffer (Diptera: Cecidomyiidae): Part 2. Use of sex pheromone traps for pest monitoring. Crop Protection. 28(2) : p. 128-133, 2009.