Introduction

Le mildiou des cucurbitacées, causé par le champignon oomycète Pseudoperonospora cubensis, est une maladie grave des cultures de cucurbitacées en Ontario (figure 1). Une fois établi dans une région, l’agent pathogène peut se propager rapidement sous forme d’inoculum aérien, entraînant ainsi une défoliation majeure, d’importantes réductions de rendement, une diminution de la qualité des récoltes et la mort des plants. Pseudoperonospora cubensis s’attaque aux calebasses (gourdes), aux courges, aux citrouilles, aux melons et aux concombres. De ce lot, ce sont les concombres qui sont les plus vulnérables à l’infection. Sous des conditions environnementales propices, un champ entier peut être détruit en une semaine à la suite d’une grave défoliation.

Culture de concombres gravement infectée par le mildiou, ce qui entraîne une échaudure des fruits

Figure 1. Culture de concombres gravement infectée par le mildiou, ce qui entraîne une échaudure des fruits.

Symptômes et signes

Les symptômes de mildiou se manifestent d’abord sous forme de lésions aqueuses sur le dessus des feuilles. Ces lésions peuvent apparaître n’importe où dans le couvert végétal. Les lésions initiales sont particulièrement visibles en présence de fortes rosées. Leur centre jaunit ensuite (chlorose) puis devient chamois ou brun (nécrose) (figure 2, en haut à gauche). Dans le cas des concombres, les lésions sont souvent délimitées par les nervures des feuilles et prennent une forme angulaire. Dans le cas des calebasses, des courges, des citrouilles et des cantaloups, les lésions sont plutôt de forme irrégulière (figure 2, en haut à droite). Sur les feuilles de melons d’eau, les lésions ont tendance à être plus petites et plus arrondies (figure 2, en bas). À mesure que la maladie progresse, les lésions s’agrandissent et se multiplient, causant ainsi la nécrose du feuillage et la mort du plant.

Mildiou sur une feuille de concombre, sur une feuille de cantaloup et sur une feuille de melon d’eau

Figure 2. Mildiou sur une feuille de concombre (en haut à gauche), sur une feuille de cantaloup (en haut à droite) et sur une feuille de melon d’eau (en bas).

Sous des conditions humides, une excroissance duveteuse qui ressemble à des grains de terre apparaît souvent sur le revers des lésions aqueuses initiales. On peut observer cette excroissance sur le dessous de la feuille avant l’apparition des symptômes sur le dessus de la feuille (figure 3). L’excroissance duveteuse est particulièrement visible les matins qui suivent une période de temps pluvieux ou quand les conditions sont propices à la présence de rosée.

L’excroissance noire sur le revers des feuilles est particulièrement visible au cours des premiers stades de l’infection

Figure 3. L’excroissance noire sur le revers des feuilles est particulièrement visible au cours des premiers stades de l’infection. Il est possible qu’à ce stade, il n’y ait pas encore de lésions sur le dessus des feuilles.

L’excroissance duveteuse sur le dessous des lésions est formée de sporangiophores noirs qui contiennent des sporanges. On peut observer ces organes avec une loupe offrant un grossissement de 10x ou 20x. La présence de l’excroissance duveteuse sur le dessous des lésions est déterminante dans l’identification de la maladie. Sous un microscope composé, il est possible d’observer les sporanges, lesquels évoquent la forme d’un citron (figure 4).

Vue des sporanges et des sporangiophores de Pseudoperonospora cubensis sous un microscope composé

Figure 4. Vue des sporanges et des sporangiophores de Pseudoperonospora cubensis sous un microscope composé. Photo : Shannon Shan (Ph.D.), Clinique de diagnostic phytosanitaire, Université de Guelph.

En raison de la propagation rapide de la maladie, et aussi parce que souvent les symptômes ne se manifestent que de 5 à 7 jours après l’infection, un programme de lutte efficace doit être mis en place avant l’apparition des symptômes.

Comparaison entre le mildiou et les taches anguleuses

Le mildiou peut couramment être confondu avec les taches anguleuses (figure 5). Les taches anguleuses sont causées par la bactérie Pseudomonas syringae pv. lachrymans. Il est important de distinguer les deux maladies puisque les stratégies de lutte diffèrent. Dans le cas des taches anguleuses, il n’y a pas d’excroissance duveteuse sur le dessous de la feuille.

Taches anguleuses d’origine bactérienne sur une feuille de courge musquée. À remarquer l’absence d’excroissances duveteuses noires associées aux sporangiophores, sur le dessous de la feuille.

Figure 5. Taches anguleuses d’origine bactérienne sur une feuille de courge musquée. À remarquer l’absence d’excroissances duveteuses noires associées aux sporangiophores, sur le dessous de la feuille.

Biologie de l’agent pathogène

Des conditions fraîches et humides sont propices au mildiou. L’agent pathogène responsable produit des structures microscopiques en forme de sac, appelées sporanges, sous un vaste intervalle de températures (5 à 30 °C). La production de sporanges est cependant optimale entre 15 et 20 °C. Plus les feuilles demeurent humides longtemps, plus les risques d’infection sont élevés sous un vaste intervalle de températures. La durée minimale de mouillure des feuilles pour que celles-ci deviennent infectées n’est que de 45 minutes. Les sporanges se propagent facilement aux tissus sains des plants par les courants d’air. Lorsqu’elles atterrissent sur une plante-hôte sensible, elles germent et libèrent des zoospores. Ces derniers nagent ensuite à travers la pellicule d’eau le long des surfaces des feuilles vers les stomates. Ces orifices naturels sont le principal point d’entrée de l’agent pathogène qui infecte alors les feuilles à plusieurs endroits.

L’infection par P. cubensis peut progresser lentement ou être interrompue temporairement lorsque les températures s’élèvent au-dessus de 30 °C durant le jour. Des températures nocturnes de 12 à 23 °C sont propices à l’éclosion de la maladie, surtout en présence de fortes rosées, de brouillard ou de précipitations. Lorsque les températures se situent autour de 15 °C la nuit et que les températures diurnes oscillent autour de 25 °C, le mildiou sur les cucurbitacées produit de plus grandes quantités de sporanges dans les cinq jours qui suivent.

Récemment, deux clades spécifiques à l’hôte ont été identifiés pour cet agent pathogène. Le clade I infecte surtout les citrouilles, les courges et les zucchinis, et le clade II s’attaque principalement aux concombres et aux cantaloups. On croyait auparavant qu’il y avait six pathotypes (ou souches) associés à diverses gammes d’hôtes. On soupçonne que le clade II est plus virulent que le clade I et que le clade II est souvent davantage associé avec une insensibilité aux fongicides (voir le paragraphe plus loin sur la Gestion des résistances aux fongicides).

Survie et propagation de l’agent pathogène

L’agent pathogène du mildiou est un parasite obligatoire et a donc besoin de tissus végétaux vivants pour survivre. Les gelées meurtrières et les hivers froids empêchent efficacement les spores de survivre à l’hiver dans les champs, en Ontario. Le mildiou peut toutefois survivre à l’hiver sur les tissus végétaux vivants des cucurbitacées cultivées en serre. De plus, les cultures de concombres en serre, les concombres cultivés sous abri et les plants de repiquage risquent d’être infectés par les courants aériens au début du printemps, avant que les plants soient repiqués dans les champs.

Le mildiou survit à l’hiver principalement dans le sud des États-Unis et au Mexique où les cucurbitacées sont produites durant toute l’année. Dans ces régions, l'inoculum se multiplie sur les hôtes sensibles au début du printemps. Les sporanges sont transportés sur de longues distances au cours des tempêtes et peuvent survivre pendant plusieurs jours. Les cultures en serre peuvent aussi être une source d’inoculum initial, mais leur rôle demeure inconnu. Lorsque l’agent pathogène atteint l’Ontario et s’établit dans une région, les sporanges se disséminent par les courants aériens.

Le Cucurbit Downy Mildew Forecast (anglais seulement) est un système en ligne de prévision du mildiou qui surveille le mouvement de la maladie du sud vers le nord, au cours de la saison de croissance, et qui permet d’alerter les producteurs de l’arrivée éventuelle de la maladie dans leur région. En suivant le mouvement de la maladie durant la saison de croissance et en s’abonnant aux alertes régionales, les producteurs sont en mesure d’appliquer des fongicides au bon moment.

Stratégies de lutte

On conseille de recourir à des méthodes de lutte intégrée pour combattre le mildiou des cucurbitacées. Le mildiou est une maladie communautaire et une stratégie de lutte coordonnée s’avère le meilleur moyen de prévenir des pertes économiques.

  • Si possible, produire les plants de légumes à repiquer dans des serres utilisées uniquement à cette fin. Ne pas produire des plants de repiquage et des plants de concombres de serre matures dans la même serre.
  • Au moment du repiquage de plants de cucurbitacées, s’assurer que ces plants sont exempts de maladie.
  • Si possible, cultiver des variétés résistantes ou tolérantes.
  • Bien choisir les champs de culture et recourir à des pratiques culturales qui favorisent une bonne circulation d’air et une réduction des taux d’humidité à l’intérieur du couvert végétal.
  • Éviter l’irrigation excessive par aspersion. Privilégier l’irrigation en fin de matinée afin de faciliter l’assèchement rapide des feuilles. Appliquer un fongicide préventif avant d’irriguer par aspersion. Utiliser si possible l’irrigation goutte à goutte.
  • Inspecter les champs chaque semaine, et plus souvent si les conditions sont propices, pour vérifier la présence de symptômes.
  • Bien désherber le champ. Éliminer particulièrement les plantes hôtes secondaires du mildiou comme le concombre grimpant, la thladianthe douteuse et les repousses spontanées de cucurbitacées, dans les fossés avoisinants et les extrémités du champ.
  • Suivre un programme de pulvérisation préventive. Sous des conditions de risque élevé, appliquer des fongicides en alternance chaque semaine. Voir à ce que la couverture de pulvérisation soit adéquate et que le produit pénètre bien dans le couvert végétal. Respecter les directives sur la gestion des résistances aux fongicides. Pour des recommandations précises sur les fongicides, consulter la publication 838F du MAAARO, Guide de protection des cultures légumières ainsi que ONvegetables.com.
  • Consulter le site Web du Cucurbit Downy Mildew Forecast ainsi que les rapports locaux de dépistage afin de suivre le mouvement de la maladie au cours de la saison de croissance et faire des applications de fongicides au moment opportun.

Gestion des résistances aux fongicides

Les fongicides peuvent s’avérer très importants pour atténuer les effets du mildiou sur les cultures de cucurbitacées. Les directives en matière de gestion des résistances doivent être suivies pour tous les fongicides utilisés spécifiquement contre le mildiou. Les stratégies de gestion comprennent notamment le mélange de fongicides contre le mildiou spécifiquement avec des fongicides préventifs à faible risque. Il est également important d’utiliser en alternance des fongicides de groupes différents (c'est-à-dire dont les modes d’action diffèrent) à des fins de gestion des résistances. Ces stratégies réduisent les populations d’agents pathogènes résistants à un fongicide particulier qui serait à haut risque de susciter des résistances. Il est également utile de s’efforcer de maintenir les cultures de concombres le plus saines possible et d’utiliser d’autres stratégies de gestion qui contribuent à diminuer la dépendance aux fongicides.

Ressources additionnelles sur le web

Références

Agrios, G.N. (2005). Plant Pathology. 5e édition, pages 427–433.

Crandall, S.G., A. Rahman, L.M. Quesada-Ocampo, F.N. Martin, G.J. Bilodeau et T.D. Miles. (2018). « Advances in diagnostics of downy mildews: lessons learned from other oomycetes and future challenges », dans Plant disease, 102(2), pages 265–275.

Keinath, A.P., W.M. Wintermantel et T.A. Zitter (éd). (2017). Compendium of Cucurbit Diseases and Pests. St. Paul, MN : APS Press.

Savory, E.A., L.L. Granke, L.M. Quesada-Ocampo, M. Varbanova, M.K. Hausbeck et B. Day. (2011). « The cucurbit downy mildew pathogen Pseudoperonospora cubensis », dans Molecular plant pathology, 12(3), pages 217–226.

Cette fiche technique a été mise à jour par Katie Goldenhar, phytopathologiste, cultures horticoles, MAAARO, Guelph, et Andrew C. Wylie, spécialiste intérimaire de la culture des légumes, MAAARO, Ridgetown. La fiche avait été initialement rédigée par Michael Celetti et Elaine Roddy, MAAARO.