Introduction

Les trois ravageurs les plus importants de la carotte en Ontario sont : a) la mouche de la carotte, Psila rosae (Fabricius); b) le charançon de la carotte, Listronotus oregonensis (LeConte); c) la cicadelle de l'aster, Macrosteles quadrilineatus (Forbes). Les larves des deux premiers percent des galeries à l'intérieur de la racine, rendant les carottes invendables. La cicadelle, pour sa part, porte et transmet le mycoplasme de la jaunisse de l'aster (AY-MLO), maladie qui frappe non seulement la carotte mais une vaste gamme de cultures.

Les ravages de ces insectes sont particulièrement inquiétants dans les terres noires du marais Holland et des marais avoisinants où se concentre plus de 80 % de la production de carottes de la province. Les trois insectes sont, par ailleurs, présents à divers degré dans une bonne partie du sud de l'Ontario. Les périodes d'infestation et la gravité des dégâts varient selon les conditions climatiques et édaphiques de l'endroit. Ainsi, dans le sud-ouest, c'est le complexe cicadelle-jaunisse de l'aster qui est le ravageur principal.

Identification des dégâts

Bien que les dégâts causés par le charançon de la carotte et la mouche de la carotte puissent se ressembler dans les premiers stades de l'infestation, ils se distinguent facilement à la récolte des carottes. Les galeries du charançon se trouvent généralement dans le tiers supérieur de la racine; elles sont partiellement ouvertes, sombres et bien visibles dans le collet, à l'endroit où la larve a atteint sa maturité et d'où elle a quitté la carotte (figure 1). La larve, à tête brun rouge, n'a pas de pattes.

 

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Figure 1. Galeries creusées par le charançon de la carotte; elles se trouvent surtout dans le tiers supérieur de la racine.

 

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Figure 2. Galeries creusées par la mouche de la carotte; elles se trouvent dans les deux tiers inférieurs de la racine.

Par comparaison, les galeries de la mouche de la carotte (figure 2), qui se trouvent surtout dans les deux tiers inférieurs de la racine, sont plus étroites et sinueuses que celles du charançon. Les larves sont de petits asticots sans pattes ni tête. En début de saison, de graves infestations par l'un ou l'autre de ces insectes peuvent causer le flétrissement ou même la destruction de jeunes plantes de carottes mais, en général, ce type de dégât n'a pas une grande importance économique dans les plantations commerciales. La forme des dégâts causés par la première génération de mouches de la carotte dépend du stade de développement de la culture au moment de l'invasion. Il peut y avoir formation de galeries ou destruction du bout de la racine seulement ou, si la racine a grossi, on pourra trouver des galeries semblables à celles de la deuxième génération. Les deux insectes s'en prennent aussi au céleri, au panais et à d'autres ombellifères. Les graves infestations peuvent entraîner la destruction des jeunes plants de céleri.

La cicadelle de l'aster passe pratiquement inaperçue et les indices de ses attaques se manifestent beaucoup plus tard sous forme de jaunisse de l'aster. Les carottes atteintes auront un feuillage surabondant, jaune, tordu et en forme de fougère et leurs racines sont chevelues (figure 3).

Mouche de la carotte

Cycle vital et moeurs

L'adulte est une mouche noire, mince et luisante d'environ 6 mm de long avec une petite tête rougeâtre bien caractéristique et de longues pattes jaunes (figure 4). L'insecte hiverne dans le sol sous forme de pupe, dans une petite coque qui ressemble à une graine (figure 5). Les adultes commencent à sortir au cours de la seconde moitié de mai, dès que se sont accumulés environ 250 degrés-jours au-dessus de 5 oC. Leurs populations sont visibles jusque vers la fin juin. Les femelles pondent les oeufs dans le sol autour des jeunes carottes. Au début, les jeunes larves se nourrissent des poils absorbants et des radicelles, puis après la troisième mue, elles pénètrent à l'intérieur de la carotte pour y compléter leur développement. Arrivées à maturité (figure 5), elles se nymphosent dans le sol et vers la fin de juillet, après environ 1150 degrés-jours (seuil de 5 °C), une autre génération d'adultes sort, qui peut survivre près de deux mois. Habituellement, les larves de deuxième génération se nymphosent pour hiverner. Certaines années, quelques adultes peuvent apparaître en octobre, mais ils ne causent aucun dégât important.

 

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Figure 3. Jaunisse de l'aster sur la carotte, montrant le feuillage surabondant, jaune et tordu et les racines chevelues.

 

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Figure 4. Adulte de la mouche de la carotte.

 

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Figure 5. À gauche, pupe de la mouche de la carotte; à droite, la larve.

 

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Figure 6. Mouche de la carotte capturée dans un piège gluant jaune placé dans un champ de carottes.

Dépistage et lutte

Les mouches adultes peuvent être dépistées au moyen de pièges gluants jaune orange (figure 6) qu'on place dans les champs de carottes ou dans les arbres avoisinants où les adultes se reposent. On peut ainsi décider si l'infestation est assez grave pour justifier un traitement insecticide. L'information obtenue par le système de dépistage permet de traiter au bon moment. Pour des recommandations spécifiques, il faut consulter un conseiller local en lutte contre les ennemis des cultures ainsi que la publication 363F du MAAARO, Recommandations pour les cultures légumières. En outre, dans la publication Lutte intégrée contre les ennemis de l'oignon, de la carotte, du céleri et de la laitue en Ontario, on trouvera des informations sur les seuils d'intervention et sur les traitements à effectuer.

Les programmes de dépistage mis en pratique dans certains champs ou exploitations entières peuvent permettre de réduire le nombre de pulvérisations nécessaires. Comme les mouches sont portées à s'abriter, les champs situés en rase campagne s'en tirent souvent sans grand dommage et requièrent moins de traitements insecticides que ceux situés dans des endroits protégés. De plus, les cultures isolées de carottes dans certaines parties de la province peuvent échapper complètement aux attaques des insectes et être exemptées de traitements.

Les dates de semis et de récolte peuvent également avoir un effet sur le besoin de traitements insecticides. Dans le marais Holland, les carottes semées après la mi-mai ne sont en général pas gravement attaquées par les larves de première génération et n'ont pas besoin de pulvérisation. Une pulvérisation à moins d'un mois de la récolte n'est pas nécessaire, parce qu'il faut au moins un mois après la ponte pour que les larves pénètrent dans les carottes.

La tendance de la mouche à s'abriter se traduit souvent par une gradation des dégâts dans les champs : plus graves vers les extrémités des lignes, pour diminuer rapidement à mesure qu'on s'éloigne des abris. Cela peut occasionner des problèmes quand on récolte à la machine, les carottes de divers degrés d'infestation se trouvant mêlées dans les caisses-palettes. D'autre part, si on ne récolte pas les parties fortement infestées, on risque d'avoir un plus grand nombre de pupes d'hiver dans le sol le printemps suivant.

Comme mentionné plus haut, la période d'infestation par les larves de deuxième génération se poursuit du début de septembre à la fin de la récolte et, pendant ce temps, le nombre de carottes infestées augmente. En prenant régulièrement des échantillons de la culture à partir de la mi-septembre, on aura un bon indice de l'importance finale des dégâts causés par la mouche. Au besoin, on pourra devancer la récolte pour réduire le plus possible la proportion de carottes endommagées.

Charançon de la carotte

Cycle vital et moeurs

L'adulte est un charançon brun foncé d'environ 6 mm de long (figure 7). Il hiverne dans les restes de culture à l'intérieur ou près des champs de carottes qui ont été infestés pendant la saison précédente. Au printemps, les insectes reprennent leur activité et s'accouplent après quelques jours de temps chaud. La ponte a lieu de la mi à la fin mai. Toutefois, les infestations ne débutent pas avant le stade de la première vraie feuille. Au fond de chaque petite cavité qu'elles creusent dans les pétioles ou dans le collet des carottes, les femelles adultes pondent en général 2 ou 3 oeufs (figure 8) et scellent ensuite la cavité avec un exsudat noir. Les oeufs éclosent une à deux semaines plus tard et les jeunes larves creusent des galeries vers le bas de la racine, à moins qu'elles quittent la tige pour pénétrer dans la racine à partir du sol. Certaines jeunes plantes pourront se faner et même mourir à cause des galeries percées dans les racines encore minces. Mais, le plus souvent, les dégâts n'apparaissent que lorsque les larves sont presque à maturité (figure 9). Après s'être nourries durant au moins 3 semaines, les larves quittent la carotte et se nymphosent (figure 9) dans le sol et, une à deux semaines plus tard, les adultes sortent. Si le temps chaud ou une première récolte précoce de carottes ont permis aux adultes d'arriver à maturité assez tôt en été, on peut avoir une deuxième génération d'oeufs et de larves, mais normalement il n'y en a qu'une dans le marais Holland. Dans les régions plus chaudes du continent, il n'est pas rare d'avoir une deuxième génération. Le comportement des adultes d'été n'est pas très bien connu, mais on sait qu'ils hivernent comme décrit plus haut.

 

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Figure 7. Adulte du charançon de la carotte.

 

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Figure 8. Cavité pratiquée dans la racine de la carotte contenant des oeufs de charançon.

 

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Figure 9. À gauche, pupe du charançon de la carotte; à droite, la larve.

Dépistage et lutte

Le dépistage des adultes est un moyen efficace pour évaluer le degré d'infestation et prévoir la nécessité de traitements insecticides. Des pièges en plaquettes de bois ou des rondelles de carottes disposées dans le sol peuvent être utilisés à cette fin, dès le semis (figure 10). Pour se renseigner sur les méthodes de dépistage et sur l'établissement des seuils d'intervention, on pourra consulter la publication 700F du MAAARO, Lutte intégrée contre les ennemis de l'oignon, de la carotte, du céleri et de la laitue en Ontario. Les seuils d'intervention sont basés sur le nombre cumulatif de larves par piège. Deux traitements au maximum peuvent être nécessaires selon le degré d'activité du charançon dans la culture. Dans certains cas, des traitements en périphérie du champ apporteront une maîtrise suffisante des adultes. L'exploitation d'un ooparasitoïde naturel appartenant à l'espèce Anaphes devrait être encouragée parce que c'est une mesure de lutte efficace. Les mauvaises herbes poussant aux abords des champs procurent un bon habitat pour ce parasitoïde.

 

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Figure 10. Méthodes de dépistage des populations du charançon de la carotte: à gauche, piège en plaquettes de bois; à droite, rondelles de carottes.

Le charançon de la carotte s'envole rarement, de sorte qu'il ne se dissémine pas rapidement. Habituellement, on constate sa présence pendant au moins une ou deux saisons avant que ses populations ne commencent à atteindre des niveaux dangereux. On peut retarder l'accroissement de l'infestation en ne semant pas de carottes dans les endroits qui étaient infestés l'année précédente ou dans les champs avoisinants. Pour des recommandations spécifiques, il faut consulter un conseiller en lutte contre les ennemis des cultures.

Cicadelle de l'aster

Cycle vital et moeurs

L'adulte de la cicadelle de l'aster est un insecte fort actif mais à peine visible, ne mesurant qu'environ 3 mm de long (figure 11). Il se reproduit ou exerce ses déprédations sur un vaste assortiment de plantes cultivées et adventices. En Ontario, l'insecte hiverne à l'état d'oeuf dans les céréales d'hiver. Le stade immature (nymphe) éclot au début mai et atteint le stade adulte deux semaines plus tard. Les adultes se déplacent des céréales d'hiver vers d'autres hôtes, comme les céréales de printemps, les graminées, les légumes ou les mauvaises herbes. Pendant l'été, de 2 à 5 générations de cicadelles se reproduisent sur divers hôtes dont certains portent le mycoplasme de la jaunisse de l'aster. Les insectes contaminés transmettent ensuite l'organisme aux cultures légumières.

 

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Figure 11. Adulte de la cicadelle de l'aster.

Dans le centre de l'Ontario, la cicadelle de l'aster fait sa première apparition dans les cultures de carottes en fin mai ou au début juin et y demeure pour le reste de la saison. Dans le sud-ouest de la province et dans la péninsule du Niagara, on la signale habituellement dès le début de mai et, à cette époque, ses populations sont souvent très denses.

Dépistage et lutte

La lutte contre les adventices hôtes au moyen d'herbicides a diminué les attaques de la jaunisse de l'aster dans le marais Holland et les terres avoisinantes. Cependant, à beaucoup d'endroits dans le sud de la province, le risque de maladie demeure sérieux, même s'il varie d'une année à l'autre. On peut dépister les adultes au moyen de pièges gluants ou de filets fauchoirs. Il n'existe actuellement aucun moyen d'évaluer le degré d'infection des cicadelles par la jaunisse de l'aster, mais on devrait être en mesure de le faire d'ici peu.

Certains des insecticides utilisés contre la mouche de la carotte sont efficaces contre les cicadelles. Il est donc inutile de faire des pulvérisations spéciales contre la cicadelle si l'on a effectué des traitements chimiques contre la mouche, à moins qu'on constate une grande prolifération de cicadelles entre deux générations de mouches de la carotte. Dans le sud-ouest de l'Ontario, les populations de cicadelle sont parfois denses et dans ce cas, s'il n'est pas nécessaire de traiter contre la mouche, on peut devoir traiter spécialement contre la cicadelle. (Voir la publication 363F du MAAARO, Recommandations pour les cultures légumières)

Il est important d'éliminer les hôtes sauvages potentiels de la cicadelle ou de la jaunisse de l'aster aux abords des cultures de carottes et de détruire le plus tôt possible toute plante de carotte infectée. Parmi les mauvaises herbes qui servent d'hôtes pour la jaunisse de l'aster, il y a notamment le chardon, la vergerette, la laitue scariole, le laiteron, la chicorée sauvage, la carotte sauvage, le galinsoga, le pissenlit, le plantain et la potentille. Des cultures comme la laitue, l'endive, le panais et le céleri peuvent également être touchées, de même que de nombreuses fleurs ornementales de la famille de l'aster.

Pour en savoir plus long, consulter la fiche technique no 98-058, intitulée La cicadelle de l'aster et la jaunisse de l'aster, AGDEX 251/605, ainsi que la publication 700F, Lutte intégrée contre les ennemis de l'oignon, de la carotte, du céleri et de la laitue en Ontario.

Nous remercions le Secrétariat d'État pour sa contribution financière à la réalisation de la présente fiche technique.