La moisissure grise est une maladie à manifestation chronique qui affecte les cultures en serre partout dans le monde. Elle est causée par le champignon Botrytis cinerea. Heureusement, les producteurs disposent de plusieurs outils pour lutter contre cette maladie très répandue. Parmi ces outils, mentionnons les produits chimiques et diverses mesures de lutte culturale. Ces dernières jouent un rôle primordial dans la lutte contre la moisissure grise puisque la gestion de cette maladie repose davantage sur une approche prophylactique ou préventive. La meilleure défense contre cette maladie consiste à comprendre comment ces outils fonctionnent pour savoir comment s'en servir pendant la saison culturale.

Moyens de lutte chimique

Les produits homologués au Canada contre B. cinerea dans une ou plusieurs cultures légumières en serre sont les suivants : Rovral® (iprodione), Decree® (fenhexamide), Pristine® (pyraclostrobine + boscalide) et Prestop® (Gliocladium catenulatum).

Rovral 

C'est un fongicide qui procure une activité de contact et une action systémique locale ou trans-laminaire. Cela signifie que le fongicide pénètre dans le tissu foliaire et se déplace de la surface traitée à la surface opposée non traitée. C'est un fongicide phytoprotecteur et préventif qui affecte tous les stades biologiques du champignon. Il agit à la fois contre les spores et le mycélium (masse cotonneuse qui s'étend et produit les spores) du champignon. Il agit toutefois davantage sur le développement du mycélium que sur la germination des spores. Bien que ce fongicide possède une activité post-infection pouvant traiter des tissus infectés dans les premiers stades de développement, il est avant tout utilisé comme mesure préventive pour protéger les tissus endommagés non infectés.

Decree 

C'est un fongicide principalement phytoprotecteur avec une activité systémique locale. Il prévient le développement du champignon en inhibant la germination des spores, l'élongation du tube germinatif et la croissance du mycélium. Decree procure aussi une activité post-infection quand il est appliqué dans les premiers stades de développement de la maladie. Ce fongicide est plus efficace avant le développement de l'infection au B. cinerea.

Pristine 

Pristine est un autre produit qui possède une activité trans-laminaire. Il procure à la plante une protection résiduelle de longue durée. Il agit à la surface de la plante en prévenant la germination et la pénétration des spores, et à l'intérieur des tissus en inhibant la croissance du mycélium. Pristine combine l'activité de deux
fongicides, la pyraclostrobine et le boscalide, qui agissent en bloquant différentes zones du système de production d'énergie du champignon. Ensemble, ces deux matières inhibent le développement du champignon en privant les cellules de leur source d'énergie, ainsi que des composantes fondamentales requises à la structuration de ces cellules.

Prestop 

Tel que mentionné dans un article antérieur portant sur le produit Prestop en relation avec Pythium, la matière active de Prestop est un champignon antagoniste, le Gliocladium catenulatum, souche J1446. Le Gliocladium catenulatum agit en empêchant les autres champignons pathogènes de se développer. Il intervient selon deux modes de fonctionnement, la concurrence et le parasitisme. Gliocladium catenulatum concurrence avec les autres champignons pour les nutriments et l'espace vital, empêchant ainsi ses rivaux de bien s'établir dans le plant. Il est également capable de parasiter les champignons avec lesquels il est en concurrence en décomposant les tissus de leurs parois cellulaires. Ce produit s'inscrit principalement comme mesure de lutte préventive.

Méthodes de lutte culturale

Les mesures de lutte culturale reposent sur la prévention et le dépistage hâtif. Une surveillance attentionnée de la culture est un exercice à faire au moins une fois par semaine afin de pouvoir intervenir dès les premiers signes. En plus des exercices de surveillance, et peut-être même d'une importance encore plus grande, il y a les mesures préventives suivantes :

De bonnes pratiques d'hygiène pendant les étapes de la production

Rappelez-vous que tous les débris de plantes laissés sur les lieux représentent d'excellents sites de reproduction pour B. cinerea. Tous les tissus en sporulation sont une source " d'amas de spores " invisibles, lesquels sont efficacement dispersés dans la serre par la circulation d'air, tout particulièrement lors des activités des travailleurs. Un nettoyage en profondeur à la fin du cycle de la culture est aussi recommandé, car B. cinerea produit des structures de survie appelées sclérotes (voir la photo) qui peuvent survivre jusqu'à 20 ans environ dans des matières végétales sèches.

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Figure 1. Sclérotes noirs et durs de Botrytis cinerea incrustés dans les tissus d'une tige de tomate

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Figure 2. Botrytis cinerea en sporulation sur une tige de tomate

Gérer l'environnement pour maintenir un déficit de pression de vapeur optimal

Un feuillage humide pendant 2 à 3 heures est tout ce qu'il faut pour qu'une infection au B. cinerea se développe. La transition de la température nocturne à la température diurne est particulièrement cruciale, en raison du risque élevé de formation de la rosée. Pour éviter la rosée, il est conseillé d'atteindre la température diurne environ 3 heures avant la venue du jour pour que les plants aient le temps de se réchauffer avant le levée du soleil, moment où la température de l'air commence à augmenter. Comme l'air chaud renferme plus d'humidité que l'air frais, l'humidité qui est en excès dans l'air se condense sur les plants qui sont à une température plus basses, offrant ainsi une surface idéale pour les infections. En général, les valeurs de DPV ou de déficit de pression de vapeur devraient être surveillées de près afin d'assurer qu'elles ne sont pas trop basses. Des valeurs de DPV basses indiquent que les conditions d'humidité sont élevées. Une bonne circulation d'air à la base des plants contribue également à garder ces zones au sec.

Éviter des plantes luxuriantes par une gestion appropriée de la nutrition et de la défoliation

Les teneurs en azote et en calcium sont particulièrement importantes. Les producteurs devraient apporter des teneurs d'azote suffisantes pour assurer une croissance saine du plant sans toutefois occasionner des pousses excessivement tendres. Un apport adéquat en calcium est nécessaire pour former des parois cellulaires robustes et permettre à l'ensemble des tissus ainsi renforcés de mieux résister aux infections. Un feuillage trop dense est une source d'humidité élevée dans l'environnement immédiat des tiges et des fruits en maturation. Par conséquent, une défoliation effectuée au moment opportun est une autre façon de réduire un feuillage trop dense.

L'achèvement en temps opportun des activités qui causent des lésions

Il est préférable de compléter les activités de défoliation et d'ébourgeonnage assez tôt dans la journée pour permettre à la plaie de sécher avant le coucher du soleil. Si la plaie survient tard dans la journée, la surface qui vient d'être coupée et qui est encore humide peut recueillir des spores qui seront absorbés par la tige au moment de la transpiration le jour suivant. Ces spores peuvent demeurer dans un état latent pendant plus de 10 à 12 semaines, jusqu'à ce que les conditions présentes dans le plant soient favorables au développement d'une infection.

Fongicides employés de façon approprié selon leurs propriétés

La plupart des fongicides doivent être utilisés au début d'une infection, car une fois que le champignon a pénétré les tissus en profondeur, surtout les tissus de la tige, il devient très difficile de les atteindre avec des fongicides. Il est préférable d'enlever et d'éliminer adéquatement les tissus très infectés avant de procéder à un traitement fongicide. Il est également recommandé de faire une rotation des fongicides pour minimiser ou retarder le développement de la résistance de l'agent pathogène. Comme avec tous les pesticides, il faut soigneusement lire l'étiquette avant de les utiliser pour connaître les taux et les modes d'emploi.

Remerciements

Nous tenons à remercier Mark McLear de Arysta LifeScience, Andrew Dornan de Bayer CropScience et Scott MacDonald de BASF pour leur aide dans la révision de cet article.