Pour bon nombre de producteurs de carottes en Ontario, le charançon de la carotte demeure l'insecte le plus nuisible à cette culture et les dommages qu'il cause semblent augmenter depuis quelques années. Les femelles du charançon de la carotte passent l'hiver dans le sol et les résidus végétaux et pondent leurs œufs dans des cavités qu'elles creusent dans le collet des carottes. Ces œufs éclosent sous forme de larves puis se nourrissent de racines de carottes. Les dommages dus à l'alimentation des larves forment des galeries à proximité du collet qui rendent le légume invendable et peuvent entrainer de lourdes pertes pour les producteurs commerciaux.

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Figure 1. Dommages causés par le charançon de la carotte.

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Figure 2. Dommages causés par l'alimentation des larves du charançon de la carotte sur des racines de jeune carotte.

On a constaté une augmentation des dommages dans la région productrice du marais Holland de la province et certains producteurs ont connu d'importantes pertes. La résistance de ce charançon à Imidan (phosmet) est pointée comme l'un des facteurs contribuant à cette hausse des dommages. Imidan a été le principal outil de lutte contre ce ravageur au cours des 25 dernières années et il semble bien que son efficacité soit maintenant réduite.

Des recherches sur ce sujet ont été menées à l'Université de Guelph en 2016 par un étudiant de deuxième cycle, Zach Telfer, sous la supervision de Mary Ruth McDonald (Ph. D.). Dans le cadre d'essais en laboratoire, on a comparé des charançons de la carotte recueillis dans le marais Holland à une souche de laboratoire qui n'avait jamais été exposée à Imidan. Les charançons de la carotte provenant du marais Holland présentaient une sensibilité réduite à Imidan. À la dose la plus élevée, Imidan n'a éliminé que 12 % des charançons du marais Holland comparativement à 80 % des charançons issus de la souche sensible au produit. Ces résultats témoignent de la nécessité d'utiliser en alternance des produits de lutte ayant un mode d'action différent afin de continuer à maîtriser l'insecte tout en limitant la propagation de sa résistance.

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Figure 3. Deux charançons de la carotte adultes dans un piège Boivin. Un morceau de carotte sert d'appât pour attirer les insectes adultes et les fentes des lattes offrent un abri idéal pour les charançons qui y restent jusqu'à ce qu'on puisse les dénombrer.

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Figure 4. Les charançon de la carotte dans le piège

Le second facteur pouvant expliquer la hausse des dommages attribuables au charançon de la carotte est une modification possible dans la biologie de l'insecte. Les dommages aux carottes surviennent en dehors des périodes normales d'activité. Il se pourrait donc que le charançon se soit adapté et ait prolongé sa période de ponte (période d'oviposition) ou qu'une deuxième génération de charançons soit apparue. Cette deuxième génération n'a pas encore été signalée en Ontario, mais elle a été observée au Québec et dans d'autres régions productrices de carottes aux États-Unis. Le graphique ci-dessous illustre comment la répartition des accumulations de degrés-jours en 2016 pourrait expliquer la probabilité d'une seconde génération de charançons de la carotte en Ontario et les dommages additionnels observés.

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Figure 5. Degrés-jours (base 7 °C) accumulés durant la saison de croissance 2016 et cycle vital possible du charançon de la carotte. Graphique : Zach Telfer (coordonnateur de la lutte intégré, station de recherche Muck Crops, Université de Guelph).

Dépistage et moyens de lutte

Les recommandations actuelles en lutte intégrée sont basées sur les captures dans les pièges Boivin. Ces derniers sont constitués d'un morceau de carotte entouré de lattes de bois retenues entre deux pièces de contreplaqué (voir ci-dessous). La carotte attire les charançons adultes et les lattes de bois offrent un abri idéal aux charançons jusqu'à ce qu'ils soient ramassés. Les seuils actuels d'intervention de 1,5 et 5 charançons/piège, dénombrés cumulativement, justifient un traitement insecticide respectivement aux 2e et 4e stades foliaires de la carotte.

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Figure 6. Piège Boivin à charançon de la carotte placé à la bordure d'un champ de carottes.

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Figure 7. Piège Boivin démonté. Lattes de bois à la base, sur le dessus et au milieu, morceau de carotte, indicateur et bande de caoutchouc.

Matador 120 EC/Silencer 120 EC (lambda-cyhalothrine) et Rimon (novaluron) ainsi qu'Imidan (phosmet) sont homologués pour la maîtrise ou la réduction des dommages causés par le charançon de la carotte. Rimon agit différemment qu'Imidan ou Matadar/Silencer puisqu'il s'agit d'un facteur de croissance pour insecte qui, pour être efficace, doit être soit absorbé par les œufs ou ingéré par les larves. Rimon empêche le charançon de la carotte de poursuivre sa croissance jusqu'au prochain stade vital; ce produit n'est donc pas efficace contre les insectes adultes et il est indispensable que le recouvrement par le produit soit complet pour assurer son absorption optimale.

Voir le tableau ci-dessous pour plus d'information sur les dosages, les DAAR et les délais de sécurité après traitement (DSAT) des produits actuellement homologués pour lutter contre le charançon de la carotte.

Numéro du groupeProduitDoseDAARDSATRemarques
Groupe 1B (organophosphates)Imidan 70-WP
(phosmet)
1,6 kg/ha
(0,6 kg/acre)
40
5 jours
Pour éviter des dommages à la culture, ne pas appliquer d'herbicides dans les 3 jours qui suivent l'application d'Imidan. Consulter l'étiquette pour plus de précisions. La tolérance à Imidan est documentée en Ontario.
Groupe 3A (pyréthrinoïdes)Matador 120EC
(lambda-cyhalothrine)
83 mL/ha
(34 mL/acre)
14
24 h
Effectuer le premier traitement au stade 2 à 3 feuilles quand les insectes ou les dommages se manifestent et que les seuils d'intervention sont atteints.
Group 3A
(pyréthrinoïdes)
Silencer 120 EC
(lambda-cyhalothrine)
83 mL/ha
(34 mL/acre)
7
24 h
Effectuer le premier traitement au stade 2 à 3 feuilles quand les insectes ou les dommages se manifestent et que les seuils d'intervention sont atteints.
Groupe 15 (benzoylurées)Rimon 10 EC
(novaluron)
410-820 mL/ha
(166-332 mL/acre)
3
12 h
Réduction des dommages. Effectuer le premier traitement au stade 2 à 3 feuilles quand les insectes ou les dommages se manifestent et que les seuils d'intervention sont atteints.

Des recherches sont prévues pour 2017 dans le but d'établir le moment idéal des traitements au Rimon, d'évaluer les nouveaux produits et pour mettre à jour les recommandations actuelles en lutte intégrée. Demeurez à l'écoute.