Introduction

Dans certaines régions d’Amérique du Nord, la myéloencéphalite équine à protozoaire est l’une des plus importantes maladies neurologiques des chevaux. Il peut être difficile pour les éleveurs et les vétérinaires de diagnostiquer cette affection et de la traiter. Les signes de la maladie peuvent se manifester à divers niveaux de gravité selon les individus : incoordination, manque de coordination, faiblesse, spasticité et atrophie musculaire. La myéloencéphalite à protozoaire peut ressembler à n'importe quelle maladie neurologique équine, y compris la spondylopathie cervicale qui est la forme neurologique de l’infection causée par le virus de l’herpès (nEHV-1) ainsi que la rage, le virus du Nil ou d’autres encéphalites virales équines, comme les encéphalites équines de l’Est et de l’Ouest. Pour plus de renseignements à ce sujet, consulter la fiche d’information intitulée Encéphalite virale équine.

Le principal parasite responsable de cette maladie est un organisme unicellulaire, le protozoaire Sarcocystis neurona. Bien qu'on ait reconnu qu'il s'agissait d’une maladie causée par un protozoaire dès 1974, l’agent responsable de la maladie, S. neurona, n'a pas été identifié avant 1991. Des parasites étroitement apparentés, Neospora spp., et particulièrement Neospora hughesi, ont été isolés comme étant les agents responsables, dans certains cas de la maladie footnote 1footnote 2. Ces organismes s'attaquent surtout au système nerveux central des chevaux.

En général, les espèces Sarcocystis ont un cycle vital dans lequel interviennent un prédateur et des proies animales. Dans le cas de cette maladie, le cycle vital comporte un hôte final, l’opossum (Didelphis virginiana). Ce dernier libère des oocystes dans ses excréments, qui se transforment en sporocystes infectieux dans l’environnement. Des hôtes intermédiaires ingèrent les sporocystes qui se développent à leur tour en sarcocystes dans les tissus musculairesfootnote 3. Le cycle vital se complète lorsque les opossums ingèrent les cadavres d’hôtes intermédiaires infectés. L’armadillo, le chat domestique, la moufette et le raton laveur sont considérés comme des hôtes intermédiaires jouant un rôle dans le cycle vital de la maladiefootnote 3. L’opossum est un animal nocturne, un charognard qui mange de tout y compris des cadavres d’animaux en décomposition. Le grand nombre d’animaux qui sont tués sur les routes dans certaines régions contribue peut-être à la propagation de la maladie.

Il arrive que les chevaux s'infectent lorsqu'ils ingèrent des aliments contaminés par les excréments d’opossum contenant des sporocystes infectieux. Une fois ingérés, les sporocystes migrent de l’intestin dans le sang, traversent la barrière hémato-encéphalique et s'attaquent au système nerveux central. Le cheval est considéré comme l’hôte ultime de S. neurona, puisqu'il ne peut pas transmettre la maladie à d’autres chevaux. La myéloencéphalite équine à protozoaire s'observe surtout chez les chevaux qui vivent dans des régions où se trouvent des opossums. Les chevaux qui restent pendant de courtes périodes dans des régions endémiques peuvent s'infecter et présenter des symptômes de la maladie plus tard, même une fois revenus dans des régions non endémiques.

Des données sur le piégeage des opossums fournies par le ministère des Richesses naturelles de l’Ontario (MRN) en 1998 indiquent que des opossums étaient présents dans les régions des districts de Niagara, de Cambridge, de Simcoe, d’Aylmer, de Chatham, de Wingham, de Maple, d’Owen Sound et de Midhurst. C'est dans la région de Chatham que le nombre d’opossums piégés était le plus élevé. Ces dernières années, la présence d’opossums a été signalée dans d’autres comtés, notamment ceux de Wellington et de Waterloo. Les hivers plus doux depuis 2003 peuvent être à l’origine d’une augmentation de la population d’opossums et à l’étalement de leur distribution géographique.

Diagnostic et signes cliniques

Les signes cliniques de la myéloencéphalite équine à protozoaire sont attribuables aux dommages directs causés aux neurones au tout début de la maladie ainsi qu'à une réaction inflammatoire secondaire. Les signes varient selon l’emplacement des lésions dans le système nerveux.

La myéloencéphalite équine à protozoaire peut s'attaquer au cheval lentement ou très rapidement. En fait, les signes cliniques peuvent se manifester dans les semaines qui suivent ou jusqu'à cinq ans ou plus après l’infection. Dans les cas moins graves, les signes peuvent se limiter à une ataxie bénigne. Dans les cas les plus graves, les chevaux peuvent être incapables d’avaler ou de se tenir debout. Si la maladie n'est pas diagnostiquée et traitée, elle peut entraîner de graves déficits neurologiques permanents. La maladie peut ressembler à d’autres maladies neurologiques graves, ce qui complique le diagnostic, surtout lorsque la maladie s'est développée sur une longue période.

Tout cheval présentant des signes de problèmes neurologiques devrait être examiné dès que possible par un vétérinaire. Ce dernier soumettra le cheval à un examen physique au cours duquel il évaluera sa démarche et sa condition au plan neurologique. D’autres épreuves diagnostiques, comme des radiographies du cou, peuvent être nécessaires pour écarter notamment le diagnostic de spondylopathie cervicale. Pour plus d’information, voir la fiche sur la spondylopathie cervicale intitulée Wobbler Syndrome or Cervical Vertebral Stenotic Myelopathy in Horses (en anglais seulement).

Pour établir un diagnostic de myéloencéphalite équine à protozoaire, le vétérinaire devra tenir compte des facteurs de risque établis par les chercheurs au cours de la dernière décennie, notammentfootnote 4 :

  1. L’âge du cheval : les jeunes chevaux (de 1 à 6 ans) semblent plus vulnérables.
  2. Les activités du cheval : les chevaux de course ou d’exposition sont le plus à risque.
  3. La saison de l’année : les risques sont plus élevés l’automne.
  4. La présence de boisés sur les lieux.
  5. La présence d’opossums.
  6. Des mesures de sécurité insuffisantes entourant les aliments.
  7. Les problèmes de santé survenus avant le diagnostic : les blessures ou accidents favorisent l’immunosuppression, ce qui accroît les risques.
  8. Les chevaux qui sont sur des fermes où il y a déjà eu des cas de myéloencéphalite équine à protozoaire sont plus à risque.

Diagnostic en laboratoire

Les autres possibilités de maladie neurologique doivent d’abord être écartées. Le diagnostic de la myéloencéphalite équine à protozoaire est fondé sur la présence de signes neurologiques ainsi que sur une analyse positive de transfert Western effectuée sur le liquide céphalorachidien ou LCR (le liquide dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinière). Le transfert Western permet de détecter les anticorps à S. neurona. Une analyse positive de transfert Western effectuée sur du sérum signifie uniquement que le cheval a été exposé à l’agent pathogène et a développé des anticorps à S. neuronafootnote 5. Cela ne signifie pas nécessairement que le cheval a contracté la maladie. De faux positifs et de faux négatifs peuvent également survenir lorsqu'on a utilisé le LCR. La contamination du LCR avec aussi peu que huit cellules sanguines rouges par microlitre de LCR peut provoquer un faux positiffootnote 6. Le transfert Western a été utilisé avec du sérum pour évaluer la séroprévalence (taux d’exposition) de S. neurona chez les chevaux normaux. Des taux de séroprévalence (nombre de chevaux exposés à l’agent causal) situés entre 22 et 65 %footnote 7 ont été obtenus dans le cadre d’études réalisées aux États-Unis.

Traitement

Il est évident que le dépistage précoce accroît l’efficacité des traitements et atténue les risques d’aggravation des dommages, ce qui n'empêche pas les chevaux de souffrir de lésions permanentes. Auparavant, pour les traitements, on avait recours à des antimicrobiens à large spectre (ex. : des sulfamides et des pyriméthamines), des médicaments anti-protozoaires (diclazuril, toltrazuril), des AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens, comme la phénylbutazone et la flunixine méglumine), des corticostéroïdes, le diméthylsulfoxyde (DMSO), la vitamine E et l’acide folinique.

MarquisMC (ponazuril), fabriqué par la division de santé animale de Bayer HealthCare, est maintenant homologué au Canada à titre d’anticoccidien oral pour le traitement de la myéloencéphalite équine à protozoaire. MarquisMC est actuellement le seul médicament homologué pour le traitement de la myéloencéphalite équine à protozoaire au Canada. On peut se procurer le produit avec une ordonnance vétérinaire et il est offert sous forme de tubes doseurs pour administration orale. On recommande une dose par jour pendant 28 joursfootnote 8.

Les recherches sur d’autres médicaments anti-protozoaire se poursuivent.

Prévention

Il est difficile de prévenir la myéloencéphalite équine à protozoaire. Les recherches actuelles visent à établir les facteurs de risques associés au développement de la maladie. Les propriétaires de chevaux peuvent donc prendre les mesures nécessaires pour réduire l’exposition de leurs chevaux à l’organisme responsable de la maladie en empêchant la faune, et particulièrement les opossums, de pénétrer dans l’étable et sur les lieux de la ferme. Les opossums entretiennent plusieurs nids dans des arbres creux et des fossés, habituellement à proximité des boisés. Ils n'hibernent pas et ne tolèrent pas bien les températures froides. Par conséquent, ils seront moins abondants dans les régions où les hivers sont rigoureux et où la neige est abondante.

Recommandations à l’intention des propriétaires de chevaux :

  • Retirer sans cruauté les opossums des pâturages et des boisés.
  • Empêcher que les chevaux soient exposés aux excréments des opossums (ce qui est beaucoup plus facile pour les chevaux gardés à l’écurie).
  • Empêcher les opossums de pénétrer dans les étables, ainsi que dans les endroits où l’on entrepose du foin et des grains.
  • Laver sous pression et récurer tous les endroits infectés. Il n'est pas suffisant d’utiliser seulement des désinfectants pour nettoyer les zones contaminées.

À ce jour (mai 2010), aucun vaccin contre la myéloencéphalite équine à protozoaire n'est offert sur le marché.

Résumé

Lignes directrices pour les éleveurs de chevaux :

  • Empêcher les opossums de pénétrer dans les étables où logent des chevaux et dans les sites d’entreposage des aliments pour animaux.
  • Garder les silos à grain fermés hermétiquement.
  • Enfouir les animaux morts, comme les chats, les moufettes et les ratons laveurs trouvés sur le site de la ferme et dans les alentours, afin d’empêcher les opossums de s'en nourrir et de transmettre les agents pathogènes responsables de la maladie.
  • Recourir aux services d’un trappeur accrédité pour faire enlever les opossums de la propriété.