Les proliférations d'algues ont soulevé certains problèmes dans le Lac Érié depuis les années 1960. Ces proliférations, qui sont néfastes pour la faune et les humains, apparaissent quand les concentrations de phosphore sont élevées dans le lac. Ces concentrations ont diminué au cours des années 1980 et 1990, partiellement en raison des pratiques de gestion optimales de conservation des sols qui ont été mises en place par les agriculteurs. Cependant, au cours de la dernière décennie, les analyses de la qualité de l'eau ont révélé une hausse des teneurs en phosphore réactif dissous. Bien que les causes actuelles de cette augmentation ne soient pas connues, les spécialistes estiment que l'augmentation des épisodes de pluie de plus de 2,5 cm, le mode d'épandage des engrais et les antécédents d'analyses de sol sont en cause.

Dans la plupart des sols, le phosphore se présente sous l'une des quatre formes suivantes :

  1. composé minéral inorganique d'aluminium, de fer ou de calcium;
  2. associé aux particules de sol;
  3. composé soluble dissous dans l'eau du sol;
  4. dans la matière organique. La majorité du phosphore, dans ces quatre cas, se présente sous forme de minéral inorganique solidement fixé aux particules du sol. Le phosphore inorganique n'est habituellement pas lessivé dans les nappes souterraines, mais il peut être transporté vers les eaux de surface par les particules du sol sous l'effet de l'érosion. Cela se produit surtout quand du fumier ou de l'engrais phosphaté viennent d'être épandus sur le sol sans y avoir été incorporés. Les formes de phosphore soluble peuvent être transportées à l'extérieur des champs par les eaux de ruissellement durant les précipitations abondantes ou au cours de l'irrigation.

Le P s'échappe des terres agricoles par l'une des trois voies suivantes :

  • l'érosion éolienne, où le P est lié aux particules de sol qui se déplacent sous la poussée du vent;
  • le ruissellement, où le P fixé aux particules de sol se déplace avec l'eau;
  • le ruissellement et l'eau de drainage souterrain sous forme de P dissous.

La majorité des pertes de P se produisent hors de la saison de croissance (figure 1). Les pratiques culturales qui laissent le sol à découvert en dehors de la saison de croissance constituent la principale cause des pertes de P. Durant la saison de croissance, on a mesuré des pics de teneurs en phosphore dans les eaux de drainage après de fortes averses ou après un épisode de sécheresse dans les sols argileux secs et craquelés.

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70% du déplacement annuel de P total s'est produit hors de la saison de croissance
Figure 1. 70% du déplacement annuel de P total s'est produit hors de la saison de croissance (Ball Coelho, et al. 2012. Agricultural Water Management 104:51).

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Voici les deux principales catégories de pratiques de gestion optimales (PGO) du phosphore :

1) Choix d'une méthode d'épandage des engrais phosphatés

L'analyse de sol représente la seule manière d'augmenter l'assimilation des éléments nutritifs et d'être en mesure de prendre des décisions judicieuses sur le dosage des engrais. L'analyse de sol est une composante essentielle de toute gestion des cultures. Les producteurs peuvent contribuer à réduire les risques de ruissellement du phosphore dans l'eau en n'épandant que l'engrais phosphaté nécessaire et en l'incorporant ou en l'appliquant sous la surface du sol. Le fumier devrait être soit incorporé avec un léger travail du sol ou injecté sous la surface. Ces PGO permettent habituellement de réduire le déplacement du phosphore vers les eaux de surface.

Selon certains chercheurs, les engrais phosphatés devraient être épandus en bandes profondes ou près de la semence en vue de réduire les pertes de phosphore soluble dans le cadre des systèmes sans travail du sol. L'épandage en bandes profondes d'engrais phosphatés réduit les pertes de phosphore par ruissellement de 50 pour cent comparativement aux applications en pleine surface. Un travail du sol réduit combiné à un épandage de phosphore sous la surface du sol réduira les pertes de phosphore dans les eaux de surface.

2) Lutte contre l'érosion

Étant donné que la majorité du phosphore dans le champ est fortement fixé aux particules de sol, l'érosion contribue à déplacer et le sol et le phosphore qui y est fixé vers les eaux de surface. Les réactions chimiques d'équilibre qui se produisent dans l'eau peuvent dégager une certaine quantité de phosphore des particules de sol, qui sera transportée vers les eaux de surface sous forme de phosphore soluble. Les agriculteurs se préoccupent aussi des pertes de P, car ces dernières sont associées à une perte de sol. Une perte de P de 1 lb/acre peut sembler peu importante, mais la perte de sol qui lui est associée ne l'est pas. Si on présume que le P total (toutes les formes de P) dans un sol est de 500 ppm (la moyenne pour les sols en climat tempéré), alors 1 lb/acre de P équivaut à 1 tonne/acre de sol. À court terme, les pertes de sol ont des conséquences financières en raison des éléments nutritifs perdus qui doivent être remplacés et des pertes de rendement. À plus long terme, la perte d'importantes quantités de sol arable aura des répercussions sur la production culturale en réduisant la capacité de rétention d'eau et d'éléments nutritifs du sol.

Les PGO pour lutter contre l'érosion visent à réduire le ruissellement au champ. On peut, par exemple, mettre en place des ouvrages de rétention d'eau (voies d'eau gazonnées, bandes tampons, bermes permanentes, etc.), pratiquer la culture en bandes, faire des apports de matière organique en laissant 30 % de la surface couverte de résidus ou en retournant des résidus dans le sol. Le drainage souterrain, l'utilisation de cultures de couverture pour la saison hivernale (vivantes, de préférence, mais également fauchées et laissées sur place), l'ajout de cultures aux rotations ainsi que le travail réduit du sol ou le semis direct peuvent aussi contribuer à réduire les pertes de sol.

Selon des recherches menées au Kansas, les semis directs peuvent réduire l'érosion du sol jusqu'à 75 pour cent comparativement au labour traditionnel (chisel-disques). Le phosphore total se compose principalement de phosphore insoluble fixé aux particules de sol. Les pertes de phosphore total dans les systèmes de semis direct ont été réduites d'environ 40 pour cent comparativement au labour traditionnel. Bien que le semis direct puisse réduire les pertes de phosphore total en diminuant l'érosion à la surface du sol, des recherches ont montré que les pertes de phosphore soluble dans les eaux de ruissellement étaient plus élevées dans un système de semis direct que dans un système traditionnel. Cette situation est préoccupante, car le phosphore soluble est plus facilement assimilable par les algues que le phosphore insoluble fixé aux particules de sol. Cela peut être un meilleur indicateur des problèmes de pollution que les quantités de phosphore total dans les eaux de surface.

Pour toutes ces pratiques, l'objectif est de garder le P dans le sol et de réduire son déplacement hors des champs vers les cours d'eau, surtout durant les périodes de l'année où les risques de pertes sont plus importants. Aucune pratique ne pourra à elle seule réduire le déplacement du P vers les eaux réceptrices. Cela prendra une combinaison de pratiques adaptées aux conditions du champ en question.

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Figure 1. 70% du déplacement annuel de P total s'est produit hors de la saison de croissance

70% du déplacement annuel de P total s'est produit hors de la saison de croissance. Aucune pratique ne pourra à elle seule réduire le déplacement du P vers les eaux réceptrices. Cela prendra une combinaison de pratiques adaptées aux conditions du champ en question.