Résumé

Ce rapport de faisabilité a été préparé par Ontario Power Generation (OPG), Bruce Power, Énergie NB et SaskPower, à l’intention des gouvernements de l’Ontario, du Nouveau Brunswick et de la Saskatchewan.

Il fournit une évaluation de la faisabilité de la mise au point et du développement et déploiement de petits réacteurs modulaires (PRM), et contient l’analyse de rentabilisation des compagnies d’électricité pour la mise en œuvre de PRM, dans chacune des trois provinces.

Contexte

Les PRM incarnent la prochaine génération de solutions innovantes dans le domaine de l’énergie nucléaire. Ils sont dotés du potentiel pour contribuer à relever les défis et à exploiter les occasions en matière de changement climatique et de croissance économique. La feuille de route canadienne sur les PRM de 2018footnote 1 a conclu que les PRM étaient susceptibles de fournir une source d’énergie sûre, propre et abordable et disposaient de la capacité à contribuer à un avenir résilient et sobre en carbone. Les PRM sont susceptibles de promouvoir un certain nombre d’avantages clés pour le Canada et pour la population canadienne, notamment :

  • Le respect des engagements du Canada en matière de changement climatique;
  • Des occasions de création d’emplois et de croissance économique; et
  • Une contribution à l’élargissement du leadership du Canada, en matière de recherche et d’innovation.

En ayant ces facteurs à l’esprit, les provinces de l’Ontario, du Nouveau Brunswick et de la Saskatchewan ont signé, le 1er décembre 2019, un protocole d’entente (PE)footnote 2 établissant un cadre pour le déploiement des PRM dans chacune des provinces concernées. Le présent rapport de faisabilité constitue l’un des premiers livrables attendus de ce PE.

Les trois provinces partagent un intérêt commun pour les PRM, en tant qu’option d’énergie propre, en vue de lutter contre le changement climatique et de répondre à la demande énergétique régionale, tout en satisfaisant au besoin de croissance économique et d’innovation. Les provinces ont également convenu de dialoguer avec le gouvernement fédéral sur un certain nombre d’enjeux clés relatifs au déploiement des PRM, notamment l’état de préparation technologique, les cadres réglementaires, l’économie et le financement, la gestion des déchets nucléaires et l’engagement du public et des Autochtones.

Le Canada et ses provinces abritent déjà une industrie nucléaire de tout premier plan possédant une vaste expérience dans la conception, la construction et l’entretien de réacteurs, en Ontario, au Nouveau Brunswick et ailleurs dans le monde. Le secteur nucléaire joue un rôle clé dans l’économie canadienne, contribuant annuellement au PIB du pays pour un montant de 17 milliards de dollars par an, tout en finançant 76 000 emplois au paysfootnote 3, directs, indirects et induits. La plus riche ressource en uranium de la planète, le bassin d’Athabasca en Saskatchewan, est, située au Canada, le deuxième producteur d’uranium au monde.

Avantages des PRM

Les PRM sont des réacteurs nucléaires qui produisent 300 mégawatts électriques (MWé) ou moins. Bien plus petits que les centrales nucléaires traditionnelles, les PRM sont moins chers à produire en série et plus faciles à déployer. Leur conception modulaire permet de les déployer dans le cadre de grands réseaux existants, de petits réseaux et de collectivités éloignées hors réseau, ainsi que comme source d’énergie pour des projets portant sur les ressources naturelles. Les PRM fournissent une énergie n’émettant pas de gaz à effet de serre (GES) susceptible de répondre aux nouvelles demandes d’électricité et de soutenir les sources renouvelables, comme l’énergie éolienne et l’énergie solaire. D’autres pays ont reconnu l’énergie nucléaire comme une source d’énergie propre, et, dans un contexte où l’intérêt pour les PRM ne cesse de croître, le Canada a là une excellente occasion d’exporter sa technologie et son savoir faire, pour s’attaquer à des problèmes mondiaux comme le changement climatique et la sécurité énergétique.

Faisabilité des PRM

Économie

Les compagnies d’électricité estiment que les PRM disposent du potentiel pour constituer une source d’énergie compétitive sur le plan économique. Cependant, la réelle compétitivité économique de cette option dépendra des autres solutions possibles, sobres en carbone, disponibles dans chaque province. Les prix du gaz naturel et la tarification du carbone joueront également un rôle important dans la faisabilité potentielle des PRM. Les solutions solaire et éolienne produisent de l’énergie par intermittence; en d’autres termes elles ne produisent de l’énergie qu’à « temps partiel », et pas toujours au bon moment. À mesure que les provinces réduiront leur dépendance aux combustibles fossiles pour la production d’électricité, il faudra parvenir à un bouquet énergétique optimal, dans le cadre duquel le nucléaire pourrait jouer, à l’avenir, un rôle plus important.

On s’attend à ce que l’énergie produite par les PRM, en Ontario et en Saskatchewan, s’avère économique par rapport à d’autres solutions à faible émission de carbone, et qu’elle puisse être utilisée pour favoriser la réduction des émissions de carbone et pour répondre aux nouvelles demandes énergétiques. Le choix de la technologie PRM et la rapidité de commercialisation joueront un rôle important dans le coût de son déploiement.

Pour les applications hors réseau, telles que les mines ou les collectivités éloignées, les PRM doivent être économiquement compétitifs par rapport l’utilisation de groupes électrogènes au diesel (c’est à dire en incluant le coût du carburant et du transport). Les PRM pourraient réduire les coûts énergétiques des sites et des collectivités éloignés dont la demande en électricité se situe entre 10 et 20 MWé. Pour les plus petites collectivités (par exemple, celles dont la demande est de 3 MWé), les coûts sont proches du seuil de rentabilité. Comme pour les applications sur le réseau existant, le choix de la technologie et la vitesse de commercialisation joueront un rôle clé dans le coût du déploiement d’un PRM et dans sa capacité à concurrencer le diesel.

Technologie

Les PRM couvrent une large gamme de puissances, de conceptions, d’état de préparation des technologies et d’applications pour les utilisateurs finaux. Pour répondre aux besoins généraux du Canada, les quatre compagnies d’électricité ont travaillé collectivement, au cours des deux dernières années, pour élaborer trois volets de proposition de projets PRM. À ce titre, les projets PRM proposés aux gouvernements de l’Ontario, du Nouveau Brunswick et de la Saskatchewan sont fondés sur les évaluations et sur les hypothèses suivantes :

Le volet 1

Le volet 1 propose un premier projet PRM à l’échelle du réseau, d’environ 300 MWé, construit sur le site de Darlington d’ici 2028 et jusqu’à quatre unités en Saskatchewan dont la première serait mise en service en 2032. Cette approche de type « flotte » permettrait de déterminer une technologie PRM commune susceptible d’être plus rapidement et plus efficacement déployée dans plusieurs provinces.

  • OPG, Bruce Power et SaskPower collaborent pour sélectionner, d’ici la fin de 2021, la technologie et le promoteur du projet.
  • Les PRM peuvent être économiquement compétitifs dans les deux provinces, en tant que sources supplémentaires d’énergie propre.
  • La capacité du site de Darlington à accueillir un démarrage immédiat des travaux en fait un atout stratégique vital, offrant l’occasion au promoteur des PRM, de lancer la construction d’une flotte d’unités.
  • Le volet 1 sera à l’origine des avantages économiques suivants pour le Canada, à partir d’une seule unité en Ontario et de quatre unités en Saskatchewan sur leur durée de vie:
    • En moyenne, les emplois directs, indirects et induits sur une base annuelle sont les suivants :
      • 1 528 emplois pendant le développement du projet;
      • 12 455 emplois pendant la fabrication et la construction;
      • 1 469 emplois pendant l’exploitation;
      • 1 193 emplois pendant le déclassement;
    • une incidence positive sur le PIB de 17 milliards de dollars; et
    • une augmentation des recettes fédérales de 5,4 milliards de dollars.

Le volet 2

Le volet 2 porte sur deux petits réacteurs modulaires avancés de quatrième génération qui seront mis au point au Nouveau-Brunswick, grâce à la construction d'unités de démonstration sur le site de la centrale nucléaire de Point Lepreau, au Nouveau-Brunswick. En favorisant une étroite collaboration entre les divers organismes de recherche et de fabrication ainsi que les agences fédérales et provinciales, le Nouveau-Brunswick verra l’achèvement d’une première unité de démonstration d'ARC Clean Energy, prévu pour 2030 et d'une deuxième unité par Moltex Energy Canada Inc., d'ici 2035. Grâce à ces échéanciers, le Nouveau-Brunswick répondra aux besoins accrus en énergie propre du Canada atlantique et des provinces partenaires, à partir de 2030. Le Nouveau-Brunswick est en mesure de devenir le chef de file dans le développement et le déploiement de ces technologies de quatrième génération. Cela, grâce à ses travaux, à ses partenariats et à son appui. Ces conceptions représentent une occasion importante afin de faire progresser les énergies doublement propres et sûres produites ici au Canada ou ailleurs dans le monde. Grâce à un soutien et à une collaboration continus, ces technologies avancées peuvent commencer à être déployées dès 2030 pour répondre aux besoins industriels dans des régions industrielles comme en Saskatchewan et en Alberta, et même, dans le monde entier. Les modèles fabriqués au Nouveau-Brunswick représentent d'importantes possibilités de diversification économique pour la province et feront du Nouveau-Brunswick un chef de file mondial dans le déploiement des technologies PRM avancées de quatrième génération.

  • Grâce à des financements du gouvernement provincial de 30 millions de dollars, deux entrepreneurs, Moltex Energy et ARC Clean Energy Canada Inc., ont ouvert des bureaux au Nouveau Brunswick. Ces entreprises travaillent sur la mise au point de capacités de production, à partir de PRM, au Nouveau Brunswick, avec la promesse d’un développement économique local.
  • On s’attend à ce que ces deux technologies aboutissent à de nouvelles unités plus économiques recyclant les déchets nucléaires, dotées de caractéristiques de sûreté inhérentes et parfaitement adaptées à un déploiement partout dans le monde.
  • Le volet 2 pourrait être à l’origine des avantages économiques suivants pour le Canada, à partir des unités de démonstration au Nouveau-Brunswick (2020-2035) :
    • 21 870 années personnes d’emplois directs et indirects;
    • une incidence positive sur le PIB, directe et indirecte, de 2,15 milliards de dollars; et
    • une augmentation des recettes fédérales de 198 millions de dollars.

    En intégrant la possibilité d’une flotte d’unités, installées au Canada et à l’étranger, jusqu’en 2060, le Canada pourrait obtenir les avantages suivants :

    • 537 000 années personnes d’emplois directs et indirects;
    • une incidence positive sur le PIB, directe et indirecte, de 59 milliards de dollars; et
    • une augmentation des recettes fédérales de 5,2 milliards de dollars.

Le volet 3

Le volet 3 propose une nouvelle classe de micro PRM conçus principalement pour remplacer l’utilisation du diesel dans les collectivités éloignées et sur les sites miniers. Pour faire progresser cette technologie, un projet de réacteur refroidi au gaz de 5 MWé, fabriqué par Ultra Safe Nuclear Corporation (USNC), est en cours de mise au point sur le site de Chalk River, en Ontario, pour une mise en service prévue d’ici 2026.

  • OPG a établi un partenariat avec USNC pour ce projet de démonstration, sur la base d’un investissement partagé et d’un financement attendu du gouvernement fédéral.
  • Ce projet n’a pas pour objectif d’être économiquement rentable sur le plan commercial, mais l’analyse montre que les futures centrales à deux unités de 10 MWé seront économiquement compétitives par rapport au diesel et offriront la possibilité de générer des rendements permettant de couvrir les coûts du projet de démonstration.
  • Avec pour objectif de faire progresser le nucléaire dans les collectivités éloignées, Bruce Power et ses partenaires du Nuclear Innovation Institute explorent différentes possibilités offertes par le microréacteur eVinci de Westinghouse Canada.
  • Le volet 3 pourrait être à l’origine des avantages économiques suivants pour le Canada, à partir du déploiement commercial de 4 unités (20 MWé) de réacteurs USNC sur un site minier, au cours de leur durée d’exploitation :
    • En moyenne, les emplois directs, indirects et induits sur une base annuelle sont comme suit :
      • 240 emplois pendant le développement du projet;
      • 638 emplois pendant la fabrication et la construction;
      • 282 emplois pendant l’exploitation;
      • 180 emplois pendant le déclassement;
    • une incidence positive sur le PIB, directe, indirecte et induite, de 877 millions de dollars; et
    • une augmentation des recettes fédérales de 311 millions de dollars.

Ces projets avancent rapidement et démontrent tous une faisabilité commerciale et technique.

Trois autres facteurs ont été mis en évidence, par les compagnies d’électricité, lors de l’évaluation de la faisabilité des PRM :

Soutien fédéral

Le partage des coûts et des risques avec le gouvernement fédéral constitue un élément important de la faisabilité d’un projet. De tels projets favoriseraient l’atteinte, par le Canada, de ses objectifs d’élimination progressive du charbon d’ici 2030, d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050 et de fourniture d’une énergie propre abordable aux collectivités éloignées. De plus, ils donneraient naissance à une nouvelle sous catégorie d’activité industrielle nucléaire, qui verrait le Canada bien placé pour être un acteur majeur dans le déploiement mondial des technologies PRM. L’obtention, en temps opportun, de financements fédéraux est essentielle pour continuer à progresser dans ce domaine.

En dehors du partage des coûts et des risques, le gouvernement fédéral pourrait offrir un soutien stratégique à l’énergie nucléaire en tant que technologie propre, veiller à la mise en œuvre de processus réglementaires reconnaissant les caractéristiques uniques des PRM, soutenir la recherche et le développement par l’entremise des laboratoires nationaux et veiller à la mise en place d’un cadre solide pour la gestion des déchets nucléaires de tous les réacteurs.

Soutien provincial

Les gouvernements provinciaux devront établir des cadres stratégiques et réglementaires pour permettre l’exploitation de PRM en tant que solution d’énergie propre et financer des programmes de formation pour doter la main d’œuvre requise des compétences nécessaires dans l’industrie des PRM. De plus, les gouvernements provinciaux pourront collaborer avec les compagnies d’électricité, pour s’assurer que l’élaboration d’un projet s’effectue dans le cadre d’une surveillance appropriée et que les consultations du public et des Autochtones sont menées de manière responsable et respectueuse.

Soutien de l’industrie nucléaire

Une solide chaîne d’approvisionnement nationale constitue un facteur de succès essentiel pour le déploiement des PRM au Canada. Une telle chaîne devrait intégrer des fournisseurs nucléaires canadiens de taille moyenne et de petite taille, les acteurs de l’extraction de l’uranium et un secteur de la recherche nucléaire de calibre mondial. La flexibilité et l’expérience de ces fournisseurs seront précieuses pour le déploiement des PRM et compléteront les capacités des entreprises de fabrication et d’ingénierie canadiennes. Une fois le modèle de flotte déterminé, les sociétés d’électricité pourraient mobiliser des fournisseurs et s’appuyer pleinement sur des travailleurs qualifiés, afin de garantir un état de préparation suffisant pour le déploiement des PRM.

Prochaine étape

La prochaine étape, en vertu du protocole d’entente interprovincial, consiste à élaborer un plan stratégique pour le déploiement des PRM. Ce plan mettra en évidence les étapes nécessaires, pour chacun des volets, en vue de respecter, dans les délais prévus, les engagements de chaque projet, tout en recensant les principaux risques, ainsi que les mesures d’atténuation associées, et en décrivant l’analyse stratégique et réglementaire requise pour permettre et régir le déploiement étendu d’une technologie nucléaire au Canada.

Le plan stratégique doit être achevé au printemps 2021.

Les provinces de l’Ontario, du Nouveau Brunswick et de la Saskatchewan sont fières de montrer la voie en matière de mise au point des PRM au Canada. Elles entendent continuer de collaborer entre elles et avec l’ensemble de l’industrie nucléaire, pour aider à faire en sorte que le Canada demeure à l’avant garde de l’innovation nucléaire, tout en créant de nouvelles possibilités d’emploi, de croissance économique et d’innovation et en favorisant un avenir à faibles émissions de carbone.