Introduction

Le 18 octobre 2024, la ministre de l’Éducation m’a nommé pour passer en revue les politiques, les procédures et les pratiques établies par le Toronto District School Board (TDSB) concernant les sorties scolaires ainsi que leur mise en application. Ce mandat fait suite à des préoccupations soulevées par des parents et des membres des communautés du TDSB concernant une sortie scolaire à l’événement Grassy Narrows River Run, le 18 septembre 2024. Les préoccupations portaient sur l’organisation de l’événement, l’accompagnement des élèves, des incidents survenus pendant la sortie et les raisons qui ont poussé les enseignantes et enseignants à organiser cette sortie.

La présence des élèves à l’événement Grassy Narrows River Run a fait l’objet d’une attention négative considérable de la part des médias et a suscité de nombreux commentaires sur les médias sociaux. Dans l’ensemble, les médias ont signalé que les parents des élèves du TDSB avaient été induits en erreur, et que l’intention derrière le rassemblement et la marche en faveur de l’accès à l’eau potable pour la Première Nation de Grassy Narrows a toujours été que ce soit une manifestation propalestinienne, à laquelle les élèves ont été forcés de participer. Une grande partie du discours des médias grand public et des médias sociaux suggérait que les enseignantes et enseignants du TDSB avaient emmené les élèves à une manifestation propalestinienne sous de faux prétextes.

La sécurité des élèves et la perception des opinions politiques comptant parmi les priorités de la ministre, il m’a été demandé de présenter mes observations et mes recommandations concernant les événements qui se sont déroulés avant, pendant et après la sortie scolaire organisée par le TDSB au Grassy Narrows River Run. On m’a également chargé de déterminer si les exigences énoncées dans les politiques et les procédures du TDSB avaient été respectées, de vérifier s’il existe des lacunes et de formuler des recommandations afin que les politiques et les pratiques du TDSB accordent la priorité à la santé, à la sécurité et à l’inclusion de tous les élèves et de leur environnement d’apprentissage.

Méthodologie

En vue de remplir ce mandat, j’ai procédé à l’examen des principales politiques du TDSB et du Ministère et de la couverture effectuée par les médias et les médias sociaux, ainsi que mené des entretiens avec un large éventail de personnes dans le but d’établir un compte rendu factuel de ce qui s’est passé avant, pendant et après la sortie du 18 septembre.

Entretiens

J’ai mené, dans le cadre de cet examen, 146 rencontres et entretiens avec des parents d’élèves qui ont participé au Grassy Narrows River Run, des parents dont les enfants n’y ont pas participé, des parents bénévoles, des élèves qui y ont participé, des groupes communautaires, des personnes touchées par l’événement, des partenaires autochtones, des conseillères et conseillers scolaires du TDSB, des responsables du conseilfootnote 1, des directions d’école, des enseignantes et enseignants et des représentantes et représentants syndicaux (voir les détails à l’annexe A). J’ai également reçu 73 témoignages écrits de parents, d’élèves et de membres de la communauté, y compris des observations et des témoignages indirects transmis par le TDSB.

J’ai tout d’abord rencontré des responsables du TDSB et la présidence intérimaire du conseil. J’ai ensuite rencontré les directions des 19 écoles ayant participé à la sortie afin de déterminer si elles ont respecté la politique du TDSB sur les sorties scolaires lorsqu’elles ont donné leur approbation. J’ai aussi rencontré les enseignantes et enseignants responsables de la sortie au Grassy Narrows River Run pour leur école. J’ai finalement parlé, le cas échéant, à quelques enseignantes et enseignants qui ont participé à titre d’accompagnatrice ou d’accompagnateur et aux bénévoles qui ont accompagné les enseignants et les élèves à l’événement et qui souhaitaient me rencontrer.

Afin d’identifier les enseignantes et enseignants concernés, j’ai consulté les formulaires de sortie scolaire standards soumis par le conseil scolaire avant la sortie (formulaire de demande d’autorisation de sortie scolaire) et j’ai puisé dans les informations soumises par les directions d’école. Les formulaires de demande d’autorisation de sortie scolaire sont soumis au moyen du système d’archivage électronique du TDSB par le personnel enseignant et les directions d’école dans le but d’y consigner les détails concernant la sortie et d’obtenir les autorisations nécessaires. L’identité des membres du personnel enseignant n’a été divulguée aux responsables du conseil scolaire et au syndicat qui les représente qu’au moment où je suis entré en contact avec eux. Chaque enseignante et enseignant qui le souhaitait pouvait être accompagné d’une représentante ou d’un représentant syndical lors de l’entretien.

Quant aux entretiens avec les élèves, ils ont été organisés en collaboration avec les directions d’école, ces dernières veillant à obtenir l’autorisation des parents ou des tuteurs. Les directions ont envoyé en mon nom une invitation aux parents des élèves ayant participé à la sortie ainsi qu’aux parents qui n’ont pas autorisé leur enfant à y participer. Certains élèves ont été rencontrés en groupe, tandis que d’autres ont été vus individuellement, à leur demande. Les parents étaient invités à contacter directement mon équipe pour prendre rendez-vous. Leurs enfants pouvaient les accompagner à l’entretien si les parents le souhaitaient.

J’ai aussi interrogé des conseillères et conseillers scolaires représentant les communautés où des élèves ont participé à la sortie, et d’autres qui, même s’ils ne représentent pas d’écoles dont les élèves ont participé, avaient néanmoins un intérêt particulier pour les enjeux en cause.

Couverture médiatique

Je me suis largement appuyé sur la Direction des communications du ministère de l’Éducation pour balayer la couverture qu’a fait les médias grand public et les médias sociaux de l’événement. Grâce à cette analyse, j’ai reçu plus de 30 articles et éditoriaux de médias grand public, ainsi que des extraits vidéo de l’événement. J’ai également examiné toutes les publications de médias sociaux transmises par le public et par les parents interviewés.

Communications et documents du TDSB

En vue de comprendre comment les responsables du conseil et les écoles ont abordé cette activité et la façon dont celle-ci a été présentée aux parents, j’ai demandé, reçu et passé en revue les documents suivants :

  • Courriels envoyés par les responsables du conseil à l’intention des conseillères et conseillers scolaires, du public et des directions
  • Courriels échangés entre les responsables du conseil
  • Courriels envoyés par le personnel enseignant et les directions à l’intention des parents
  • Courriels envoyés par les parents à l’intention des conseillères et conseillers scolaires, des directions et du personnel enseignant
  • Communiqués publiés par le conseil et réaction des médias suivant l’événement
  • Lettres envoyées par différents groupes (parents, élèves et un groupe communautaire) à l’intention du conseil

J’ai également consulté les 23 formulaires de demande d’autorisation de sortie scolaire et un extrait du formulaire d’autorisation des parents ou des tuteurs utilisé par chaque classe participante.

Lacunes méthodologiques

J’ai appris que plusieurs enseignantes et enseignants du TDSB de confession juive avaient possiblement des informations pertinentes aux fins de l’examen, mais qu’ils n’osaient pas me rencontrer par crainte de représailles. Malheureusement, je n’ai pu leur parler. J’ignore ce que ces personnes m’auraient dit. En revanche, plusieurs membres du personnel du TDSB de confession juive se sont entretenus avec moi, et leurs témoignages ont été pris en compte dans la rédaction du présent rapport.

Politique et procédure du TDSB sur les sorties scolaires

Reconnaissant la valeur éducative des expériences d’apprentissage en dehors de la salle de classe, la politique PO33 du TDSB sur les sorties scolaires (ci-après, « la politique ») énonce les critères à respecter pour des sorties scolaires sécuritaires et inclusives. Celles-ci doivent avoir un but éducatif qui s’aligne avec le curriculum, et le consentement des parents ou des tuteurs est obligatoire pour que les élèves puissent participer. La politique, en vigueur depuis 2003, a été révisée et actualisée en 2013 et en 2019. Une autre révision est prévue au cours de l’année scolaire 2024-2025.

Aux fins d’application de la politique, la procédure opérationnelle PR511 (ci-après, « la procédure ») est utilisée. Elle est en vigueur depuis 2004 et a été révisée six fois depuis. Des modifications ont notamment été apportées en 2021 pour renforcer la sécurité des élèves en réponse à la noyade tragique de Jeremiah Perry lors d’une sortie en 2017.

L’enjeu de la sécurité des élèves étant au cœur de cet examen, j’ai soumis pour analyse la procédure à l’Ontario Physical and Health Education Association (OPHEA), compte tenu de son expertise en la matière. L’OPHEA a comparé la procédure du TDSB avec les Normes de sécurité de l’Ontario pour l’activité physique en éducation (NSOAPE)footnote 2 et conclu que les deux étaient en grande partie alignées. L’OPHEA a relevé trois dispositions des NSOAPE qui ne figurent pas dans la procédure du TDSB.

Premièrement, en matière de sécurité, les NSOAPE encouragent explicitement les élèves à signaler à une enseignante ou un enseignant les problèmes liés aux installations. Deuxièmement, les élèves doivent être informés des conditions environnementales et des moyens de s’en protéger. Les entretiens réalisés avec les élèves, le personnel enseignant et les directions m’ont permis d’apprendre qu’avant les sorties, les enseignantes et enseignants discutent avec leur classe des mesures d’urgence afin que les élèves sachent quoi faire s’ils se perdent ou se blessent. Ceci n’est toutefois pas une exigence de la politique ou de la procédure.

L’OPHEA a par ailleurs noté que deux obligations de la procédure du TDSB dépassent les exigences des NSOAPE, soit l’obligation pour la direction de désigner une ou un responsable de l’organisation d’une sortie et l’obligation pour la direction d’être joignable lors des sorties. Ces obligations vont effectivement au-delà des NSOAPE et peuvent améliorer la sécurité des élèves.

Exception faite des lacunes dévoilées par la sortie à Grassy Narrows, le TDSB a fait preuve d’une grande diligence pour maintenir sa procédure à jour. Le document de procédure est exhaustif et consigne les connaissances et l’expérience acquises par le personnel depuis plus de vingt ans.

Dans le cadre de cet examen, les responsabilités des directions concernant les sorties scolaires et les dispositions de gestion des risques soulèvent un intérêt particulier. Les directions d’école ont de nombreuses responsabilités avant, pendant et après les sorties scolaires. Les enseignantes et enseignants doivent soumettre un formulaire de demande d’autorisation de sortie scolaire au moyen de l’application de gestion des sorties du conseil scolaire. Ce formulaire contient les détails de la sortie proposée, notamment les informations logistiques, son objectif, sa pertinence par rapport au curriculum, les plans pour les élèves qui n’y participent pas, le nombre d’élèves prévu, l’encadrement prévu ainsi que les procédures médicales et d’urgence. Les directions sont tenues d’autoriser ou de refuser la sortie une fois qu’elles ont pris connaissance du formulaire.

Les sorties qui comprennent des « activités à haut risquefootnote 3 » doivent également être autorisées par la surintendance de l’éducation et la surintendance exécutive de l’éducation. Bien que la procédure exige des autorisations additionnelles dans les cas où la sécurité physique des élèves nécessite davantage de précautions, je remarque qu’elle ne prévoit pas l’encadrement des conversations avec les élèves dans les contextes qui se prêtent aux points de vue contestataires ou litigieux ou aux commentaires et comportements discriminatoires. La sortie au Grassy Narrows River Run ne correspondait pas explicitement à ce que le TDSB définit comme une activité à haut risque et ne nécessitait donc pas l’autorisation de la surintendance ou de la surintendance exécutive. Cela dit, une direction s’inquiétant du fait qu’il s’agissait d’une manifestation a demandé conseil à sa surintendance. Cette direction a expliqué qu’elle l’avait fait en raison de ce qu’elle sait de la position du conseil scolaire à l’égard des grèves et des manifestations d’élèves par rapport au conflit au Moyen-Orientfootnote 4.

Cependant, la politique et la procédure du conseil sur les sorties indiquent clairement que, en règle générale, les destinations doivent être sélectionnées dans le répertoire des établissements pour les sorties et les événements du TDSBfootnote 5. L’article 6.9 de la politique précise clairement que toute activité ne figurant pas au répertoire doit être autorisée par la surintendance. La procédure n’énonce toutefois pas clairement cette exigence. De plus, la politique et la procédure indiquent toutes deux clairement que, dans les cas où l’autorisation de la surintendance est requise, celle-ci doit être demandée un mois avant la sortie prévue. La sortie a été autorisée par la direction de chaque école concernée sans que soit demandée l’autorisation des superintendances, conformément à la politique, alors que l’activité ne figurait pas au répertoire. Selon deux directions associées, « un examen a été mené aux environs de 2022 concernant l’autorisation par les surintendances responsables des sorties scolaires qui ne figuraient pas au répertoire. L’examen a révélé que le nombre de renvois aux surintendances était écrasant. [Un cadre supérieur] a décidé de changer ce processus » pour permettre aux directions d’école d’autoriser des sorties ne figurant pas au répertoire. Cet important changement, amené à l’initiative du personnel, n’a pas été intégré à la politique ou à la procédure sur les sorties. En conséquence, depuis 2022, toute sortie scolaire vers un lieu ou un événement ne figurant pas au répertoire n’est conforme ni à la politique ni à la procédure du TDSB concernant les sorties scolaires.

Faits et conclusions

Les opinions sur ce qui s’est passé le 18 septembre 2024 sont nombreuses et variées. Mon rôle, en tant qu’examinateur, est d’établir les faits, ce que j’ai fait en interrogeant des élèves, des enseignantes et enseignants et des parents, qui m’ont tous donné des témoignages directs de ce qui s’est passé lors de la sortie au Grassy Narrows River Run. Le conseil scolaire s’est également montré très coopératif et a fourni les informations demandées. Les faits suivants sont fondés sur les informations fournies par les personnes concernées, par des vidéos et des photos de l’événement et par mon examen minutieux d’une variété de documents pertinents sur ce qui s’est passé dans les trois composantes de l’événement : 1) le rassemblement au Grange Park; 2) la marche vers Queen’s Park; et 3) le rassemblement au Queen’s Park.

Bien que l’examen des conflits géopolitiques ne relève manifestement pas de la portée du présent rapport, je reconnais que la toile de fond de la controverse entourant les événements du 18 septembre est la guerre actuelle au Moyen‑Orient. Les préoccupations exprimées par les différentes communautés dans les médias grand public et sociaux indiquaient que les points de vue sur le conflit au Moyen-Orient représentés lors de l’événement au Grassy Narrows River Run étaient unilatéraux et n’avaient pas leur place dans le cadre de cette sortie scolaire en particulier.

Avant la sortie au Grassy Narrows River Run

L’événement au Grassy Narrows River Run ne figurait pas au répertoire des établissements et des événements pour les sorties scolaires du TDSB, et, bien que l’une d’elle ait envisagé de le faire, aucune direction n’a demandé l’approbation de la surintendance pour la sortie. Ayant eu l’occasion de parler avec toutes les directions concernées, il semble que l’omission de demander l’approbation de la surintendance ne se soit pas limitée à cet événement, mais s’applique à au moins deux autres sorties : l’une en octobre 2023, et l’autre en novembre 2024. Ces deux sorties ont également soulevé des questions au sein de la communauté, mais ont tout de même eu lieu. Dans le premier cas, une direction a autorisé la sortie et dans le second cas, bien que l’événement n’ait pas été officiellement approuvé, une direction locale et des parents ont accompagné des élèves pour une sortie de deux jours à l’extérieur de Toronto. Lors d’une conversation avec une personne représentant le conseil, j’ai été informé que si le deuxième événement avait été soumis pour approbation, le conseil l’aurait refusée en raison de certains des présentateurs et présentatrices participant à l’événement.

Bien qu’on ait omis de demander l’approbation de la surintendance concernant la sortie à Grassy Narrows, les directions et le personnel enseignant se sont assurés d’informer les élèves des problèmes auxquels est confrontée la Première Nation de Grassy Narrows. Dans le cadre de mes entretiens avec les enseignantes et enseignants, j’ai vu leur passion et leur dévouement à l’égard de la réconciliation avec les communautés autochtones. Ils m’ont également présenté des informations détaillées et, dans certains cas, les liens profonds entre les programmes scolaires. La sortie au Grassy Narrows River Run représentait une réponse significative et concrète à l’appel à l’action 63 (iii) de la Commission de vérité et réconciliationfootnote 6 et aurait dû donner aux élèves l’occasion d’améliorer leur apprentissage dans différentes matières, notamment en sciences sociales, en anglais, en arts, en science, en histoire et en études des Premières Nations, des Métis et des Inuits. De toute évidence, cette sortie n’était pas seulement liée aux attentes provinciales et du conseil, mais elle a aussi permis à de nombreux élèves d’approfondir leurs connaissances d’une façon qui ne peut être reproduite en salle de classe.

Cette sortie aurait dû constituer un exemple quant à ce que les sorties scolaires apportent aux élèves, soit de présenter des événements mondiaux et actuels, de leur apprendre la valeur de l’engagement citoyen et de la voix citoyenne et de favoriser le développement de leur pensée critique et de leur empathie. Dans la même lignée, j’ai perçu que, à quelques exceptions près, l’ensemble des parents soutenaient les efforts du TDSB pour enseigner l’héritage autochtone. De nombreux parents sont satisfaits de la connaissance qu’ont leurs enfants de la vie autochtone au Canada, en comparaison avec la leur. Malheureusement, les préoccupations soulevées suivant la sortie ont éclipsé ces éléments.

Rôle de la Première Nation de Grassy Narrows

Chaque année depuis 2010, les membres de la Première Nation de Grassy Narrows organisent l’événement River Run dans le cadre de leur lutte pour avoir accès à l’eau potable. Lors de l’événement de 2024, le chef de cette Première Nation, Rudy Turtle, et la future cheffe, Sherry Ackabee, élue en octobre 2024, étaient présents. Tous les deux insistent sur le fait que l’événement se voulait axé sur l’accès à l’eau potable, et qu’il n’avait pas été pris d’assaut par d’autres manifestations.   

Rudy Turtle a participé à l’organisation de l’événement River Run et fut l’un des principaux orateurs au Grange Park. Il a mentionné que la plupart des personnes ayant pris la parole étaient de Grassy Narrows, malgré qu’une partie « micro ouvert » ait eu lieu. Il a également confirmé qu’une invitation avait été lancée à toute personne souhaitant soutenir la cause de la Première Nation de Grassy Narrows. Il s’agissait d’un événement faisant la promotion de la solidarité, et plusieurs groupes défendant d’autres causes ont répondu à l’appel.

Autorisations de sortie scolaire

Les directions d’école se sont acquittées de toutes leurs responsabilités en vertu de la politique et de la procédure, à l’exception de deux. D’abord, puisque l’événement Grassy Narrows River Run ne figure pas au répertoire des sorties scolaires autorisées du TDSB, les directions d’école auraient dû, conformément à la politique, demander l’autorisation à leur surintendance. Cette étape a été omise par toutes les directions. Ensuite, selon la procédure, les propositions de sortie doivent être soumises à l’approbation de la surintendance au moins un mois à l’avance, ce qui n’a pas été fait. Aucune des directions d’écoles ayant participé à l’événement ne s’est acquittée de ces deux responsabilités. Étant donné que la sortie avait lieu au cours du premier mois de l’année scolaire, je note qu’il aurait été difficile d’obtenir l’approbation de la surintendance à temps.

Deux explications ont été avancées pendant cet examen pour justifier l’omission d’obtenir les autorisations requises pour la sortie à Grassy Narrows. D’abord, l’approbation donnée au Urban Indigenous Education Centre par la délégation des surintendances aurait équivalu à une approbation tacite de la sortie telle que décrite dans la politique et la procédure, selon certaines personnes. Je suis en désaccord. Ensuite, il a été avancé que la sortie pouvait être considérée comme une « sortie pédestrefootnote 7 », ce qui est permis, même si une telle sortie ne figure pas au répertoire. Je suis aussi en désaccord avec cette justification. Les sorties pédestres se trouvent généralement à proximité des écoles. Puisque de nombreuses écoles ayant participé à l’événement ne sont pas situées à une distance de marche, la sortie ne répond manifestement pas à l’exception accordée aux sorties pédestres. Je constate que le répertoire et les exigences qui y sont associées ne semblent pas avoir été pris en compte dans le cadre de cette sortie.

Au début du mois de septembre 2024, 23 formulaires de demande d’autorisation de sortie scolaire ont été soumis puis approuvés par 15 directions à travers 19 écoles. Dans certains cas, des écoles où plusieurs classes participaient ont soumis plus d’un formulaire d’approbation, et quelques directions sont responsables de plusieurs écoles.

Le contenu de chaque formulaire était différent, mais cela s’explique par le fait que l’événement peut concerner un large éventail de disciplines du curriculum et plusieurs niveaux scolaires. Les liens établis entre le curriculum et les résultats escomptés variaient toutefois d’une classe à l’autre et d’une école à l’autre, rendant les informations nébuleuses et peu claires pour certains parents.

Les formulaires d’autorisation des parents et tuteurs générés à partir des formulaires de demande d’autorisation de sortie scolaire ne présentaient pas toujours clairement les liens avec le curriculum tels qu’identifiés par les enseignantes et enseignants pour cette sortie. Les enseignantes et enseignants ont fourni dans de nombreux cas aux parents un résumé des attentes du Ministère et du conseil scolaire à l’égard du curriculum. La plateforme en ligne de gestion des sorties ne permet pas d’inclure dans le formulaire d’autorisation des parents ou tuteurs une explication détaillée des liens entre les sorties et le curriculum.

L’étendue des informations incluses dans les formulaires d’autorisation des parents et tuteurs différait dans les 19 écoles. Alors que certains formulaires ne contenaient que très peu de détails sur la sortie, la plupart fournissaient un itinéraire de la journée plus précis. La majorité indiquait clairement auquel des trois éléments de l’événement Grassy Narrows River Run les élèves allaient participer : le rassemblement au Grange Park, la marche de Grange Park à Queen’s Park et le rassemblement au Queen’s Park. D’autres n’indiquaient pas cette information. Par exemple, j’ai constaté deux cas où les formulaires indiquaient que les élèves se rendraient de Grange Park à Queen’s Park, mais ne donnaient aucun détail sur la marche. Je ne pense pas que l’omission soit intentionnelle, mais qu’il s’agit plutôt d’un simple oubli. Il y a eu des divergences entre ce qui était indiqué dans le formulaire d’autorisation et ce qui s’est réellement passé pour les classes qui ont quitté l’événement en raison de ce qui s’est passé, de la fatigue ou des contraintes de temps.

Chaque enseignante et enseignant responsable de la sortie, sans exception, a reçu l’autorisation des parents ou des tuteurs, que ce soit sur la plateforme en ligne, sur papier ou, lorsqu’approprié, de vive voix. Tous les élèves du TDSB âgés de moins de 18 ans ayant assisté à l’événement l’ont fait avec le consentement de leurs parents ou de leurs tuteurs; les élèves âgés de 18 ans et plus ont donné leur propre consentement verbal. Aucun parent ou tuteur ne m’a signalé que son enfant avait participé à la sortie sans son consentement. En fait, la sortie au Grassy Narrows River Run était facultative, les parents et tuteurs devant donner leur autorisation.

Les personnes interrogées ne s’entendent cependant pas quant à savoir si l’événement Grassy Narrows River Run était un rassemblement, une manifestation ou une marche. L’opinion générale est qu’il s’agissait d’un rassemblement et qu’une marche en était un élément. La plupart des formulaires d’autorisation font référence à une marche. Avec le recul, toute personne ayant consulté le matériel promotionnel aurait pu constater que l’événement était qualifié de rassemblement. Les médias, les médias sociaux et certains parents ont critiqué le fait que les élèves aient participé à un rassemblement et, bien que les parents et les tuteurs aient autorisé les élèves à participer à l’événement, je pense que certains parents et tuteurs n’ont pas compris, à partir des formulaires d’autorisation, qu’ils donnaient leur approbation pour que leur enfant participe à un rassemblement.

En plus de soumettre les formulaires d’autorisation requis, certaines écoles ont communiqué avec les familles avant la sortie. Une école a fait savoir que les élèves qui n’avaient pas l’autorisation de participer à la sortie se verraient proposer par l’école d’autres activités d’apprentissage ayant les mêmes objectifs pédagogiques. Conformément à la procédure, il s’agit de la responsabilité de l’enseignante ou de l’enseignant titulaire de préparer du matériel approprié et connexe pour les élèves qui ne participent pas à une sortie. Le personnel enseignant est également tenu d’indiquer dans le formulaire de demande d’autorisation de sortie scolaire les dispositions prises pour ces élèves. Parmi les 23 formulaires consultés, seulement trois étaient conformes à cette exigence. Cela m’indique que les élèves n’ayant pas participé à la sortie ont manqué une occasion d’apprentissage, et que plusieurs n’ont pas reçu de travail liant les éléments de la sortie au curriculum, ce qui a été confirmé par les entretiens. Dans la plupart des classes, l’intention pédagogique de la sortie n’a pas été appliquée de la même façon pour les élèves qui n’y ont pas participé.

Il convient également de noter que certaines communications aux parents suggéraient que les élèves portent des chandails bleus. Des médias ont signalé qu’il a été demandé aux élèves de porter du bleu pour symboliser le fait qu’ils sont des « colons » ou des « colonisateurs ». Je constate que les informations diffusées dans les médias étaient grandement trompeuses. Quelques enseignantes et enseignants ont bel et bien proposé à leurs élèves de porter du bleu, mais cette couleur devait représenter l’eau potable. Un seul membre du personnel enseignant a écrit aux parents que « les colons sont priés de porter du bleu, si possible ». C’est à la demande des organisateurs de l’événement que cette personne a utilisé le mot « colon » en demandant aux élèves de porter du bleu.

Je dois mentionner que ce terme a soulevé des préoccupations chez des parents et des élèves, qui m’ont dit être troublés par ce terme et mal à l’aise de s’identifier comme colons. Lorsque l’on utilise cette terminologie, il convient d’expliquer le contexte afin de comprendre la relation entre les peuples autochtones et les générations de nouveaux arrivants au Canada, après le premier contact avec les Européens. Un parent m’a dit qu’étant donné les origines complexes de son enfant, le terme « colon » est déstabilisant.

À cet égard, il faut aussi préciser que la relation entre les peuples autochtones et le reste de la population canadienne évolue, de nouveaux termes étant utilisés pour décrire, et même définir, cette relation. Ce type de changement terminologique s’est aussi produit pendant la période des droits civiques, lors de la montée du mouvement féministe dans les années 1970 et, plus récemment, dans le cadre du mouvement des droits des personnes homosexuelles. L’évolution des termes pour définir les relations avec les peuples autochtones est normale, mais, comme en toute chose et en particulier lorsque des enfants sont concernés, la prudence s’impose.

J’ai également remarqué que des écoles ont indiqué aux parents, soit sur le formulaire d’autorisation, soit par courriel, que les élèves observeraient le rassemblement, alors que d’autres formulaires indiquaient clairement que les élèves y participeraient. Malgré ces incohérences, chaque enseignante ou enseignant avait mis en place un plan d’urgence avant la sortie afin d’assurer la sécurité physique des élèves. Chaque plan d’urgence était adapté au niveau scolaire des élèves et démontrait le soin et la prévoyance avec lesquels le personnel enseignant aborde les sorties et assure la sécurité physique des élèves. Pendant l’activité, aucun plan d’urgence n’a été déployé, quoique des groupes de deux écoles ont quitté l’événement plus tôt en raison des chants scandés au Grange Park.

Dans un cas, un membre du personnel enseignant a dit à ses élèves avant la sortie qu’ils partiraient si des opinions antisémites ou antipalestiniens étaient exprimées pendant l’événement. Après qu’un chant propalestinien a été entendu sur la scène au Grange Park, au moins un élève a dit à cette personne qu’il se sentait mal à l’aise. La classe n’a pas quitté les lieux immédiatement, et l’élève n’a pas précisé pourquoi il se sentait mal à l’aise. Ici, la sécurité physique n’a pas été compromise, mais la sécurité émotionnelle aurait dû être prise en compte par le membre du personnel enseignant. Je pense que cette personne savait pourquoi l’élève se sentait mal à l’aise et qu’elle a manqué à sa parole en restant sur les lieux.

Pendant la sortie au Grassy Narrows River Run

D’une certaine manière, 23 sorties différentes ont eu lieu cette journée-là, dirigées par plusieurs membres du personnel enseignant et suivant divers curriculums, mais tout le monde était là pour la même raison : en apprendre davantage sur la lutte de la Première Nation de Grassy Narrows contre l’empoisonnement de l’eau par le mercure. Environ 535 élèves du TDSB de la 3e à la 12e année ont participé à l’événement.

L’événement a débuté au Grange Park, qui occupe une superficie de deux hectares au centre-ville de Toronto. Les élèves se sont rendus sur les lieux avec leurs enseignantes et enseignants en autobus scolaire, en transport en commun ou à pied. Les élèves ont dîné dans le parc et ont remarqué que des personnes distribuaient des collations, de l’eau et des t-shirts.

Au moment où l’événement a commencé, environ 8 000 personnes étaient présentes. Les élèves des trois écoles autochtones du TDSB et leurs enseignantes et enseignants ont été invités à l’avant, près de la scène, et les élèves des autres écoles étaient dispersés en groupes dans le parc parmi les autres participants. Malgré leur position dans la foule, des enseignantes et enseignants ont clairement expliqué à leurs élèves qu’ils étaient observateurs seulement, mais ces consignes n’ont pas été appliquées uniformément. Les élèves de quelques classes devaient interviewer des personnes participant au rassemblement, ce qui implique bien plus qu’une simple observation.

Ces écarts ont donné à certains parents l’impression d’avoir été induits en erreur par des enseignantes et enseignants. Cela n’est ressorti ni des entretiens réalisés ni des documents reçus. Je pense que, dans l’ambiance générale de bienveillance et de célébration qui entourait l’événement, des enseignantes et enseignants ont eu l’impression qu’ils étaient « simplement présents » et non qu’ils participaient activement. Ne jugeant pas correctement la situation, ces enseignantes et enseignants n’ont pas respecté le plan qui consistait à seulement observer et se sont mêlés à la foule avec leurs élèves.

Des discours ont été prononcés au Grange Park, mais, pour la plupart des groupes d’élèves, il était difficile ou impossible de les entendre. L’équipement audio « grichait et produisait des sons étouffés » et la foule de 8 000 personnes, rassemblée dans un espace relativement petit avec beaucoup d’arbres, produisait un bruit de fond alors que de nombreux groupes étaient assis plus loin dans le parc. Des personnes représentant différentes causes de justice sociale étaient présentes pour montrer leur solidarité avec Grassy Narrows. Certaines d’entre elles sont montées sur scène au Grange Park pour prendre la parole pendant la partie « micro ouvert ».

Selon les élèves interrogés, c’est durant cette partie que, quelqu’un sur scène a encouragé la foule, pendant 30 secondes à une minute, à répéter un chant propalestinien : « De Turtle Island à la Palestine, l’occupation est un crime ». Des élèves de 5 des 19 écoles présentes ont dit avoir entendu ces chants scandés au Grange Park. La plupart des élèves n’ont pas entendu les chants. Ceci a été corroboré par les enseignantes et enseignants, les élèves et les parents bénévoles présents.

Après les discours, la foule s’est dirigée vers Queen’s Park, les jeunes autochtones en tête, et les non-autochtones, derrière. Des groupes de cinq écoles du TDSB ont quitté l’événement à ce moment pour retourner à l’école. Les autres groupes sont retournés à l’école à différents moments, selon le temps de déplacement nécessaire et le niveau d’énergie des élèves. Certains groupes prenant le transport en commun ont accompagné la marche jusqu’à diverses stations du TTC, y compris des élèves dont le formulaire d’autorisation indiquait qu’ils assisteraient à l’événement en tant qu’observateurs. Je crois également comprendre que la police encourageait les groupes qui marchaient en marge de la foule à se joindre à celle-ci, sans doute pour mieux contrôler la foule et assurer la sécurité. Cette mesure a toutefois brouillé encore davantage la distinction entre observateurs et participants.     

À l’exception des inquiétudes soulevées concernant les chants propalestiniens, la marche a été qualifiée de « sécuritaire », « positive », « agréable » et « pacifique ». En ce qui a trait à la sécurité, une importante présence policière a maintenu les marcheuses et marcheurs dans la rue et hors des trottoirs, et un groupe de marshals a été mis sur pied par la Première Nation de Grassy Narrows. L’atmosphère festive s’est poursuivie tout au long de la marche et, à l’angle de Dundas et Bay, une grande danse en cercle a été organisée, au centre de laquelle des élèves ont été placés. À un certain moment, une femme qui n’était pas associée au rassemblement ou à une école du TDSB a lancé à la foule qui passait à côté d’elle un chant propalestinien dans un mégaphone. Des classes de cinq écoles l’ont entendue scander « De Turtle Island à la Palestine, l’occupation est un crimefootnote 8 ».

Le reste de la sortie s’est déroulé sans incident, selon ce qui a été rapporté. Des 11 écoles ayant prévu participer aux trois volets de l’événement, seulement 7 ont eu des groupes qui ont marché jusqu’au Queen’s Park. Une fois sur place, d’autres discours ont été prononcés, notamment celui du chef de la Première Nation de Grassy Narrows à ce moment-là, Rudy Turtle, avant de retourner à l’école ou de partir du site.

Selon ce que les élèves et les enseignantes et enseignants ont entendu, les éléments propalestiniens de l’événement ont consisté en la répétition du même chant à deux occasions. Un élève a également cru entendre « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre ». De plus, plusieurs dizaines de personnes portaient des keffiehs, des broches propalestiniennes en forme de pastèque ou des macarons ou des autocollants portant divers messages, tels que « Je suis un fier antisioniste » et « Palestine libre ». Des élèves de deux écoles ont dit avoir vu un macaron portant l’inscription « Le sionisme tue », qu’ils ont considérée comme antisémite. Bien qu’une seule classe semble concernée, il était contraire à l’éthique d’inciter les élèves à répéter les chants. Ceci est valable, peu importe que les chants aient été pro-Palestine ou pro-Israël.

Plusieurs élèves et parents ont mentionné le rôle joué par certaines personnes sur les médias sociaux et dans les médias traditionnels pour attiser les flammes de l’indignation. La quasi-totalité des élèves et des enseignantes et enseignants n’a pas reconnu l’événement auquel ils ont assisté dans les représentations faites sur les médias sociaux ou dans les journaux. Deux grands médias ont publié des lettres d’opinion ou de longs articles accompagnés de photographies présentées comme étant liées à l’événement Grassy Narrows River Run; or, selon une recherche dans Google Images, ces images ont été prises des mois plus tôt, à d’autres endroits. Les images semblent avoir été choisies pour maximiser l’effet « dramatique ».

J’ai parlé à des parents qui, malgré leurs efforts, n’ont pas réussi à faire retirer les images de leurs enfants des sites des médias. Ces parents ont exprimé de la colère et une vive inquiétude quant au fait que, sans raison, les images de leurs enfants resteraient exposées au public et associées à des récits de l’événement créés en grande partie par des personnes qui n’étaient pas présentes. Les élèves ont également exprimé leur malaise par rapport à l’utilisation de leur image dans les médias, puisqu’ils ont assisté à l’événement « pour les bonnes raisons, mais qu’ils semblent être là pour de mauvaises raisons ». Les images de ces enfants resteront sur l’internet pour une durée indéterminée, et ce, sans l’autorisation des parents.

Des parents m’ont dit être très inquiets d’avoir envoyé leurs enfants à ce qui a été présenté comme un événement en faveur de l’accès à l’eau potable pour la Première Nation de Grassy Narrows et au cours duquel ils ont entendu des chants en soutien aux luttes du peuple palestinien. Certains parents ont été perturbés d’apprendre que leurs enfants ont entendu ces chants. Alors qu’ils étaient encore à la sortie, des élèves ont envoyé des textos ou ont téléphoné à leurs parents, confus et inquiets de constater que le soutien à la Palestine était mis de l’avant dans un événement organisé par des Autochtones. Quelques-uns de ces parents ont dit à leurs enfants de demander aux enseignantes et enseignants accompagnateurs de quitter l’événement avec leur classe. Je n’ai connaissance que d’un seul cas où un membre du personnel enseignant a ignoré une telle demande; les autres enseignantes et enseignants concernés ont accepté de quitter l’événement.

Il importe de noter que ce ne sont pas tous les élèves qui ont exprimé le souhait de partir. D’après les informations recueillies, ce n’est arrivé que pour deux groupes. Dans mes entretiens avec des parents représentant la grande diversité de Toronto, la majorité jugeait que l’événement a été d’une grande valeur pédagogique pour leurs enfants. Un élève a dit que « la valeur pédagogique de la sortie ne peut être sous-estimée. Je crois sincèrement avoir une meilleure compréhension des notions de justice sociale grâce à ma participation à la marche. De voir dans la vraie vie ce que j’ai appris en classe m’a donné une perspective qu’aucune connaissance théorique ne pourrait jamais donner ». La grande majorité des parents, des directions, des enseignantes et enseignants et des élèves ont fait remarquer qu’à Toronto, l’irréfutable fait est que les enfants peuvent à tout moment être exposés à l’activisme propalestinien.

Une des idées dominantes de la majorité des entretiens réalisés était que, lorsque les élèves sont en public, l’inattendu peut se produire. Que ce soit lors d’un rassemblement, dans la rue ou même dans un musée, la réalité est que certaines choses ne peuvent être contrôlées. Par exemple, une direction d’école a raconté que des élèves ont été témoins d’une agression au couteau à la sortie d’une université de Toronto, et un membre du personnel enseignant a raconté que de jeunes élèves ont été exposés à un langage obscène alors qu’il les accompagnait dans un tramway. Bien que ces exemples soient troublants, ils ne sont bien entendu pas comparables à une situation où un enfant juif se voit offrir un autocollant antisioniste par un autre élève qui l’a lui-même reçu d’une personne non affiliée au TDSB qui participait à l’événement.

La plupart des parents avec lesquels j’ai parlé ou qui m’ont envoyé leurs commentaires par écrit étaient fortement en faveur de la sortie au Grassy Narrows River Run, en dépit des chants et de la réaction médiatique. De plus, la grande majorité des élèves ont dit que la couverture médiatique de l’événement était inexacte et exagérée. Il existe par ailleurs une nette distinction entre les parents qui étaient à l’aise que leurs enfants participent à un rassemblement et ceux qui ont été profondément bouleversés par ce qui s’est passé. Ces derniers ont le sentiment profond qu’on leur a menti au sujet de la sortie. Bien que l’on peut comprendre la détresse et la confusion de ces parents, il n’existe aucune preuve que le personnel du TDSB leur a menti. À deux exceptions près, les directions d’école et les enseignantes et enseignants n’avaient pas été informés qu’un lien pourrait être établi entre la lutte pour l’eau potable à Grassy Narrows et la guerre au Moyen-Orient. En outre, la moitié des membres du personnel enseignant présents n’ont pas entendu de chants propalestiniens et ont été très surpris d’apprendre la controverse dans les médias le lendemain. Au moins 5 des 19 écoles avaient participé à cet événement lors des années précédentes, et ce, sans incident.

Des membres du public et des parents dont les enfants n’étaient pas présents ont la conviction que ce qui s’est passé a été orchestré par un réseau d’enseignantes et d’enseignants qui ont conspiré pour amener des élèves à une manifestation propalestinienne sous de faux prétextes. Je n’ai trouvé aucune preuve à ce propos. Les documents fournis par le TDSB indiquent que quelques enseignantes et enseignants ont discuté des dispositions à prendre pour la journée avec les responsables de Grassy Narrows. Les comptes rendus ne révèlent aucune preuve que le personnel enseignant a conspiré ou a su que des personnes manifestant exprimeraient un message qui s’éloignait de l’objectif de l’événement. Cependant, lors de cette rencontre, un membre du personnel enseignant a laissé entendre que l’événement avait été approuvé par la plus haute direction du TDSB, une affirmation pour laquelle nous n’avons trouvé aucune preuve. Certaines personnes pensent également que les surintendances et les directions associées du TDSB savaient qu’il y aurait une manifestation propalestinienne au Grassy Narrows River Run, et que la participation des élèves a été approuvée en connaissance de cause. J’aurais souhaité en fait que les responsables du TDSB soient davantage impliqués dans le processus d’organisation et d’approbation, considérant qu’ils devraient avoir la capacité d’anticiper la complexité politique d’un tel événement. Ce qui est arrivé, c’est que les responsables du conseil ont suivi la politique et la procédure et ont délégué la responsabilité d’autoriser les sorties aux directions d’école, lesquelles n’ont pas nécessairement cette capacité.

Après la sortie au Grassy Narrows River Run

Le lendemain de la sortie, les grands médias et les médias sociaux ont commencé à couvrir l’événement et ont commenté la présence d’éléments propalestiniens. Une grande partie de la couverture médiatique laissait entendre que les élèves ont été forcésfootnote 9 de participer à un rassemblement qui s’est transformé en manifestation anti-israéliennefootnote 10. Des allégations affirmant que des élèves avaient été contraints de porter un chandail bleu pour s’identifier comme « colons » ou « colonialistes »footnote 11, que certains avaient reçu des autocollants « Le sionisme tue »footnote 12 et que la manifestation appelait à la destruction d’Israëlfootnote 13 ont également circulé. Un autre thème dominant de cette couverture était que les parents ne connaissaient pas la portée de l’événement auquel ils avaient autorisé leurs enfants à participer. De manière générale, la couverture médiatique s’est grandement concentrée sur ces aspects, laissant de côté les habitants de Grassy Narrows et leur lutte pour l’accès à l’eau potable, les grands médias et les médias sociaux ayant mis de côté les revendications de la Première Nation. Cela a causé un préjudice important aux communautés autochtones du TDSB. Lors de nos entretiens, les dirigeantes et dirigeants de la Première Nation de Grassy Narrows ont indiqué avoir été surpris par l’idée, diffusée dans les médias et les médias sociaux, que le rassemblement avait été « pris d’assaut ». « C’est la première fois que j’en entends parler », m’a dit un ancien chef, une autre personne ajoutant que « tout au long de la journée, il n’a été question que de Grassy Narrows ».

Sans vouloir minimiser l’effet nocif que des chants propalestiniens et des autocollants antisionistes peuvent avoir sur les enfants, je ne saurais trop insister sur l’importance du contexte. Selon les participantes et participants (élèves et membres du personnel enseignant de confession juive ou non), les chants propalestiniens n’ont duré, au total, qu’environ cinq minutes sur les huit heures qu’a duré l’événement. Encore une fois, je réitère que je ne minimise pas l’effet nocif que peut avoir sur les jeunes le fait d’entendre des chants troublants; je condamne néanmoins les réactions qui laissent penser que des enfants de Toronto ont été « forcés » d’assister à un rassemblement antijuif, « forcés » de porter des t-shirts arborant des symboles antisémites et « forcés » de chanter à l’unisson des slogans hostiles envers les personnes juives. Cela a conduit certains élèves à se sentir embarrassés d’avoir vécu une expérience aussi positive lors d’un événement qui a été dépeint de manière aussi négative.

La grande majorité des directions d’écoles ont été très réactives à la suite de l’événement. Elles ont fait un suivi avec les enseignantes et enseignants pour déterminer ce qui s’est passé et ont répondu aux préoccupations des parents de manière appropriée. Les parents qui ont fait part de leurs inquiétudes à leur direction suivant l’événement sont répartis dans 5 des 19 écoles participantesfootnote 14. Des parents de trois autres écoles m’ont fait part de leurs préoccupations lors de nos entretiens. Les directions d’école ont géré avec grande attention cette affaire ainsi que les communications sur leur engagement à favoriser la sécurité et le bien-être des élèves. Par exemple, une direction a organisé une rencontre avec les élèves ayant participé à l’événement pour faire le point, s’est entretenue avec les parents et les familles et a veillé à maintenir les relations avec les familles.

Il est cependant regrettable que, au lieu de vérifier les faits avant de publier une déclaration en réponse à la couverture médiatique, le TDSB ait jeté de l’huile sur le feu en s’excusant pour des comportements qui ont été exagérés dans les médias sociaux ou fabriqués de toutes pièces. De nombreux parents et élèves ont manifesté leur colère face à l’attitude du conseil scolaire. Les conseillères et conseillers scolaires, tout comme les responsables du conseil, se sont appuyés sur des articles de presse et des allégations non vérifiées sur les médias sociaux. Ils ont manqué de diligence, manquant ainsi à leur devoir envers les élèves et leurs familles. Plusieurs personnes interrogées étaient mécontentes que les excuses du conseil aient été vagues, tandis que d’autres étaient contrariées que le conseil se soit excusé tout court : « En s’excusant de la présence de Palestiniennes et Palestiniens et de partisanes et partisans des droits de la personne en Palestine, le conseil scolaire donne une légitimité à l’idée que de simplement se trouver dans un lieu avec des Palestiniennes et Palestiniens et leurs partisans est quelque chose dont il faut s’excuser. »

Les responsables du TDSB ont rapidement lancé une enquête et, le 24 septembre 2024, ils ont demandé aux directions d’école de ne pas planifier de sorties scolaires susceptibles d’impliquer une manifestation, une marche ou un rassemblement organisé. Les exceptions devaient être examinées au cas par cas par une ou un responsable du conseil. À la lumière des incidents du 18 septembre, les responsables du TDSB ont décidé d’annuler les sorties prévues le 30 septembre à l’événement Indigenous Legacy Gathering, un événement qui représentait une excellente occasion de répondre aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation.

L’événement Indigenous Legacy Gathering

L’événement Indigenous Legacy Gathering n’était ni une manifestation, ni une marche, ni un rassemblement; il était présenté comme une rencontre de grande importance pour les peuples autochtones et comprenait l’ouverture du nouveau Spirit Garden au Nathan Phillips Square. Le projet Legacy Gathering a été créé pour répondre à l’appel à l’action 82 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, laquelle invite les gouvernements provinciaux et territoriaux à commander et à installer un monument dans chaque capitale afin d’honorer les survivantes et survivants des pensionnats ainsi que tous les enfants enlevés à leur famille et à leur communauté. L’événement a été présenté par le Toronto Council Fire Native Cultural Centre en partenariat avec la ville de Toronto, le gouvernement du Canada et le gouvernement de l’Ontario, entre autres. Il a été décrit comme un événement visant à « célébrer la diversité des cultures, des traditions et des langues des peuples autochtones par des ateliers, des présentations, des histoires, des enseignements, des danses, des films et de la musique.footnote 15 »

Des plans avaient été mis en place pour que des classes en provenance de tout le TDSB puissent y participer; des plans d’urgence avaient aussi été élaborés. Les élèves autochtones devaient par ailleurs avoir accès à leur propre tipi. L’ensemble des élèves y participant étaient impatients d’assister à cet événement éducatif et enrichissant, qui donnait par le fait même l’occasion pour les élèves et le personnel autochtones de commémorer et d’honorer leurs proches et de participer à la guérison aux côtés de membres de leurs communautés.

Une série de messages confus a été échangée entre les responsables de l’annulation de la participation du TDSB à l’événement. Il est toutefois clair que l’annulation résulte de la réaction du public à la présence d’élèves lors de l’événement Grassy Narrows River Run. Un certain nombre d’écoles, dont les trois écoles autochtones du conseil, s’étaient préparées à assister à la cérémonie du Spirit Garden.

La décision du TDSB d’annuler la participation à l’événement Indigenous Legacy Gathering lors de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation est le résultat de la peur qu’a suscité la controverse du Grassy Narrows River Run au sein du conseil.

Ce n’est qu’au matin du 30 septembre que les élèves et leurs parents ont été informés de l’annulation de la sortie. Le TDSB a permis aux élèves d’y assister avec leurs parents, si cela était possible, et a demandé à un membre du personnel autochtone d’offrir lors de l’événement du tabac au nom des élèves. Comme l’a souligné un parent, « L’offre de tabac est un contrat. Où est le contrat? Tout était brisé. »

Des personnes autochtones et non autochtones interviewées étaient indignées par la décision du conseil de ne pas participer à l’événement, ainsi que par la manière dont la décision a été communiquée. Des Aînés et des partenaires autochtones, des conseillères et conseillers scolaires, des responsables du conseil, des directions d’école, des enseignantes et enseignants et des parents ont dénoncé cette décision. L’annulation a privé des élèves de leur « droit d’honorer leur famille et leur communauté […] Ils n’ont pas été autorisés à honorer leur esprit […] Ne pas y aller et ne pas être autorisés à honorer [leurs proches] causent du tort aux Autochtones. Il y a un traumatisme intergénérationnel, et ceci est l’un des éléments déclencheurs. »

Le TDSB n’a assumé les conséquences de sa décision d’annuler la sortie à l’événement Legacy Gathering que plus de deux mois après la Journée nationale pour la vérité et la réconciliation. Le TDSB a causé « beaucoup de tort […] aux élèves, au personnel et aux familles, et cela ne semble pas être reconnu. »

Cette décision est perçue comme un exemple de racisme anti-autochtone au sein du conseil. Plusieurs des personnes interrogées m’ont dit que cela contribuait à l’effacement et à la réduction au silence des voix autochtones. Les responsables du TDSB ont fait preuve d’un sérieux manque de compréhension de ce qu’est la réconciliation. Malgré les vagues provoquées par l’événement à Grassy Narrows, j’ai constaté que le TDSB a brisé le lien de confiance avec les communautés autochtones en ne participant pas au Legacy Gathering le 30 septembre.

Analyse

Contexte politique

Avant de présenter des faits au sujet des expressions de sentiments propalestiniens et antisémites lors de l’événement, il convient d’aborder le contexte de l’antisémitisme et du traitement différentiel des Palestiniennes et Palestiniens. L’assaut dévastateur contre Israël et la communauté juive le 7 octobre 2023 ainsi que l’impact de la guerre qui en a résulté, qui a notamment causé des blessures sérieuses et la mort de Palestiniennes et Palestiniens, ont déclenché une montée de l’antisémitisme et de la discrimination à l’encontre des communautés palestiniennes à l’échelle mondiale.

Il est incontestable qu’un peuple ayant déjà traversé des milliers d’années de discrimination et de violence antireligieuse, puis des tentatives d’éradication fondées sur la race, ne considère pas la montée de la haine comme existentielle. Ce bagage historique qui pèse sur la population juive ne peut être allégé par des affirmations du type « ce n’est pas ce que je voulais dire ». De nombreuses personnes juives ne se sentent pas en sécurité dans notre système scolaire public en raison de l’irréfutable montée, tant locale que mondiale, de l’antisémitisme.

Je ne peux ignorer le fait que cet examen n’aurait pas eu lieu si ce n’était des préoccupations soulevées par des discours controversés lors de l’événement Grassy Narrows River Run, et le fait que ce discours soutenait les aspirations du peuple palestinien. Au Canada, les communautés palestiniennes et ceux et celles qui soutiennent leur cause ont le droit incontestable de sensibiliser le public à la grande souffrance qui afflige la population de Gaza, de soutenir l’aide qui lui est apportée et de plaider pour l’établissement d’une nation palestinienne. Toutes ces actions de sensibilisation doivent, bien entendu, s’inscrire dans des limites qui excluent les discours haineux.

Au cours de l’examen, j’ai entendu dire qu’il y a un effacement des droits du peuple palestinien à l’intérieur et à l’extérieur des écoles. Certaines personnes croient même que cet examen en est un exemple. Il semble que l’on tente de faire taire les voix qui s’élèvent pour soutenir les droits fondamentaux des Palestiniennes et Palestiniens. Il existe une culture de la peur au sein du TDSB liée à l’effacement de l’existence palestinienne. Les responsables du conseil m’ont dit que le personnel enseignant et les directions ont peur de dire ou de faire ce qu’il ne faut pas, par crainte des répercussions. Les élèves et les parents m’ont dit que la guerre au Moyen-Orient n’est pas abordée dans les salles de classe. Bien que cette guerre se déroule loin des classes de Toronto, elle affecte de nombreux élèves du TDSB, qu’ils soient juifs ou palestiniens. Des parents d’élèves palestiniens ont souligné le contraste entre le soutien apporté par le TDSB aux Ukrainiennes et Ukrainiens dans le cadre de la guerre avec la Russie et le silence absolu sur la Palestine. Garder le silence sur cette question revient à supprimer l’expérience vécue par les élèves et à leur causer du tort. Pour le bien de nos communautés, nous devons trouver des moyens d’avoir ces conversations et d’entendre ce qui, pour beaucoup, constitue deux récits prenants.

De nombreux enfants, enseignantes et enseignants et parents juifs, ainsi que des membres de la communauté juive, ont exprimé leur profonde crainte d’être juifs dans le climat social actuel, se demandant s’il y a une place pour eux au sein du TDSB. Tous les parents palestiniens rencontrés ont peur pour leurs enfants. Plusieurs sont également en colère, car, si leurs enfants affichent leur identité à l’école et expriment leurs inquiétudes pour leurs proches à Gaza, on les réduit au silence ou on les réprimande comme s’ils supportaient le Hamas. Éviter ces conversations ne fait qu’alimenter cette culture de la peur qui, en retour, cause du tort, isole les gens et creuse des fossés. Bien que le TDSB réalise depuis longtemps un travail admirable en ce qui concerne l’enseignement de l’Holocauste, davantage doit être fait pour permettre aux élèves de développer de l’empathie et d’écouter les autres.

Santé et sécurité des élèves et du personnel

Pour la plupart des participantes et participants, l’événement Grassy Narrows River Run a été réjouissant et éducatif, et la sécurité physique des élèves n’a pas été compromise. Toutefois, et comme mentionné plus haut, l’exigence du conseil selon laquelle les surintendances doivent approuvées les nouvelles sorties a été ignorée en raison de ce qui a été considéré comme un nombre « écrasant » de demandes d’autorisations de sorties adressées aux surintendances. Cette exigence avait été mise en place par le TDSB principalement pour assurer la sécurité des élèves.

Bien que la politique et la procédure n’aient pas été respectées, la sécurité des élèves n’a pas été, en fait, menacée, ce qui a été confirmé par la plupart des élèves et des parents qui ont assisté à l’événement. Un parent a expliqué : « Dans le contexte mondial actuel, il était difficile de voir mon fils juif au milieu d’une mer de keffiehs et de gens qui s’opposent fermement à Israël. À aucun moment n’ai-je toutefois pensé qu’il n’était pas en sécurité; les enseignantes et enseignants ont fait un travail formidable pour s’assurer que les enfants soient en sécurité. » Malgré l’absence de menace pour la sécurité physique des élèves, je reconnais que certains élèves ont déclaré ne pas se sentir en sécurité émotionnellement, être mal à l’aise ou avoir l’impression de ne pas être à leur place au Grassy Narrows River Run.

On m’a également expliqué l’incidence qu’ont eue sur le personnel enseignant la couverture de l’événement par les grands médias et les médias sociaux et les déclarations publiques. Les enseignantes et enseignants s’inquiètent notamment des menaces de mort et des récompenses offertes sur les médias sociaux pour les identifier. Ils ne se sentent ni en sécurité ni protégés. Il est inacceptable qu’en raison, en grande partie, de la diffusion de faits non vérifiés sur l’événement Grassy Narrows River Run et aux accusations non fondées de subterfuges de la part des enseignantes et enseignants, le personnel enseignant du TDSB se sente menacé au point qu’une personne a fait appel à un service de sécurité. Même si mon mandat ne me demande pas de commenter la responsabilité des utilisatrices et utilisateurs des médias sociaux ou des grands médias, il est de mon devoir de relever que les responsables du conseil scolaire, élus et administratifs, n’ont pas fait preuve de suffisamment de prudence et de responsabilité dans la vérification des faits avant de répondre publiquement aux préoccupations liées à l’événement.

Sorties scolaires

Les sorties scolaires offrent aux élèves des possibilités riches et pertinentes d’élargir leur apprentissage et d’établir des liens entre la vie réelle et le curriculum. Le ministère de l’Éducation est en fait très clair sur l’importance de l’apprentissage par l’expérience : « Les expériences d’apprentissage pratiques qui ont lieu dans le milieu communautaire […] offrent à l’élève l’occasion de juger de la pertinence de son apprentissage en classe dans un milieu de travail. Ces expériences permettent aussi de développer des compétences transférables, des habiletés interpersonnelles et des habitudes de travail qui préparent l’élève pour son avenir […]footnote 16 ». Les sorties ont des effets bénéfiques démontrables sur le développement des élèves et ont des répercussions plus larges sur notre société.

Les élèves, les parents et les enseignantes et enseignants m’ont dit que cette sortie au Grassy Narrows River Run avait eu une incidence positive sur la plupart des élèves. J’ai entendu parler de trois élèves qui se sont sentis à l’aise de s’identifier ouvertement en classe comme Autochtones seulement après la sortie. Un membre du personnel enseignant a également expliqué que « les élèves comprennent qu’il est possible de regarder les vidéos et de lire les articles, mais c’est tellement différent d’être sur place. Ça a rendu les personnes et l’aspect humain de la situation réels. De parler avec des jeunes de leur âge ayant un empoisonnement au mercure a été l’apprentissage le plus marquant de mes 15 années d’enseignement en ce qui concerne la vérité et la réconciliation, l’équité et la violence coloniale… Je me suis senti reconnaissant d’y être moi-même, et je suis honoré que les élèves aient appris tant de choses en si peu de temps grâce à cet apprentissage par l’expérience. »

Au cours de mes entretiens, on m’a mentionné à plusieurs reprises la crainte que cet examen ne restreigne les possibilités de sorties pour les élèves. Je n’adopterai certainement pas cette position, puisque je soutiens de tout cœur les expériences d’apprentissage riches et adaptées pour l’âge en dehors de la salle de classe. Néanmoins, le TDSB doit prendre des mesures pour garantir la pertinence des sorties et la sécurité de tous les élèves. Je suis d’avis que, tout en tenant compte des dispositions du Code des droits de la personne de l’Ontario et d’autres lois applicables, il est souhaitable que le conseil scolaire poursuive ses efforts pour impliquer les élèves en leur proposant des sorties et du contenu sécuritaires et appropriés, sans pour autant éviter complètement les sujets difficiles. Les citoyennes et citoyens engagés doivent savoir comment aborder les enjeux qui les mettent mal à l’aise et les gérer. D’exposer les élèves aux problèmes locaux et mondiaux de manière appropriée les y prépare.

Conclusion

Dans le cadre de cet examen, j’ai entendu la souffrance, la colère et la peur des enseignantes et enseignants et des administrations du TDSB, ainsi que des familles juives et palestiniennes. Il est également clair que le TDSB a causé un préjudice important aux élèves, aux familles, au personnel et aux partenaires autochtones, et que le conseil a trop tardé à prendre des mesures significatives pour réparer les relations endommagées.

Bien que le TDSB n’ait pas respecté ses propres politiques et procédures destinées à assurer la sécurité des élèves, rien ne prouve que « les élèves aient été forcés de prendre part à une manifestation politiquefootnote 17 » ou que la sécurité physique des élèves ait été compromise lors de la sortie à l’événement Grassy Narrows River Run. Cela dit, la sécurité émotionnelle de certains élèves juifs a été compromise. Le personnel enseignant et les directions d’école devraient être plus consciencieux concernant les sorties scolaires proposées et communiquer clairement avec les parents.

Je ne conseille pas d’éviter les points de vue contradictoires. Comme l’a souligné un membre du personnel enseignant, « la stratégie du TDSB de lutte contre la haine consiste à maintenir l’espace et à accueillir les moments propices à l’apprentissage des points de vue contradictoires afin de reconnaître les expériences vécues par les élèves ». Les élèves doivent se familiariser avec le contexte pour comprendre les problèmes locaux et mondiaux et les événements historiques.

Il est utile d’engager les élèves dans des conversations et du contenu constructifs et critiques tout en respectant les principes des droits de la personne et l’identité et l’expérience vécue de chaque élève. Il est également important que les élèves entrent en contact avec les populations autochtones, ce qui n’est pas possible en classe. Les sorties scolaires sont bénéfiques et, par respect pour le professionnalisme du personnel enseignant qui les organise, devraient être maintenues. C’est ici l’occasion d’aborder les situations dans lesquelles le personnel anticipe des risques ou des problèmes de sécurité potentiels pour les élèves. Je formule mes recommandations sur les mesures à prendre au TDSB en gardant ces principes à l’esprit. 

Recommandations

Le TDSB devrait déployer, dans les plus brefs délais, les efforts pour mettre en œuvre les recommandations suivantes, lesquelles mettent la sécurité physique et émotionnelle des élèves au premier plan dans la politique et la procédure du conseil sur les sorties.

Sorties scolaires

  1. Le TDSB ne doit pas planifier de sorties scolaires dans un lieu ou lors d’un événement où il anticipe que des opinions politiques unilatérales pourraient dénigrer l’identité de quelqu’un. L'avis des responsables des droits de la personne au sein du conseil scolaire doit être sollicité pour déterminer s'il convient d'organiser des sorties au cours desquelles des sujets controversés pourraient être abordés.
  2. Le TDSB doit élaborer une approche coordonnée pour les sorties auxquelles participent cinq écoles ou plus. Cette approche coordonnée assurera l’uniformité des communications adressées aux parents en lien avec la description de la sortie et son objectif et le maintien de résultats pédagogiques appropriés pour chaque niveau et chaque discipline. L’application de cette approche centralisée devrait être supervisée par une direction associée responsable des sorties.
  3. Pour les prochaines sorties au Grassy Narrows River Run, la direction associée responsable des sorties scolaires devrait consulter l’Urban Indigenous Centre et collaborer avec la Première Nation de Grassy Narrows afin de mettre en place des mesures de sécurité qui permettront aux élèves de vivre cet événement profondément marquant sans devenir des participantes et participants et sans être exposés à des commentaires ou à des comportements qui dénigrent l’identité des personnes. La participation à cet événement ne devrait être permise qu’à partir de la 6e année.
  4. L’Urban Indigenous Centre devrait coordonner la participation des élèves des écoles autochtones et à vocation autochtone du TDSB à toutes les sorties scolaires liées au curriculum de ces écoles et à la mise en œuvre des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.

Politique (PO33) et procédure (PR511) sur les sorties scolaires

  1. Le TDSB devrait établir, dans le cadre de la procédure sur les sorties scolaires, une liste de contrôle claire et accessible à l’intention du personnel enseignant et des administrations en fonction de la politique et de la procédure modifiées. La liste de contrôle devrait comprendre toutes les étapes identifiées à l’article E de la procédure PR511 relative aux sorties ainsi que des plans d’urgence. Le flux de travaux de la plateforme de gestion des sorties (procédure sur les sorties scolaires, annexe A) devrait être remplacé par cette liste de contrôle.
  2. Conformément à la recommandation 5 ci-dessus, le TDSB devrait revoir la politique sur les sorties scolaires afin de vérifier que les dispositions relatives à l’autorisation des sorties proposées au moyen du répertoire se trouvent entièrement dans la procédure et soient mises en œuvre, à défaut de quoi le TDSB devrait élaborer d’autres mesures répondant à l’exigence qui demande que la surintendance revoit les propositions de sorties.
  3. Bien que la direction de l’école demeure responsable de l’autorisation de la plupart des sorties, la procédure PR511 devrait être modifiée afin que les sorties où l’on anticipe une exposition des élèves à des points de vue controversés ou contradictoires reçoivent l’approbation finale de la surintendance de l’école, sous réserve des dispositions de la première recommandation.
  4. Le TDSB devrait modifier sa politique et sa procédure sur les sorties scolaires, ainsi que les autres politiques et procédures connexes du conseil, afin qu’elles s’alignent sur l’engagement du conseil à mettre en œuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation et d’en faire la promotion, comme il est indiqué dans son plan stratégique pluriannuel 2024-2028.
  5. Le TDSB devrait se baser sur l’approche fondée sur les droits de la personne pour l’élaboration de programmes et de politiques de la Commission ontarienne des droits de la personne pour revoir et modifier sa politique et sa procédure sur les sorties scolaires afin d’assurer la mise en œuvre d’une approche fondée sur les droits de la personne. Les modifications doivent comprendre la participation et, si possible, la contribution de partenaires autochtones et d’autres communautés qui reflètent la diversité du conseil.
  6. Dans sa politique et sa procédure sur les sorties scolaires, le TDSB devrait actualiser la terminologie obsolète sur les élèves en situation de handicap et ajouter le Code des droits de la personne et les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation à la liste des documents de référence.
  7. Dans la mesure où la procédure actuelle n’aborde pas les sorties scolaires au cours desquelles des opinions divergentes peuvent être exprimées ou des expressions discriminatoires peuvent être entendues, les enseignantes et enseignants devraient être tenus de prendre les mesures suivantes :
    • Avant la sortie, avoir une discussion avec les élèves sur la nature des points de vue en question.
    • Pendant la sortie, s’assurer que le confort des élèves face à certaines opinions soit considéré et que les mesures nécessaires soient prises, y compris celle de quitter l’événement au besoin.
    • Après la sortie, avoir une discussion avec les élèves au sujet des comportements ou des points de vue perçus comme problématiques. Demander, s’il y a lieu, l’aide d’autres intervenantes ou intervenants, par exemple des travailleuses ou travailleurs sociaux, pour amorcer la discussion.
  8. Le TDSB devrait veiller à ce que les élèves qui ne participent pas à une sortie aient accès à une autre forme d’apprentissage connexe et appropriée, et à ce que celle-ci soit décrite dans le formulaire de demande d’autorisation de sortie. L’apprentissage en question doit correspondre aux objectifs de la sortie qui sont en lien avec le curriculum.
  9. Le TDSB devrait modifier sa politique et sa procédure pour permettre des exceptions à l’obligation de donner un préavis d’un mois pour obtenir l’autorisation de la surintendance dans les cas où cela n’est pas possible.
  10. Le TDSB devrait mieux intégrer les Normes de sécurité de l’Ontario pour l’activité physique en éducation à sa procédure sur les sorties scolaires (NSOAPE).
  11. Conformément à l’article 6.3 de la politique sur les sorties, le TDSB devrait veiller à ce que les liens pertinents entre la sortie et le curriculum décrits dans le formulaire de demande d’autorisation de sortie scolaire soient également décrits dans le formulaire de consentement des parents et tuteurs.

Perfectionnement professionnel

  1. Le TDSB devrait établir une formation à l’intention du personnel enseignant, des directions et des surintendances sur la politique et la procédure modifiées et la nouvelle liste de contrôle. La formation doit renforcer les responsabilités du personnel enseignant, des directions d’école et des surintendances, indiquer comment gérer les incidents et offrir des conseils sur la planification d’une sortie, par exemple :
    • Comment la sortie favorisera-t-elle l’apprentissage des élèves sur un thème ou un sujet du curriculum?
    • La sortie encouragera-t-elle les élèves à faire preuve d’un esprit critique en considérant plusieurs points de vue?
    • La sortie offre-t-elle aux élèves l’occasion de prendre conscience de l’importance du dialogue et de mieux comprendre les expériences vécues par les autres?
  2. Le ministère de l’Éducation devrait produire une série de trois formations obligatoires pour les conseillères et conseillers scolaires et les responsables des conseils sur la façon d’aborder et de mener les conversations sur l’antisémitisme dans les écoles. Cette série doit être élaborée en collaboration avec les groupes communautaires concernés.
  3. Le ministère de l’Éducation devrait produire une série de trois formations obligatoires pour les conseillères et conseillers scolaires et les responsables des conseils sur la façon d’aborder et de mener les conversations sur l’effacement des Palestiniennes et Palestiniens dans les écoles. Cette série doit être élaborée en collaboration avec les groupes communautaires concernés.
  4. La direction de l’éducation et les responsables du conseil devraient rencontrer les enseignantes, les enseignants et les directions d’école qui ont eu un rôle à jouer dans cette activité pour que ceux-ci prennent connaissance du présent rapport et connaissent les attentes concernant les prochaines sorties scolaires.

Annexe A : Rencontres et entretiens de groupes

Voici la ventilation du nombre de personnes, par groupe, qui ont participé aux 146 rencontres et entretiens qui ont eu lieu dans le cadre de l’examen. Dans certains cas, il y avait plus d’une personne (par exemple, les rencontres de groupes d’élèves). Voir les notes de bas de page pour plus de détails.
Groupes et organisations communautairesMembres de la communauté concernés footnote 18Partenaires autochtonesfootnote 19Parentsfootnote 20Élèvesfootnote 21Responsables du TDSBfootnote 22Conseillères et conseillers scolaires du TDSBfootnote 23Directions et directions associéesfootnote 24Personnel enseignantfootnote 25Représentants des groupes de salariésfootnote 26
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