Préparé par T. J. Morris et M. Burridge

L’élaboration de la stratégie de rétablissement provisoire pour la dysnomie ventre jaune (Epioblasma torulosa rangiana), l’épioblasme tricorne (Epioblasma triquetra), la pleurobème écarlate (Pleurobema sintoxia), la mulette du Necturus (Simpsonaias ambigua) et la villeuse haricot (Villosa fabalis) en Ontario a été menée par Pêches et Océans Canada afin de respecter les exigences de la Loi sur les espèces en péril. Cette stratégie de rétablissement est en voie d’être adoptée aux termes de la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition (LEVD 2007), qui impose au ministère des Richesses naturelles l’obligation de faire en sorte que des stratégies de rétablissement soient préparées pour toutes les espèces en voie de disparition ou menacées. Compte tenu des ajouts sommairement décrits ci-après, la stratégie de rétablissement la dysnomie ventre jaune (Epioblasma torulosa rangiana), de l’épioblasme tricorne (Epioblasma triquetra), de la pleurobème écarlate (Pleurobema sintoxia), de la mulette du Necturus (Simpsonaias ambigua) et de la villeuse haricot (Villosa fabalis) au Canada est conforme à toutes les exigences en matière de contenu dont il est question dans la LEVD 2007.

La délimitation des habitats critiques ne constitue pas l’un des volets des stratégies de rétablissement élaborées aux termes de la LEVD 2007. Il est cependant recommandé de tenir compte des habitats critiques délimités dans le cadre de la présente stratégie lors de la rédaction d’un règlement relatif aux habitats en vertu de la LEVD 2007.

Résumé

Les moules d’eau douce, qui ont subi des déclins un peu partout dans le monde, figurent parmi les taxons le plus en péril à l’échelle de la planète (Bogan, 1993; Lydeard et coll., 2004). La riche faune d’unionidés de l’Amérique du Nord a été particulièrement affectée. En effet, plus de 70 % des quelque 300 espèces montrent des signes de déclin, et bon nombre d’entre elles sont maintenant considérées comme rares, en voie de disparition, menacées ou en péril (Allan et Flecker 1993; Williams et coll., 1993). Le Canada compte cinquante-cinq espèces d’unionidés, dont 41 sont présentes en Ontario. D’ailleurs, dix-huit d’entre elles ne se trouvent que dans cette province. Les rivières du sud-ouest de l’Ontario, principalement celles qui se déversent dans le lac Sainte-Claire et le lac Érié, abritent les communautés d’unionidés les plus diversifiées au pays. La rivière Sydenham, autrefois considérée comme étant la rivière la plus riche en unionidés de tout le Canada (Clarke, 1992), compte 34 espèces en tout (Metcalfe-Smith et coll., 2003). Toutefois, selon des relevés récents, les rivières Grand (Metcalfe-Smith et coll., 2000) et Thames présentaient une diversité égale en nombre, soit 34  espèces de moules répertoriées antérieurement.

Malgré la diversité taxinomique historique de ces rivières, de récents événements ont mené à des déclins importants dans les communautés d’unionidés du sud-ouest de l’Ontario. Au cours des deux à trois dernières décennies, l’activité agricole intensive, l’expansion de l’urbanisation et l’introduction de la moule zébrée ont toutes été liées aux déclins à grande échelle des populations de moules d’eau douce (Nalepa, 1994; Metcalfe-Smith et coll., 2000; Metcalfe-Smith et coll., 2003). Pendant cette période, quatre espèces ont disparu de la rivière Sydenham, dix espèces ont disparu de la rivière Thames et neuf espèces ont disparu de la communauté de la rivière Grand. Ces déclins, ajoutés au quasi-effondrement des populations des Grands Lacs (Nalepa et coll., 1996), ont entraîné l’inscription de dix espèces de moules de l’Ontario sur la Liste des espèces en voie de disparition par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC).

Des menaces nombreuses et variées pèsent sur la dysnomie ventre jaune, l’épioblasme tricorne, le pleurobème écarlate, la mulette du Necturus et la villeuse haricot. La présence de la moule zébrée (Dreissena polymorpha), une espèce exotique, explique principalement les déclins observés chez les populations lacustres, notamment chez les populations du lac Sainte-Claire et du lac Érié. Cette espèce se fixe à la coquille des moules indigènes et entrave leur alimentation, leur respiration, leur excrétion et leurs déplacements. Les menaces pesant sur les populations de dysnomies ventrues jaunes, d’épioblasmes tricornes, de pleurobèmes écarlates, de mulettes du Necturus et de villeuses haricot occupant des rivières diffèrent de celles auxquelles sont confrontées les populations lacustres, lesquelles sont principalement la diminution de la qualité de l’eau et la disparition de leur habitat. Les bassins hydrographiques du sud-ouest de l’Ontario, où l’on trouve encore la dysnomie ventre jaune, l’épioblasme tricorne, le pleurobème écarlate, la mulette du Necturus et la villeuse haricot, sont situés dans des régions à prédominance agricole et reçoivent de ce fait des apports élevés en éléments nutritifs et en sédiments des terres adjacentes. Étant donné la nature parasitaire obligatoire du cycle reproducteur de ces cinq espèces, il faut considérer les menaces posées aux espèces hôtes aussi bien que celles posées directement aux moules.

La présente stratégie de rétablissement a été préparée par l’Équipe de rétablissement dont les membres sont issus des ministères, universités ou organismes suivants : Pêches et Océans Canada, Environnement Canada, ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, Université de Guelph, Université de Toronto, Office de protection de la nature d’Ausable-Bayfield, Office de protection de la nature de rivière Grand, Office de protection de la nature de la vallée de la Maitland, Office de protection de la nature de la région de St. Clair, Office de protection de la nature de la rivière Thames supérieure et Office de protection de la nature du centre patrimonial de l’île Walpole Island.

Les buts à long terme de la stratégie sont les suivants :

  1. Empêcher la disparition de la dysnomie ventre jaune, de l’épioblasme tricorne, du pleurobème écarlate, de la mulette du Necturus et de la villeuse haricot au Canada;
  2. Assurer le retour de populations de dysnomies ventrues jaunes saines et viables dans les rivières Ausable, Grand, Sydenham et Thames de même que dans le delta de la rivière Sainte-Claire;
  3. Assurer le retour de populations d’épioblasmes tricornes saines et viables dans les rivières Ausable, Grand, Sydenham et Thames de même que dans le delta de la rivière Sainte-Claire;
  4. Assurer le retour de populations de pleurobèmes écarlates saines et viables dans les rivières Ausable, Grand, Sydenham et Thames de même que dans le delta de la rivière Sainte-Claire;
  5. Assurer le retour et le maintien de populations de mulettes du Necturus saines et viables dans les rivières Ausable, Grand, Sydenham et Thames de même que dans le delta de la rivière Sainte-Claire;
  6. Assurer le retour et le maintien de populations de villeuses haricot saines et viables dans les rivières Ausable, Grand, Sydenham et Thames de même que dans le delta de la rivière Sainte-Claire.

Afin de contribuer à l’atteinte des buts à long terme, on a fixé des objectifs à court terme précis :

  1. Établir l’étendue, l’abondance et l’effectif des populations actuelles.
  2. Établir/confirmer quels sont les poissons-hôtes, leur répartition et leur abondance.
  3. Définir les principales exigences en matière d’habitat afin d’identifier les habitats essentiels.
  4. Établir un programme de surveillance à long terme pour la dysnomie venture jaune, l’épioblasme tricorne, le pleurobème écarlate, la mulette du Necturus et la villeuse haricot, leurs habitats ainsi que ceux de leurs hôtes.
  5. Relever les menaces, évaluer leurs impacts et mettre en oeuvre des mesures correctives pour les réduire.
  6. Examiner la faisabilité des réimplantations, des réintroductions ainsi que de la reproduction artificielle.
  7. Accroître la sensibilisation quant à l’importance de la dysnomie ventre jaune, de l’épioblasme tricorne, du pleurobème écarlate, de la mulette du Necturus et de la villeuse haricot et à leur statut d’espèces canadiennes en péril.

L’Équipe de rétablissement a relevé diverses approches auxquelles on doit recourir si l’on veut atteindre les objectifs fixés. Ces approches ont été classées en quatre catégories : recherche et surveillance, gestion, intendance et sensibilisation.

La présente stratégie de rétablissement constitue l’un des volets de l’approche retenue pour assurer la conservation de ces moules en voie de disparition. Dans l’élaboration des stratégies de rétablissement de l’écosystème aquatique pour la rivière Sydenham, la rivière Ausable et la rivière Thames, on a directement tenu compte des besoins de la dysnomie ventre jaune, de l’épioblasme tricorne, du pleurobème écarlate, de la mulette du Necturus et de la villeuse haricot. Les buts, les objectifs et les approches décrits dans ces stratégies axées sur les écosystèmes favoriseront donc ces cinq espèces de moules. Même si l’on n'a pas tenu compte directement des besoins des moules dans la stratégie de rétablissement des poissons de rivière Grand ou dans celle de l’écosystème de l’île Walpole, l’Équipe de rétablissement estime que les mesures proposées par les équipes vouées à l’écosystème seront vraisemblablement avantageuses pour ces cinq espèces de moules en péril grâce à l’amélioration générale de l’habitat aquatique. Outre ces efforts de planification du rétablissement, un certain nombre de programmes de recherche continue contribueront à l’atteinte des buts décrits dans la présente stratégie. À l’Université de Guelph, une équipe a mis sur pied une installation de recherche pour étudier les espèces hôtes potentielles de la dysnomie ventre jaune, de l’épioblasme tricorne, de la villeuse haricot et d’autres espèces de moules en péril tandis qu'au laboratoire de l’Université de Toronto/Musée royal de l’Ontario, on a récemment commencé à examiner la génétique de la conservation des espèces de moules en péril. Des chercheurs du ministère des Pêches et des Océans et de l’Institut national de recherche sur les eaux d’Environnement Canada mènent continuellement des relevés sur des espèces de moules en péril dans le sud-ouest de l’Ontario et évaluent la faisabilité d’établir des refuges contrôlés dans la région du delta de la rivière Sainte-Claire.

En vertu de la Loi sur les espèces en péril, l’identification de l’habitat essentiel est une étape cruciale du rétablissement de l’espèce en voie de disparition qui exige une connaissance complète des besoins de l’espèce durant tous les stades de son développement de même qu'une compréhension de la répartition de l’habitat, de la quantité d’habitats disponible dans toute l’aire de répartition de l’espèce et de la qualité de cet habitat. À l’heure actuelle, on ne dispose pas de cette information pour les cinq espèces concernées; par conséquent, l’Équipe de rétablissement a établi une série de tâches qui contribueront à la cueillette des données requises afin de pouvoir identifier l’habitat essentiel de ces espèces.