Préparé par Jarmo V. Jalava et John D. Ambrose

Parce qu'il n'existe plus que deux populations et qu'elles sont limitées par une faible tolérance sur le plan de la variabilité de l’habitat et la dégradation continue de cet habitat, le plantain à feuilles cordées (Plantago cordata), une herbe vivace, a été désigné comme espèce en voie de disparition en Ontario en 1985. Autrefois, l’aire de répartition de cette espèce couvrait toute l’Amérique du Nord, depuis l’Ohio, l’Ontario, le Michigan et le Minnesota jusqu'au sud de la partie sud des États-Unis, mais aujourd'hui, l’espèce ne pousse qu'en quelques endroits isolés. Au Canada, sa distribution s'est rétrécie, passant de sept populations historiques à deux populations poussant près de la région sud du lac Huron.

Les populations actuelles du plantain à feuilles cordées occupent des lits calcaires rocheux ou gravelés de cours d’eau claire, peu profonds et à débit lent, ou des dépressions humides. On trouve ces cours d’eau ou dépressions à l’ombre de basses forêts humides caducifoliées relativement vierges où des ruisseaux éphémères coulent au printemps ou après de fortes pluies. Le sol est généralement humide en surface ou juste en dessous de la surface. L’espèce est limitée par ses exigences spécialisées en matière d’habitat, la nature dynamique de cet habitat et sa faible occurrence ; son faible taux de reproduction, le taux élevé de mortalité des semis, son pouvoir de dispersion limité et sa faible variation génétique sont aussi des facteurs limitants. Les populations de l’Ontario sont potentiellement menacées par l’enlèvement de la végétation riveraine, les changements hydrologiques, la dégradation de la qualité de l’eau, la récolte des arbres, l’enlèvement des munitions des anciennes zones de formation militaire, la collecte à des fins médicinales ou alimentaires, les plantes invasives et la consommation de la part d’invertébrés herbivores.

L’objectif en matière de rétablissement est de rétablir une population autonome et viable du plantain à feuilles cordées en Ontario. Cet objectif comprendra des analyses de viabilité afin de déterminer si les populations actuelles ont besoin d’être renforcées et le cas échéant, dans quelle mesure elles doivent l’être; on devra aussi déterminer le nombre et l’étendue de populations supplémentaires qu'il faudra établir dans l’aire de répartition historique du sud de l’Ontario. Afin de réaliser cet objectif, les mesures de protection et de rétablissement suivantes sont recommandées :

  1. Protéger et gérer l’habitat dans les emplacements actuels où se trouve l’espèce en Ontario;
  2. Déterminer, par l’entremise d’un recensement et d’une surveillance suivie, la superficie et le nombre des emplacements existants (zone d’occurrence et d’étendue), leur qualité, l’état des populations et leurs tendances.
  3. Aborder les lacunes clés sur le plan des connaissances en ce qui a trait à la taille minimale d’une population viable et les exigences en matière d’habitat et déterminer qu'elles sont les menaces les plus importantes.
  4. Lorsque cela est possible, améliorer la viabilité du plantain à feuilles cordées en Ontario en établissant des populations en des emplacements historiques et autres où il existe un habitat adéquat ou pouvant être restauré.
  5. Promouvoir la sensibilisation quant au plantain à feuilles cordées et son intendance auprès des Premières nations, des gestionnaires des terres, des propriétaires de terres privées, des municipalités et des autres intervenants clés.

On recommande que la zone occupée par les plantes fasse partie du règlement sur l’habitat. En outre, on verra à inclure une zone d’habitat entourant l’aire occupée suffisamment grande pour protéger la qualité de l’eau et les processus hydrologiques essentiels, permettre une dispersion potentielle et une expansion de la population, et maintenir des régimes d’humidité et de lumière nécessaires. Plus précisément, la zone prévue au règlement devrait être une zone mixte délimitée par les trois critères suivants : i) une zone tampon de 120 m à partir de la limite externe de l’endroit où pousse la population; ii ) une zone tampon minimale de 30 m le long du cours d’eau et de ses tributaires en amont d’une population; iii ) les limites de l’écosite visé par le Programme de classification des terres écologiques à l’intérieur duquel vit une population.

Bien que les emplacements historiques où poussait le plantain à feuilles cordées aient probablement disparu surtout en raison de la perte de l’habitat, il semble néanmoins y avoir des habitats inoccupés adéquats à l’intérieur de son aire de répartition en Ontario. On recommande donc que le règlement sur l’habitat soit suffisamment souple pour inclure des emplacements propres à son introduction ou à sa réintroduction. Il faut souligner que l’espèce pourrait s'essaimer en aval grâce à la dispersion des semences ou des propagules à la suite de l’inondation des emplacements riverains qu'elle occupe. Le règlement sur l’habitat devrait par conséquent permettre l’inclusion de nouveaux emplacements colonisés. On recommande en outre que les populations cultivées à des fins domestiques ou médicinales soient exclues du règlement sur l’habitat.