Risques liés aux conditions climatiques : stratégies pour atténuer les risques de dommages dus au gel
Information à l’intention des producteurs de pommes et de fruits tendres pour évaluer et atténuer les dommages causés par le gel.
Introduction
Les producteurs de pommes et de fruits tendres ontariens font face à de nombreux risques climatiques qui peuvent être une source de dommages pour leurs arbres et leurs cultures. Il est important que les producteurs soient en mesure de reconnaitre les risques climatiques propres à leur situation géographique, et qu'ils mettent en place des stratégies pour réduire ou éliminer les effets de ces derniers sur leur exploitation. Le gel constitue l'un des principaux risques liés aux conditions climatiques pour les producteurs d'arbres fruitiers.
De quoi s'agit-il?
Les dommages causés par le gel se manifestent sur les parties reproductives des fleurs, lorsque les températures chutent à 0 °C ou moins. Lorsque les organes femelles (le style ou les ovaires) gèlent (c.-à-d. qu'ils semblent gorgés d'eau et foncés), la pollinisation et la formation des graines ne peuvent pas se produire. Si les organes mâles (étamines et pollen) ont subi un gel, la pollinisation et la formation des graines peuvent avoir lieu à la condition toute fois que le pollen des autres fleurs survive à l'épisode de gel. Les dommages dus au gel peuvent aussi se produire sur la peau des fruits lorsque les tissus extérieurs de la fleur sont atteints par le gel. Cela donne souvent une roussissure, et dans les cas graves, les dommages peuvent complètement déformer le fruit. Les feuilles des dards qui apparaissent tôt peuvent aussi être en dommagées par le gel, ce qui a un effet sur la nutrition de la culture en début de saison, sur la réaction des arbres aux régulateurs de croissance, comme les agents d'éclaircissage chimiques, ainsi que sur la nutrition foliaire et les pulvérisations de pesticides.
Quand cela se produit-il
Les dommages dus au gel se produisent surtout selon deux scénarios :
- lorsque le développement du bouton à fruit se produit avant la normale en raison d'un hiver doux ou d'un début de printemps plus chaud, ou
- lorsque des températures sous le point de congélation se produisent à la fin du printemps après que les inflorescences ont apparu normalement. Certaines cultures sont plus vulnérables au gel avant que les fleurs soient pleinement ouvertes (comme les cerises).
Les dommages dus au gel ne doivent pas être confondus avec les dommages hivernaux, lesquels se produisent en présence de froid extrême ou lorsque les températures hivernales fluctuent durant la saison de dormance.
Où cela se produit-il?
Les dommages par le gel surviennent dans les vergers, autour de la floraison. Mais ils ont tendance à être plus graves en terrain plat, ou dans les zones plus basses des vergers. Les bâtiments, les brise-vent, les boisés et l'équipement agricole (comme les silos) peuvent aussi bloquer la circulation d'air et former des poches de gelée. Les dommages dus au gel sont habituellement pires dans les vergers qui sont éloignés des plans d'eau (p. ex. les Grands Lacs).
Que peut-on faire?
Plusieurs stratégies permettent d'éviter les dommages par le gel, ou à tout le moins de les atténuer. Aucune de celles-ci n'a démontré une efficacité à toute épreuve. Certaines n'ont même pas permis, dans certaines situations, de protéger les cultures contre le gel. On doit donc évaluer chacune pour vérifier si elle est adaptée au site et au type d'exploitation. Dans certains cas, il serait avisé de recourir à plusieurs stratégies pour protéger davantage la culture contre ces risques.
Stratégies possibles d'atténuation des risques
- L'assurance-production. On peut adhérer à l'assurance-production longtemps avant la floraison. L'exploitant est ainsi assuré qu'au moins une partie du coût de ses intrants sera couvert. La prime d'assurance dépend du niveau de protection choisi, des antécédents de réclamation de l'exploitation, et du potentiel de rendement des vergers. Avec le temps,les primes peuvent être réduites si l'exploitant n'a pas présenté de réclamations. Certains producteurs ont de la difficulté à verser la prime (surtout les premières années d'établissement et lorsqu'ils ont des réclamations), et aussi parce que l'assurance-production n'est pas conçue pour couvrir entièrement les pertes, de rendement ou de prix. D'autre part, les niveaux de protection diminuent au cours des années suivant une réduction de rendement, en raison des répercussions de la perte sur les rendements moyens à long terme. De plus, les pertes locales attribuables au gel ne sont pas couvertes. Les producteurs qui possèdent de nombreux vergers risquent donc d'être pénalisés lorsqu'ils obtiennent de bons rendements dans les sites non touchés par le gel.
- Choix de sites moins vulnérables au gel. Le fait d'éviter les terrains plats, l'analyse de l'effet des bâtiments et des brise-vent, et la recherche de sites bien ventilés ou situés à proximité de vastes plans d'eau, tout cela peut aider à éviter le gel. Ces possibilités ne sont pas accessibles à tous les producteurs, mais elles devraient tout de même être prises en compte au moment de choisir un site pour un verger.
- Éclaircissage des haies ou des espaces boisés. Ces interventions peuvent réduire la zone vulnérable à la formation de poches de gelée, ou favoriser une meilleure circulation d'air. Toutefois, les avantages liés à la protection contre le vent peuvent s'atténuer en cours de saison, ce qui complique les pulvérisations, accentue l'érosion du sol et l'abrasion par le sable. Habituellement, ces interventions doivent être faites au préalable. Avant d'éclaircir les espaces boisés ou de couper des arbres dans des zones naturalisées, les propriétaires fonciers devraient contacter leur bureau municipal afin de déterminer s'ils ont besoin d'un permis pour couper des arbres, et pour connaître les exigences qu'imposent leurs règlements en matière d'abattage d'arbres. Se rappeler que les cageots empilés peuvent aussi avoir un effet sur le mouvement de l'air.
- Choix de cultivars qui fleurissent plus tard. Ordinairement, les cultivars à floraison hâtive sont plus vulnérables aux dommages par le gel, simplement parce que la plupart des épisodes de gel se produisent plus tôt en saison. En 2012, nous avons observé que les variétés Honeycrisp, Golden Delicious et Ambrosia avaient fleuri plus tard, et ont donné des récoltes, même sur de sites qui avaient été victimes du gel. Il n'est pas toujours possible de choisir ce genre de cultivars, en raison des conditions climatiques du site de la demande du marché ou de la longueur de la saison de croissance, mais cela vaut la peine d'y réfléchir.
- Ventilateurs. Les ventilateurs tours élèvent la température des inflorescences en tirant l'air chaud vers le bas par inversion et en le mélangeant avec de l'air froid au niveau du sol. Habituellement, l'écart de température au niveau du sol peut s'accroître d'environ 50 % lorsque de l'air chaud est piégé au-dessus du verger. Les ventilateurs tours sont mis en place avant le gel prévu, et ne protègent chacun qu'une dizaine d'acres. Ils sont coûteux à installer et exigent une source de carburant (propane, diésel, gaz naturel, essence) qui doit être réapprovisionné souvent (probablement chaque jour) lorsqu'on les utilise. Ils préviennent le gel uniquement en présence d'une inversion et si l'écart de température est suffisant pour pouvoir élever les températures au-dessus du point de congélation. Ils ne peuvent pas être utilisés en présence de vent (même d'une brise). Les voisins n'apprécient pas non plus le bruit causé par leur oscillation, surtout les matins clairs et froids et les moteurs peuvent être difficiles à démarrer par temps froid. Il existe des versions plus petites, montées sur des tracteurs à prise de force, qui couvrent des superficies beaucoup plus petites, mais ces ventilateurs doivent fonctionner constamment lorsque les températures demeurent sous le point de congélation.
- Dispositifs pour le drainage de l'air froid. Ces appareils permettent d'éviter le gel en soufflant l'air froid vers le haut, pour maintenir la circulation d'air autour des inflorescences et prévenir la formation de cristaux de glace. Leur utilisation nécessite une barrière pour diriger l'air froid vers eux (ce qui en soi peut favoriser la formation de poches de gelée). De manière générale, ils peuvent fournir au plus quelques degrés de protection pour une superficie d'environ 10 acres. Les modèles actuels fonctionnent avec un tracteur à prise de force ou sont actionnés par un moteur, et leur déplacement exige un certain effort. Ils sont moins coûteux que les ventilateurs tours, et sont plus efficaces aussi s'il y a inversion.
- Vaporisation d'eau. La vaporisation d'eau, à raison d'un très faible débit, entraîner a la formation de glace autour des inflorescences, et protégera ces dernières grâce à la faible quantité de chaleur libérée par les gouttelettes en gelant. L'efficacité de cette technique a été démontrée dans les fraisiers depuis bon nombre d'années. L'installation d'un système d'aspersion sur frondaison ainsi que d'asperseurs à faible débit contre le gel, demeure coûteuse. Il faut une très bonne source d'eau, parce qu'une fois démarrée, l'irrigation doit se poursuivre jusqu'au retour du soleil qui fera fondre la glace. S'il manque d'eau, tout va geler. De plus, le poids de la glace sur les arbres peut briser des branches. La structure dans les vergers dotés de treillis peut être utile pour installer ce genre de système, surtout si cela peut être utilisé pour l'irrigation ou à d'autres fins.
- Brûlage de balles de foin ou chaufferettes. Cette technique permet de dégager de la fumée dans le verger, ce qui peut prévenir la formation de gel au niveau du sol. Elle peut être moins coûteuse que les ventilateurs, mais elle exige une source de foin ou de combustible et peut être mise en place le jour même où le gel est prévu. Cette méthode offre au plus quelques degrés de protection. On doit respecter les règlements locaux concernant les feux, et la fumée risque d'irriter les voisins, les travailleurs et être une source de problèmes pour l'environnement et la circulation automobile. Il faut aussi veiller sur le feu pour qu'il se maintienne et pour le contenir.
- Chaufferettes de vergers. Ces chaufferettes peuvent être réparties dans le verger. Elles ne produisent habituellement qu'une petite quantité de chaleur et ne protègent qu'une petite superficie. Dans certains cas, une chaufferette peut en fait tirer l'air froid vers le bas en raison des perturbations causées aux courants d'air.
- Produits pour protéger du gel. Des chercheurs ont fait l'essai de nombreux produits au cours des ans, qui sont censés protéger les cultures du gel, notamment des pulvérisations foliaires de zinc, le fongicide Pristine et le régulateur de croissance Promalin. Si des bactéries glaçogènes sont présentes dans les inflorescences (la glace formant ainsi à des températures plus élevées), et si certains produits remplacent cette bactérie, on peut obtenir une certaine protection contre le gel. Mais ce n'est pas toujours le cas. Promalin peut favoriser la formation de fruits parthénocarpiques (sans pépins), mais on risque de ne pas obtenir une pleine récolte, et sans pépins, les fruits auront une durée de conservation limitée. Les avantages économiques de ces produits doivent être évalués attentivement.
Résumé
Les dommages dus au gel ne sont pas rares. Chaque année, on observe des pertes de rendement dans des vergers ontariens en raison du gel. Certaines années, seules les fleurs des branches inférieures sont touchées, alors que d'autres, comme en 2012, une grande partie de la récolte est perdue. Diverses solutions existent pour atténuer les dommages causés par le gel dans les vergers. L'efficacité de chacune des stratégies d'atténuation des risques dépend des conditions climatiques, des caractéristiques des lieux et des facteurs économiques en cause. Souvent, le recours à de multiples stratégies (comme le choix de l'emplacement du verger conjugué à l'utilisation de ventilateurs tours) fournit la meilleure protection. Choisir les stratégies qui sont le mieux adaptées au contexte de l'exploitation.