Il serait raisonnable de penser que de fermer la serre quelques semaines pendant les mois les plus froids suffise pour « geler » et éradiquer les populations de ravageurs. Cependant, deux éléments contredisent cette hypothèse. Le premier, des insectes et des acariens se sont très bien adaptés aux températures froides de l'hiver. Par exemple, des ravageurs comme les tétranyques, les punaises et les pyrales du maïs entrent en diapause l'automne. Dans cet état physiologique, ils ralentissent considérablement leur métabolisme et subissent divers changements internes qui leur permettent de survivre à l'hiver. Le second concerne les températures qui, même à l'intérieur d'une serre non chauffée, sont généralement plus chaudes de quelques degrés qu'à l'extérieur et qui, par conséquent, n'atteignent jamais sinon rarement le point de congélation. C'est pourquoi même les insectes qui ne sont pas spécifiquement adaptés au froid et que l'on trouve surtout sous des climats plus chauds peuvent survivre dans la serre pendant les mois d'hiver. Quelques exemples de ravageurs qui n'entrent pas en diapause, mais peuvent aussi survivre à une période de froid dans nos serres, sont aussi mentionnés.

Aleurode des serres

Même si l'aleurode des serres ne passe par aucun stade spécialement adapté à l'hibernation, ses œufs tolèrent très bien les températures froides. Par exemple, les œufs peuvent résister jusqu'à 15 jours à -3 °C, et aussi longtemps que 5 jours à -6 °C. Tant qu'il y a de la matière végétale verte tolérante au froid dans la serre, les œufs de l'aleurode des serres ont de bonnes chances de survie dans un milieu relativement froid.

Thrips

La plupart du temps les adultes femelles résistent aux conditions hivernales. Les mois d'automne, les thrips s'éloignent d'ordinaire de la lumière et se réfugient dans les fissures et les fentes. De nombreuses espèces peuvent hiverner juste au-dessous du sol ou sur des débris végétaux. Tous les résidus de culture laissés dans la serre ou aux alentours constituent aussi de bons endroits pour s'abriter l'hiver et peuvent concourir à des infestations plus graves le printemps suivant. On peut réduire considérablement la survie de ces ravageurs dans les débris s'ils sont enterrés assez profondément pour éviter que les adultes ne rejoignent la surface. Les thrips sont très vulnérables à un milieu très sec ou très humide. Ces conditions éliminent probablement plus de ravageurs que les températures froides.

Noctuelles

La fausse arpenteuse du chou, papillon de nuit très répandu, ne résiste pas à une exposition prolongée au froid et elle envahit à nouveau tout le Canada à la fin du printemps ou au début de l'été, après avoir passé l'hiver plus au sud. Toutefois, la limite de température inférieure pour sa croissance se situe entre 10 à 12 °C. Si la période de nettoyage est plutôt courte avec des journées ensoleillées qui font monter le mercure, les pupes du ravageur peuvent survivre dans des endroits cachés et émerger à nouveau peu après les semis de la nouvelle culture.

Mineuse de la tomate

La mineuse de la tomate est un autre papillon de nuit qui croît très bien sous des climats plus chauds mais aussi plus froids. Par temps plus froid, l'insecte ralentit simplement son taux métabolique et met plus de temps à accomplir son cycle évolutif. Par exemple, alors qu'il lui faut 26 jours pour accomplir son cycle à 24–26 °C, il a besoin d'environ 100 jours pour y arriver à 10–13 °C. Ainsi, même si on rapporte que la mineuse de la tomate ne peut résister à l'hiver à l'extérieur au Canada, sa stratégie d'abaisser son métabolisme lui permet de survivre si elle est dans des endroits protégés. Ce mécanisme de survie s'applique plus largement aux insectes qui vivent normalement dans des zones plus chaudes mais qui se retrouvent d'une façon ou d'une autre sous nos climats plus froids.

En général, la plupart des ravageurs qui s'attaquent aux cultures de serre sont capables de survivre dans la serre entre les cultures pendant la saison froide, surtout si on y a laissé des débris infestés. Comme les températures n'atteignent pas toujours le point de congélation à cause de l'effet protecteur de la structure, même les ravageurs qui ne connaissent pas de stade spécifique de survie à l'hiver peuvent résister. Il faut donc capitaliser sur le taux d'activité plus élevé et le taux métabolique des insectes à des températures plus clémentes et utiliser ces éléments à notre avantage. Malgré les coûts énergétiques, le fait de maintenir de la chaleur dans la serre pendant et après le nettoyage contribue à hâter l'accomplissement des cycles évolutifs des ravageurs, ce qui les rend plus vulnérables aux mesures de lutte mises en œuvre. Nous avons beaucoup plus à gagner en réduisant les populations de ravageurs en combinant l'effet de la chaleur à des conditions de sécheresse, plutôt que de compter sur le froid pour les éliminer.

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Des aleurodes infestent en grand nombre une feuille d'aubergine.
Des aleurodes infestent en grand nombre une feuille d'aubergine.
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Fausse arpenteuse du chou.
Fausse arpenteuse du chou.