1.1. Préface

Une inondation est un phénomène naturel. Dans un contexte scientifique, un phénomène naturel est quelque chose qui se produit ou qui existe sans intervention humaine. Mais évidemment, l’intervention humaine existe bel et bien sous forme d’activités : déforestation, drainage rapide des terres rurales, urbanisation, et présence et exploitation de structures. Le problème avec une année comme 2019, c’est que l’ampleur des phénomènes naturels (neige, pluie, fonte des neiges, vent) à l’origine des inondations dépassait tellement les moyennes enregistrées jusqu’ici que les interventions humaines ont eu très peu d’effets, positifs ou négatifs. L’intervention humaine idéale, c’était de sauver les personnes et les biens.

Comme ce sont des phénomènes naturels, les grosses tempêtes qui contribuent aux fortes inondations ne cesseront pas, mais à cause des changements climatiques, elles risquent de gagner en fréquence et en ampleur. La gestion des inondations avant, pendant et après qu’elles surviennent ne peut relever d’une seule administration. Au contraire, chaque instance (gouvernement fédéral, province, municipalités, comtés), chaque organisme gouvernemental (offices de protection de la nature) et chaque personne a un rôle à jouer.

Ce n’est pas d’hier que l’Ontario s’emploie à protéger les gens et les biens des conséquences des inondations par des politiques d’aménagement du territoire et des activités d’atténuation.

Élaboration d’une politique moderne concernant les plaines inondables, stratégie de bassin hydrographique, modèle d’office de protection de la nature et normes concernant les inondations : autant de mesures qui se sont avérées extrêmement efficaces pour réduire les risques d’inondation, surtout au moment d’aménager les zones vertes. Ensemble, des lois et politiques provinciales rigoureuses – Loi sur l’aménagement du territoire, Déclaration de principes provinciale, Loi sur les offices de protection de la nature, Loi sur l’aménagement des lacs et des rivières – et des guides techniques sur les dangers naturels ont joué un grand rôle dans la réduction et l’atténuation des risques d’inondation en Ontario. Les investissements réalisés dans les infrastructures d’atténuation des inondations, comme les barrages, les digues, les canaux évacuateurs et les dispositifs de protection des rives, ont abouti à des solutions structurales pour réduire les risques d’inondation menaçant les aménagements actuels et futurs dans les plaines inondables. Cette stratégie globale a été positive pour la province.

Même si ces politiques et activités d’atténuation font de l’Ontario un exemple à suivre à l’échelle canadienne, il est évident que les Ontariens continuent d’être durement touchés par les inondations et que les coûts associés ne cessent de grimper.

Au printemps de 2019, des pluies diluviennes associées à la fonte des neiges et à une hausse soudaine de la température ont causé des inondations dévastatrices dans de nombreux secteurs du Nord et du Sud de l’Ontario. Des déclarations d’urgence ont été prononcées dans 23 municipalités et une communauté de Première Nation, dont les maisons, les commerces, les routes et d’autres infrastructures telles que les ponts ont été frappés par de fortes inondations. Les premiers états d’urgence ont été déclarés au début d’avril, et beaucoup ont duré jusqu’en juillet. Propriétaires, personnel d’intervention d’urgence municipal et provincial, membres des Forces canadiennes et nombre incalculable de bénévoles : tous ont lutté pendant des semaines contre la crue, une scène qui n’était pas sans rappeler celle vécue seulement deux ans auparavant.

Devant ces inondations, le gouvernement provincial a annoncé qu’il mènerait des consultations sur les politiques d’atténuation des inondations et d’aménagement du territoire en vigueur en Ontario. Il a d’abord organisé trois séances d’écoute régionales menées par des autorités provinciales auprès de responsables municipaux, autochtones et sectoriels à Muskoka, Pembroke et Ottawa au mois de mai. Ces séances lui ont permis d’entendre le témoignage direct des acteurs des zones les plus dévastées par les inondations printanières. Consciente que ces séances n’ont pas couvert tous les secteurs touchés par les inondations ni permis à la population de donner son avis, la province a invité les gens à répondre à un sondage en ligne entre le 16 mai et le 28 juin 2019 pour obtenir leurs commentaires et suggestions sur les inondations afin d’améliorer la résilience de l’Ontario à cet égard.

Après cette première prise de contact au printemps, le ministre des Richesses naturelles, l’honorable John Yakabuski, m’a confié le mandat, le 18 juillet 2019, d’évaluer le cadre actuel de lutte contre les inondations de la province. En plus des politiques et des activités jouant un rôle dans les inondations printanières, on m’a aussi demandé de me pencher sur les Grands Lacs et les inondations urbaines.

Partout dans les Grands Lacs, le niveau de l’eau est élevé depuis le début de 2017. Les affaires, la gestion des ressources, les activités récréatives et les services d’expédition sont autant de secteurs qui ont été touchés par ce niveau d’eau inédit, et de nombreux résidents ont été contraints de quitter leur domicile devant les problèmes d’érosion du rivage et d’accès routier qui mettaient en péril la sécurité publique. Les centres agricoles situés sur les rives du lac Érié ont été menacés, et les déclarations d’urgence continuent d’affliger les localités riveraines, parfois construites sous le niveau actuel du lac.

Les inondations urbaines sont une menace pour la sécurité publique qui survient de plus en plus fréquemment. Ce type d’inondation se produit quand la quantité d’eaux de ruissellement issues d’une tempête dépasse la capacité des infrastructures, ce qui accroît l’érosion et les crues des cours d’eau urbains et peut entraîner des refoulements dans les sous-sols et le débordement d’eaux d’égout brutes dans les lacs et les cours d’eau naturels. En 2018, deux personnes se sont retrouvées coincées dans un ascenseur de Toronto et ont échappé de justesse à la montée des eaux. Les tempêtes violentes isolées causent des inondations qui endommagent sérieusement les infrastructures majeures des zones urbaines avec peu de signes avant-coureurs, voire aucun.

Qu’elles soient le fruit des crues printanières, d’inondations urbaines ou du niveau élevé des Grands Lacs, il est clair que les inondations ont des conséquences de plus en plus grandes sur les Ontariens et nous rappellent qu’il y a toujours matière à amélioration.

D’après l’analyse des données concernant les systèmes touchés par les inondations de 2019, rien n’indique que les inondations résultent d’une erreur humaine ou d’une exploitation négligente des structures de régularisation des eaux. C’est le volume d’eau colossal (neige et pluie) qui y a directement contribué. Les mesures prises par les gestionnaires des ressources en eau dans toute la province ont d’ailleurs réduit l’ampleur des inondations et les dégâts connexes dans les bassins hydrographiques.

1.2 Mandat

À titre de conseiller spécial en matière d’inondations, j’ai été chargé par la province de donner des conseils éclairés au ministre et de faire des recommandations au gouvernement pour améliorer l’actuel cadre stratégique sur les inondations.

Plus précisément, on m’a demandé d’axer mon analyse et mes recommandations sur :

  • les attributions actuelles des entités participant à la lutte contre les inondations;
  • la sensibilisation des propriétaires aux risques croissants en zone inondable;
  • le cadre stratégique actuel de la province concernant les lois, l’aménagement du territoire et l’atténuation des inondations (guides, méthodes, points à améliorer);
  • les autres méthodes qui pourraient atténuer les répercussions sur les aménagements actuels des plaines inondables;
  • les solutions pour accroître la résilience des résidents devant les menaces constantes.

Pour mener ce travail, j’ai été chargé de faire le bilan des séances d’écoute ciblées organisées à Muskoka, Pembroke et Ottawa en mai 2019 et du sondage en ligne. J’ai également eu l’occasion de mener d’autres consultations sur les inondations dans de nombreuses régions de l’Ontario.

Pour formuler les meilleures recommandations possible au gouvernement dans ce rapport, à soumettre le 31 octobre 2019, je me suis servi de mon savoir-faire, de mes connaissances et des ressources de la province. J’ai tenu compte de tous les problèmes locaux et des rôles joués par les instances municipales et fédérales dans la lutte contre les inondations, et j’ai veillé à ce que mes recommandations soient applicables dans la province.

Dans ce travail, j’ai reçu l’aide du ministère des Richesses naturelles, qui m’a fourni des documents d’information, qui a géré la logistique des rencontres et des visites et qui a facilité le transfert des dossiers et de la correspondance du grand public et des parties prenantes.