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Avant-propos : Chaque vie compte

Chaque décès qui survient dans un établissement correctionnel provincial est une vie perdue de trop. Les personnes mises sous garde le sont pour diverses raisons, et à partir de ce moment, elles perdent presque tout contrôle sur leur bien-être. Elles ont toutes les raisons de s’attendre à ce que le personnel contrôlant tant d’aspects de leur vie les protège au moins des préjudices et de la souffrance, et respecte leur dignité et leurs droits à tout instant. Ces personnes comptent pour leurs familles et leurs amis. Leur bien-être et leur retour sans incident font partie des attentes de la société en matière de justice et de sécurité publique. Tout manquement à ces promesses fondamentales mine la confiance de la population de l’Ontario.

Nous avons examiné les décès de personnes sous garde survenus entre 2014 et 2021 dans un établissement correctionnel provincial. Un total de 186 décès entrent dans la portée de l’examen pour cette période, et on observe une tendance à la hausse préoccupante, le nombre de vies perdues passant de 19 en 2014 à 25 en 2019, puis à 46 en 2021.

Notre mandat ne consistait pas à enquêter de façon approfondie sur un décès en particulier, mais plutôt à analyser les tendances évidentes, les lacunes systémiques et les facteurs communs pouvant et devant être abordés pour apporter des améliorations afin de prévenir le décès d’autres personnes sous garde et de restaurer des conditions universelles plus saines. Toutefois, chaque personne faisant partie de cet échantillon funeste est restée « vivante » par notre examen et nos délibérations; en effet, nous avons eu le privilège de connaître son nom et un pan de son histoire. Nous avons rencontré des familles, avons ressenti la douleur de leur perte et avons été témoins de leur état de choc et d’incrédulité perpétuel. La quasi-totalité des décès de notre échantillon étaient évitables.

Nous avons également rencontré beaucoup de gestionnaires et de membres du personnel des 25 établissements correctionnels de la province, dont les décideurs qui orientent et supervisent le mandat de services correctionnels du ministère du Solliciteur général (SOLGEN), des professionnels interagissant quotidiennement avec les personnes sous garde et des responsables des relations de travail représentant les intérêts et les aspirations professionnelles du personnel. Nous avons pris conscience du traumatisme occasionné par ces décès sur les personnes concernées. Nous avons constaté à quel point leur incapacité croissante à protéger le bien-être d’autrui mine de façon alarmante leur santé, leur moral et leur bien-être.

Enfin, nous avons beaucoup appris sur un système de justice pénale peinant à honorer les promesses fondamentales susmentionnées et sur les conditions de placement sous garde qui sont, actuellement, de plus en plus inefficaces et dangereuses. La situation est soit obscure, soit incroyablement claire. Et les solutions vont de simples à fâcheusement complexes.

Il faut agir; c’est incontestable et urgent!

Respectueusement,

Les membres du Comité d’experts du coroner en chef de l’Ontario pour l’examen des décès de personnes sous garde

Décembre 2022