Introduction

Beaucoup de vieux silos-tours en béton sont encore utilisés de nos jours en Ontario, malgré le danger qu’ils représentent pour les humains et les animaux et malgré le risque de perte des produits qui y sont entreposés. Les producteurs continuent d’y ensiler leurs récoltes, en négligeant bien souvent de se soucier de la détérioration que leurs silos peuvent avoir subi du fait du passage du temps, des intempéries et des effets de l’attaque des acides d’ensilage. On assiste d’ailleurs depuis quelques années à une augmentation du nombre d’effondrements.

Les effondrements de silos-tours sont des événements souvent tragiques. L’Ontario compte son lot de victimes parmi les exploitants et travailleurs agricoles. Les silos tombent parfois sur des bâtiments d’élevage adjacents, tuant ou blessant des animaux, causant des dommages aux biens et provoquant le gaspillage des matières ensilées ou des grains entreposés. La figure 1 montre les dommages que l’effondrement d’un silo peut causer aux bâtiments adjacents.

Photo montrant les dommages considérables occasionnés par l’effondrement d’un silo-tour en béton sur le toit d’un bâtiment d’élevage adjacent. Ce genre d’accident peut être fatal aux humains et aux animaux qui se trouveraient sur les lieux de l’effondrement.
Figure 1. L’effondrement d’un silo peut entraîner des pertes de vie et causer des dommages considérables aux structures touchées.
Source : Thomas P. Rylett Ltd., ingénieur-conseil en structures

Acides d’ensilage

La détérioration des silos-tours en béton traditionnels est surtout attribuable à l’attaque des acides d’ensilage. Il s’agit principalement d’acide lactique et d’acide acétique, qui sont produits par les végétaux humides soumis au processus d’ensilage. Quand ces acides entrent en contact avec les parois en béton du silo, ils réagissent avec le ciment Portland qui lie les agrégats. Avec le temps, les parois finissent par s’affaiblir.

Ces mêmes acides corrodent également les éléments métalliques de la structure comme les frettes (anneaux métalliques dont on entoure le silo pour le renforcer), l’acier d’armature et les ferrures. Si un silo n’est pas entretenu convenablement, l’action progressive des acides peut conduire à une défaillance structurale. La figure 2 montre l’effet que peut produire l’ensilage de matière trop humide.

Photo montrant l’écoulement qui peut s’échapper d’un silo rempli de matières ayant une teneur en eau plus élevée que la normale. Ce liquide corrosif peut endommager le béton et l’acier d’armature.
Figure 2. Produire de l’ensilage mi-fané ou de l’ensilage de maïs à partir de végétaux ayant une trop forte teneur en eau amène l’écoulement de liquides corrosifs qui affaiblissent et endommagent les silos.
Source : Thomas P. Rylett Ltd., ingénieur-conseil en structures

Les acides d’ensilage causent la détérioration des silos en béton, qu’ils soient coulés en place ou faits de membrures préformées. La rapidité et la gravité de cette détérioration dépendent d’un certain nombre de facteurs, dont :

  • la taille du silo
  • la teneur en eau des matières ensilées
  • le degré de protection permanente du béton

La pression de l’ensilage influence considérablement la rapidité et l’ampleur de la détérioration par les acides. C’est dans le bas des silos que s’exerce la pression maximale. Plus le silo est haut, plus les pressions sont fortes. La pression due au tassement de la masse ensilée exprime le liquide des plantes, lequel se répand librement (suintement). Sous l’effet des fortes pressions, le jus des plantes, qui renferme les acides, commence à s’infiltrer dans les pores du béton. En conséquence, les silos de grandes dimensions souffrent habituellement davantage de l’action des acides que les silos plus petits. Plus la teneur en eau des produits ensilés est élevée, plus la fermentation est active et plus la production d’acides est grande. Les produits à plus forte teneur en eau accélèrent donc la détérioration du béton.

Les matières entreposées dans un silo-tour créent des surcharges ou pressions verticale et horizontale. L’attaque des acides réduit tôt ou tard la capacité de la structure de supporter ces surcharges.

Silos en membrures de béton préformées

L’action corrosive des acides d’ensilage diminue la capacité des membrures préformées de supporter la surcharge verticale due au frottement de l’ensilage sur la paroi. À mesure que l’épaisseur réelle de béton qui supporte la surcharge verticale diminue, la résistance de la surface interne de la paroi diminue elle aussi. Comme les silos en membrures de béton préformées ont des parois relativement minces au départ, toute corrosion affaiblit considérablement la paroi.

La détérioration par les acides est d’autant plus grave qu’elle se produit à la base du silo, soit dans la partie de la paroi qui, justement, supporte la plus forte surcharge verticale. Dans un silo-tour à désensilage par le haut normal, les parois transmettent à la semelle, par l’effet du frottement, environ 50 % du poids de la masse ensilée. Or, il arrive que l’épaisseur réelle de la paroi diminue au point où cette dernière ne puisse plus supporter la charge de compression. La paroi commence alors à céder. Le croquis de la figure 3 illustre comment se produisent les défaillances.

Croquis expliquant comment les parois de béton d’un silo peuvent être affaiblies par les acides d’ensilage. Après des années d’utilisation, ce type de détérioration peut mener à une défaillance structurale.
Figure 3. Les acides d’ensilage peuvent affaiblir la paroi d’un silo en membrures de béton préformées au point où la surcharge verticale amènera la défaillance de la paroi par écrasement.

Les constructeurs de silos en membrures de béton préformées utilisent normalement la même épaisseur de membrures quelle que soit la taille du silo. Ainsi, en dépit d’un coefficient de sécurité assurant que la paroi supporte la surcharge verticale due au frottement, plus la taille du silo est grande, plus le coefficient de sécurité diminue, ce qui, en l’absence de protection contre l’attaque des acides, peut aller jusqu’à provoquer une défaillance.

Silos coulés en place

La détérioration par les acides constitue également un problème grave dans le cas des silos coulés en place. Même si les parois de ce type de silo sont souvent plus massives (épaisseur nominale de 15 cm [6 po]), elles renferment un béton qui est souvent moins fort et moins dense, donc moins résistant à l’action des acides, que celui des membrures préformées.

Les silos coulés en place tirent leur résistance aux pressions horizontales des tiges d’armature situées plus ou moins au centre de la paroi. Si les acides d’ensilage s’infiltrent dans les parois de béton, ils corrodent les tiges d’armature et en diminuent le diamètre réel, ce qui les affaiblit.

Il faut aussi penser que les tiges d’armature qui renforcent le silo viennent en sections qui se chevauchent et qu’elles sont retenues en place uniquement par le béton. La force des anneaux d’acier d’armature dépend donc de leur adhérence au béton dans lequel ils sont noyés. Une fois que les acides d’ensilage s’infiltrent dans le béton qui enrobe les tiges d’armature, une bonne partie de l’adhérence se perd. Résultat? Tôt ou tard, les parois du silo ne résisteront plus aux surcharges horizontales et le silo s’effondrera.

Prévention de la détérioration des silos

1. Construction

Voici comment prévenir l’action des acides d’ensilage, ou à tout le moins en atténuer les répercussions :

  • construire ou acheter un silo de qualité, soit un silo dont les parois sont faites d’un béton de haute qualité. Un béton dense et fort offre déjà une bonne résistance aux acides.
  • protéger la surface intérieure des parois du silo en empêchant les acides d’ensilage d’entrer en contact avec le béton
  • appliquer un revêtement résistant aux acides dans la partie inférieure du silo jusqu’à une hauteur correspondant au quart ou au tiers de la hauteur totale
  • appliquer, au besoin, une nouvelle couche de revêtement de façon à maintenir les parois étanches

2. Gestion

a) Contrôle de l’humidité

  • Freiner la détérioration causée par les acides d’ensilage en récoltant les produits lorsqu’ils ont perdu suffisamment de leur teneur en eau pour ne pas entraîner de suintement.
  • Attendre idéalement que les végétaux destinés à l’ensilage de plantes entières soient juste assez humides pour assurer une bonne fermentation sans l’être trop, de façon à éviter que le jus des plantes ne se répande librement.
  • Utiliser un doseur d’humidité pour déterminer le moment où les plantes ont la teneur en eau souhaitée.
  • Le tableau 1 indique, en fonction de différentes dimensions de silos, la teneur en eau à ne pas dépasser au moment des récoltes, pour l’ensilage de plantes entières, si l’on veut éviter les problèmes de suintement.

b) Exposition des parois

  • Si possible, vider le silo de toute matière ensilée une fois l’an. On réduit ainsi la durée pendant laquelle la partie inférieure du silo se trouve en contact avec de l’ensilage mouillé.
  • Savoir qu’il y a des avantages sur le plan structural à laisser les parois intérieures s’assécher entre les remplissages.
Tableau 1. Teneur en eau maximale des récoltes destinées à l’ensilage de plantes entières dans des silos-tours pour éviter le suintement
Taille du silo en m (pi)Teneur en eau maximale (%)
4,9 (16) × 18,3 (60)68
5,5 (18) × 19,8 (65)67
6,1 (20) × 21,3 (70)66
7,3 (24) × 25,9 (85)63
9,1 (30) × 33,5 (110)59

Indices de détérioration

Détérioration avancée

Le seul signal d’alerte d’une défaillance imminente est un silo dont le béton est fissuré. Au moins annuellement, examiner l’extérieur du silo pour voir si des fissures sont apparues. Scruter le haut de la tour avec des jumelles.

Si un silo présente des signes de détérioration avancée, consulter un ingénieur avant de le vider.

L’effondrement d’un silo peut avoir des conséquences graves, parfois funestes. La vidange d’un silo peut avoir pour effet d’accroître les surcharges imposées à la structure. Si une défaillance est imminente, la vidange du silo pourrait provoquer instantanément l’irrémédiable. Au moindre indice d’instabilité structurale, demander à un ingénieur d’évaluer sur place l’intégrité de la structure avant de la remplir ou de la vider.

Changement de vocation du silo

Si, à première vue, l’affectation des vieux silos en béton à l’entreposage de grain sec peut sembler une solution logique, il ne faut surtout pas prendre cette décision sans l’avis d’un professionnel. Les silos conçus pour l’ensilage plante entière ou l’ensilage mi-fané doivent d’abord être renforcés pour servir à l’entreposage du grain sec. Les dispositifs de renforcement utilisés sont généralement des frettes (anneaux) en acier qu’on installe par intervalles à l’extérieur du silo sur toute sa hauteur. Confier à un ingénieur la conception des dispositifs de renforcement.

Ne jamais utiliser un silo pour entreposer du grain sec sans avoir d’abord consulté un ingénieur.

La version anglaise de la présente fiche technique a été mise à jour par John Johnson, ing., et revue par Dan Ward, ing., équipement et structures pour volaille et autres animaux, MAAARO.