Introduction

La vitesse du courant dans une unité d’élevage aquacole a un effet considérable sur le taux de croissance, la résistance aux maladies, le comportement et le bien-être des salmonidés d’élevage. L’exposition des poissons à un exercice aérobique modéré est une stratégie efficace pour améliorer la robustesse des salmonidés d’élevage. La robustesse est synonyme d’une meilleure croissance, d’une meilleure survie et d’un bien-être accru des poissons, ce qui entraîne une plus grande productivité et une production alimentaire éthiquefootnote 1.

Les salmonidés sont des poissons migrateurs qui ont une capacité naturelle pour la nage aérobique soutenuefootnote 2. Qu’ils soient motivés par la quête de nourriture, l’évitement de prédateurs ou les migrations de reproduction, les salmonidés sauvages nagent en moyenne à une vitesse de 1,0 longueur corporelle par secondefootnote 3. En aquaculture, l’intensité de l’exercice est principalement contrôlée par la vitesse de l’eau dans l’unité d’élevage. L’augmentation de la vitesse de l’eau incite les poissons à nager avec une plus grande résistance contre un courant, offrant plus d’exercice physique, ce qui a pour résultat des salmonidés en meilleure santé et robustes.

Parvenir à une vitesse optimale de l’eau dans l’unité d’élevage est essentiel pour la réussite de l’exercice physique. Lorsque la vitesse de l’eau est trop faible, les salmonidés sont plus agressifs envers leurs congénères, ont des taux d’hormones de stress élevés et montrent des ordres de dominance accrusfootnote 4footnote 5. Lorsque la vitesse de l’eau est trop élevée, les salmonidés présentent un taux de croissance moins élevé et peuvent souffrir d’un stress lié à l’exercice exténuant qui peut, dans les cas les plus graves, entraîner la mortfootnote 6footnote 7.

Vitesse optimale de l’eau

La vitesse de l’eau est calculée en mesurant la distance que l’eau parcourt durant une unité de temps. Pour les poissons, l’intensité de l’exercice physique est définie comme la vitesse de l’eau par rapport à la longueur du corps (LC) moyenne et est exprimée comme le nombre de longueurs du corps que l’eau parcourt par seconde (par exemple, 1,25 LC/s)footnote 8. Selon les recherches, l’intensité d’exercice physique pour les salmonidés d’élevage est optimisée à environ 1,0 LC/s en ce qui concerne la croissance et le bien-être animalfootnote 1footnote 5footnote 8footnote 9footnote 10. L’exercice physique est le plus efficace lorsqu’il est effectué de façon continue plutôt que de façon intermittentefootnote 6.

Calculer l’intensité de l’exercice physique

  1. Calculer la vitesse moyenne de l’eau dans l’unité d’élevage en cm/s.
  2. Calculer la longueur totale moyenne des poissons en cm.
  3. Exemple de formule :
    Intensité de l’exercice physique 
    = vitesse de l’eau (cm/s) ÷ longueur des poissons (cm)
    = 21,2 cm/s ÷ 20 cm
    = 1,06 LC/s

La taille et l’espèce des poissons ont un effet sur la vitesse optimale de l’eau pour l’exercice physique. Lorsque la longueur des poissons augmente, la vitesse optimale de l’eau par rapport à la longueur du corps diminue. Les plus petits poissons sont mieux aptes à faire face à une vitesse supérieure de l’eau par rapport à la longueur du corps comparativement aux poissons plus grosfootnote 6footnote 11footnote 12. Cela s’explique par le fait qu’à une vitesse de nage relativement faible, les poissons plus gros présentent un métabolisme anaérobie dans le musclefootnote 12.

Taux de croissance

L’exercice physique peut être utilisé pour améliorer la croissance des salmonidés d’élevage, ce qui permet aux poissons d’atteindre plus rapidement une taille marchandefootnote 5footnote 6footnote 9. L’exercice physique modéré continu et prolongé a prouvé qu’il améliorait la croissance à tous les stades de la vie chez les espèces de salmonidés, y compris la truite arc-en-ciel, l’omble de fontaine, la truite de mer, le saumon atlantique et l’omble chevalierfootnote 7footnote 12. Durant l’exercice, l’appétit est stimulé par une hausse de la demande en énergie ou des niveaux de stress inférieursfootnote 4footnote 6footnote 11. Les changements comportementaux chez les poissons exposés à une vitesse optimale de l’eau permettent une distribution plus juste de l’apport alimentaire et une meilleure croissance collective dans l’unité d’élevagefootnote 12. Les recherches sur l’effet de l’exercice physique sur l’indice de consommation présentent des résultats mitigés. Certains résultats indiquent un indice de consommation amélioré avec une intensité d’exercice modérée, alors que d’autres recherches démontrent que l’indice de consommation n’est pas affecté par l’exercice physiquefootnote 1footnote 4footnote 6footnote 7footnote 9footnote 12. L’exercice physique est un outil de gestion utile qui peut améliorer l’efficacité opérationnelle de l’aquaculture en accélérant la croissance et en réduisant la période avant la récolte.

Comportement, santé et bien-être

La vitesse de l’eau et l’exercice physique peuvent affecter le comportement, la santé et le bien‑être des salmonidés d’élevage. Des effets négatifs surviennent lorsque la vitesse de l’eau est soit trop faible, soit trop élevée. Des résultats positifs surviennent lorsque la vitesse de l’eau est optimisée pour de l’exercice physique modéré à environ 1,0 LC/s. Les répercussions de la vitesse de l’eau sont décrites plus en détail ci-dessous.

Faible vitesse de l’eau

Lorsque la vitesse de l’eau est faible, les poissons affichent une distribution désorganisée dans l’unité d’élevage, présentent des activités spontanées et sont plus enclins à un comportement territorial menant à des interactions agressivesfootnote 4footnote 11. Les interactions agressives augmentent la prévalence de l’usure des nageoires, de plaies ouvertes et de la prédisposition aux infections par des agents pathogènesfootnote 5footnote 6. Le comportement spontané et agressif exige une production d’énergie qui est souvent égale ou supérieure à l’énergie nécessaire pour nager contre le courant lors d’exercice physique modéréfootnote 6. Les effets cumulatifs de la faible vitesse de l’eau (< 0,5/seconde) ont démontré hausser les taux d’hormones de stress et diminuer la croissance générale chez les salmonidésfootnote 5footnote 6.

Vitesse modérée (optimale) de l’eau

L’exercice physique modéré, ou optimal, favorise une distribution égale des poissons dans l’unité d’élevage (figure 1)footnote 8. Cela permet une meilleure distribution des aliments et de la qualité de l’eau, ce qui favorise une réduction des ordres de dominancefootnote 1. Une dynamique de groupe améliorée entraîne un comportement moins agressif, ce qui a pour résultat un nombre moins important de blessures et d’infectionsfootnote 5footnote 12.

des salmonidés juvéniles nager dans un réservoir circulaire contre un courant qui procure de l’exercice physique aux poissons

Figure 1. Salmonidés juvéniles dans un réservoir circulaire.

Les salmonidés qui ont fait de l’exercice ont une taille corporelle plus uniforme et un taux de croissance moins variable comparativement aux poissons qui n’ont pas fait d’exercicefootnote 12. Il y a des avantages à uniformiser la taille des poissons lorsque les hiérarchies alimentaires sont diminuées et que la fréquence du classement par taille est réduitefootnote 6. L’exercice physique présente plusieurs avantages pour la santé et le bien-être, notamment :

Vitesse de l’eau élevée

Une vitesse excessive de l’eau peut avoir de graves conséquences sur la santé et le bien-être des poissons. La plus évidente est le stress lié à l’exercice exténuant. L’exercice physique intense peut causer un stress épuisant et la mort par acidose intracellulaire — même après l’arrêt de l’exercicefootnote 7. L’exercice physique excessif diminue l’épaisseur de l’épiderme, la couche de peau la plus extérieure du poisson, ce qui affaiblit la capacité de l’épiderme à se défendre contre des agents pathogènes. De plus, la santé des muqueuses montre une corrélation négative avec une vitesse de l’eau élevée. Lorsque la vitesse de l’eau dépasse 1,8 LC/s, la prévalence de fibres musculaires enflammées, de dommages aux nageoires et de lésions aux branchies augmentefootnote 8.

Mesurer la vélocité de l’eau

L’optimisation de l’exercice physique exige une mesure précise de la vitesse de l’eau. Il faut vérifier régulièrement la vitesse de l’eau dans l’unité d’élevage afin de s’assurer que les poissons nagent à une intensité modérée d’environ 1,0 LC/sfootnote 1footnote 5footnote 8footnote 9footnote 10. Il y a plusieurs options pour mesurer la vitesse de l’eau : le célérimètre, les indices comportementaux visuels et la méthode de flottaison.

Célérimètre

La façon la plus précise et efficace de surveiller la vitesse de l’eau dans l’unité d’élevage est d’utiliser un instrument comme un célérimètre à turbine ou un célérimètre acoustique Doppler. Il faut toujours mesurer la vitesse de l’eau lorsque les poissons sont dans l’unité d’élevage, puisque la biomasse réduit la vitesse de l’eaufootnote 10. Il faut éviter de mesurer la vitesse de l’eau dans un réservoir vide. La vitesse de l’eau varie au sein de l’unité d’élevage. Il faut mesurer la vitesse de l’eau à différentes profondeurs et différents endroits pour déterminer la vitesse moyenne. Dans les réservoirs circulaires, la vitesse de l’eau est plus élevée à la surface et près des parois du réservoirfootnote 7.

Indices comportementaux visuels

Les indices comportementaux visuels aident les producteurs à déterminer la vitesse appropriée de l’eau. Il est bon d’intégrer ces indices aux pratiques d’élevage quotidiennes même si un célérimètre est utilisé.

Les salmonidés devraient pouvoir rester sur place dans le courant d’eau, nager activement contre le courant et s’orienter eux-mêmes dans le courant (à l’exception du Coregonus)footnote 11footnote 12. Si les poissons sont incapables de rester en place dans le courant d’eau et sont fréquemment repoussés en aval, la vitesse de l’eau est trop élevée. Lorsque les poissons nagent de façon erratique dans l’unité d’élevage, sans orientation structurée et effort perçu de nage contre le courant, la vitesse de l’eau est trop faiblefootnote 12.

Méthode de flottaison

En l’absence d’un célérimètre, la vitesse de l’eau peut être déterminée en enregistrant le temps nécessaire pour qu’un objet à flottabilité neutre parcoure une distance connue. La méthode de flottaison à une précision moyenne en raison de l’erreur humaine et des effets environnementaux. Elle donne de meilleurs résultats lorsque le vent et la surface de l’eau sont calmes. La méthode de flottaison est plus efficace lorsqu’elle est utilisée dans des passes à poisson sur terre.

Contrôler la vitesse de l’eau

La vitesse de l’eau dans une unité d’élevage peut être contrôlée plus efficacement dans des installations d’aquaculture terrestre que dans des installations d’aquaculture en parcs en filet en mer ouverte. Dans les installations d’aquaculture terrestre, la vitesse de l’eau est contrôlée en modifiant le débit d’entrée, le niveau de l’eau ou le débit directionnel de l’eau dans un réservoir ou une passe à poissons circulaire. Les aquaculteurs terrestres peuvent augmenter la vitesse de l’eau dans une unité d’élevage en augmentant le débit d’entrée, en diminuant le niveau de l’eau ou en accélérant l’écoulement rotationnel de l’eau. Les poissons devraient être acclimatés progressivement à une vitesse plus grande de l’eau et être surveillés pour déceler des effets négatifsfootnote 3. La vitesse de l’eau peut être accrue légèrement dans les semaines subséquentes si les poissons ne présentent pas d’effets négatifs ou indésirables liés à l’augmentation de la vitesse de l’eau durant la première semaine. Il faut surveiller le comportement et la santé des poissons jusqu’à ce que la vitesse de l’eau désirée soit atteinte.

Dans les installations d’aquaculture en parcs en filet en mer ouverte, la vitesse de l’eau est principalement contrôlée par les courants naturels de l’eau. Cela rend l’emplacement des sites d’aquaculture en parcs en filet importante, parce que la vitesse de l’eau est restreinte par le mouvement naturel de l’eau. L’aération d’un parc en filet peut favoriser le mouvement de l’eau, même si l’exercice physique est rarement le but principal. Des filets exempts d’encrassement biologique favorisent une vitesse de l’eau plus grande dans un parc en filet. Lorsque des organismes d’encrassement biologique colonisent les filets, la taille des mailles diminue, ce qui restreint le débit de l’eau et la vitesse de l’eau à travers le parc en filetfootnote 13footnote 14. Le nettoyage régulier de l’encrassement biologique des filets améliore l’échange d’eau, l’approvisionnement en oxygène et la vitesse de l’eau dans le parc en filet. La configuration et le positionnement des parcs en filet ont également un effet sur la vitesse de l’eau. L’augmentation de la surface des filets exposés au courant d’eau arrivant favorise l’échange d’eau et une plus grande vitesse de l’eau. Le regroupement de parcs en filet réduit l’exposition de la surface et diminue la vitesse de l’eau dans le parc en filet. Lorsque des parcs en filet sont regroupés, l’augmentation de l’espace entre les parcs en filet peut améliorer le débit de l’eaufootnote 15.

Conclusion

Malgré les avantages documentés de l’exercice physique, la vitesse de l’eau dans une unité d’élevage est souvent établie en fonction des exigences en matière de demande en oxygène et d’autonettoyage du réservoirfootnote 1. Cette approche ignore les importants motifs biologiques à l’optimisation de la vitesse de l’eau, ce qui comprend l’amélioration de la croissance, du comportement, de la résistance aux maladies et du bien-être des salmonidés d’élevage. Les effets de l’exercice physique sur le bien-être et la productivité des poissons sont variables, en fonction de l’intensité de l’exercice physique. L’exercice physique à une faible vitesse de l’eau (< 0,5 LC/s) produit des taux élevés d’hormone de stress, un comportement agressif et une croissance réduitefootnote 5footnote 6. L’intensité de l’exercice physique qui excède 1,8 LC/s a démontré produire des implications négatives sur la santé et le bien-être des poissonsfootnote 8. L’intensité de l’exercice physique des salmonidés est optimisée à environ 1,0 LC/s, constitue le niveau où sont atteints de réels avantages biologiques et comportementaux de l’exercice physiquefootnote 1footnote 5footnote 8footnote 9footnote 10. L’exercice physique continu à une intensité modérée constitue une pratique de production utile qui peut améliorer la productivité, l’efficacité et le bien-être des poissons.

Crédit de l'auteur

La présente fiche technique a été rédigée par Michael McQuire, spécialiste de l’aquaculture et de l’aquaponie, Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de l’Agroentreprise, (MAAAO), et par Nancy Gao, adjointe de recherche en aquaculture, MAAAO. Elle a été révisée par Alexandra Reid, vétérinaire principale, MAAAO.