Introduction

La toxicose de la fétuque est une affection que l’on rencontre parfois chez les moutons au pâturage. Les animaux qui paissent peuvent tomber malades en broutant de la fétuque élevée qui est infectée par un champignon nocif. Les toxines de ce champignon peuvent amener les moutons à manger moins, à maigrir, à souffrir d’un stress thermique ou à développer des problèmes de reproduction.

Des toxines peuvent être produites par un champignon endophyte, Epichloë coenophiala. Les champignons endophytes sont des microorganismes vivant à l’intérieur d’une plante sans causer de symptômes de maladie apparents sur celle-ci. Le champignon E. coenophiala a une relation bénéfique ou symbiotique avec la fétuque élevée (figures 1 et 2) : il en reçoit des nutriments et il la protège des ravageurs et de la sécheresse, ce qui la rend plus persistante.

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Collet de fétuque élevée montrant des oreillettes molles et de petites ligules.
Figure 1. Collet de la fétuque élevée.
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Inflorescence de fétuque élevée montrant des fleurs et une tige.
Figure 2. Fleur ou inflorescence de la fétuque élevée.

Les semences fourragères certifiées offertes sur le marché au Canada sont exemptes d’endophyte depuis de nombreuses années. Cependant, les pâturages établis avec des semences provenant d’autres sources peuvent être infectés. Par exemple, les variétés de fétuque de gazon contiennent souvent intentionnellement un champignon endophyte pour améliorer la persistance sur les terrains de sport. Les pâturages où l’herbe s’est répandue à partir de fossés et de prairies à proximité, plutôt que d’être ensemencés intentionnellement, peuvent également contenir de la fétuque élevée infectée par l’endophyte. Lorsqu’un pâturage est composé de fétuque élevée non exempte d’endophyte, il existe un risque d’intoxication pour le bétail paissant.

Symptômes

La toxicose de la fétuque provoque de nombreux symptômes. Ceux qui sont légers peuvent passer inaperçus chez les moutons, et les problèmes risquent de ne pas être apparents jusqu’à ce que les plus graves se manifestent. Les symptômes de cette maladie sont semblables à ceux de l’ergotisme, une intoxication dont souffrent les moutons ayant ingéré des graminées ou des céréales infectées par un autre champignon nocif, Claviceps purpurea (ergot). L’endophyte E. coenophiala produit bon nombre des toxines causant la maladie de l’ergot. Les erreurs de diagnostic entre la toxicose de la fétuque et l’ergotisme peuvent être fréquentes.

Les symptômes de la toxicose de la fétuque chez les moutons peuvent inclure:

  • une perte de poids corporel;
  • des signes de stress thermique;
  • un pelage rugueux ou une mauvaise production de laine;
  • de la fièvre;
  • une salivation excessive;
  • une respiration rapide;
  • un faible taux de conception;
  • des avortements précoces chez les brebis gestantes;
  • une faible survie chez les agneaux;
  • une production de lait réduite;
  • un rétrécissement des vaisseaux sanguins;
  • la boiterie d’une ou des deux pattes postérieures (pied de fétuque), risquant de progresser jusqu’à l’état de nécrose (risque plus courant en automne et en hiver lorsque le bétail est nourri de fourrage infecté par l’endophyte);
  • la perte d’appendices comme les oreilles, les sabots et la queue.

Attention :

  • Si des moutons présentent des symptômes de toxicose de la fétuque, retirez-les du pâturage immédiatement.
  • Les brebis et les agnelles ne doivent pas être mises à la reproduction si elles ont brouté de la fétuque élevée infectée par l’endophyte.

Dépistage de mycotoxines

Certains laboratoires qui analysent des échantillons de fourrage et d’aliments pour animaux sont équipés pour dépister les alcaloïdes de l’ergot, toxiques. Les animaux qui paissent peuvent choisir ce qu’ils mangent. Aussi ce test de dépistage n’est-il utile que pour déterminer la présence ou l’absence d’alcaloïdes de l’ergot dans l’échantillon prélevé dans le pâturage. Il est impossible de savoir quelle quantité de toxines les moutons consomment vraiment.

Marche à suivre pour prélever un échantillon de pâturage

  • Prélever des échantillons de plants de fétuque élevée qui ont poussé pendant au moins un mois. Le début de l’été est une période idéale pour le dépistage.
  • Télécharger le formulaire du laboratoire et suivre les directives particulières fournies.
  • Marcher en zigzag à travers le champ. Arrêter à des points aléatoires pour y prendre une poignée d’herbe, plus précisément la végétation au-dessus du sol et quelques racines.
  • Prélever de 20 à 30 échantillons ponctuels au total.
  • Sceller les échantillons dans un sac de congélation en plastique et placer celui-ci sur de la glace immédiatement après la collecte. Étiqueter clairement, en suivant les directives du laboratoire.
  • Expédier l’échantillon sur de la glace (dans une glacière) au laboratoire, en utilisant un service de messagerie de 24 heures. Ne pas envoyer d’échantillons le vendredi, le samedi ou le dimanche pour éviter les retards d’expédition pendant les fins de semaine.
  • Si l’échantillon doit être conservé avant l’expédition, il faut le congeler.

Le test de dépistage de mycotoxines ne permet pas de distinguer la toxicose de la fétuque de l’ergotisme, puisqu’il n’identifie pas le champignon qui a produit les alcaloïdes de l’ergot.

Gestion des pâturages

Le moyen le plus efficace de prévenir une récurrence de la toxicose de la fétuque est de mettre fin au pâturage existant et de le rétablir avec des semences sans endophyte. Les semences fourragères de fétuque élevée offertes sur le marché au Canada sont exemptes d’un tel champignon. Les variétés destinées à l’engazonnement, par exemple pour les pelouses ou les terrains de sport, ne sont pas recommandées, car elles contiennent souvent de l’endophyte.

Lorsqu’il n’est pas possible de mettre fin à l’exploitation d’un pâturage, certaines pratiques peuvent réduire le risque, soit :

  • permettre uniquement le pâturage de fétuque élevée infectée par l’endophyte avant la grenaison, donc à la fin du printemps ou au début de l’été;
  • faucher l’herbe de pâturage pour empêcher la grenaison, car les graines infectées contiennent de très fortes concentrations d’alcaloïdes de l’ergot;
  • éviter le broutage à un endroit infecté par l’endophyte, surtout pendant les périodes de chaleur qui stressent la fétuque élevée;
  • augmenter la quantité d’herbe laissée après le pâturage (les résidus de pâturage) – la concentration d’endophyte et d’alcaloïdes étant plus élevée dans la tige que dans le limbe des feuilles, un pâturage près du sol expose les moutons à une plus grande quantité d’alcaloïdes;
  • « accumuler » la fétuque élevée pour la faire brouter à la fin de l’automne et en hiver afin de réduire l’exposition aux mycotoxines, car les niveaux de toxines sont inférieurs durant la saison dormante;
  • mettre en place un pâturage par rotation pour faciliter la mise en œuvre des pratiques de prévention de la toxicose de la fétuque;
  • maintenir une bonne gestion des engrais pour réduire le stress sur les cultures de pâturage — analyser le sol au moins une fois tous les cinq ans et ajouter des éléments nutritifs pour maintenir le phosphore (P) à 12 ppm et le potassium (K) à 120 ppm, tout en veillant à ne pas trop fertiliser, surtout avec de l’azote (N), car trop d’azote peut augmenter la production d’alcaloïdes;
  • procéder à un semis de regarnissage avec des légumineuses pour aider à réduire la quantité de fétuque consommée par les moutons.

Références

Arnold, M., Gaskill, C. et R. Smith. Fescue toxicosis, University of Kentucky, College of Agriculture, Food and Environment, Cooperative Extension Service, juillet 2014. Consulté le 29 juillet 2024.

Burke, J.M., Jackson, W.G., et G.A. Robson. « Seasonal changes in body weight and condition, and pregnancy and lambing rates of sheep on endophyte-infected tall fescue in the south-eastern United States », Small Ruminant Research, vol. 44 (2002), p. 141-151.

Gelley, C. Tall Fescue Toxicosis — Knowing the Signs, Ohio State University, College of Food, Agricultural and Environmental Sciences, 10 juillet 2018. Consulté le 30 juillet 2024.

Roberts, C. Tall Fescue Toxicosis, University of Missouri Extension, avril 2000. Consulté le 30 juillet 2024.

Cette fiche technique a été rédigée par Danica Davis, stagiaire d’été dans le domaine de la culture des fourrages et des animaux de pâturage, MAAAO, et Christine O’Reilly, spécialiste de la culture des fourrages et des animaux de pâturage, MAAAO.