Rapport du directeur de l'UES - dossier no 05-OCD-085
Livré le : 31 mars 2006
Note explicative
Le gouvernement de l’Ontario publie les précédents rapports du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales (UES) présentés au procureur général avant mai 2017 qui portent sur les cas où il y a eu un décès impliquant une arme à feu, une empoignade et/ou l’utilisation d’une arme à impulsions, ou encore un autre type d’intervention notable de la part de la police n’ayant pas entraîné d’accusations criminelles.
Le juge Michael H. Tulloch a formulé des recommandations concernant la publication des précédents rapports du directeur de l’UES dans le Rapport de l’examen indépendant des organismes de surveillance de la police, lequel a été publié le 6 avril 2017.
Dans ce rapport, le juge Tulloch explique qu’étant donné que les précédents rapports n’avaient pas été rédigés au départ en vue d’être divulgués au public, il est possible qu’ils soient modifiés de façon importante pour protéger les renseignements de nature délicate qui s’y trouvent. Le juge a tenu compte du fait que divers témoins lors d’enquêtes de l’UES bénéficiaient de l’assurance de confidentialité et a donc recommandé que certains renseignements soient caviardés de manière à protéger la vie privée, la sûreté et la sécurité de ces témoins.
Conformément à la recommandation du juge Tulloch, la présente note explicative est fournie afin d’aider le lecteur à mieux comprendre les raisons pour lesquelles certains renseignements sont caviardés dans ces rapports. On a également inséré des notes tout au long des rapports pour décrire la nature des renseignements caviardés et les raisons justifiant leur caviardage.
Considérations relatives à l’application de la loi et à la protection des renseignements personnels
Conformément aux recommandations du juge Tulloch et selon les termes de l’article 14 de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (LAIPVP) (renseignements relatifs à l’exécution de la loi), des parties de ces rapports ont été retirées de manière à protéger la confidentialité de ce qui suit :
- l’information divulguant des techniques ou procédures confidentielles utilisées par l’UES
- l’information dont la publication pourrait raisonnablement faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre d’une enquête
Conformément aux recommandations du juge Tulloch et selon les termes de l’article 21 de la LAIPVP (renseignements relatifs à la protection de la vie privée), les renseignements personnels, notamment les renseignements personnels de nature délicate, doivent également être caviardés, sauf ceux qui sont nécessaires pour éclairer les motifs de la décision du directeur. Ces renseignements peuvent comprendre, sans toutefois s’y limiter, ce qui suit :
- le nom de tout agent impliqué
- le nom de tout agent témoin
- le nom de tout témoin civil
- les renseignements sur le lieu de l’incident
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête, notamment lorsqu’il s’agit d’enfants
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
Renseignements personnels sur la santé
Les renseignements relatifs à la santé d’une personne qui ne sont pas liés à la décision du directeur (compte dûment tenu de la Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé) ont été caviardés.
Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis de ces rapports parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.
Rapport du directeur
Introduction
Le dimanche 5 juin 2005, à 11 h 28, l’agent donnant l’avis du Service de police d’Ottawa (SPO) a avisé l’Unité des enquêtes spéciales (l’« UES » ou l’« Unité ») du décès de M. Michaud. à 9 h 5 le 5 juin 2005, Stéphane Michaud était à l’aéroport international d’Ottawa, à Ottawa. M. Michaud, qui avait des antécédents de problèmes psychiatriques, se trouvait dans une aire d’attente de l’aéroport lorsqu’il s’est mis à sauter sur les meubles et à se cogner la tête contre le plancher. Un agent de la Gendarmerie royale du Canada qui n’était pas en service et des membres du personnel de l’aéroport sont intervenus pour aider M. Michaud. M. Michaud a lutté. Ils sont parvenus à le maîtriser jusqu’à ce que des agents du SPO arrivent sur les lieux. M. Michaud a continué à se débattre violemment. Il a été menotté, les mains derrière son dos. Des ambulanciers paramédicaux sont arrivés sur place. M. Michaud a été placé sur le ventre, sur une civière, et les ambulanciers lui ont fait une injection. L’état de M. Michaud s’est détérioré et les ambulanciers ont essayé de maintenir ses fonctions vitales. M. Michaud a été transporté à l’hôpital d’Ottawa (campus général), où on a constaté son décès.
L’enquête
L’UES a immédiatement dépêché cinq enquêteurs et deux techniciens en identification médicolégale sur les lieux. Les enquêteurs de l’Unité sont arrivés sur place à 13 h 5. Ils ont photographié et mesuré les lieux et ont prélevé des échantillons. En outre, un sac à dos appartenant à M. Michaud y a été trouvé.
On a procédé à l’autopsie de M. Michaud le 6 juin 2005. La cause du décès n’a pu être déterminée à ce moment. Les échantillons biologiques recueillis ont été envoyés au Centre des sciences judiciaires (CSJ) aux fins d’analyses toxicologiques. La Dre la docteure n’a achevé son rapport définitif qu’au milieu de février 2006, puisqu’elle n’a reçu le rapport de la sortie d’ambulance qu’au cours de la première semaine de ce même mois. Le rapport du CSJ indique qu’aucune drogue et aucun poison n’ont été détectés dans le système de M. Michaud.
Le 7 juin 2005, l’UES a identifié les agents suivants comme étant des agents impliqués ou des agents témoins, selon le cas :
- agent impliqué no 1 – agent impliqué
- agent impliqué no 2 – agent impliqué
- agent impliqué no 3 – agent impliqué
- agent témoin no 1 – agent témoin
- agent témoin no 2 – agent témoin
Le 8 juin 2005, les agents témoins suivants ont participé à une entrevue avec les enquêteurs de l’UES :
- agent témoin no 1
- agent témoin no 2
Le 6 juillet 2005, les agents impliqués suivants ont participé à une entrevue avec les enquêteurs de l’UES :
- agent impliqué no 1
- agent impliqué no 2
- agent impliqué no 3
Vingt-cinq témoins civils ont participé à une entrevue entre le 5 juin et le 2 septembre 2005 :
- témoin civil no 1 (le 5 juin 2005)
- témoin civil no 2 (le 5 juin 2005)
- témoin civil no 3 (le 5 juin 2005)
- témoin civil no 4 (le 5 juin 2005)
- témoin civil no 5 (le 6 juin 2005)
- témoin civil no 6 (le 6 juin 2005)
- témoin civil no 7 (le 6 juin 2005)
- témoin civil no 8 (le 6 juin 2005)
- témoin civil no 9 (le 6 juin 2005)
- témoin civil no 10 (le 6 juin 2005)
- témoin civil no 11 (le 6 juin 2005)
- témoin civil no 12 (le 7 juin 2005)
- témoin civil no 13 (le 7 juin 2005)
- témoin civil no 14 (le 8 juin 2005)
- témoin civil no 15 (le 8 juin 2005)
- témoin civil no 16 (le 8 juin 2005)
- témoin civil no 17 (le 8 juin 2005)
- témoin civil no 18 (le 9 juin 2005)
- témoin civil no 19 (le 17 juin 2005)
- témoin civil no 20 (le 17 juin 2005)
- témoin civil no 21 (le 19 juin 2005)
- témoin civil no 22 (le 23 août 2005)
- témoin civil no 23 (le 24 août 2005)
- témoin civil no 24 (le 29 août 2005)
- témoin civil no 25 (le 2 septembre 2005)
Au cours de son enquête, l’UES a obtenu et examiné ce qui suit :
- une copie du billet d’avion de M. Stéphane Michaud
- une liste des agents de police fournie par le SPO
- une vidéo de l’incident filmée par une caméra installée à l’aéroport
- l’enregistrement des communications de la police
- la chronologie des événements produite par le SPO
- un message du SPO transmis par le Centre d’information de la police canadienne au Service de police de Montréal concernant l’avis au plus proche parent
- un message du Service de police de Montréal transmis par le Centre d’information de la police canadienne indiquant que le plus proche parent avait été avisé
- les déclarations des témoins fournies par le SPO
- un résumé de l’incident fourni par le témoin civil no 10
- la définition de « délire aigu » utilisée par le SPO
- la politique du SPO relative à l’arrestation, à la fouille, aux tribunaux, à la sécurité dans les tribunaux et au contrôle des personnes en détention
- la politique du SPO relative aux personnes qui sont sous l’effet de l’alcool ou de drogues
- la politique du SPO relative à l’usage de la force
- une déclaration écrite de l’agent témoin no 2
- une déclaration écrite et une copie des notes de service relatives à l’incident écrites dans le carnet de l’agent témoin no 1
- une déclaration écrite de agent non témoin no 1
Déclarations des témoins et éléments de preuve fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête (considérations relatives à l’application de la loi et à la protection de la vie privée)
Décision du directeur en vertu du paragraphe 113(7) de la Loi sur les services policiers
Il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que quelque agent ayant joué un rôle dans cette affaire a commis une infraction criminelle. La conclusion de cette enquête a été considérablement retardée, puisque l’UES a dû attendre longtemps avant d’obtenir le rapport définitif du pathologiste (qui a été reçu à notre bureau le 22 mars 2006).
À la lumière de l’enquête exhaustive menée par l’Unité, je conclus qu’aucun agent de police n’a commis ou n’a omis de commettre un geste ayant causé la mort de M. Michaud.
Un peu avant 9 h dans la matinée du 5 juin 2005, M. Michaud (qui arrivait tout juste d’Halifax par avion) se trouvait à l’aéroport international d’Ottawa, à Ottawa. Pendant nombre d’années, M. Michaud avait souffert de troubles psychologiques; ces troubles semblent être réapparus soudainement ce matin-là. De multiples témoins ont affirmé avoir vu M. Michaud se faire lui‑même beaucoup de mal en se lançant – visage en premier – sur le plancher en béton de l’aéroport, tout en criant « tirez-moi dessus! » traduction. Les images de cette scène ont été captées par les caméras de sécurité de l’aéroport.
On a appelé la police; les premiers agents sont arrivés sur les lieux à 9 h 8. Des civils tentaient déjà de calmer M. Michaud et les agents ont pris le relais. Les agents se sont efforcés de contrôler M. Michaud et de l’empêcher de se faire du mal. Toutes les personnes présentes, qu’elles aient joué un rôle dans l’incident ou qu’elles aient été simples spectateurs, ont affirmé que M. Michaud semblait posséder une force surhumaine. Les agents sont finalement parvenus à menotter de M. Michaud – les mains derrière son dos – et à le mettre en position assise. Il s’est rapidement éloigné des agents en se tortillant, a glissé au sol et s’est réfugié sous des sièges. C’est là que des agents l’ont immobilisé, sur son dos, jusqu’à l’arrivée du personnel des services médicaux d’urgence, à 9 h 28.
Il s’agissait maintenant d’installer M. Michaud sur une civière, contre son gré. Après une tentative ratée, l’on a réussi à l’y étendre, sur le ventre. à 9 h 35, le personnel des services médicaux d’urgence a tenté d’immobiliser M. Michaud sur la civière en utilisant des sangles alors qu’il se trouvait toujours sur le ventre. Il s’est débattu encore une fois et est parvenu à se dégager de l’une des sangles. Le personnel a replacé M. Michaud sur la civière et, après consultation d’un médecin au téléphone, lui a fait une injection, tandis qu’il était hors de tout contrôle, afin de tenter de le maîtriser. Cela a semblé fonctionner.
À 9 h 56, le personnel des services médicaux d’urgence et les agents de police ont remarqué que M. Michaud semblait aller très mal. Ils ont retiré les sangles et ont notamment procédé à la réanimation cardiorespiratoire pour tenter de réanimer M. Michaud. Ces tentatives se sont poursuivies jusqu’à l’arrivée de M. Michaud à l’hôpital et durant les minutes qui ont suivi. On a constaté le décès de M. Michaud à 10 h 53.
Le lendemain, une autopsie a été pratiquée sur le corps de M. Michaud. Le pathologiste n’a trouvé aucun indice anatomique pouvant indiquer la cause du décès. M. Michaud avait subi de nombreuses blessures, mais il était évident que celles-ci avaient été causées par M. Michaud lui-même ou lors de sa lutte avec les civils, les agents de police et le personnel des services médicaux d’urgence. De même, d’autres blessures semblaient avoir été causées par les tentatives de réanimation.
La cause du décès de M. Michaud reste indéterminée. Il incombera à d’autres bureaux, ayant recours à des processus différents, de tirer des conclusions définitives sur cette question. Quelle que soit la cause de la mort de M. Michaud, j’estime qu’aucun des agents impliqués n’en est criminellement responsable. Au cours des minutes qu’ils ont passées avec M. Michaud, les agents ont réussi à le contrôler malgré son état psychologique et ont rapidement pris des mesures pour appuyer l’intervention médicale du personnel des services médicaux d’urgence dès qu’il a été constaté que M. Michaud allait mal. Dans ces circonstances, je suis d’avis que les agents ont exercé un niveau de prudence conforme aux limites prescrites par le droit criminel.
Date : Le 31 mars 2006
Original signé par
James L. Cornish
Directeur
Unité des enquêtes spéciales