Rapport du directeur de l'UES - dossier no 09-OFD-052
Livré le : 15 mai 2009
Note explicative
Le gouvernement de l’Ontario publie les précédents rapports du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales (UES) [présentés au procureur général avant mai 2017] qui portent sur les cas où il y a eu un décès impliquant une arme à feu, une empoignade et/ou l’utilisation d’une arme à impulsions, ou encore un autre type d’intervention notable de la part de la police n’ayant pas entraîné d’accusations criminelles.
Le juge Michael H. Tulloch a formulé des recommandations concernant la publication des précédents rapports du directeur de l’UES dans le Rapport de l’examen indépendant des organismes de surveillance de la police, lequel a été publié le 6 avril 2017.
Dans ce rapport, le juge Tulloch explique qu’étant donné que les précédents rapports n’avaient pas été rédigés au départ en vue d’être divulgués au public, il est possible qu’ils soient modifiés de façon importante pour protéger les renseignements de nature délicate qui s’y trouvent. Le juge a tenu compte du fait que divers témoins lors d’enquêtes de l’UES bénéficiaient de l’assurance de confidentialité et a donc recommandé que certains renseignements soient caviardés de manière à protéger la vie privée, la sûreté et la sécurité de ces témoins.
Conformément à la recommandation du juge Tulloch, la présente note explicative est fournie afin d’aider le lecteur à mieux comprendre les raisons pour lesquelles certains renseignements sont caviardés dans ces rapports. On a également inséré des notes tout au long des rapports pour décrire la nature des renseignements caviardés et les raisons justifiant leur caviardage.
Considérations relatives à l’application de la loi et à la protection des renseignements personnels
Conformément aux recommandations du juge Tulloch et selon les termes de l’article 14 de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (LAIPVP) [renseignements relatifs à l’exécution de la loi], des parties de ces rapports ont été retirées de manière à protéger la confidentialité de ce qui suit :
- l’information divulguant des techniques ou procédures confidentielles utilisées par l’UES
- l’information dont la publication pourrait raisonnablement faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre d’une enquête
Conformément aux recommandations du juge Tulloch et selon les termes de l’article 21 de la LAIPVP (renseignements relatifs à la protection de la vie privée), les renseignements personnels, notamment les renseignements personnels de nature délicate, doivent également être caviardés, sauf ceux qui sont nécessaires pour éclairer les motifs de la décision du directeur. Ces renseignements peuvent comprendre, sans toutefois s’y limiter, ce qui suit :
- le nom de tout agent impliqué
- le nom de tout agent témoin
- le nom de tout témoin civil
- les renseignements sur le lieu de l’incident
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête, notamment lorsqu’il s’agit d’enfants
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
Renseignements personnels sur la santé
Les renseignements relatifs à la santé d’une personne qui ne sont pas liés à la décision du directeur (compte dûment tenu de la Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé) ont été caviardés.
Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis de ces rapports parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.
Rapport du directeur
Notification de l’UES
Le vendredi 6 mars 2009, à 20 h 5, l’agent donnant l’avis du Service de police d’Ottawa (SPO) a avisé l’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES ») d’un décès par balle survenu à 19 h 50 cette soirée-là. L’agent donnant l’avis a indiqué qu’un homme avait commis un vol à la succursale de la banque Toronto Dominion du 562, chemin Montréal, et qu’il avait par la suite été blessé mortellement par balle dans un affrontement avec deux agents duSPO. Les agents en question ont ensuite été séparés et ont rédigé leurs notes de service au quartier général duSPO.
L’enquête
Sept enquêteurs de l’UES et deux enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires ont été dépêchés sur les lieux et y sont arrivés à 21 h 15.
Selon les renseignements fournis par l’agent donnant l’avis et l’avocat, avocat, cinq agents ont d’abord été identifiés comme étant des agents(es) impliqués(ées). Aucun des quatre agents suivants n’a consenti à fournir les entrées de son carnet de notes de service liées à l’incident ni à être interrogé par l’UES :
- agent(e) impliqué(e) no 1
- agent(e) impliqué(e) no 2
- agent(e) impliqué(e) no 3
- agent(e) impliqué(e) no 4
Le/la cinquième agent(e) impliqué(e) a été identifié(e) plus tard comme étant un/une agent(e) témoin, soit lorsque l’examen de son arme à feu a révélé qu’elle contenait toutes ses munitions et qu’aucun coup de feu n’avait été tiré avec celle-ci durant l’incident.
Les trois agents suivants ont été identifiés comme étant des agents témoins et ont été interrogés aux dates indiquées :
- agent témoin no 1 (le 12 mars 2009)
- agent témoin no 2 (le 11 mars 2009)
- agent(e) témoin no 3 (le 7 mars 2009)
L’UES a reçu les éléments suivants de la part duSPO et les a examinés :
- la version initiale du rapport d’information quotidien de l’inspecteur en service et les mises à jour qui s’y rapportent
- un communiqué de presse
- la carte Google du secteur
- les entrées relatives à l’incident des carnets de notes de service des agents témoins
- les enregistrements des communications radio
- le rapport imprimé du système de répartition assistée par ordinateur
- les rapports d’incident généraux
- le registre écrit portant sur l’incident
- les registres de service
- la politique duSPO relative à l’usage de la force
À la suite du ratissage du secteur et de l’appel à témoins faits par l’UES et à la lumière des renseignements fournis par leSPO, les 17 personnes suivantes ont été interviewées aux dates indiquées :
- témoin civil no 1 (le 10 mars 2009)
- témoin civil no 2 (le 12 mars 2009)
- témoin civil no 3 (le 7 mars 2009)
- témoin civil no 4 (le 7 mars 2009)
- témoin civil no 5 (le 8 mars 2009)
- témoin civil no 6 (le 7 mars 2009)
- témoin civil no 7 (le 7 mars 2009)
- témoin civil no 8 (le 12 mars 2009)
- témoin civil no 9 (le 10 mars 2009)
- témoin civil no 10 (le 10 mars 2009)
- témoin civil no 11 (le 7 mars 2009)
- témoin civil no 12 (le 7 mars 2009)
- témoin civil no 13 (le 7 mars 2009)
- témoin civil no 14 (le 9 mars 2009)
- témoin civil no 15 (le 10 mars 2009)
- témoin civil no 16 (le 7 mars 2009)
- témoin civil no 17 (le 12 mars 2009)
Déclarations des témoins et éléments de preuve fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête (considérations relatives à l’application de la loi et à la protection de la vie privée)
Décision du directeur en vertu du paragraphe 113(7) de la Loi sur les services policiers
À mon avis, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que quelque agent(e) impliqué(e) identifié(e), soit l’agent(e) impliqué(e) no 1, l’agent(e) impliqué(e) no 2, l’agent(e) impliqué(e) no 3 et l’agent(e) impliqué(e) no 4, a commis une infraction criminelle relativement au décès par balle de M. Jeffrey. Le 6 mars 2009, M. Jeffrey a commis un vol à la succursale de la banque Toronto Dominion du 562, chemin Montréal, à Ottawa. Il avait en sa possession ce qui s’est révélé être, tel qu’on l’a constaté plus tard, un pistolet jouet noir. Il a quitté la banque en marchant rapidement, se dirigeant d’abord vers le sud sur la rue Center. C’est lorsqu’il a emprunté la rue Paul qu’il été aperçu par l’agent(e) témoin no 3. L’agent(e) témoin no 3 a pris en chasse M. Jeffrey et ce dernier a couru vers le sud sur la rue Claude. à un certain moment, M. Jeffrey a fait face à l’agent(e) témoin no 3 et lui a dit en des termes explicites qu’il allait lui tirer dessus. L’agent(e) témoin no 3 a signalé à l’aide de son système de communication radio bidirectionnelle que le suspect était peut‑être armé et qu’il était prêt à tirer sur des policiers. Les quatre agent(e)s impliqué(e)s et un autre agent témoin se sont joints à la poursuite. à différents moments, le suspect a pointé l’arme jouet en direction des agent(e)s impliqué(e)s ainsi que des agents témoins; ultimement, les agent(e)s impliqué(e)s ont fait feu vers lui. Nous ne saurons jamais quel(le) agent(e) impliqué(e) a tiré quelle balle; nous savons toutefois que l’agent(e) impliqué(e) no 1 a fait feu à 5 reprises, que l’agent(e) impliqué(e) no 2 a fait feu à 16 reprises, que l’agent(e) impliqué(e) no 3 a fait feu à 2 reprises et que l’agent(e) impliqué(e) no 4 a fait feu à 6 reprises. L’une des balles a pénétré l’arrière de la tête de M. Jeffrey et est ressortie par la joue gauche, ce qui a causé le décès de celui‑ci. Une autre balle est entrée dans le bas de l’abdomen de M. Jeffrey, à gauche, et est ressortie par le bas de son dos, à droite.
Aux termes du paragraphe 25(4) du Code criminel, les agents de la paix sont autorisés à employer contre une personne en fuite une force létale s’ils estiment, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire pour leur propre protection ou celle de toute personne, dont une personne qui les aide, contre la mort ou des lésions corporelles graves, imminentes ou futures, et si la fuite ne peut être empêchée par des moyens raisonnables d’une façon moins violente. Dans ce cas-ci, les agent(e)s impliqué(e)s tentaient d’appréhender un homme qui venait de commettre un vol dans une banque et qui avait une réplique de pistolet en sa possession. Même si le pistolet s’est révélé être un jouet, M. Jeffrey s’est conduit d’une façon qui aurait mené toute personne raisonnable à conclure qu’il s’agissait d’un vrai pistolet. Premièrement, M. Jeffrey s’enfuyait car il avait commis un vol de banque. Deuxièmement, il a menacé de tirer sur un agent et nous pouvons présumer que cette information a été communiquée aux agent(e)s impliqué(e)s. Troisièmement, il a couru vers les agents en tenant la réplique de pistolet d’une manière qui donnait fortement à penser qu’il allait faire feu sur l’un d’entre eux. Enfin, la réplique pouvait facilement être confondue avec un vrai pistolet.
Le jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Reilly (1984), 15 C.C.C. (3d) 1, soutient l’idée qu’un accusé peut invoquer le fait d’avoir eu une croyance honnête et raisonnable, mais fausse, fondée sur la peur d’être tué ou blessé gravement pour justifier l’utilisation de la force dans une affaire où des accusations sont portées pour voies de fait. Dans le cas présent, je suis d’avis que les agent(e)s impliqué(e)s estimaient, selon un jugement honnête et raisonnable porté sur la situation, que le suspect décédé était un criminel armé en fuite qui était prêt à utiliser une force létale contre l’un ou plusieurs d’entre eux. Bien que la balle fatale ait atteint par l’arrière le suspect décédé, l’agent(e) impliqué(e) avait l’autorité légitime de tirer puisqu’il/elle estimait, d’un point de vue raisonnable, que M. Jeffrey était sur le point de tirer sur un agent qui participait aux efforts visant à l’appréhender. Par conséquent, je suis d’avis qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’agent(e) impliqué(e) qui a tiré le coup de feu fatal a commis une infraction criminelle. De même, les autres agent(e)s impliqué(e)s n’ont pas commis d’infraction criminelle lorsqu’ils/elles ont tirés sur M. Jeffrey puisqu’ils/elles avaient la même croyance raisonnable, bien qu’ultimement fausse, à savoir que le suspect était sur le point d’utiliser une force létale.
Date : Le 15 mai 2009
Ian Scott
Directeur
Unité des enquêtes spéciales