Rapport du directeur de l'UES - dossier no 13-PFD-178
Livré le : 30 janvier 2014
Note explicative
Le gouvernement de l’Ontario publie les précédents rapports du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales (UES) [présentés au procureur général avant mai 2017] qui portent sur les cas où il y a eu un décès impliquant une arme à feu, une empoignade et/ou l’utilisation d’une arme à impulsions, ou encore un autre type d’intervention notable de la part de la police n’ayant pas entraîné d’accusations criminelles.
Le juge Michael H. Tulloch a formulé des recommandations concernant la publication des précédents rapports du directeur de l’UES dans le Rapport de l’examen indépendant des organismes de surveillance de la police, lequel a été publié le 6 avril 2017.
Dans ce rapport, le juge Tulloch explique qu’étant donné que les précédents rapports n’avaient pas été rédigés au départ en vue d’être divulgués au public, il est possible qu’ils soient modifiés de façon importante pour protéger les renseignements de nature délicate qui s’y trouvent. Le juge a tenu compte du fait que divers témoins lors d’enquêtes de l’UES bénéficiaient de l’assurance de confidentialité et a donc recommandé que certains renseignements soient caviardés de manière à protéger la vie privée, la sûreté et la sécurité de ces témoins.
Conformément à la recommandation du juge Tulloch, la présente note explicative est fournie afin d’aider le lecteur à mieux comprendre les raisons pour lesquelles certains renseignements sont caviardés dans ces rapports. On a également inséré des notes tout au long des rapports pour décrire la nature des renseignements caviardés et les raisons justifiant leur caviardage.
Considérations relatives à l’application de la loi et à la protection des renseignements personnels
Conformément aux recommandations du juge Tulloch et selon les termes de l’article 14 de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (LAIPVP) [renseignements relatifs à l’exécution de la loi], des parties de ces rapports ont été retirées de manière à protéger la confidentialité de ce qui suit :
- l’information divulguant des techniques ou procédures confidentielles utilisées par l’UES
- l’information dont la publication pourrait raisonnablement faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre d’une enquête
Conformément aux recommandations du juge Tulloch et selon les termes de l’article 21 de la LAIPVP (renseignements relatifs à la protection de la vie privée), les renseignements personnels, notamment les renseignements personnels de nature délicate, doivent également être caviardés, sauf ceux qui sont nécessaires pour éclairer les motifs de la décision du directeur. Ces renseignements peuvent comprendre, sans toutefois s’y limiter, ce qui suit :
- le nom de tout agent impliqué
- le nom de tout agent témoin
- le nom de tout témoin civil
- les renseignements sur le lieu de l’incident
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête, notamment lorsqu’il s’agit d’enfants
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
Renseignements personnels sur la santé
Les renseignements relatifs à la santé d’une personne qui ne sont pas liés à la décision du directeur (compte dûment tenu de la Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé) ont été caviardés.
Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis de ces rapports parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.
Rapport du directeur
Notification de l’UES
Le jeudi 25 juillet 2013 à 17 h 58, l’agent donnant l’avis a avisé l’Unité des enquêtes spéciales (« l’Unité » ou « l’UES ») du décès par balle du défunt. Selon l’agent donnant l’avis, quatre agents de la Police provinciale de l’Ontario avaient été dépêchés à un logement à Crotch Lake, dans le centre de l’Ontario, pour répondre à un appel concernant un homme potentiellement suicidaire. Lorsque les agents sont arrivés à l’adresse à environ 17 h 20, ils se sont trouvés devant le défunt, qui a pointé une carabine à haut calibre dans leur direction et a fait feu. Les agents ont ouvert le feu et ont blessé le défunt. Le défunt a été transporté d’urgence à l’hôpital général de Kingston, où on l’a opéré d’urgence. Malheureusement, le défunt a succombé à ses blessures le dimanche 28 juillet 2013.
L’enquête
Quelques minutes après avoir reçu l’appel, l’UES a dépêché cinq enquêteurs et deux enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sur les lieux de l’incident. Le premier enquêteur de l’UES est arrivé à la résidence à Crotch Lake à 21 h 30. Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont filmé et photographié la scène et ont mesuré la scène et les environs à l’aide d’une station totale de marque Sokkia. Ils ont trouvé neuf douilles utilisées de calibre .40 et deux projectiles utilisés (des balles) sur les lieux de l’incident. Lors de l’autopsie du défunt, pratiquée le 30 juillet 2013, trois autres balles utilisées ont été extraites de son corps.
À l’issue de l’enquête préliminaire de l’UES, les enquêteurs ont appris que la carabine à haut calibre était en fait une carabine à air comprimé de calibre .177 et de marque Beeman équipée d’une lunette, et que personne n’a tiré avec cette arme, contrairement à ce qui avait d’abord été affirmé. Par ailleurs, deux agents de la Police provinciale de l’Ontario, l’agent impliqué no 1 et l’agent impliqué no 2, avaient fait feu avec leur pistolet d’ordonnance respectif, et l’agent impliqué no 1 avait également utilisé son arme à impulsions. Par conséquent, l’agent impliqué no 1 et l’agent impliqué no 2 ont été identifiés comme étant des agents impliqués. Le 8 novembre 2013, l’agent impliqué no 1 a renoncé à ses droits en vertu de la Loi sur les services policiers et a fourni une déclaration, mais pas ses notes de service, à l’UES. L’agent impliqué no 2 a refusé de fournir ses notes à l’UES ou de participer à une entrevue avec cette dernière.
Par ailleurs, les membres suivants de la Police provinciale de l’Ontario ont été identifiés comme étant des agents témoins. Tous les agents témoins ont fourni leurs notes à l’UES et ont participé à une entrevue aux dates indiquées :
- agent(e) témoin no 1 (le 26 août 2013)
- agent témoin no 2 (le 26 août 2013)
- agent(e) témoin no 3 (le 26 août 2013)
- agent témoin no 4 (le 28 août 2013)
- agent témoin no 5 (le 28 août 2013)
À la demande de l’UES, la Police provinciale de l’Ontario a remis à cette dernière les documents suivants :
- les données d’instance d’appel des communications de la Police provinciale de l’Ontario relatives à l’incident
- un exemplaire du profil du défunt établi par la Police provinciale de l’Ontario
- un exemplaire de l’imprimé sur lequel on trouve les données du système de répartition assistée par ordinateur liées à l’incident
- un exemplaire du rapport général des activités de la Police provinciale de l’Ontario lié à l’incident
- un exemplaire de la transcription de l’appel effectué par le défunt à la Police provinciale de l’Ontario
- un exemplaire de la chronologie des événements de la Police provinciale de l’Ontario liée à l’incident
- un exemplaire du rapport d’incident de la Police provinciale de l’Ontario
Au cours de l’enquête de l’UES, les témoins civils suivants ont participé à une entrevue aux dates indiquées :
- témoin civil no 1 (le 26 juillet 2013)
- témoin civil no 2 (le 26 juillet 2013)
- témoin civil no 3 (le 26 juillet 2013)
- témoin civil no 4 (le 28 juillet 2013)
- témoin civil no 5 (le 28 juillet 2013)
- témoin civil no 6 (le 28 juillet 2013)
- témoin civil no 7 (le 29 juillet 2013)
- témoin civil no 8 (le 2 août 2013)
- témoin civil no 9 (le 8 août 2013)
- témoin civil no 10 (le 8 août 2013)
Déclarations des témoins et éléments de preuve fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête (considérations relatives à l’application de la loi et à la protection de la vie privée)
Décision du directeur en vertu du paragraphe 113(7) de la Loi sur les services policiers
À mon avis, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que les agents impliqués, nommément l’agent impliqué no 1 et l’agent impliqué no 2, ont commis une infraction criminelle en ce qui a trait au décès par balle du défunt, survenu le 25 juillet 2013.
Dans le cadre de son enquête, l’UES a interrogé 10 témoins civils et 5 agents témoins. Par ailleurs, l’agent impliqué, l’agent impliqué no 1, a participé à une entrevue, mais n’a pas fourni ses notes à l’UES. Quant à l’autre agent impliqué, l’agent impliqué no 2, il a refusé de participer à une entrevue et de fournir ses notes à l’Unité. Pour en arriver à une décision, j’ai examiné un diagramme de la scène, des enregistrements numériques de toutes les communications de la Police provinciale de l’Ontario liées à l’incident, l’imprimé sur lequel on trouve les données du système de répartition assistée par ordinateur liées à l’incident, le rapport général des activités de la Police provinciale de l’Ontario lié à l’incident, la transcription de l’appel effectué par le défunt à un membre de la Police provinciale de l’Ontario et au témoin civil no 3 le jour de l’incident, des appels téléphoniques effectués par le défunt à la Police provinciale de l’Ontario avant le jour de l’incident, la chronologie des événements de la Police provinciale de l’Ontario, le rapport d’incident de la Police provinciale de l’Ontario et le profil du défunt établi par la Police provinciale de l’Ontario. J’ai également effectué un examen visuel du fusil à plomb que le défunt a brandi au moment de l’incident. à la lumière de l’examen de ces éléments de preuve et des renseignements recueillis, j’estime posséder suffisamment d’information pour tirer les conclusions suivantes concernant l’incident ayant mené au décès par balle du défunt.
Renseignements personnels de nature délicate
Toutefois, le jeudi 25 juillet 2013, le défunt a également appelé diverses personnes pour les informer qu’il ne serait bientôt plus vivant. Il semblerait qu’il ait laissé un message sur la boîte vocale du témoin civil no 3 lors de son premier appel à 15 h. Le message qu’il a laissé au témoin civil no 3 indiquait en partie qu’il n’avait pas besoin de venir le voir en août et qu’il s’agissait de son dernier appel parce qu’il n’était plus capable de supporter la douleur renseignements personnels de nature délicate. Il était évident que défunt était bouleversé et il pleurait. Le témoin civil no 3 a communiqué avec la police de Durham pour les informer de l’appel. Le défunt avait également laissé un message vocal à l’agent non témoin du Bureau des normes professionnelles de la Police provinciale de l’Ontario à 15 h 51. Il avait toujours l’air bouleversé et s’est plaint que puisque certains agents de la Police provinciale de l’Ontario l’avaient battu et n’avaient eu aucune conséquence, il n’avait aucune raison de vivre. Il a remercié l’agent non témoin de l’avoir défendu et a affirmé « Je serai mort d’ici…ouais, je serai mort. Je vais mourir dans mon bateau et euh, j’ai mis de l’essence et je l’ai rempli de bois et euh j’ai euh…ouais, j’espère que je ne gâcherai pas vos vacances » traduction.
Le défunt a appelé le cabinet d’avocats d’une personne pour les informer que renseignements personnels de nature délicate. Le témoin civil no 2, renseignements personnels de nature délicate a répondu à l’appel. Le défunt voulait qu’il/qu’elle et une personne sachent qu’il allait mourir « comme un Viking » traduction, qu’il avait rempli son bateau de bois, qu’il allait y mettre le feu au milieu d’un lac et qu’il serait mort d’ici la fin de la journée. Après avoir appelé une personne, le témoin civil no 2 a appelé la Police provinciale de l’Ontario à 16 h 37 et a informé le téléphoniste du service 9‑1‑1 de la conversation qu’il/qu’elle avait eue avec le défunt il y avait environ 30 minutes.
C’est le témoin civil no 4 qui, vers 16 h 16, a été le premier à appeler le répartiteur des appels d’urgence de la Police provinciale de l’Ontario pour l’informer des menaces de « suicide » du défunt. Le témoin civil no 4 a dit au répartiteur des appels d’urgence qu’il/qu’elle venait de recevoir un appel du défunt, qui a affirmé vouloir embarquer dans un bateau et y mettre le feu. Le témoin civil no 4, qui travaille pour Frontenac News, avait entendu parler du défunt puisque le journal avait publié un article sur renseignements personnels de nature délicate. Il/elle avait appelé son éditeur puis avait immédiatement appelé le service 9‑1‑1.
La Police provinciale de l’Ontario a informé les services d’ambulance et d’incendie qu’ils devaient se rendre à la zone de rassemblement à l’intersection des chemins Arden et Pitt, à environ un kilomètre de la maison du défunt pour intervenir dans le cadre d’une éventuelle tentative de suicide qui aurait lieu dans un bateau. Les membres du service d’incendie ont affirmé qu’ils voyaient un bateau sur l’eau à partir du chemin Arden.
Des agents, l’agent impliqué no 2, l’agent(e) témoin no 1 et l’agent(e) témoin no 3 ainsi que l’agent impliqué no 1 se sont rencontrés à la zone de rassemblement (des membres du service d’incendie étaient également présents) à environ 17 h et ont établi un plan pour gérer la situation. Les agents avaient été informés que le défunt, un homme imposant mesurant 6 pieds et 3 pouces et pesant entre 250 et 270 lb, était imprévisible, qu’il détestait la police et qu’il serait probablement troublé puisqu’il avait, la veille, été reconnu coupable d’avoir conduit malgré la suspension de son permis. L’agent(e) témoin no 3, qui connaissait très bien le défunt, était au courant de ces renseignements et a dit aux autres agents que le défunt avait trois gros chiens qui pourraient être agressifs.
Les agents ont convenu d’un plan. L’agent(e) témoin no 1 s’est muni d’un extincteur au cas où le défunt s’immolerait par le feu et pour éloigner les chiens, au besoin. L’agent impliqué no 1 tenait son arme à impulsions et l’agent(e) témoin no 3 tenait un fusil semi-automatique C-8. Les quatre agents se sont rendus en voiture jusqu’à la maison du défunt, à un lieu. L’agent impliqué no 2 et l’agent(e) témoin no 3 était dans un VUS et l’agent impliqué no 1 et l’agent(e) témoin no 1 étaient dans une auto-patrouille. L’agent impliqué no 2 et l’agent(e) témoin no 3 ont immobilisé leur VUS en haut d’une allée en gravier qui menait vers la résidence. L’agent impliqué no 1 et l’agent(e) témoin no 1 se sont stationnés derrière le VUS. Les agents ont descendu l’allée. L’agent impliqué no 2 et l’agent impliqué no 1 se trouvait respectivement à la gauche et à la droite de l’agent(e) témoin no 3. L’agent(e) témoin no 1 les suivait en tenant l’extincteur. L’allée menait à une colline puis à une pente qui descendait abruptement en direction sud vers la cabane ou la roulotte du défunt, qui se trouvait à la gauche de l’allée. Il y avait une table à pique-nique à la droite de l’allée.
Les agents qui se trouvaient sur les lieux de la résidence du défunt avaient des versions semblables, mais non identiques, des événements. à mon avis, les « différences » entre les versions s’expliquent par le fait que l’incident s’est déroulé très rapidement et que chaque agent avait une perspective et un point de vue différents des événements.
Les agents ont commencé à descendre l’allée en direction de la roulotte, et l’agent(e) témoin no 3 a crié « nom ». Soudainement, le défunt a ouvert la porte d’entrée de la roulotte; il n’avait rien dans les mains et il était nu. Selon l’agent(e) témoin no 3 et l’agent(e) témoin no 1, il criait et hurlait. Il a traversé l’allée en courant et s’est dirigé vers la table à pique-nique, s’est emparé d’un fusil à lunette de tir qui se trouvait sur la table, l’a levé et l’a pointé en direction des agents. L’agent(e) témoin no 1 affirme qu’il se trouvait à une distance de 10 à 15 verges; l’agent(e) témoin no 3 estime qu’il se trouvait à une distance de 50 pieds (15 mètres) et l’agent impliqué no 1 affirme plutôt qu’il se trouvait à une distance de 40 pieds (12,2 mètres).
L’agent(e) témoin no 1 a affirmé qu’il/qu’elle a laissé tomber l’extincteur et qu’il/qu’elle s’est caché derrière une remorque utilitaire immobilisée, parce qu’il/qu’elle craignait pour sa vie. Il/Elle a entendu quelqu’un faire feu avec une arme à impulsions et plusieurs coups de feu. Il/Elle a affirmé qu’il/elle croyait que le défunt avait ouvert le feu dans leur direction. Il/Elle a dit que lorsqu’il/elle a levé les yeux, il/elle a vu que l’agent impliqué s’était caché derrière un arbre et avait dégainé son arme à feu. Son arme à impulsions se trouvait sur le sol. Le défunt, qui tenait toujours la carabine, a couru en direction de la roulotte. L’agent(e) témoin no 1 a entendu quelqu’un dire « jetez votre arme » traduction à plusieurs reprises et a vu que l’agent impliqué no 2 se trouvait devant lui/elle et qu’il/qu’elle avait dégainé son arme à feu. L’agent(e) témoin no 1 a affirmé qu’il/qu’elle a dégainé son arme et s’est dirigé vers un emplacement plus sécuritaire, mais à partir duquel il/elle ne voyait plus bien le défunt. L’agent(e) témoin no 1 a également affirmé que lorsqu’il/elle est retourné à un lieu, après l’incident, il/elle a vu l’agent impliqué no 2 tenir la tête du défunt. L’agent(e) témoin no 1 et l’agent(e) témoin no 3 ont tous les deux entendu le défunt dire à plusieurs reprises à l’agent impliqué no 2 de le laisser mourir. L’agent(e) témoin no 1 et l’agent(e) témoin no 3, qui se trouvaient dans l’ambulance avec le défunt lorsque ce dernier a été transporté à l’hôpital de Napanee, ont affirmé que le défunt leur avait fait une demande semblable.
L’agent(e) témoin no 3 a affirmé que le défunt s’était dirigé vers la table à pique-nique, qu’il s’était emparé d’un fusil à lunette de tir et qu’il l’avait pointé directement vers les quatre agents, qui se trouvaient à environ 50 pieds de lui. L’agent(e) témoin no 3 se sentait impuissant puisqu’il/elle se trouvait entre ses deux collègues et qu’il ne pouvait pas se mettre à l’abri. Les agents ont ordonné au défunt de jeter son arme. Plusieurs coups de feu ont été tirés. L’agent(e) témoin no 3 n’a pas fait feu avec sa carabine C-8 même s’il/elle se sentait vulnérable et qu’il/elle craignait pour sa vie. Il/Elle a affirmé que la situation était irréelle et que tout s’était déroulé si rapidement qu’il/qu’elle n’a pas eu le temps de réagir. L’agent(e) témoin no 3 a dit aux enquêteurs de l’UES que tout semblait s’être terminé « en moins d’une seconde » traduction. L’agent(e) témoin no 3 croyait que l’agent impliqué no 1 et l’agent impliqué no 2 avaient tiré avec leur arme à feu, parce qu’il/qu’elle avait entendu des coups de feu à sa droite et à sa gauche. Le défunt a couru vers sa roulotte en pointant sa carabine vers l’agent(e) témoin no 3 et les autres et s’est effondré sur les marches devant sa roulotte. L’agent(e) témoin no 3 a affirmé que lorsque les agents ont compris que le défunt ne se relèverait pas, l’agent impliqué no 1 et l’agent impliqué no 2 se sont prudemment approchés de lui. L’agent impliqué no 2 a menotté les mains du défunt derrière son dos. Le défunt gémissait et disait en murmurant qu’il voulait mourir. La carabine du défunt se trouvait à côté de ce dernier. L’agent(e) témoin no 3 a vu que le défunt avait été atteint par balle à la main gauche et dans le dos. L’agent(e) témoin no 3 et l’agent(e) témoin no 1 ont aidé les ambulanciers paramédicaux à transporter le défunt jusqu’à l’ambulance et sont restés dans l’ambulance avec lui.
L’agent impliqué no 1 a affirmé qu’il avait dit à plusieurs reprises « nom arrêtez » traduction alors que le défunt courait vers la table à pique-nique, mais que le défunt ne se souciait pas de la présence de la police et n’obtempérait pas aux ordres des agents. L’agent impliqué no 1 a affirmé que le défunt lui tournait d’abord le dos, mais que lorsqu’il s’est tourné, il « tenait une carabine avec ses deux mains » traduction. La carabine avait une crosse en bois et une lunette de tir. L’agent impliqué no 1 avait l’impression qu’il s’agissait d’une vraie arme que le défunt pointait vers lui. L’agent impliqué no 1 a affirmé qu’il a instinctivement pointé l’arme à impulsions vers le défunt et a fait feu, même s’il s’est immédiatement dit qu’il n’avait pas la bonne arme et qu’il était trop loin. Il a affirmé qu’il se trouvait à environ 40 pieds du défunt et il savait que la portée de l’arme à impulsions était d’environ 25 pieds. Il a vu que les fils et les dards de l’arme à impulsions n’avaient pas atteint le défunt.
L’agent impliqué no 1 affirme qu’il a presque immédiatement entendu deux coups de feu qui avaient été tirés derrière lui, à sa gauche. Le défunt a entrepris de diriger sa carabine un peu partout autour de lui, avant de la pointer directement vers l’agent impliqué no 1 en le tenant à la hauteur de ses hanches. Le défunt tenait encore la carabine dans ses mains lorsqu’il s’est tourné, exposant son côté gauche à l’agent impliqué no 1. Il a commencé à se diriger d’un bon pas vers le palier avant de sa résidence. L’agent impliqué no 1 a immédiatement dégainé son pistolet d’ordonnance et a suivi des yeux le défunt, qui s’est arrêté dans l’escalier du palier en tenant toujours sa carabine dans ses deux mains. L’agent impliqué no 1 croyait que le défunt le tuerait s’il ne l’arrêtait pas. L’agent impliqué no 1 croit qu’il a fait feu à deux ou trois reprises avec son pistolet d’ordonnance en direction du défunt qui se trouvait dans les escaliers du palier. Il a ensuite couvert l’agent impliqué no 2 qui menottait le défunt et a dit aux autres agents de ne pas toucher l’arme à impulsions et la carabine du défunt. Il a demandé aux agents qui, parmi eux, avait tiré avec leur arme à feu et seul l’agent impliqué no 2 a affirmé qu’il l’avait fait. Il a ensuite demandé à l’agent(e) témoin no 1 et à l’agent(e) témoin no 3 d’accompagner le défunt dans l’ambulance.
Bien que l’agent impliqué no 2 n’ait pas participé à une entrevue et n’ait pas fourni ses notes à l’UES, il a parlé à l’agent témoin no 4, un agent témoin, qui est arrivé sur les lieux de l’incident à 18 h 30 (les coups de feu ont eu lieu vers 17 h 22) et qui a conduit l’agent témoin no 2 au détachement de Perth de la Police provinciale de l’Ontario. Il/Elle l’a conduit à l’hôpital puis à sa maison à 22 h 35. Il/Elle a parlé brièvement de l’incident avec l’agent impliqué no 2, qui lui a dit que les agents ayant joué un rôle dans l’incident avaient été dépêchés sur les lieux pour répondre à un appel concernant un homme qui menaçait de se suicider. Il a également dit que le défunt est sorti de sa maison, qu’il s’est dirigé vers la table à pique-nique, qu’il a pris une carabine et qu’il l’a pointée vers l’agent impliqué no 1. Il/Elle a dit que l’agent impliqué no 2 a affirmé avoir tiré des coups de feu avec son pistolet d’ordonnance en direction du défunt et qu’il lui avait ensuite administré les premiers soins.
Bien que les ambulanciers ne se trouvaient pas sur les lieux au moment de l’incident, ils ont affirmé qu’ils avaient été dépêchés à un lieu en réponse à un appel concernant un homme suicidaire. Leurs observations sur les événements concordent avec les versions des faits des agents de police. Par ailleurs, ils ont vu l’agent impliqué no 2 administrer les premiers soins au défunt et stabiliser sa tête. Les deux ambulanciers ont indiqué que les agents les avaient aidés quant au matériel pour leur permettre d’administrer les premiers soins au défunt plus rapidement sur les lieux de l’incident. Aucun des ambulanciers n’a entendu le défunt dire qu’il voulait mourir, mais l’un d’entre eux l’a entendu dire à la blague que les agents tiraient très mal.
L’autopsie a révélé que le défunt avait été atteint par six balles. Le défunt est décédé de « complications dues à de multiples blessures par balle » traduction. Deux des balles ont éraflé le défunt et quatre ont traversé son torse. En nous fondant sur la description de l’incident et de l’endroit où les balles ont traversé le corps du défunt, nous pouvons déterminer qu’il ne faisait pas directement face aux agents lorsque ces derniers ont ouvert le feu et que c’est son côté gauche et son dos qui étaient exposés aux agents. Cette hypothèse est soutenue par le fait que les balles ont pénétré le côté gauche de son torse et sont sorties par divers endroits de son côté droit. Ni la scène de l’incident ni la nature et l’emplacement des blessures ne laissent croire que la version des faits des agents est inexacte ou fallacieuse. L’examen des balles n’a pas permis de déterminer avec certitude si le défunt avait été atteint par les balles tirées par l’agent impliqué no 2 et l’agent impliqué no 1. Tout ce que l’examen médicolégal a permis de déterminer c’est que ces deux agents ont tiré avec leur arme à feu puisque deux cartouches recueillies provenaient du pistolet de l’agent impliqué no 1, que quatre cartouches provenaient du pistolet de l’agent impliqué no 2 et que trois cartouches pouvaient provenir de l’un ou de l’autre des pistolets de ces deux agents. Nous savons que l’agent(e) témoin no 1 n’a pas déchargé son arme à feu puisqu’il/elle tenait un extincteur et que l’agent(e) témoin no 3 n’a pas fait feu avec la carabine C-8 qu’il tenait.
En ce qui concerne la preuve médicolégale, les tests d’ADN ont confirmé que le défunt tenait la carabine, comme l’avaient affirmé les agents. L’arme que brandissait le défunt était une carabine Beeman à un coup de calibre .177 à ressort et à extraction automatique. Au moment où l’agent témoin no 5 a placé la carabine en sécurité sur les lieux de l’incident à 23 h 8, cette dernière était armée et ne contenait qu’un seul plomb.
À la lumière des renseignements concernant ses menaces de suicide, les agents de police étaient autorisés dans ce cas-ci à procéder à l’arrestation du défunt en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale. Ils ont demandé de façon appropriée aux services d’urgence de les aider au besoin. Compte tenu des renseignements qu’ils avaient reçus concernant l’imprévisibilité du défunt et sa haine de la police, l’agent impliqué no 1 s’était muni d’une arme à impulsions et l’agent(e) témoin no 3 avait apporté une carabine sur les lieux. L’agent(e) témoin no 1 avait quant à lui apporté un extincteur au cas où le défunt s’immolerait par le feu comme cela semblait être son intention.
Lorsque le défunt, nu, a couru vers la table à pique-nique qui se trouvait dans sa cour en criant, qu’il s’est emparé de sa carabine à air qui semblait être une carabine à haut calibre très dangereuse avec lunette de tir et canon évasé et qu’il l’a pointée en direction des agents, il a initié la série de décisions qui ont mené à sa mort. Tous les agents ont affirmé que le défunt pointait la carabine dans leur direction. L’agent impliqué no 1 croyait que le défunt pointait la carabine directement vers lui (tout comme l’agent impliqué no 2) et a affirmé que c’est la raison pour laquelle il a immédiatement eu recours à son arme à impulsions. Il s’est toutefois rapidement rendu compte que l’arme était inutile puisqu’il se trouvait trop loin du défunt. Il a affirmé qu’il croyait subjectivement que le défunt allait le tuer au moment où il a tiré avec son pistolet d’ordonnance. Les autres agents témoins ont également affirmé qu’ils avaient eu peur de mourir et qu’ils s’étaient sentis impuissants ou vulnérables.
Voici des facteurs qui, objectivement, permettent d’influence le caractère raisonnable de cette peur subjective : (i) la musique était très forte et le lieu était isolé, (ii) la propension du défunt à avoir recours à la violence et à détester la police, (iii) l’état mental du défunt, (iv) le défunt avait affirmé vouloir se suicider cette journée-là et (v) la rapidité à laquelle les événements se sont déroulés.
Bien qu’il soit probable que le comportement du défunt sur les lieux de l’incident corresponde aux critères d’un « suicide par police interposée », je n’ai pas besoin d’en être certain pour conclure que les agents n’ont commis aucune infraction criminelle dans la présente affaire.
J’ai examiné l’ensemble de la preuve et j’estime qu’il est de mon devoir de poser la question suivante : la décision des agents impliqués d’avoir recours à la force létale étaitelle justifiée dans ces circonstances? J’estime que leur décision était justifiée et, par conséquent, je suis d’avis qu’il n’existe aucun motif raisonnable de croire que l’agent impliqué no 1 ou l’agent impliqué no 2 ont commis une infraction criminelle en ce qui a trait au décès malheureux du défunt.
Puisque le défunt était nu, qu’il s’est mis à courir en criant vers ce qui semblait être une carabine à haut calibre et qu’il a pointé cette dernière en direction des quatre agents, ces derniers n’avaient pas d’autres solutions que d’avoir recours à la force létale compte tenu de la rapidité à laquelle les événements se sont déroulés. S’ils avaient décidé de ne pas avoir recours à la force létale, les agents auraient mis leur vie et celle de leurs partenaires en danger.
Date : Le 30 janvier 2014
Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Annexe A
Aucun problème n’a été relevé en ce qui a trait aux notes de service des agents témoins.