Note explicative

Le gouvernement de l’Ontario publie les précédents rapports du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales (UES) présentés au procureur général avant mai 2017 qui portent sur les cas où il y a eu un décès impliquant une arme à feu, une empoignade et/ou l’utilisation d’une arme à impulsions, ou encore un autre type d’intervention notable de la part de la police n’ayant pas entraîné d’accusations criminelles.

Le juge Michael H. Tulloch a formulé des recommandations concernant la publication des précédents rapports du directeur de l’UES dans le Rapport de l’examen indépendant des organismes de surveillance de la police, lequel a été publié le 6 avril 2017.

Dans ce rapport, le juge Tulloch explique qu’étant donné que les précédents rapports n’avaient pas été rédigés au départ en vue d’être divulgués au public, il est possible qu’ils soient modifiés de façon importante pour protéger les renseignements de nature délicate qui s’y trouvent. Le juge a tenu compte du fait que divers témoins lors d’enquêtes de l’UES bénéficiaient de l’assurance de confidentialité et a donc recommandé que certains renseignements soient caviardés de manière à protéger la vie privée, la sûreté et la sécurité de ces témoins.

Conformément à la recommandation du juge Tulloch, la présente note explicative est fournie afin d’aider le lecteur à mieux comprendre les raisons pour lesquelles certains renseignements sont caviardés dans ces rapports. On a également inséré des notes tout au long des rapports pour décrire la nature des renseignements caviardés et les raisons justifiant leur caviardage.

Considérations relatives à l’application de la loi et à la protection des renseignements personnels

Conformément aux recommandations du juge Tulloch et selon les termes de l’article 14 de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (LAIPVP) (renseignements relatifs à l’exécution de la loi), des parties de ces rapports ont été retirées de manière à protéger la confidentialité de ce qui suit :

  • l’information divulguant des techniques ou procédures confidentielles utilisées par l’UES
  • l’information dont la publication pourrait raisonnablement faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre d’une enquête

Conformément aux recommandations du juge Tulloch et selon les termes de l’article 21 de la LAIPVP (renseignements relatifs à la protection de la vie privée), les renseignements personnels, notamment les renseignements personnels de nature délicate, doivent également être caviardés, sauf ceux qui sont nécessaires pour éclairer les motifs de la décision du directeur. Ces renseignements peuvent comprendre, sans toutefois s’y limiter, ce qui suit :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête, notamment lorsqu’il s’agit d’enfants
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête

Renseignements personnels sur la santé

Les renseignements relatifs à la santé d’une personne qui ne sont pas liés à la décision du directeur (compte dûment tenu de la Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé) ont été caviardés.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis de ces rapports parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Rapport du directeur

Avis à l’UES

Date et heure de l’avis : 2015-11-07, à 20 h 28
Avis remis par : Police

Le 6 novembre 2015, à 8 h 19, l’agent(e) donnant l’avis du Service de police de Toronto (SPT) a communiqué avec l’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES ») pour signaler que M. Rodrigo Almonacid Gonzalez avait été admis à l’hôpital St. Joseph en raison d’un arrêt cardiaque causé par une surdose de cocaïne à la suite de son arrestation par les agents de l’équipe d’intervention d’urgence (EIU) ce matin là. Il/Elle a signalé qu’à 0 h 4, le SPT a été dépêché à l’appartement ----redacted à un lieu par le témoin civil no 1 qui a affirmé qu’il avait consommé de la cocaïne et saccageait l’appartement. Les policiers sont arrivés sur les lieux peu de temps après et M. Almonacid Gonzalez s’était barricadé dans la salle de bains. L’EIU a négocié avec M. Almonacid Gonzalez pendant environ deux heures avant d’être en mesure de le sortir de la salle de bains. En raison de son comportement, une arme à impulsions a été déployée, mais il n’a subi aucune blessure. M. Almonacid Gonzalez a été transporté à l’hôpital St. Joseph où il a été mis sous sédation et intubé en raison de son comportement. Il a ensuite été admis à l’unité des soins intensifs en raison d’une surdose de cocaïne. Par conséquent, le cas a été classé par l’UES comme étant hors compétencefootnote 1.

Le 7 novembre 2015, à 20 h 28, l’agent(e) donnant l’avis a communiqué avec l’UES pour l’aviser que M. Almonacid Gonzalez était décédé à 17 h 5 ce jour là. Il a été convenu que l’UES assisterait à l’autopsie pour confirmer que la cause de décès était effectivement une surdose et qu’il n’y avait aucune raison de croire que le décès était lié de quelque façon que ce soit à l’intervention policière pendant son arrestation. L’autopsie a été pratiquée les 9 et 10 novembre 2015 par le/la docteur(e) no 3. Aucune cause de décès préliminaire n’a été déterminée à ce moment là. Par conséquent, l’UES a entrepris une enquête.

Récapitulatif

Dans la soirée du 5 novembre 2015, M. Almonacid Gonzalez était dans son appartement et se disputait avec le témoin civil no 1. à 0 h 2, le 6 novembre 2015, il/elle a appelé le service 9 1 1 dans tous ses états pour demander l’intervention des policiers à son appartement. à leur arrivée, les agents ont trouvé M. Almonacid Gonzalez faisant du bruit dans la salle de bains la porte fermée. Les agents l’ont maîtrisé dans la salle de bains jusqu’à l’arrivée de l’EIU. L’EIU a amorcé une négociation avec M. Almonacid Gonzalez à travers la porte de la salle de bains, avant de finir par entrer et l’arrêter en vertu de la Loi sur la santé mentale. M. Almonacid Gonzalez a résisté aux agents de l’EIU qui tentaient de le menotter. L’agent impliqué no 1 et l’agent impliqué no 2 ont déployé des armes à impulsions. M. Almonacid Gonzalez a été transporté à l’hôpital, où il est décédé le lendemain de complications de la toxicité aiguë de la cocaïne selon le rapport d’autopsie.

L’enquête

Type d’intervention : Intervention prévue
Date et heure de l’envoi de l’équipe : 2015-11-07, à 21 h 10
Date et heure de l’arrivée de l’UES sur les lieux : 2015-11-07, à 21 h 25
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Plaignant

M. Rodrigo Hector Almonacid Gonzalez - indisponible

Témoins civils

témoin civil no 1 Première entrevue : le 10 novembre 2015

témoin civil no 2 Première entrevue : le 10 novembre 2015

témoin civil no 3 Première entrevue : le 13 novembre 2015

témoin civil no 4 Première entrevue : le 13 novembre 2015

témoin civil no 5 Première entrevue : le 17 novembre 2015

témoin civil no 6 Première entrevue : le 17 novembre 2015

témoin civil no 7 Première entrevue : le 18 novembre 2015

témoin civil no 8 Première entrevue : le 18 novembre 2015

témoin civil no 9 Première entrevue : le 23 novembre 2015

témoin civil no 10 Première entrevue : le 23 novembre 2015

témoin civil no 11 Première entrevue : le 18 novembre 2015

docteur(e) no 1 Première entrevue : le 14 décembre 2015

docteur(e) no 2 Première entrevue : le 5 février 2016

Agents impliqués

agent impliqué no 1 N’a pas consenti à une entrevue

agent impliqué no 2 N’a pas consenti à une entrevue

Les agents impliqués n’ont pas remis d’exemplaires des notes de service écrites dans leur carnet.

Agents témoins

agent témoin no 1 Première entrevue : le 26 novembre 2015 agent témoin no 2 Première entrevue : le 20 novembre 2015 agent témoin no 3 Première entrevue : le 3 décembre 2015 agent témoin no 4 Première entrevue : le 23 novembre 2015 agent témoin no 5 Première entrevue : le 26 novembre 2015 agent(e) témoin no 6 Première entrevue : le 20 novembre 2015 agent témoin no 7 Première entrevue : le 20 novembre 2015 agent témoin no 8 Première entrevue : le 20 novembre 2015 agent(e) témoin no 9 Première entrevue : le 23 novembre 2015 agent(e) témoin no 10 Première entrevue : le 7 décembre 2015 agent témoin no 11 Première entrevue : le 23 novembre 2015 agent témoin no 12 Première entrevue : le 24 novembre 2015

L’UES a demandé le matériel et les documents suivants au SPT, qu’elle a obtenus et examinés :

  • les lignes directrices sur l’emploi de la force (AI 012), décembre 2014
  • la norme de formation à l’intention des utilisateurs d’armes à impulsions (AI 012B), décembre 2014
  • la norme de formation à l’intention des formateurs pour l’utilisation d’armes à impulsions (AI 012C), décembre 2014
  • la norme de formation relative à formation de requalification (AI 012D), décembre 2014
  • la norme de formation relative à la familiarisation avec les armes à impulsions (AI 012E)
  • la norme de formation relative au renouvellement de l’accréditation des formateurs (AI 012F)
  • la norme de formation relative aux formateurs d’instructeurs (AI 012G)
  • les spécifications techniques relatives aux armes à impulsions (AI 012H), décembre 2014
  • le formulaire C163 – Avis de décès (GRC)
  • renseignements personnels de nature délicate
  • la carte de données de l’arme à impulsions 1
  • la carte de données de l’arme à impulsions 2
  • les renseignements sur les armes à impulsion (envoyés à partir de l’outil Capture d’écran)
  • le sommaire de la conversation du centre des communications
  • le rapport sur l’utilisation de l’arme à impulsions de l’agent impliqué no 2
  • le rapport sur l’utilisation de l’arme à impulsions de l’agent impliqué no 1
  • renseignements personnels de nature délicate
  • le courriel du SPT concernant les agents impliqués daté du 16 février 2016
  • l’équipement attribué à l’EIU
  • les miniatures des Services d’identification médicolégale
  • le rapport général des activités
  • le rapport général des activités-----édité
  • le rapport d’incident sur le risque élevé de l’EIU-----édité
  • le registre des appels au service 9-1-1 du système de répartition assisté par ordinateur-----édité
  • le rapport des détails de l’événement tiré du système de répartition assisté par ordinateur-----édité
  • le rapport des blessures daté du 2015-11-10
  • le sommaire Lync ----édité
  • les notes de l’agent témoin no 12
  • les notes de l’agent témoin no 5
  • les notes de l’agent(e) témoin no 10
  • les notes de l’agent témoin no 7
  • les notes de l’agent témoin no 8
  • les notes de l’agent témoin no 4
  • les notes de l’agent témoin no 11
  • les notes de l’agent témoin no 1
  • les notes de l’agent témoin no 2
  • les notes de l’agent(e) témoin no 6
  • les notes de l’agent(e) témoin no 9
  • les notes de l’agent témoin no 3
  • les feuilles de présence de la 11e Division – peloton C (nuits)
  • les feuilles de présence de la 11e Division (nuits)
  • les feuilles de présence de l’EIU
  • la planche contact des photos des lieux des services policiers
  • la politique 15 05 sur l’emploi de la force (armes à impulsions)
  • renseignements personnels de nature délicate
  • renseignements personnels de nature délicate
  • la procédure 0604 – annexe B
  • la procédure 0604 – annexe A
  • la procédure 0604 – personnes présentant des troubles affectifs
  • la procédure 1005 – incidents exigeant l’EIU
  • la procédure 1509 – arme à impulsions
  • l’enregistrement des communications audio du SPT
  • le matériel de formation sur les tactiques défensives du programme de formation de 2014
  • le matériel de formation sur l’emploi de la force du programme de formation de 2015
  • le dossier de formation sur l’emploi de la force de l’agent impliqué no 2
  • le dossier de formation sur l’emploi de la force de l’agent impliqué no 1
  • les documents de formation sur l’emploi de la force de l’agent impliqué no 2
  • les documents de formation sur l’emploi de la force de l’agent témoin no 12
  • les documents de formation sur l’emploi de la force de l’agent non témoin no 1
  • les documents de formation sur l’emploi de la force de l’agent(e) témoin no 10
  • les documents de formation sur l’emploi de la force de l’agent témoin no 14
  • les documents de formation sur l’emploi de la force de l’agent témoin no 11
  • les documents de formation sur l’emploi de la force de l’agent impliqué no 1
  • les documents de formation sur l’emploi de la force de l’agent témoin no 3, et
  • le compte rendu sommaire VDX ----édité

Les lieux

Les lieux étaient un appartement comptant deux chambres, une salle de bains, une cuisine et un salon et une salle à manger combinés. Les éléments suivants illustrent la scène :

  • un dessin de l’agent témoin no 8
  • un dessin de l’agent témoin no 3
  • des croquis de l’UES de l’appartement et de la salle de bains, et
  • un diagramme à l’échelle des lieux de l’ UES (en anglais seulement)

Schéma des lieux

Déclarations des témoins et éléments de preuve fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête (considérations relatives à l’application de la loi et à la protection de la vie privée)

Décision du directeur en vertu du paragraphe 113(7) de la Loi sur les services policiers

Il existe des motifs insuffisants de croire que les agents impliqués, soit l’agent impliqué no 2 et l’agent témoin no 1, ont commis une infraction criminelle relativement au décès de M. Rodrigo Gonzalez.

M. Gonzalez est décédé à l’hôpital St. Joseph le 7 novembre 2015. Il a été admis à l’hôpital à la suite d’une altercation entre lui et des membres de l’EIU du SPT, qui a eu lieu dans la salle de bains de son appartement. M. Gonzalez s’était barricadé dans la salle de bains, ce qui a nécessité l’intervention de l’EIU. Après l’échec des tentatives de négociation, l’EIU est entrée de force dans la salle de bains dans le but de procéder à une appréhension en vertu de la Loi sur la santé mentale. M. Gonzalez a résisté à son appréhension après l’entrée des agents, et les deux agents impliqués se sont servis de leurs armes à impulsions. M. Gonzalez a ensuite été transporté à l’hôpital pour recevoir des soins médicaux. Il a été victime de deux arrêts cardiaques pendant qu’il recevait des soins à l’hôpital et le deuxième s’est avéré mortel. à l’aide d’un rapport toxicologique ainsi que d’un examen cardiovasculaire, le médecin légiste en chef adjoint de l’Ontario a déterminé la cause du décès comme étant des « complications de la toxicité aiguë de la cocaïne » traduction.

Constatations de faits

Les faits qui ont précédé l’entrée par la force de l’EIU dans la salle de bains de M. Gonzalez sont clairs et incontestables. Le 6 novembre, à 0 h 2, les services d’urgence ont reçu un appel au 9-1-1 du témoin civil no 1. On peut décrire le témoin civil no 1 comme étant pris de panique et dans tous ses états pendant l’appel. Il/Elle a été en mesure de donner son nom et de demander d’un ton affolé l’intervention des policiers à son adresse avant que l’appel ne soit coupé. Le téléphoniste du service 9 1 1 a tenté de rappeler à plusieurs reprises entre 0 h 2 et 12 h 12, mais personne n’a répondu au téléphone. Les services d’urgence ont été en mesure d’obtenir les renseignements sur l’abonné associés au numéro de téléphone et par conséquent, des agents ont été dépêchés à un lieu, appartement ----édité.

L’agent témoin no 7 était le premier agent à répondre à l’appel et est arrivé sur les lieux à l’appartement à 0 h 20. Il a évalué l’intérieur de l’appartement comme étant tranquille et a constaté que la porte était déverrouillée. Il a annoncé sa présence et est entré dans l’appartement ----édité. En entrant dans la résidence, l’agent témoin no 7 a remarqué qu’elle était mal éclairée et jonchée d’objets et de meubles divers. Il a immédiatement entendu un bruit donnant à penser que quelqu’un se trouvait à l’intérieur. Après avoir rapidement parcouru l’appartement du regard, il a été en mesure de déterminer que le bruit provenait de la salle de bains. Il a crié, mais n’a reçu aucune réponse. Le témoin civil no 2 est ensuite entré dans l’appartement et a indiqué qu’il s’agissait de la résidence du témoin civil no 1. L’agent témoin no 7 a demandé au témoin civil no 2 de partir. Il a entendu les bruits devenir de plus en plus forts, et ceux ci ressemblaient aux bruits d’une lutte. Il a dégainé son arme et donné l’ordre d’ouvrir la porte de la salle de bains. Il craignait qu’une femme ne soit agressée dans la salle de bains.

L’agent témoin no 7 a donné quelques coups de pied dans la porte, mais n’a pas été en mesure de la forcer. Il semblait que quelqu’un la tenait fermée de l’intérieur de la salle de bains. Il a donné d’autres coups de pied dans la porte et est parvenu à l’entrouvrir de force. Il a pu voir M. Gonzalez debout dans la salle de bains. Il était nu, seul et tenait le couvercle en porcelaine de la toilette au dessus de sa tête. L’agent témoin no 7 a indiqué que M. Gonzalez n’a rien dit en réponse à sa présence; il n’a fait que lui lancer un regard furieux. Après s’être assuré qu’il n’y avait personne d’autre dans la salle de bains, l’agent témoin no 7 a braqué son arme à feu sur M. Gonzalez et lui a donné l’ordre de lâcher le couvercle de la toilette. Devant le refus de M. Gonzalez d’obtempérer, l’agent témoin no 7 a lentement reculé dans le couloir. M. Gonzalez a ensuite claqué la porte de la salle de bains.

L’agent témoin no 7 a maintenu la sécurité des lieux en attendant l’arrivée d’autres agents. Il estime que l’agent témoin no 5 et ’agent(e) témoin no 6 sont entrés dans l’appartement sans délaifootnote 18. Pendant que les trois agents étaient présents, le témoin civil no 1 est entré dans l’appartement. Il/Elle a indiqué aux agents que M. Gonzalez s’était déchaîné, fracassant tout dans l’appartement. Il/Elle a également affirmé qu’il avait récemment consommé de la cocaïnefootnote 19. Pendant que les trois agents se trouvaient dans l’appartement, ils entendaient constamment des coups et du fracas provenant de la salle de bains. Ils ont discuté de la possibilité d’entrer dans la salle de bains, mais ont décidé qu’ils ne pourraient pas le faire en toute sécurité. Ils ont également conclu qu’ils auraient de la difficulté à maîtriser M. Gonzalez s’il sortait. L’agent témoin no 7 a demandé par radio qu’on envoie en renfort un agent armé d’une arme à impulsions.

L’agent témoin no 8 est arrivé à l’appartement à 0 h 33. Il a pris position près de la porte, son arme à impulsions à la main. L’agent témoin no 7 se tenait prêt, son arme à feu dégainée, tandis que l’agent(e) témoin no 6 tenait sa matraque. L’agent témoin no 8 a tenté de communiquer avec M. Gonzalez, mais en vain. étant donné qu’il faisait face à une personne qui s’était barricadée dans une pièce, l’agent témoin no 8 a demandé qu’on envoie l’EIU en renfort conformément à la politique du SPTfootnote 20. Les agents ont maîtrisé les lieux pendant que l’agent témoin no 8 a commencé à évacuer les appartements voisins pour des motifs de sécurité. Les agents ont continué leurs tentatives de communication avec M. Gonzalez, toujours en vain. Pendant ce temps, des bruits provenaient de la salle de bains donnant à penser que M. Gonzalez fracassait des objets.

L’EIU demandée à 0 h 42, qui est par la suite arrivée vers 1 h 15, était sous le commandement de l’agent(e) témoin no 9. En plus du commandant, l’équipe était formée de l’agent témoin no 12, de l’agent(e) témoin no 10, de l’agent témoin no 4, de l’agent témoin no 11 et de l’agent témoin no 3, ainsi que des agents impliqués, soit l’agent impliqué no 2 et l’agent impliqué no 1. L’agent(e) témoin no 9 a pris le contrôle des lieux et a reçu de l’information selon laquelle M. Gonzalez s’était barricadé dans la salle de bains après avoir détruit divers objets dans l’appartement. On l’a également avisé que M. Gonzalez avait consommé de la cocaïne et que le témoin civil no 1 avait appelé la police. L’agent(e) témoin no 9 s’est renseigné sur les antécédents de M. Gonzalez au chapitre de l’application de la loi, qui comprenaient notamment une appréhension en vertu de la Loi sur la santé mentale en mars 2015, de multiples incidents de violence familiale et une condamnation pour voies de fait.

Après avoir parcouru l’appartement du regard, l’agent(e) témoin no 9 a remarqué que l’agent(e) témoin no 10 s’était engagé dans des négociations avec M. Gonzalez. Il/Elle a activé son enregistreur audio, et au cours d’une période d’environ 12 minutes, a enregistré intégralement les négociations, l’entrée par la force et l’appréhension de M. Gonzalez pour le placer sous la garde de la police.

Environ neuf minutes et demie des négociations de l’agent(e) témoin no 10 ont été enregistrées, jusqu’à l’entrée par la force. Il/Elle a posé des questions pour confirmer si M. Gonzalez avait ou non des armes ou des outils dont il pouvait se servir pour se faire du mal, s’il avait des pensées d’automutilation, s’il avait pris des médicaments, s’il avait consommé de l’alcool et s’il pouvait déplacer les objets qui barricadaient la porte. Il n’y avait manifestement aucun obstacle linguistique qui empêchait leurs discussions. M. Gonzalez a répondu sans problème à un certain nombre de questions de l’agent(e) témoin no 10, notamment qu’il n’avait aucune arme et qu’il avait consommé de l’alcool et de l’oxycodone. Cependant, en d’autres occasions, M. Gonzalez ne semblait pas entendre les questions et les ordres de l’agent(e) témoin no 10. En outre, bien qu’il ait dit plusieurs fois qu’il déplacerait les objets bloquant la porte et sortirait de la salle de bains, il ne l’a pas fait. Tout au long de l’enregistrement, on peut entendre du fracas et des bruits métalliques, qui provenaient de l’intérieur de la salle de bains, selon ce qui a été dit, et indiquaient que M. Gonzalez continuait de se barricader. Vers 1 h 38, l’EIU a utilisé une perceuse pour faire un trou dans la porte de la salle de bains afin de déterminer l’emplacement de M. Gonzalez. L’agent(e) témoin no 10 a expliqué à M. Gonzalez qu’ils le faisaient afin de pouvoir le voir.

Après que le trou a été percé, l’agent(e) témoin no 10 a pu voir M. Gonzalez assis sur le bord de la baignoire, une serviette enroulée autour de la partie inférieure du corps. L’agent(e) témoin no 10 a indiqué que M. Gonzalez avait du sang sur les mains, le visage et la tête, sans toutefois sembler saigner abondamment. M. Gonzalez a ensuite sauté dans la baignoire, ses genoux face au robinet, et a commencé à se laver la tête avec du gel de douche. En observant M. Gonzalez, l’agent(e) témoin no 10 a respiré une forte odeur de produits chimiques de nettoyage. Il/Elle craignait que M. Gonzalez n’ait ingéré des substances nocives. Il/Elle craignait également que M. Gonzalez ne se fasse du mal, car il ne pouvait plus voir ce qu’il faisait avec ses mains. L’agent(e) témoin no 10 et l’agent témoin no 3 se sont consultés. En raison de sa consommation probable de drogues, de son comportement étrange et du risque qu’il se fasse du mal, les agents ont décidé d’entrer de force dans la salle de bains pour appréhender M. Gonzalez en vertu de la Loi sur la santé mentale.

L’entrée par la force figure également sur l’enregistrement audio. Celui ci donne un aperçu de ce qui était manifestement une intervention chaotique. Après que l’agent témoin no 4 a forcé la porte à coups de pied, l’EIU est entrée dans la salle de bains dans l’ordre approximatif qui suit : l’agent témoin no 3, l’agent impliqué no 1, l’agent impliqué no 2, l’agent témoin no 4, l’agent(e) témoin no 10, l’agent témoin no 11 et l’agent témoin no 12.

L’agent témoin no 3 était muni d’un grand bouclier antiémeute. Dès qu’il est entré, il a vu M. Gonzalez assis sur le bord de la baignoire, les deux pieds dans celle ci. L’agent témoin no 3 a indiqué qu’en s’approchant de M. Gonzalez, il s’est aperçu qu’il tenait dans sa main droite un tournevis de quatre à six pouces, le long de son corps. M. Gonzalez n’a pas menacé l’agent avec le tournevis. L’agent témoin no 3 a soulevé son bouclier pour se protéger et a repoussé M. Gonzalez. Ce dernier est tombé en arrière et a heurté le mur de la salle de bains, pour finir sur le dos dans la baignoire. L’agent témoin no 3 a remarqué qu’il y avait entre quatre et six pouces d’eau dans la baignoire. Après être tombé, M. Gonzalez a commencé à s’en prendre violemment aux agents et à leur donner des coups de poing. L’agent témoin no 3 s’est débarrassé de son bouclier et a tenté de saisir M. Gonzalez, mais a eu de la difficulté à le faire. Il a ensuite demandé à haute voix qu’on utilise une arme à impulsions, ce qu’on peut entendre sur l’enregistrement audiofootnote 21. Par dessus l’épaule droite, il a vu l’agent impliqué no 1 déployer son arme à impulsions à l’aide de la fonction de matraque électronique. Bien que M. Gonzalez ait réagi à la première décharge de l’arme à impulsions, il a été en mesure de continuer de se débattre. L’agent impliqué no 2 a ensuite utilisé la fonction « contact » de son arme à impulsions sur M. Gonzalez. La lutte a continué, mais les agents ont fini par réussir à maîtriser M. Gonzalez et à le menotter après un certain nombre de décharges de l’arme à impulsions.

Lorsque l’agent(e) témoin no 10 est entré dans la salle de bains, il/elle a glissé sur les débris jonchés sur le plancher. Lorsqu’il/elle a regardé en haut, M. Gonzalez était déjà sur le dos dans la baignoire, le bouclier antiémeute sur lui. Il/Elle n’arrivait pas à voir ce que, le cas échéant, M. Gonzalez avait dans les mains lorsque les agents ont d’abord fait un trou dans la porte. Il/Elle a indiqué que pendant qu’il était étendu dans la baignoire, M. Gonzalez a levé le bras et arraché le robinet du mur. L’agent(e) témoin no 10 a décrit une très longue lutte entre les agents et M. Gonzalez, où ce dernier se débattait, donnait des coups de pied et des coups de poing et essayait de mordre les agents. Il/Elle a également affirmé qu’il y avait eu un premier déploiement d’une arme à impulsions qui a semblé inefficace, suivi d’une deuxième décharge d’une arme à impulsions. Après l’utilisation de l’arme à impulsions, les agents ont été en mesure de maîtriser M. Gonzalez, de le menotter les mains devant et de le faire sortir de la salle de bains.

L’agent témoin no 4 et l’agent témoin no 12 ont décrit la lutte et le déploiement de l’arme à impulsions d’une manière qui est conforme aux déclarations des autres agents témoins. Toutefois, ils n’ont pas été en mesure de fournir de l’information sur ce que, le cas échéant, M. Gonzalez avait dans les mains lorsqu’ils sont entrés dans la salle de bains pour la première fois. Quand ils sont arrivés, il était déjà sur le dos dans la baignoire. L’agent témoin no 4 s’est rappelé que M. Gonzalez avait arraché le robinet du mur pendant qu’il était étendu dans la baignoire. L’agent témoin no 4 et l’agent témoin no 12 n’ont également entendu personne crier que M. Gonzalez était armé. L’agent témoin no 11 n’a lui aussi entendu personne dire que M. Gonzalez était armé, mais était certain qu’il n’avait rien vu dans la main de M. Gonzalez.

Après que les membres de l’EIU ont menotté M. Gonzalez les mains devant, ils l’ont entraîné dans le couloir à l’extérieur de la salle de bains vers 1 h 51. Ils lui ont retiré les menottes, puis l’ont menotté les mains dans le dos. M. Gonzalez ne portait qu’un short (ou peut être un caleçon boxer) et était détrempé. Il a été appréhendé en vertu de la Loi sur la santé mentale.

Les ambulanciers paramédicaux tactiques, soit le témoin civil no 9, le témoin civil no 10 et le témoin civil no 11 étaient sur les lieux pendant les négociations de l’agent(e) témoin no 10 et après que M. Gonzalez a été tiré de force de la salle de bains. On les demandait dans l’appartement pour s’occuper de M. Gonzalez après qu’il a été menotté les mains dans le dos. Ils ont tous décrit une série d’événements semblables, à savoir que M. Gonzalez paraissait alerte, son pouls était fort et il respirait bien. Sa réaction pupillaire donnait à penser qu’il avait peut être pris un stimulant. De même, il donnait des coups de pied et hurlait des obscénités pendant que les agents de l’EIU le maîtrisaient. Les ambulanciers paramédicaux ont observé certaines petites coupures et du sang séché, mais M. Gonzalez ne semblait pas saigner abondamment et ils n’étaient pas d’avis que ce dernier nécessitât des soins médicaux immédiats. De plus, les ambulanciers paramédicaux ont indiqué que les blessures qu’on pouvait apercevoir ultérieurement sur les photographies n’étaient pas présentes lorsqu’ils l’ont traité.

M. Gonzalez a été placé sur un brancard en vue de son transport à l’hôpital. Il a été attaché pour l’empêcher de faire du mal aux ambulanciers paramédicaux. Pendant qu’il était sur le brancard, il était tantôt calme, tantôt agité. Ce comportement peut être observé sur la vidéo de surveillance d’un ascenseur pendant que l’on emmène M. Gonzalez au rez de chaussée.

Preuves médicales

On a emmené M. Gonzalez à l’aire de triage de l’hôpital St. Joseph à 2 h 16. Il a été évalué dans la salle d’urgence par le/la docteur(e) no 2. Il/Elle a déterminé que ses pupilles étaient fixes et dilatées, évoquant la consommation de drogues. Il/Elle craignait que M. Gonzalez ne fût victime d’une crise épileptique. Il/Elle a constaté que ses poumons étaient dégagés, son cœur semblait normal et son abdomen était souple. Il/Elle n’a décelé aucune fracture et ne se rappelle pas avoir vu de blessures. S’il/elle avait observé des blessures visibles, le/la docteur(e) no 2 indique qu’il/elle les aurait habituellement consignées. Après avoir effectué une série de tests, qui ont, entre autres, permis de confirmer la consommation de cocaïne, le/la docteur(e) no 2 a déterminé que le rythme cardiaque de M. Gonzalez était irrégulier. le/la docteur(e) no 2 craignait que ce ne soit attribuable à l’utilisation de l’arme à impulsions, donc il/elle a consulté un spécialiste à l’hôpital St. Michael. Le spécialiste a indiqué que le problème pourrait être causé par des niveaux élevés de potassium, ce qui peut s’avérer mortel. Après avoir confirmé que les niveaux de potassium de M. Gonzalez étaient bel et bien élevés, le/la docteur(e) no 2 a administré un médicament neutralisant. Vers 4 h, M. Gonzalez a été transféré à l’unité de soins intensifs. Le/La docteur(e) no 2 a indiqué au personnel de l’unité qu’une décharge d’une arme à impulsions pouvait causer des spasmes musculaires entraînant la dégradation cellulaire. Cela pourrait libérer du potassium dans l’organisme, ce qui pourrait causer de l’arythmie cardiaque mortelle. Il/Elle a également indiqué qu’une crise cardiaque ne serait pas à l’origine de niveaux de potassium élevés.

Après que M. Gonzalez a été emmené à l’unité de soins intensifs, le/la docteur(e) no 1 a assumé la responsabilité de ses soins. Selon l’évaluation initiale réalisée par le/la docteur(e) no 1, la condition cardiovasculaire et respiratoire de M. Gonzalez était instable. Il était sous assistance vitale et nécessitait un tube pour respirer. à mesure que le temps passait, son état empirait. Ses problèmes de santé étaient conformes aux symptômes secondaires d’un événement cardiaque. De plus, il présentait des symptômes de dysfonctionnement rénal et son corps semblait enflé. Malgré l’anormalité de son électrocardiogramme, il ne semblait pas avoir été victime d’une crise cardiaque. Le/La docteur(e) no 1 a indiqué que la consommation de cocaïne aurait pu causer un événement cardiaque aigu. M. Gonzalez a été victime de deux événements cardiaques pendant qu’il était sous la responsabilité du/de la docteur(e) no 1 et est décédé des suites du deuxième événement. Le/La docteur(e) no 1 a décelé des niveaux élevés de créatine phosphokinase dans son sang qui, à son avis, avaient probablement causé son décèsfootnote 22. En outre, le/la docteur(e) no 1 a dit à l’UES que les niveaux élevés de potassium auraient pu être causés par une dégradation musculaire ou un dysfonctionnement rénal.

L’autopsie a été pratiquée les 9 et 10 novembre 2015 par le/la docteur(e) no 3, médecin légiste en chef adjoint de l’Ontario. Il/Elle s’est appuyé sur un examen cardiologique réalisé par le docteur no 4 et un rapport toxicologique pour tirer ses conclusions. Dans son rapport, il/elle a indiqué la cause de décès comme étant des complications de la toxicité aiguë de la cocaïne. Il/Elle a précisé que la consommation de cocaïne peut entraîner un collapsus cardiorespiratoire. Un mécanisme précis aux termes duquel cela peut se produire survient pendant une activité physique violente entraînant une dégradation des tissus musculaires. Cela libère des éléments constitutifs musculaires dans le sang pouvant causer des lésions rénales. Le/La docteur(e) no 3 n’a pas indiqué que les décharges des armes à impulsions ont joué un rôle dans le décès de M. Gonzalez.

Conclusion juridique

Les circonstances du décès de M. Gonzalez m’ont d’abord beaucoup donné à réfléchir. Un examen préliminaire de la preuve semblerait indiquer que l’utilisation d’armes à impulsions aurait pu être une importante cause contributive de décès. Ces préoccupations sont liées à mon évaluation visant à savoir si l’utilisation par les agents impliqués de leurs armes à impulsions à plusieurs reprises constitue ou non un cas de force excessive. L’analyse de la force excessive prend également appui sur le fait que diverses photos de M. Gonzalez à l’hôpital montrent une multitude de blessures évidentes, dont des contusions, des abrasions et des lacérations.

Je commencerai par affirmer que la conduite de la police jusqu’au moment où elle a forcé la porte de la salle de bains ne suscite aucune préoccupation. La réponse initiale de la police à l’appel au service 9 1 1 du témoin civil no 1 était prompte et raisonnable. L’urgence des circonstances – à savoir, un appel d’un ton affolé au service 9 1 1 qui a été abruptement interrompu – constituait un motif légitime pour que l’agent témoin no 7 pénètre dans la résidence sans mandat, conformément à l’article 487.11 du Code criminel. Après avoir confirmé qu’il s’agissait d’une personne barricadée, et non d’une prise d’otage, l’agent témoin no 7 a demandé qu’un agent muni d’une arme à impulsions le rejoigne sur les lieux. L’agent témoin no 8 a appelé l’EIU en renfort conformément à la politique du SPT. L’agent(e) témoin no 10 qui a entamé des négociations avec M. Gonzalez était calme et sincère et s’est efforcé à la fois d’évaluer son bien être et de l’encourager à sortir de la salle de bains de son plein gré. Il/Elle lui a donné plusieurs occasions de mettre fin à la situation, mais M. Gonzalez a visiblement refusé de le faire. La décision prudente de l’agent(e) témoin no 9 de procéder à un enregistrement audio des négociations et de l’entrée ultérieure m’a donné une preuve matérielle de la principale interaction. Enfin, la décision d’entrer de force dans la salle de bains était légitime. Après avoir percé un trou dans la porte de la salle de bains pour obtenir plus d’information sur la situation, l’agent(e) témoin no 10 et l’agent témoin no 3 ont estimé qu’au vu de toutes les circonstances, il y avait un risque que M. Gonzalez se fasse du mal. Je suis d’accord. Son comportement destructeur continu, sa consommation de drogues illicites, son écoute sélective pendant les négociations et son accès à des substances nocives constituaient des motifs légitimes pour procéder à une appréhension en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale, L.R.O. 1990, chap. M.7. De plus, même après avoir pris la décision d’entrer dans la salle de bains, l’agent(e) témoin no 10 a donné à M. Gonzalez une autre occasion de retirer les débris qui barricadaient la porte. Même si M. Gonzalez a dit qu’il obtempérerait, il ne l’a pas fait.

La conduite des agents, après leur entrée dans la salle de bains, est plus difficile à évaluer, en grande partie en raison du fait que l’enregistrement audio n’offre que des renseignements limités sur ce qui s’est passé exactement. En outre, les comptes rendus des agents témoins sont peu clairs sur un détail important, à savoir si M. Gonzalez était en possession d’un objet qu’il aurait pu utiliser comme arme.

L’agent témoin no 3 a indiqué que M. Gonzalez était en possession d’un tournevis, qu’il aurait pu utiliser comme arme. Il est le seul agent qui a affirmé avoir vu M. Gonzalez en possession de cet objet. Il est concevable que M. Gonzalez eût effectivement un objet de ce genre en main. Des photos prises sur les lieux révèlent que la salle de bains était dans un état qu’on ne peut qualifier que de destruction. Divers objets et accessoires de salle de bains étaient éparpillés dans la pièce. Même si l’agent témoin no 3 a clairement affirmé que M. Gonzalez ne l’avait pas expressément menacé avec le tournevis, sa réaction a été de brandir son bouclier antiémeute en direction de M. Gonzalez pour se protéger pendant qu’il avançait, ce qui a fait tomber M. Gonzalez en arrière dans la baignoire.

L’enregistrement audio a capté une lutte très longue et intense à partir de ce moment là, qui a duré environ deux minutes et demie. On entend l’agent témoin no 3 demander le déploiement d’une arme à impulsions, les bruits d’une première décharge, puis une deuxième décharge et des cris provenant de M. Gonzalez. On entend aussi d’autres décharges un peu après la première. Cela confirme les témoignages des agents témoins expliquant que la première décharge de l’arme à impulsions n’avait pas eu beaucoup d’effet sur M. Gonzalez.

L’UES a téléchargé et analysé les données des deux armes à impulsions utilisées par l’agent impliqué no 1 et l’agent impliqué no 2. Les armes à impulsions ont également été envoyées au ministère des Finances aux fins d’examenfootnote 23. L’ordre des décharges et la durée connexe sont les suivantesfootnote 24 :

  1. De 1 h 39 min 7 s à 1 h 39 min 12 s (décharge de 5 secondes) agent impliqué no 1
  2. De 1 h 39 min 10 s à 1 h 39 min 28 s (décharge de 18 secondes) agent impliqué no 2
  3. De 1 h 39 min 14 s à 1 h 39 min 19 s (décharge de 5 secondes) agent impliqué no 1
  4. De 1 h 39 min 28 s à 1 h 39 min 37 s (décharge de 9 secondes) agent impliqué no 2
  5. De 1 h 39 min 38 s à 1 h 39 min 43 s (décharge de 5 secondes) agent impliqué no 2
  6. De 1 h 40 min 9 s à 1 h 40 min 14 s (décharge de 5 secondes) agent impliqué no 2
  7. De 1 h 41 min 32 s à 1 h 41 min 36 s (décharge de 4 secondes) agent impliqué no 1
  8. De 1 h 41 min 33 s à 1 h 41 min 38 s (décharge de 5 secondes) agent impliqué no 2footnote 25

Les circonstances entourant la décharge des armes à impulsions m’ont d’abord beaucoup préoccupé. J’ai accordé une attention particulière aux multiples décharges, dont certaines simultanées, dirigées contre une personne mouillée, se trouvant dans une baignoire remplie d’eau à ce moment là. Toutefois, les preuves médicales (plus particulièrement le rapport d’autopsie du/de la docteur(e) no 3) exposées en détail ci après ont dissipé mes craintes préliminaires à l’égard des effets physiologiques de l’utilisation d’une arme à impulsions contre M. Gonzalez.

Au bout du compte, je me trouve dans une position où je ne dispose pas de preuve démontrant l’utilisation d’une force excessive. Les décharges d’armes à impulsions par les deux agents impliqués ont au départ été exécutées à la demande de l’agent témoin no 3. Lorsque ce dernier a demandé ce renfort, M. Gonzalez résistait déjà activement à l’autorité légale de la police. Une arme à impulsions est conçue pour ne pas être létale, et dans ce cas, il semble que l’utilisation d’armes à impulsions n’ait eu pour but que de veiller à ce que M. Gonzalez respecte les ordres de la police. Même s’il est préoccupant qu’il y ait eu huit décharges distinctes de deux armes à impulsions différentes, dont certaines simultanées, il est clair que M. Gonzalez a pu surmonter la douleur et a continué de résister aux agents. Les agents impliqués ont choisi de ne pas fournir une déclaration à l’UES ni des exemplaires de leurs notes (tel est leur droit reconnu par la loi), et ainsi, je dispose de renseignements limités sur la justification qui sous tend les décharges. Toutefois, la totalité des éléments de preuve n’appuie donc pas la conclusion que l’un ou l’autre des agents impliqués a enfreint les limites du paragraphe 25(1) du Code criminel.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter dans ce cas. Par exemple, certains pourraient prétendre que les agents sur les lieux, étant au fait des problèmes de santé mentale de M. Gonzalez, auraient dû faire appel à une équipe d’intervention d’urgence en santé mentale. Si une telle équipe avait été disponible cette nuit là, il aurait pu s’agir d’une bonne option. En outre, on peut entendre M. Gonzalez supplier les agents lorsqu’ils ont forcé la porte de la salle de bains la première fois, ce qui donne à penser que si les agents lui avaient donné une dernière occasion de se rendre lorsqu’ils ont forcé la porte, il l’aurait peut être fait. Néanmoins, bien qu’il ne s’agisse peut être pas de l’approche la plus judicieuse pour maîtriser la situation, je ne peux pas affirmer que la décision de l’agent témoin no 3 d’utiliser son bouclier antiémeute à la fois comme bouclier et bélier en entrant dans la salle de bains était excessive étant donné le prononcé de la Cour suprême du Canada dans la décision R. c. Nasogaluak, 2010 SCC 6, au paragraphe 35 : « Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. »

De même, bien que les agents impliqués n’aient pas participé à l’enquête de l’UES, ils ont rédigé des rapports sur l’emploi de la force le 6 novembre 2015 relativement à l’utilisation de leurs armes à impulsions. Les comptes rendus sommaires individuels dans les deux rapports étaient identiques, et précisaient ce qui suit : « en s’approchant de lui, l’équipe a observé qu’il était armé d’un tournevis » traduction. Le fait que les comptes rendus narratifs soient copiés textuellement dans les rapports remet manifestement leur indépendance et leur fiabilité en question. Ils contiennent également une déclaration n’étant pas corroborée par les éléments de preuve. Bien que l’agent témoin no 3 ait affirmé avoir observé M. Gonzalez tenant un tournevis, en écoutant l’enregistrement audio, il est clair que cette observation n’a jamais été communiquée aux autres membres de l’équipe. étant donné qu’aucun des autres agents n’a vu M. Gonzalez un tournevis à la main et que l’agent témoin no 3 n’a pas communiqué ses observations, je trouve cela absurde que les deux agents ont observé et noté ce qu’ils citent comme justification de l’emploi de la force dans leurs rapports, soit le tournevis.

Abstraction faite de ma conclusion selon laquelle il n’y a pas de motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, j’ajouterai que même si j’avais considéré l’utilisation des armes à impulsions comme étant déraisonnable, cela n’appuierait pas une accusation d’homicide coupable. Le/La docteur(e) no 3 n’était de toute évidence pas d’avis que les décharges des armes à impulsions avaient contribué au décès de M. Gonzalez. Dans son analyse, y compris la dégradation des cellules musculaires et la libération connexe de potassium, il/elle a attribué la cause de décès de M. Gonzalez à sa consommation de cocaïne. Essentiellement, l’utilisation des armes à impulsions n’a pas directement contribué au décès de M. Gonzalez au sens juridique.

De plus, le/la docteur(e) no 3 a fait des observations sur les nombreuses blessures qu’a subies M. Gonzalez. Il/Elle répertorie de manière exhaustive les signes de blessures récentes sur trois pages de son rapport. Il/Elle a résumé ces blessures comme suit :

Des blessures causées par la force contondante étaient présentes, notamment :

  1. des zones étendues de contusions et d’hémorragies sous cutanées
  2. de nombreuses abrasions cutanées
  3. aucune lacération au foie ou autre blessure aux organes internes
  4. aucune fracture osseuse
  5. aucune blessure au crâne ou au cerveau

Les blessures semblaient de nature mineure et n’ont pas causé la mort. Toutes les blessures peuvent s’expliquer par des blessures infligées pendant le comportement violent.

Le/La docteur(e) no 3 soutient que, malgré la gravité évidente des nombreuses blessures, celles ci n’ont pas contribué au décès de M. Gonzalez. De même, il/elle a déterminé qu’aucune des blessures n’était attribuable à l’intervention policière. Enfin, il/elle fait également mention du fait que M. Gonzalez présentait les symptômes de la coagulopathie intravasculaire disséminée. Ce trouble médical entraîne la perturbation du processus de coagulation et une grave hémorragie dans de nombreuses régions du corps. Cela sert d’explication possible des contusions graves présentes sur le corps de M. Gonzalez et de la soi disant divergence entre ces blessures et le fait qu’elles n’étaient pas apparentes pour les agents, les ambulanciers paramédicaux ou le médecin en salle d’urgence.

En conclusion, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle lorsqu’il a utilisé son arme à impulsions. Même dans le cas où l’utilisation de l’arme à impulsions serait injustifiée, ce que je ne conclus pas, en m’appuyant sur le rapport du docteur/de la docteure no 3, il est clair que l’utilisation d’armes à impulsions dans cette affaire n’a pas contribué directement au décès de M. Gonzalez et par conséquent, aucune accusation ne sera déposée.

Date : Le 2 mars 2017

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales