Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et ayant causé un décès ou une blessure grave ou ayant donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur le décès d’une femme de 26 ans le 19 septembre 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

L’UES a été avisée de l’incident le 17 septembre 2017 à 15 h 45 par le Service de police de Windsor (SPW).

Le SPW a indiqué que le 4 septembre 2017 à 8 h, la plaignante a été arrêtée pour violation de la paix. Elle a été emmenée au poste de police. Comme la plaignante se comportait de façon imprévisible, un sergent estimait qu’elle devrait être emmenée à l’hôpital. On a fait venir une ambulance, et la plaignante a été transportée à l’hôpital. Des agents du SPW ont escorté l’ambulance jusqu’à l’hôpital et sont repartis.

Le 17 septembre 2017, le coroner a appelé le SPW pour signaler que la plaignante était branchée au système de maintien des fonctions vitales depuis le 10 septembre 2017. Le coroner a également indiqué qu’on envisageait de débrancher la plaignante du système de maintien des fonctions vitales. Les agents de la SPW ont appris que la plaignante avait eu un accident vasculaire cérébral et qu’elle habitait dans un refuge dans la région de Windsor. La plaignante ne présentait aucun traumatisme physique. Le SPW a indiqué qu’il n’avait eu aucun contact avec la plaignante depuis le 4 septembre 2017. On a demandé au SPW de communiquer avec l’UES et de fournir des mises à jour sur l’état de santé de la plaignante.

Le 18 septembre 2017 à 13 h 20, le SPW a avisé l’UES que la plaignante serait débranchée du système de maintien des fonctions vitales et que ses organes seraient récoltés. L’UES a demandé au SPW de signaler la cause de décès de la plaignante une fois l’autopsie terminée.

Le 21 septembre 2017, à 8 h 33, le SPW a indiqué que l’autopsie était terminée. D’après le pathologiste, la plaignante avait de légères ecchymoses et abrasions qui guérissaient et une petite contusion au dos du crâne; toutefois, la cause du décès ne semblait pas être de nature criminelle. Pour établir la cause officielle du décès, on attendait les résultats d’une analyse neurologique pathologique qui serait effectuée à une date ultérieure.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant :

Femme de 26 ans, décédée

Témoins civils (TC)

Aucun

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue

AT n° 2 A participé à une entrevue

AT n° 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT n° 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT n° 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT n° 6 N’a pas participé à une entrevue

De plus, les déclarations préparées de six autres agents non désignés ont été reçues et examinées.

Agents impliqués (AI)

AI n° 1 N’a pas participé à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué. Notes et déclaration préparée obtenues et examinées.

AI n° 2 N’a pas participé à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué. Notes obtenues et examinées.

Description de l’incident

Au cours de la soirée du 4 septembre 2017, le SPW a reçu un appel lui demandant d’envoyer des agents à la bibliothèque publique de Windsor (BPW) en raison d’un incident lors duquel du verre avait été cassé. L’AI n° 1, l’AI n° 2, l’AT n° 1 et l’AT n° 2 ont répondu à l’appel.

Lorsque les agents sont arrivés à la BPW, il y avait un important attroupement dans le secteur. La plaignante s’y trouvait également et criait et agissait de façon imprévisible. Les efforts faits pour la calmer ont échoué. À un moment donné, la plaignante s’est couchée sur l’avenue Ouellette devant un véhicule du SPW. Les AI nos 1 et ° 2 ont arrêté la plaignante pour violation de la paix. Une fois menottée et debout, la plaignante s’est cogné la tête sur le capot du véhicule de police. La plaignante a dit à l’AI n° 1 qu’elle avait eu un dispute verbale avec une autre femme et qu’elle avait été frappée à la tête et s’était aussi cogné la tête contre un mur. La plaignante a été transportée au quartier général du SPW, et durant le trajet s’est frappé la tête plusieurs fois contre la cage de métal.

Au moment de la mise en détention de la plaignante, son comportement imprévisible s’est aggravé et elle a indiqué qu’elle avait reçu plusieurs coups à la tête, mais qu’aucun agent de police ne l’avait frappée . Elle a ensuite été transportée à l’hôpital, où elle s’est cogné la tête à plusieurs reprises contre du matériel hospitalier. Elle a été libérée le lendemain matin.

Le 10 septembre 2017, la plaignante a été transportée à l’hôpital une fois de plus par ambulance, après qu’elle avait commencé à avoir des douleurs extrêmes et à tomber au sol à la mission du centre-ville de Windsor (MCVW) . Une fois à l’hôpital, la plaignante est tombée sans connaissance et son état s’est détérioré. La plaignante a été débranchée du système de maintien des fonctions vitales et son décès a été constaté le 19 septembre 2017 à 21 h 34.

Preuve

Les lieux de l’incident

La BPW est située au 850, avenue Ouellette, à Windsor. Il s’agit d’un grand édifice commercial avec surveillance vidéo couvrant l’entrée principale. L’avenue Ouellette se compose de quatre voies avec des trottoirs des deux côtés de la chaussée.

L’arrestation de la plaignante s’est effectuée sur la chaussée vers l’extrémité sud de la bibliothèque. La bibliothèque se trouve directement en face de la MCVW. On croit que la plaignante et les autres personnes réunies à la bibliothèque attendaient que la mission ouvre ses portes à 21 h. Aucun renseignement ne laisse supposer que la plaignante a été blessée à cet endroit.

Messages sur Facebook

Le mardi 6 septembre 2017, la plaignante a affiché un commentaire sur son compte Facebook, suggérant qu’elle avait reçu un coup à la tête durant l’échange de sexe contre de la drogue (« gorilla pimping » en anglaisfootnote 1). Elle a ajouté un commentaire dérisoire au sujet d’un ancien conseiller. Ce message a incité le coroner local à communiquer avec le SPW.

Un message affiché le 2 septembre 2017 par la plaignante mentionnait le fait qu’un homme l’avait frappée au visage. La section des commentaires de la plaignante contient plusieurs autres mentions d’agressions durant des échanges de sexe contre de la drogue et d’autres agressions fréquentes. Entre le 4 septembre 2017 et le 7 septembre 2017, la plaignante a affiché neuf messages sur les pages de ses deux comptes Facebook. Il n’y a avait pas de mention de son arrestation le 4 septembre 2017 ni d’une agression de la part de la police.

Dossiers médicaux

Les dossiers médicaux de la plaignante indiquent que le lundi 4 septembre 2017, à 21 h 10, la plaignante a été amenée au service d’urgence de l’hôpital par ambulance. La plaignante a initialement fait l’objet d’une évaluation pour « sevrage d’alcool ou de drogue ». Durant l’examen, on a noté que la plaignante [traduction] « ne présentait pas de signes de traumatisme ». On a posé un diagnostic de « toxicomanie » et on a ordonné que la plaignante [traduction] « soit libérée lorsqu’elle était en mesure de quitter l’hôpital ». Elle a obtenu son congé du service d’urgence à 4 h 25 le 5 septembre 2017. La plaignante était en mesure de marcher, était alerte et savait l’heure qu’il était et où elle se trouvait. Aucun traumatisme n’a été constaté durant les examens par aucun des membres du personnel médical. On n’a noté aucune plainte de voies de fait ou de traumatisme formulée par la plaignante dans les dossiers médicaux du 4 septembre 2017.

Le dimanche 10 septembre 2017, à 7 h 56, la plaignante a été admise au service d’urgence de l’hôpital, après son arrivée par ambulance. La plaignante souffrait d’un niveau réduit de conscience. Un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRMAVC avec hydrocéphalie obstructive »footnote 2. Plusieurs spécialistes et membres du personnel infirmier et médical ont examiné la plaignante. Les examens n’ont révélé aucun traumatisme. L’état de la plaignante s’est détérioré après la neurochirurgie et on l’a débranchée du système de maintien des fonctions vitales. Son décès a été déclaré le 19 septembre 2017 à 21 h 34.

Témoignage d’expert

Le 21 septembre 2017, le pathologiste a procédé à une autopsie médico-légale. Un rapport préliminaire indiquait qu’il n’y avait pas eu de traumatisme significatif. On croyait que la cause du décès était une dissection de l’artère vertébrale à l’étiologie inconnue.footnote 3 Le pathologiste était d’avis que le saignement cérébral n’était pas dû à un acte criminel.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a examiné le secteur pour trouver des enregistrements vidéo ou audio, ainsi que des preuves photographiques, et a reçu des enregistrements vidéo de télévisions en circuit fermé (TVCF) de la BLW et de la MCVW, ainsi que des séquences vidéo du SPW.

Vidéo de la BPW

La caméra couvrait l’entrée principale, où il y avait plusieurs personnes rassemblées avec leurs bicyclettes et leurs effets sur des chariots et autres moyens de transport. On peut voir la plaignante à l’extrême gauche dans le plan de la caméra. La plaignante portait une longue robe pull ou un chandail rouge et était accompagnée de deux autres personnes.

À 19 h 32, la plaignante était assise contre un pilier. Elle agitait ses bras et donnait des coups de pied. On voit la circulation sur l’avenue Ouellette reflétée sur les portes principales. À 20 h 01, un véhicule du SPW apparaît avec ses feux d’urgence activés. Il s’arrête à l’entrée principale. À 20 h 03, un agent de police allume sa lampe de poche et s’approche de la plaignante, qui est maintenant debout. Après une trentaine de secondes, la plaignante se dirige vers les portes avant du bâtiment, et un deuxième policier apparaît. La plaignante sort alors du plan de la caméra pour se diriger vers l’avenue Ouellette. On ne la revoit plus dans cette vidéo.

À 20 h 28, une fourgonnette de transport des prisonniers du SPW quitte le secteur de la bibliothèque sur l’avenue Ouellette.

Vidéo de la MCVW

La vidéo montrait les séquences filmées dans la cafétéria de la MCVW le dimanche 10 septembre 2017 au matinfootnote 4. On voit un travailleur au refuge qui trouve la plaignante sur le plancher. Durant les quelques minutes qui suivent, il aide la plaignante à se remettre debout et elle fait deux nouvelles chutes. Il l’aide finalement à prendre place sur une chaise. La plaignante se tient la tête et le cou comme si elle est en proie à de la douleurfootnote 5. Pendant qu’on l’aide, elle vomit une seule fois. La plaignante tombe et se heurte la tête sur le plancher. Sa tête heurte le sol tellement fort qu’on peut entendre le bruit de l’impact sur l’enregistrement audio. Puis, la plaignante est transportée à l’hôpital par ambulance.

Vidéo de la fourgonnette de transport des prisonniers du SPW

Le 4 septembre 2017, vers 20 h 28footnote 6, la plaignante a été placée dans la fourgonnette de transport des prisonniers avec ses mains menottées derrière elle. Elle criait et pleurait. On ne voit pas de sang et elle semble avoir assez de mobilité pour se tortiller, se pencher et donner des coups avec ses jambes.

À 20 h 34, la plaignante commence à se cogner la tête contre la cage de métal. Elle le fait plusieurs fois et ne grimace pas ni ne donne aucun autre signe que ces impacts lui causent de la douleur. Vers 20 h 36, la porte du compartiment latéral s’ouvre et la plaignante sort sans aide.

Vidéo de la cellule du SPW

Le 4 septembre 2017, à 20 h 28, la fourgonnette de transport des prisonniers du SPW arrive dans l’entrée sécurisée du poste de police. Pendant que les agents du SPW s’approchent de la fourgonnette de transport des prisonniers, la plaignante crie et hurle. Elle est escortée par deux agents de police en uniforme du SPW jusqu’à l’ascenseur. Les agents de police de la FPS ne touchent pas la plaignante et elle marche sans avoir besoin d’aide. La plaignante est escortée dans l’ascenseur par les AT nos 3 et 6footnote 7. La plaignante se plaint de son nez qui coule et demande à un policier de lui essuyer le visage. L’ascenseur est bien éclairé et on ne voit aucune blessure sur le corps de la plaignante.

À 20 h 38, la plaignante se trouve au bureau de mise en détention. Un agent de police décrit son comportement imprévisible. La plaignante bouge et tortille constamment son corps et ses mains pendant qu’elle crie. La plaignante est en mesure de fournir son nom, sa date de naissance, ses antécédents médicaux et les noms des membres de sa famille à l’agent de police chargé de la mise en détention. La plaignante tombe sur les genoux et se penche en avant. La caméra en hauteur donne une bonne vue de l’arrière de sa tête et de son cou. On ne voit pas de marques, de contusions, ni de sang nulle part sur son corps. Malgré ses cris et son comportement imprévisible, la plaignante suit toutes les instructions et directives.

L’agent de police chargé de la mise en détention, l’AT n° 5, demande à la plaignante si elle a des blessures. La plaignante répond qu’elle a reçu un coup de poing à la tête une fois au cours des trois dernières semaines et deux fois cette journée-là de la part de femmes. L’agent de police chargé de la mise en détention pose la question suivante : [traduction] « Donc, pas un agent? » La plaignante répond : [traduction] « Non, jamais. » Elle ajoute qu’elle s’est aussi accidentellement cogné la tête sur le plancher ou contre le mur.

À 20 h 42, deux ambulanciers paramédicaux arrivent avec une civière. La plaignante dit en criant : [traduction] « Je viens de recevoir un coup de poing à l’ostie de crâne et je suis traumatisée ». Elle se place sur la civière sans aucune aide. À 20 h 47, elle est transportée dans l’ascenseur par les deux ambulanciers paramédicaux.

Documents obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPW les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • Enregistrements des communications
  • Vidéo de la détention dans une cellule
  • Vidéo de la fourgonnette de transport des prisonniers du SPW
  • Vidéo de TVCF de la BPW et de la MCVW
  • Photos de l’autopsie
  • Résumé détaillé des appels
  • Rapport général d’incident
  • Rapport d’incident – Centre intégré de répartition d’ambulances (CIRA) de Windsor
  • Notes des AT nos 1, 3, 4 et 5
  • Saisie d’écran du message Facebook au sujet d’agressions
  • Déclarations préparées de six autres agents non désignés
  • Déclaration préparée de l’AI n° 1
  • Rapport supplémentaire sur la surveillance vidéo
  • Formulaire d’observation et de transfert de soins du SPW

Lois pertinentes

Article 30 du Code criminel – Le fait d’empêcher une violation de la paix

30 Quiconque est témoin d’une violation de la paix est fondé à intervenir pour en empêcher la continuation ou le renouvellement et peut détenir toute personne qui commet cette violation ou se dispose à y prendre part ou à la renouveler, afin de la livrer entre les mains d’un agent de la paix, s’il n’a recours qu’à la force raisonnablement nécessaire pour empêcher la continuation ou le renouvellement de la violation de la paix, ou raisonnablement proportionnée au danger à craindre par suite de la continuation ou du renouvellement de cette violation.

Analyse et décision du Directeur

Le 4 septembre 2017, on a demandé à la police de se rendre à la bibliothèque publique de Windsor, au 85, avenue Ouellette, à Windsor, pour cause de dommages matériels. L’AI n° 1, l’AI n° 2, l’AT n° 1 et l’AT n° 2 ont répondu à l’appel. À leur arrivée, selon les déclarations des agents témoins et les notes de tous les agents présents, ils ont observé la plaignante sur les lieux et ont constaté qu’elle se comportait de façon imprévisible et hurlait. Les efforts faits pour calmer la plaignante ont échoué et elle a finalement été arrêtée pour violation de la paix en contravention de l’article 30 du Code criminel, après s’être couchée au milieu de la chaussée devant une voiture de patrouille de la police. Après son arrestation, la plaignante s’est délibérément couchée sur le capot du véhicule de police, et l’AI n° 1 a écrit dans ses notes qu’elle [traduction] « s’était frappé la tête sur le capot de la voiture de patrouille ». Puis, la plaignante a été transportée au poste de police où elle a répondu aux questions posées par le sergent chargé de la mise en détention, l’AT n° 5; la vidéo de mise en détention a révélé que la plaignante a déclaré à l’AT n° 5 qu’elle avait été frappée à la tête une fois au cours des trois dernières semaines et deux fois le 4 septembre par deux femmes. Lorsque l’AT n° 5 lui a demandé expressément : [traduction] « Donc, pas un agent? », on entend la plaignante répondre : [traduction] « Non, jamais ». La plaignante a ajouté qu’elle s’était aussi accidentellement heurté la tête sur le plancher ou sur le mur.

Une fois que l’AT n° 5 avait déterminé que le comportement imprévisible de la plaignante était dû à l’ingestion de stupéfiants, on a appelé les ambulanciers paramédicaux. Dans la vidéo de mise en détention, on entend la plaignante crier : [traduction] « Je viens de recevoir un coup de poing à mon ostie de tête et je suis traumatisée ». Une fois que les ambulanciers paramédicaux sont arrivés, la plaignante a pu se placer sur la civière sans aide. Les dossiers médicaux de la plaignante obtenus de l’hôpital révèlent qu’elle a fait l’objet d’une évaluation initiale le 4 septembre 2017 pour [traduction] « sevrage d’alcool ou de drogue ». Les dossiers médicaux de la plaignante indiquent également qu’au moment de l’examen, on a jugé qu’elle [traduction] « ne présentait pas de signes de traumatisme », qu’elle avait des problèmes de toxicomanie et qu’elle devait être [traduction] « libérée lorsqu’elle était en mesure de quitter l’hôpital ». Les notes médicales indiquaient que la plaignante était en mesure de marcher, était alerte et savait l’heure qu’il était et où elle se trouvait, qu’aucun traumatisme n’avait été constaté durant les examens et que la plaignante ne s’était pas plainte de voies de fait ou de traumatisme. Elle a obtenu son congé de l’hôpital à 4 h 25 le lendemain matin.

Le dimanche 10 septembre 2017, la plaignante a été réadmise au service d’urgence de l’hôpital; on a constaté que son niveau de conscience était réduit et un examen tomodensitométrique a révélé qu’elle avait eu un [traduction] « accident vasculaire cérébral (AVC) bilatéral [attaque cérébelleuse] avec hydrocéphalie obstructive [obstruction du fluide céphalorachidien] ». De nouveau, les dossiers indiquent qu’aucun traumatisme n’a été noté. Un médecin a observé que son état pouvait être dû à une « endocardite infectieuse », et elle avait subi une intervention neurochirurgicale, après quoi son état s’était détérioré. Par la suite, elle a été débranchée du système de maintien des fonctions vitales et elle a été déclarée morte le 19 septembre 2017 à 21 h 34.

Après le décès de la plaignante, une autopsie a été effectuée, et le pathologiste a déterminé qu’il n’y avait pas de traumatisme significatif et qu’à son avis, le décès était attribuable à une dissection de l’artère vertébrale dont l’étiologie était inconnue [l’artère principale dans le cerveau s’était dissoute pour des raisons inconnues]. Bien que le pathologiste ait relevé de légères contusions et une abrasion mineure sur le corps de la plaignante au moment de l’autopsie, ainsi qu’une contusion à l’arrière de son crâne, il a déterminé que la cause du décès n’était pas attribuable à un acte criminel.

À la suite de la notification de l’UES par le SPW, qui de son côté avait été informée par le coroner, les enquêteurs ont examiné les vidéos enregistrées à la date de l’arrestation de la plaignante fournies par la bibliothèque publique de Windsor et la mission du centre-ville se trouvant de l’autre côté de la rue, ainsi que les séquences vidéo prises à l’intérieur de la fourgonnette des prisonniers dans laquelle la plaignante a été transportée au poste de police du SPW et les séquences vidéo filmées dans la cellule et dans la salle de mise en détention au poste. Ils ont également examiné des messages que la plaignante avait affichés sur sa page Facebook les jours précédant et suivant son arrestation par la police le 4 septembre, tout comme les enregistrements vidéo et entrées dans le registre de nuit du SPW plusieurs jours après le 4 septembre. De plus, même s’il n’y avait pas de témoins civils au moment de l’arrestation de la plaignante, les enquêteurs ont pu interroger deux agents témoins et ont reçu les notes entrées dans les carnets ou déclarations préparées par l’AI n° 1 et l’AI n° 2 ainsi que des dix agents témoins; l’AI n° 1 et l’AI n° 2 ont refusé de subir une entrevue, comme c’était leur droit légal. Les enquêteurs avaient également accès aux dossiers médicaux et au rapport d’autopsie de la plaignante. Il semble ne pas y avoir de contestation quant aux faits.

Aucune des vidéos obtenues montrant l’arrestation et la détention subséquente de la plaignante le 4 septembre 2017 n’a révélé des signes de traumatisme sur elle et on ne l’entend jamais dire qu’elle a subi de mauvais traitements de la part de la police; en fait, lorsqu’on lui a demandé directement si la police l’avait agressée, elle a catégoriquement répondu [traduction] « Non, jamais ». L’absence de tels signes chez la plaignante à la suite de son interaction avec la police le 4 septembre est également confirmée par ses dossiers médicaux indiquant qu’aucun traumatisme n’a été observé et que le diagnostic posé était qu’elle avait ingéré des stupéfiants, ce qui a par ailleurs été confirmé par son propre aveu.

Au cours de l’interaction de la plaignante avec la police, elle a indiqué à plusieurs reprises qu’elle avait été frappée à la tête par une autre personne (pas un agent de police), qu’elle avait reçu des coups de poing à la tête de la part de deux femmes, et qu’elle s’était cogné elle-même la tête contre un mur; on l’a aussi vu se cogner la tête contre le capot de la voiture de patrouille, sans aucune intervention de la police, et une fois qu’elle était à l’hôpital, on l’a observée se cogner la tête huit à dix fois contre le défibrillateur des SMU, mais elle ne s’était pas blessée à ce moment-là, puisque la machine était solidement capitonnée, supposément pour cette raison.

L’examen de la page Facebook de la plaignante a révélé qu’elle avait affiché des messages sur sa page le 2 septembre 2017 selon lesquels un homme lui avait donné un coup de poing au visage, en plus de mentionner des agressions fréquentes durant des actes sexuels en échange de drogue. Le 6 septembre 2017, la plaignante a de nouveau affiché un message indiquant qu’elle avait reçu un coup de poing à la tête durant un tel acte. Nulle part sur son compte Facebook mentionne-t-elle ou se plaint-elle qu’elle aurait été maltraitée par la police.

Les séquences de TVCF de la mission du centre-ville du 10 septembre 2017 ont révélé que la plaignante avait été retrouvée sur le plancher ce matin-là par un travailleur et que, lorsque le travailleur l’avait aidée à se mettre debout à deux reprises, elle avait fait deux nouvelles chutes. On voit ensuite la plaignante assise dans une chaise et se tenant la tête et le cou comme si elle était en proie à de la douleur. Elle a aussi vomi une fois, après quoi elle s’est de nouveau effondrée et s’est heurté la tête sur le plancher si fort qu’on peut entendre le bruit mat de l’impact sur l’enregistrement. À cette date, la plaignante a de nouveau été transportée à l’hôpital. L’examen du registre de la mission du centre-ville de la nuit précédente a révélé que la plaignante s’était réveillée brusquement pendant la nuit, en criant et en se plaignant de graves douleurs au cou.

Après avoir examiné les éléments de preuve concernant l’arrestation de la plaignante le 4 septembre 2017, je conclus qu’il n’y a absolument aucune preuve que l’un ou l’autre agent de police ayant eu des interactions avec la plaignante a usé de force contre elle, à l’exception du minimum requis pour lui passer les menottes et la transporter à la station. La vidéo de l’intérieur du poste de police révèle qu’à sa demande, la plaignante n’a pas été touchée et était autorisée à se déplacer seule, sans aide, pendant qu’elle était à l’intérieur de la station. La vidéo montrant les alentours du SPW le 4 septembre 2017 ne révèle aucun mauvais traitement aux mains de la police et, lorsque l’AT n° 5 a demandé à la plaignante dans la salle de mise en détention si la police avait quelque chose à voir avec ses plaintes concernant les coups de poing à la tête, elle l’a catégoriquement nié. En outre, je conclus que les dossiers médicaux de la plaignante du 4 septembre, ainsi que le rapport d’autopsie et la détermination de la cause du décès de la plaignante semblent confirmer de façon concluante que le décès de la plaignante n’a pas été causé par l’infliction d’un traumatisme. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, bien que les experts médicaux ne soient pas en mesure de confirmer définitivement le mécanisme ou la cause du décès de la plaignante, tant le pathologiste que les médecins qui l’ont examinée les 4 et 10 septembre et par la suite ont tous déterminé que son décès n’était pas attribuable à un traumatisme ou à l’infliction d’un préjudice physique. La question de savoir si son décès était attribuable à son ingestion répétée de stupéfiants nocifs demeure sans réponse claire à ce stade-ci, mais cela peut très bien avoir été un facteur important.

En conclusion, dans le dossier devant moi, il n’y a pas l’ombre d’un élément de preuve que l’un ou l’autre des agents de police qui ont eu affaire à la plaignante pendant ou après son arrestation le 4 septembre 2017 a eu recours à une force autre que la quantité minimale requise pour lui passer les menottes; il n’y a donc aucune preuve qu’une force excessive a été utilisée contre elle, et il n’y a aucune preuve qu’un quelconque geste posé par un agent de police ait contribué à son décès.

Je conclus donc que rien ne me permet de croire, pour des motifs raisonnables, que l’un ou l’autre des policiers qui ont interagi avec la plaignante le 4 septembre 2017 a eu recours à une force injustifiée ou excessive à son égard, et il n’y a aucune preuve que leurs actes ont contribué de quelque façon que ce soit à son décès et il n’y a donc aucun motif justifiant le dépôt d’accusations criminelles et aucune ne sera portée.

Date : 19 décembre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales