Rapport du directeur de l'UES - dossier no 17-OVI-018
Livré le : 22 décembre 2017
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)
En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
- de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
- de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.
En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- le nom de tout agent impliqué
- le nom de tout agent témoin
- le nom de tout témoin civil
- les renseignements sur le lieu de l’incident
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)
En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.
Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.
Exercice du mandat
La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.
On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Le présent rapport a trait à l’enquête de l’UES sur les blessures graves subies par un homme âgé de 27 ans lorsqu’il a été heurté par un véhicule automobile volé, le 18 janvier 2017.
L’enquête
Notification de l’UES
Le 18 janvier 2017, à 11 h 50, le Service de police régional de Waterloo (SPRW) a informé l’UES que des blessures impliquant des véhicules automobiles avaient été causées ce matin‑là.
Le SPRW a déclaré qu’à 10 h 56, ce matin‑là, l’agent impliqué (AI) a repéré un véhicule volé qui circulait sur le chemin Spadina, à Kitchener. L’AI a tenté d’immobiliser le véhicule, mais le conducteur a pris la fuite. L’AI a poursuivi le véhicule jusqu’au boulevard Queen’s, à l’angle de l’avenue Belmont, où le véhicule poursuivi est entré en collision avec plusieurs autres véhicules. En tout, six véhicules ont été impliqués.
Un piéton a été heurté dans la collision et a subi d’importantes blessures. Deux occupants d’un autre véhicule ont aussi été blessés. Toutes les personnes blessées ont été emmenées à l’hôpital tandis que le chauffeur du véhicule volé prenait la fuite à pied.
Les témoins civils se trouvaient à bord d’un autobus de Grand River Transit (GRT) qui était alors sur les lieux de l’accident.
L’équipe
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 11
Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 2
Nombre de reconstitutionnistes d’accidents routiers de l’UES assignés : 2
Les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux de l’incident et ont repéré et préservé les éléments de preuve. Ils ont documenté les lieux pertinents associés à l’incident au moyen de notes, de photographies, de croquis et de mesures.
Plaignant
Homme âgé de 27 ans; dossiers médicaux obtenus et examinés
Témoins civils (TC)
TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue
TC no 8 A participé à une entrevue
TC no 9 A participé à une entrevue
TC no 10 A participé à une entrevue
TC no 11 A participé à une entrevue
TC no 12 A participé à une entrevue
TC no 13 A participé à une entrevue
TC no 14 A participé à une entrevue
Agents témoins (AT)
AT n° 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue
De plus, les notes d’un autre agent non désigné ont été reçues et examinées.
Agents impliqués (AI)
AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
Description de l’incident
En fin de matinée, le 18 janvier 2017, l’AI conduisait une autopatrouille identifiée comme telle qui était garée sur la promenade South, près du boulevard Queen’s, à Kitchener. L’AI travaillait en équipe avec l’AT no 2 et l’AT no 3, qui se trouvaient non loin de là à bord d’une fourgonnette banalisée, effectuant une opération de surveillance.
Alors que l’AI était garé, le TC no 14 est passé devant lui, conduisant une Toyota FJ Cruiser noir qui remorquait une tente-roulotte. L’AI a interrogé la base de données pour vérifier la plaque d’immatriculation du véhicule et a reçu une réponse indiquant qu’il s’agissait d’un véhicule volé. L’AI a fait demi‑tour et a suivi le Toyota FJ Cruiser (le VUS) volé. Le VUS a tourné à droite sur le chemin Highland et a accéléré jusqu’à environ 80 km/h en direction de l’intersection du chemin Spadina. Le feu était vert pour la circulation sur le chemin Highland et le VUS a ralenti, semblant se préparer à tourner à gauche sur le chemin Spadina. L’AI s’est immédiatement rangé derrière le VUS, mais le VUS a abruptement fait un virage à droite alors qu’il se trouvait sur la voie pour tourner à gauche coupant un véhicule qui se trouvait à sa droite.
L’AI a activé les feux et la sirène d’urgence et s’est approché de l’intersection, mais avant que l’AI ait eu le temps de tourner pour suivre le VUS, le VUS avait pris une certaine distance. L’AI a alors désactivé la sirène et a gardé allumés les feux d’urgence. L’AI a roulé sur le chemin Glen alors que le VUS se trouvait à environ 200 mètres devant lui et qu’il accélérait. Lorsque l’AI est arrivé au bout du chemin Glen, à l’intersection de la promenade South, il s’est arrêté et n’a pas vu le VUS dans l’une ou l’autre des directions. L’AI se trouvait à quelque 200 à 300 mètres du boulevard Queen’s lorsqu’il a commencé à voir l’intersection et a vu le VUS crisser des pneus et déraper de côté jusqu’à ce qu’il s’immobilise.
Le plaignant traversait à pied l’avenue Belmont, à l’angle du boulevard Queen’s, et avait franchi presque la moitié de l’intersection lorsque le VUS a grillé un feu rouge à cette intersection en faisant un virage à droite depuis le boulevard Queen’s à l’avenue Belmont. Le VUS a fait une embardée pour tenter d’éviter le plaignant et a percuté une autre voiture à l’intersection, heurtant aussi le plaignant et le faisant voltiger dans les airs. Le VUS a percuté deux autres véhicules avant de s’immobiliser. Le TC no 14 est sorti du VUS et a fui les lieux de l’incident à pied.
Plusieurs personnes, y compris le plaignant, ont été emmenées à l’hôpital par ambulance. Le plaignant a eu le crâne fracturé et subi des fractures ouvertes au tibia et au péroné de la jambe gauche.
Preuve
Les lieux de l’incident
Cette image Google Map montre l’itinéraire emprunté par le TC no 14 et l’AI.
L’avenue Belmont se divise entre Belmont Ouest, du côté ouest de l’intersection avec le boulevard Queen’s, et Belmont Est, du côté est.
L’enquête a révélé une zone où la tente-roulotte a cessé d’être remorquée et a glissé vers la gauche, heurtant le banc de neige se trouvant devant une résidence sur l’avenue Belmont Est. Cette zone se trouve à la fin d’un virage à 180° avec un panneau jaune de limite de vitesse conseillée de 10 km/h, et c’est là que le TC no 12 a trouvé la plaque d’immatriculation du VUS.
En dehors du panneau de limite de vitesse conseillée de 10 km/h, il n’y avait pas d’autre panneau de limite de vitesse le long du parcours. La limite de vitesse dans ce secteur est de 50 km/h à moins d’indication contraire.
Le chemin parcouru était essentiellement résidentiel, avec des commerces autour de l’intersection des chemins Highland Est et Spadina Est.
L’examen de la scène a révélé que l’impact initial s’est produit sur la voie en direction est de l’avenue Belmont Ouest et la voie en direction sud du boulevard Queen’s. Une Hyundai gris métallique roulait en direction sud sur le boulevard Queen’s et est entrée dans l’intersection pendant que le VUS volé circulait en direction ouest sur l’avenue Belmont. L’avant de la Hyundai est entré en collision avec l’aile droite du VUS volé.
La TC no 1 a arrêté sa Toyota Matrix derrière la Hyundai et n’a pas été impliquée dans la collision.
La collision a redirigé le VUS volé sur la gauche, où il a heurté le plaignant, avant de continuer sa route et de percuter une Mazda 3 et un Honda CR‑V qui circulaient en direction est sur l’avenue Belmont Ouest.
Le VUS volé a continué en direction est, alors que le conducteur semblait en avoir perdu le contrôle à ce moment‑là et que la remorque s’est brisée, éjectant des pièces et du contenu tout autour de l’endroit.
Une camionnette Toyota Tacoma qui se trouvait sur les lieux de l’incident n’a pas été impliquée dans la collision.
Le VUS s’est immobilisé en travers de l’avenue Belmont Ouest, sur le côté est de l’intersection avec le chemin Spadina Ouest. Seul le cadre de métal de la remorque est demeuré intact et attaché au VUS.
Voici deux photos aériennes qui ont été prises du lieu de l’incident :
Voici plusieurs photos des dommages causés :
Schéma des lieux
Le croquis qui suit montre la scène de la collision et le champ de débris.
Preuve matérielle
Autopatrouille de l’AI :
L’autopatrouille de l’AI a été examinée sur place. Les feux d’urgence et la sirène étaient en bon état de fonctionnement.
Preuve médicolégale
Les données du système automatisé de localisation des véhicules (AVL) et l’itinéraire :
Les données du système AVL de l’autopatrouille de l’AI ont enregistré l’itinéraire emprunté, les vitesses et les heures pour cet incident.
Les données ont révélé que l’AI a commencé à suivre le VUS volé sur la promenade South, près du boulevard Queen’s. Il a tourné à droite et a roulé en direction nord‑est sur le boulevard Queen’s, passant une traverse pour piétons sur le côté nord‑ouest de l’Hôpital général St. Mary’s, près de l’intersection avec la promenade Rex. Il a parcouru environ 0,6 km sur le boulevard Queen’s jusqu’à l’intersection du chemin Highland Est, qui est contrôlée par des feux de circulation, atteignant une vitesse de 59 km/h avant de ralentir à l’approche du chemin Highland.
L’AI a tourné à droite sur le chemin Highland et a accéléré jusqu’à la vitesse de 82 km/h sur une distance d’environ 0,4 km avant de ralentir à l’approche de l’intersection avec le chemin Spadina Est contrôlé par les feux de circulation. Sur Spadina Est, il a tourné à droite mais s’est engagé sur le chemin Glen, à cette intersection inhabituelle. Il a rapidement accéléré jusqu’à 90 km/h sur une distance d’environ 0,7 km, avant de ralentir au panneau d’arrêt sur la promenade South.
L’intersection du chemin Glen et de la promenade South se trouve à environ 0,2 km au sud‑ouest de là où l’AI a initialement commencé à suivre le VUS volé.
L’AI a tourné à gauche sur la promenade South et a parcouru une courte distance jusqu’au panneau d’arrêt au chemin Perth. Il a continué sur la promenade South alors que la route fait un virage à 180° sur la droite. Dans ce virage, il y a un panneau de limite de vitesse conseillée à 10 km/h. à la fin du virage sur la promenade South commence l’avenue Belmont Est, dont le tracé est sur un alignement nord‑ouest.
Sur l’avenue Belmont, l’AI a accéléré à 94 km/h avant de ralentir à 67, à 33 puis à 14 km/h environ 300 mètres plus loin. Il a traversé le boulevard Queen’s et est arrivé sur la scène de la collision.
L’itinéraire emprunté a été mesuré comme faisant environ 2,3 km.
Preuve vidéo/audio/photographique
L’UES a exploré les alentours à la recherche d’éventuels enregistrements vidéo ou audio et preuves photographiques, et elle a reçu les photos prises par le TC no 7 et le TC no 9, de même que les vidéos du système de télévision en circuit fermé (TVCF) provenant d’un commerce et d’une station-service situés à proximité.
Enregistrement vidéo de TVCF de la station-service
La station-service située à l’angle sud‑ouest des chemins Highland et Spadina avait une caméra de surveillance installée pour voir l’intersection.
Sur l’enregistrement, on voit le VUS volé qui entre dans le champ de vision de la caméra à 10 h 54 m 44 s. Le VUS se trouvait dans la voie de gauche du chemin Highland, dont la chaussée comporte une signalisation horizontale pour la voie de virage à gauche. Il y a une seule voie de circulation principale à droite de cette voie. Les feux de circulation étaient verts pour la circulation sur le chemin Highland et il y avait deux véhicules devant le VUS. Tandis que le VUS ralentit, l’autopatrouille de l’AI apparaît directement derrière le VUS et dans la voie normale de circulation, à la droite du VUS.
Le VUS ralentit et, sans mettre son clignotant, tourne brusquement à droite, franchissant la voie normale de circulation à la droite et coupant une fourgonnette commerciale durant cette manœuvre. Le VUS continue sur la voie pour tourner à droite et s’engage sur le chemin Spadina.
Les feux d’urgence de l’autopatrouille sont activés au moment où le VUS fait son virage. L’autopatrouille se déplace sur la voie pour tourner à gauche et traverse l’intersection. Bien que la vue est obstruée par les pompes à essence, la signalisation et la fourgonnette commerciale, il semble que l’autopatrouille se soit immobilisée à côté de la fourgonnette avant de tourner à droite. L’autopatrouille a ensuite tourné à droite jusqu’à la gauche du terre‑plein central de béton qui sépare les voies de circulation sur le chemin Spadina et a roulé sur la voie en sens inverse. L’autopatrouille est repartie dans la même direction que le VUS environ huit secondes plus tard.
Enregistrement vidéo de TVCF du commerce situé à proximité
Le commerce situé à l’angle sud‑ouest de l’avenue Belmont Ouest et du boulevard Queen’s avait une caméra de surveillance qui était braquée sur une partie de l’intersection.
Sur les images de l’enregistrement, on voit une personne, dont on ignore s’il s’agit du plaignant, qui marche en direction nord sur le trottoir côté ouest du boulevard Queen’s. La personne s’arrête à l’intersection pour le feu rouge, avant de s’engager dans l’intersection, lorsque le feu le lui permet, pour traverser et se rendre au côté nord de l’avenue Belmont Ouest. La personne sort du champ de la caméra après avoir traversé la chaussée.
Peu après, à 11 h 36 m 58 s
à 11 h 37 m 15 s, on voit sur la séquence vidéo, 17 secondes après que le VUS eut franchi l’intersection, une autopatrouille identifiée comme telle du SPRW qui apparaît et traverse l’intersection à une vitesse bien moindre et avec les feux d’urgence activés.
Enregistrements des communications
Enregistrements des transmissions radio
La transmission initiale de l’AI a été faite sur le canal spécial de l’équipe d’intervention et d’exécution axées sur la collectivité (CORE). L’AI a demandé aux AT no 2 et no 3 où ils étaient et a dit [traduction] « J’ai repéré un FJ Cruiser volé. » Il a dit que le véhicule se trouvait devant lui sur « Queen et Spadina » et leur a demandé s’ils pouvaient venir. L’AT no 3 a répondu qu’ils étaient en chemin.
L’AI a ensuite déclaré qu’il ne pensait pas que le conducteur du VUS était conscient de la présence de la police derrière lui. Les AT no 3 et no 2 ont demandé à l’AI [traduction] « Essaye de rester aussi loin de lui que tu peux, jusqu’à ce que nous arrivions derrière lui et nous ferons intervenir les agents patrouilleurs. » L’AI a répondu que le VUS était [traduction] « [...] désavantagé en ce moment. Il est en train de remorquer une tente‑roulotte » et qu’il ne voyait pas combien d’occupants il y avait dans le véhicule. L’AI a ensuite signalé que le VUS se trouvait sur le chemin Highland et que d’après lui le conducteur s’était rendu compte de la présence policière car la vitesse du VUS avait augmenté. L’AI a dit qu’il roulait à « environ 80 en ce moment » et qu’il allait le signaler sur le canal central.
Dans la transmission suivante, l’AI a dit qu’ils étaient sur le chemin Spadina, roulant en direction de l’hôpital. L’AT no 2 et l’AT no 3 ont dit que c’est là où ils se trouvaient
Dans la transmission initiale sur le canal central de communication, l’AI a dit qu’il était sur la promenade South lorsqu’il a déclaré [traduction] « Je suis à la poursuite d’un véhicule déclaré volé » et a précisé le numéro de plaque d’immatriculation. Alors qu’on entend tourner le moteur de l’autopatrouille dans le fond sonore de la transmission, l’AI a ensuite déclaré [traduction] « Il s’est sauvé. Il s’est sauvé » et a dit qu’il se trouvait à l’angle de Spadina et du boulevard Queen’s.
Un autre agent de police a ensuite demandé si les suspects avaient fui.
L’AI a répondu [traduction] « Oui. Attends une seconde. J’arrive juste à cet endroit. Il y a comme un accident. On dirait des collisions impliquant trois ou quatre véhicules. »
Dans la transmission, on entend d’autres policiers intervenir pour la collision.
Dans la transmission, l’AI donnait l’impression d’être dans une poursuite à pied tandis qu’il déclarait qu’un suspect était allé dans la cour arrière d’une résidence sur le chemin Spadina. Dans une transmission subséquente, il a déclaré que quelqu’un était blessé sur les lieux de l’incident.
Appels au service 9‑1‑1
Dans l’un des nombreux appels faits au 9‑1‑1 pour signaler la collision, un homme non identifié a dit qu’une [traduction] « Jeep roulait très vite [...], a brûlé un feu rouge et a percuté deux ou trois voitures. »
Éléments obtenus du service de police
L’UES a demandé au SPRW les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :
- enregistrements des communications
- vidéo et clichés pris par le véhicule aérien sans pilote (drone) du SPRW
- photos de la scène de l’incident fournies par le SPRW
- certificat de formation aux poursuites visant l’appréhension de suspects (PAS) – l’AI
- dossier de la cour concernant le TC no 14
- registre de divulgation – 19 janvier 2017
- détails de la répartition provenant du système de répartition assistée par ordinateur (CAD) – incidents de collision
- détails de la répartition provenant du système CAD – poursuite
- tableau de service – 18 janvier 2017 – unité canine
- tableau de service – 18 janvier 2017 – équipe CORE
- tableau de service – 18 janvier 2017 – patrouilleurs
- courriel concernant la liste des accusations portées contre le TC no 14
- chronologies des événements
- rapport d’incident général – vol de remorque
- données GPS (système de positionnement mondial) du véhicule de l’AI
- notes de l’AT no 1, de l’AT no 2, de l’AT no 3, de l’AT no 4, de l’AT no 5 et de l’AT no 6
- notes d’un agent non désigné
- rapport sur les détails de l’incident
- procédure – poursuites visant l’appréhension de suspects
- registre de divulgation du SPRW
- dépositions de témoins – TC no 2, TC no 3, TC no 4, TC no 5 et TC no 6
Disposition législative pertinente
Articles 1 à 3 du Règlement de l’Ontario 266/10 (« Poursuites visant l’appréhension de suspects ») en vertu de la Loi sur les services policiers de l’Ontario
1. (1) Pour l’application du présent règlement, une poursuite visant l’appréhension de suspects a lieu lorsqu’un agent de police tente d’ordonner au conducteur d’un véhicule automobile de s’immobiliser, que le conducteur refuse d’obtempérer et que l’agent poursuit, en véhicule automobile, le véhicule en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule.
(2) La poursuite visant l’appréhension de suspects est interrompue lorsque les agents de police ne poursuivent plus un véhicule automobile en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule.
2. (1) Un agent de police peut poursuivre ou continuer de poursuivre un véhicule automobile en fuite qui ne s’immobilise pas :
- soit s’il a des motifs de croire qu’une infraction criminelle a été commise ou est sur le point de l’être;
- soit afin d’identifier le véhicule ou un particulier à bord du véhicule.
(2) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, un agent de police s’assure qu’il ne peut recourir à aucune des solutions de rechange prévues dans la procédure écrite, selon le cas :
- du corps de police de l’agent, établie en application du paragraphe 6 (1), si l’agent est membre d’un corps de police de l’Ontario au sens de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux;
- d’un corps de police dont le commandant local a été avisé de la nomination de l’agent en vertu du paragraphe 6 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie II de cette loi;
- du corps de police local du commandant local qui a nommé l’agent en vertu du paragraphe 15 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie III de cette loi.
(3) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police décide si, afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou le besoin d’identifier le véhicule ou le particulier l’emporte sur le risque que peut présenter la poursuite pour la sécurité publique.
(4) Pendant une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police réévalue continuellement la décision prise aux termes du paragraphe (3) et interrompt la poursuite lorsque le risque que celle-ci peut présenter pour la sécurité publique l’emporte sur le risque pour la sécurité publique que peut présenter le fait de ne pas appréhender immédiatement un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou de ne pas identifier le véhicule ou le particulier.
(5) Nul agent de police ne doit amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle si l’identité d’un particulier à bord du véhicule automobile en fuite est connue.
(6) L’agent de police qui entreprend une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle interrompt la poursuite une fois que le véhicule automobile en fuite ou le particulier à bord du véhicule est identifié.
3. (1) Un agent de police avise un répartiteur lorsqu’il amorce une poursuite visant l’appréhension de suspects.
(2) Le répartiteur avise un surveillant des communications ou un surveillant de la circulation, s’il y en a un de disponible, qu’une poursuite visant l’appréhension de suspects a été amorcée.
Article 249 du Code criminel – Conduite dangereuse
(1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :
- un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu; [...]
(3) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans.
Paragraphe 322(1) du Code criminel – Vol
322 (1) Commet un vol quiconque prend frauduleusement et sans apparence de droit, ou détourne à son propre usage ou à l’usage d’une autre personne, frauduleusement et sans apparence de droit, une chose quelconque, animée ou inanimée, avec l’intention :
- soit de priver, temporairement ou absolument, son propriétaire, ou une personne y ayant un droit de propriété spécial ou un intérêt spécial, de cette chose ou de son droit ou intérêt dans cette chose;
- soit de la mettre en gage ou de la déposer en garantie;
- soit de s’en dessaisir à une condition, pour son retour, que celui qui s’en dessaisit peut‑être incapable de remplir;
- soit d’agir à son égard de telle manière qu’il soit impossible de la remettre dans l’état où elle était au moment où elle a été prise ou détournée.
Paragraphe 354(1) du Code criminel – Possession de biens criminellement obtenus
354 (1) Commet une infraction quiconque a en sa possession un bien, une chose ou leur produit sachant que tout ou partie d’entre eux ont été obtenus ou proviennent directement ou indirectement :
- soit de la perpétration, au Canada, d’une infraction punissable sur acte d’accusation;
- soit d’un acte ou d’une omission en quelque endroit que ce soit, qui aurait constitué, s’il avait eu lieu au Canada, une infraction punissable sur acte d’accusation.
Analyse et décision du directeur
Le 18 janvier 2017, l’AI conduisait une autopatrouille identifiée comme telle dans le cadre d’une opération menée par l’équipe d’intervention et d’exécution axées sur la collectivité (CORE). Son rôle était de prêter assistance au cas où une autopatrouille serait nécessaire pour procéder à une arrestation; ses collègues, l’AT no 2 et l’AT no 3, étaient à bord d’une fourgonnette de surveillance banalisée tandis que lui était stationné à proximité de la promenade South, près du boulevard Queen’s, dans la ville de Kitchener. Alors qu’il était stationné à cet endroit, l’AI a vu passer un VUS Toyota FJ Cruiser qui remorquait une tente‑roulotte; il a interrogé la base de données pour la plaque d’immatriculation et a obtenu une réponse indiquant que le véhicule était volé. L’AI a alors fait demi‑tour pour suivre le véhicule et l’a observé alors qu’il était arrêté à un feu de circulation rouge sur le chemin Highland; il y avait plusieurs véhicules d’arrêtés entre le Toyota et son autopatrouille. L’AI a alors communiqué par radio avec l’AT no 2 et l’AT no 3 en utilisant le canal spécial de l’équipe CORE et leur a dit qu’il était en train de suivre un véhicule volé et qu’il croyait que le chauffeur du VUS n’était pas conscient de sa présence, puis il leur a demandé de se rendre à cet endroit; cela est confirmé par l’enregistrement de la communication par radio. L’AI a déclaré que son intention était de coordonner l’opération avec les AT no 2 et no 3 en leur permettant de suivre le véhicule volé à bord de leur fourgonnette banalisée, de sorte qu’il pourrait se retirer et ainsi éviter d’avoir à se lancer à la poursuite du VUS. Les AT no 2 et no 3 pourraient alors suivre le véhicule, sans que le chauffeur s’aperçoive qu’il est suivi par la police, jusqu’à sa destination finale et procéder à une arrestation. Les données AVL (du système automatisé de localisation des véhicules) de l’autopatrouille de l’AI ont confirmé que sa vitesse, alors qu’il roulait derrière le VUS sur le boulevard Queen’s à l’approche de l’intersection avec le chemin Highland, a atteint 59 km/h avant de diminuer à l’approche du carrefour.
L’AI a vu le véhicule volé tourner à droite sur le chemin Highland et l’a suivi à distance, à environ 100 mètres en arrière. Dans l’enregistrement de la communication par radio, on entend l’AI indiquer que le VUS a maintenant commencé à faire de la vitesse, qu’ils étaient à proximité de l’intersection de Highland et Winslow et que leur vitesse était d’environ 80 km/h; l’AI a alors déclaré qu’il allait communiquer sur le canal « central » et il est passé du canal CORE au canal central. Les données AVL confirment que, une fois qu’il s’est engagé sur le chemin Highland Est, l’AI a roulé jusqu’à une vitesse de 82 km/h avant de ralentir à l’intersection avec le chemin Spadina Est.
Le VUS a alors accéléré jusqu’à une vitesse d’environ 80 km/h, a franchi l’intersection avec Spadina sur un feu vert et a ralenti. L’AI s’est mis directement derrière le VUS, qui, ainsi que l’AI le pensait, attendait pour tourner à gauche; c’est alors que le VUS a soudainement braqué à droite depuis la voie pour tourner à gauche, coupant ainsi un véhicule qui se trouvait à sa droite. Voyant cela, l’AI a indiqué qu’il croyait que le chauffeur était maintenant conscient de la présence policière, de sorte qu’il a activé ses feux et sirène d’urgence et s’est approché de l’intersection, échangeant un premier regard avec le conducteur du véhicule qui se trouvait à sa droite pour s’assurer que le conducteur comprenait qu’il allait tourner à droite devant lui, avant de se mettre à la poursuite du VUS sur le chemin Spadina Est. Cette preuve est confirmée par la séquence vidéo provenant du système de TVCF de la station-service située à l’angle des chemins Highland Est et Spadina Est.
L’AI a indiqué que lorsqu’il avait terminé d’effectuer son virage de façon sécuritaire, le VUS se trouvait déjà à une certaine distance devant lui, de sorte qu’il a désactivé sa sirène mais a gardé activés les feux d’urgence sur le toit de son autopatrouille.
Par communication radio, l’AI a indiqué qu’il circulait sur le chemin Spadina en direction de l’hôpital à l’AT no 2 et l’AT no 3, qui lui ont dit qu’ils se trouvaient à ce même endroit; à ce moment‑là, l’AI s’est rendu compte que, lorsque le chemin se sépare en deux pour devenir le chemin Glen à gauche et le chemin Spadina Est à droite, il avait en fait tourné sur le chemin Glen et qu’il avait communiqué par erreur qu’il se trouvait sur le chemin Spadina.
S’étant rendu compte de son erreur quant à l’emplacement qu’il avait communiqué et réalisant qu’il n’irait pas à la rencontre des AT no 2 et no 3, l’AI a contacté le répartiteur pour lui indiquer qu’il était à la poursuite d’un véhicule volé, lui fournissant le numéro de plaque d’immatriculation et lui précisant l’emplacement du véhicule comme étant du côté de la promenade South, à l’approche du chemin Perth. L’enregistrement de la communication confirme que cet appel a été fait à 10 h 53 m 47 s; il y a eu une deuxième transmission à 10 h 53 m 56 s dans laquelle l’AI a indiqué que le véhicule s’était [traduction] « sauvé » et qu’il n’était plus à la poursuite du VUS. Les données AVL confirment que l’AI a accéléré jusqu’à la vitesse de 90 km/h sur le chemin Glen, avant de ralentir au panneau d’arrêt sur la promenade South.
L’AI a indiqué qu’il a perdu de vue le VUS et, croyant qu’il avait pu tourner à gauche, il a lui aussi tourné à gauche sur la promenade South. En roulant jusqu’au virage en épingle à droite où la promenade South devient l’avenue Belmont Est, l’AI se trouvait à environ 200 à 300 mètres du boulevard Queen’s lorsqu’il a aperçu l’intersection et a vu le VUS crisser des pneus et déraper sur le côté jusqu’à ce qu’il s’immobilise.
Le TC no 6 marchait sur le trottoir de l’avenue Belmont, non loin du virage en épingle, à mi‑chemin à peu près entre la promenade South et le boulevard Queen’s, lorsqu’il a entendu les crissements de pneus du VUS, voyant le véhicule tourner et accélérer, comme il passait devant lui, en direction du boulevard Queen’s, où le VUS s’est engagé dans l’intersection en brûlant un feu rouge et a percuté d’autres véhicules. Juste après la collision, le TC no 6 a vu une autopatrouille du SPRW qui suivait le VUS. Le TC no 12 a trouvé la plaque d’immatriculation du VUS volé dans le banc de neige.
Sept témoins civils ont été soit impliqués dans la collision entre le VUS volé conduit par le TC no 14 et les autres véhicules et le plaignant, soit témoins de cette collision. Sur ces sept témoins, aucun n’a vu l’autopatrouille du SPRW présente au moment où le TC no 14 s’est engagé à haute vitesse dans l’intersection en brûlant un feu rouge, causant ainsi la collision. Selon les estimations des différents témoins, de cinq secondes à deux minutes s’étaient écoulées entre le moment de la collision et l’arrivée de l’AI. L’enregistrement vidéo de TVCF de la zone se trouvant devant un commerce local a confirmé que l’AI est arrivé à bord de son autopatrouille 17 secondes après le VUS volé.
Il ressort clairement de l’ensemble de la preuve que, au moment où l’AI a observé la première fois le VUS conduit par le TC no 14 et a reçu l’information selon laquelle le véhicule était volé, l’AI était légalement en droit d’immobiliser le véhicule à moteur et de faire enquête sur son conducteur pour une infraction de « vol » et/ou de « possession de biens criminellement obtenus » en contravention du Code criminel.
Je note que la preuve de l’AI est entièrement confirmée par les sept témoins civils qui se trouvaient sur les lieux de la collision au moment de l’impact, de même que par les deux témoins civils qui ont observé la conduite du TC no 14 avant la scène de la collision, par les enregistrements de communications, par les vidéos de TVCF et par les données AVL provenant de l’autopatrouille de l’AI, autant d’éléments qui corroborent entièrement le fait que l’AI n’était pas à la poursuite d’un véhicule au moment de la collision du VUS lors de laquelle le plaignant a été blessé, ni n’était à la poursuite d’un véhicule immédiatement après la collision, ayant abandonné ses efforts d’appréhender le VUS volé peu après avoir initialement activé son équipement d’urgence et tenté d’immobiliser le véhicule à moteur. à la lumière de l’ensemble de la preuve, il est clair que, bien que l’AI ait initialement tenté d’immobiliser le VUS, ce qu’il était légalement autorisé à faire, à aucun moment il ne s’est lancé à la poursuite du TC no 14 après que le VUS eut commencé à faire de la vitesse sur le chemin Glen, après avoir franchi l’intersection avec le chemin Spadina et tourné à droite. Au lieu de cela, l’AI a désactivé sa sirène et a communiqué avec le répartiteur pour lui faire savoir que le VUS s’était sauvé et qu’il n’était plus à la poursuite de ce véhicule. Cette preuve est confirmée par le TC no 14 lui‑même, de même que par le témoignage des témoins civils qui ont observé le TC no 14 à divers endroits sur son itinéraire et qui ont tous dit que l’autopatrouille se trouvait à une certaine distance derrière le VUS et n’était pas en vue au moment où ils ont observé le VUS. Cette preuve est confirmée de façon concluante par les séquences vidéo de TVCF qui ont révélé que l’AI n’est arrivé sur les lieux de la collision que 17 secondes après le TC no 14. Par conséquent, je ne puis trouver aucun lien de causalité entre la conduite de l’autopatrouille par l’AI et les blessures subies par les personnes impliquées dans la collision, lesquelles sont uniquement imputables à la conduite téméraire et dangereuse du TC no 14.
Il vaut de mentionner que l’AI s’est pleinement conformé au Règlement de l’Ontario 266/10 (intitulé « Poursuites visant l’appréhension de suspects ») en vertu de la Loi sur les services policiers de l’Ontario, en ce qu’il a communiqué avec un véhicule de patrouille banalisé afin de faciliter une filature stratégique et d’éviter une poursuite par un véhicule de police, a immédiatement contacté le répartiteur lorsqu’il s’est rendu compte que le VUS ne s’arrêterait pas pour signaler qu’il était à la poursuite d’un véhicule, a précisé son emplacement, décrit le véhicule volé, indiqué son numéro de plaque d’immatriculation et continué de tenir le répartiteur au courant des événements au fur et à mesure qu’ils se produisaient, a fait prévaloir la sécurité publique sur le besoin de poursuivre le véhicule volé lorsque, dans les secondes qui ont suivi sa tentative d’immobiliser le VUS, il a perdu de vue le véhicule puis a abandonné ses efforts de poursuite et désactivé sa sirène tout en continuant de rechercher le véhicule volé. De ces éléments de preuve, on peut déduire que l’AI s’est demandé si, afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord du véhicule en fuite l’emportait sur le risque pour la sécurité publique que pouvait entraîner la poursuite, au regard du paragraphe 2(3) de la loi, et a déterminé que ce n’était pas le cas.
La dernière question à trancher est de savoir s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’AI, dans sa tentative d’immobiliser le TC no 14, a commis une infraction criminelle, notamment si, en conduisant sa voiture de patrouille, il a élevé le niveau de danger et, par conséquent, contrevenu au paragraphe 249(1) du Code criminel.
Selon la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l’arrêt R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49, pour que l’article 249 puisse être invoqué, il faut établir que la personne conduisait « d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu » et que cette façon de conduire constituait « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé. »
Après avoir examiné tous les éléments de preuve, je conclus qu’il n’y a aucune preuve que la façon de conduire de l’AI ait créé un danger pour les autres usagers de la route ou ait, à quelque moment que ce soit, perturbé la circulation; l’AI a utilisé son équipement d’urgence avec prudence, activant initialement les feux d’urgence sur le toit de son autopatrouille et sa sirène, puis désactivant immédiatement sa sirène lorsqu’il a déterminé que le TC no 14 n’allait pas s’arrêter, et les conditions météorologiques étaient bonnes et les chaussées étaient sèches.
En outre, la preuve établit que l’AI n’a rien fait pour exacerber la façon de conduire dangereuse du TC no 14; selon le témoignage de tous les témoins civils qui se sont trouvés sur l’itinéraire emprunté par le TC no 14, ce dernier conduisait à une vitesse excessive et ne respectait pas la signalisation routière malgré le fait que l’AI n’était plus visible par le VUS et avait depuis longtemps désactivé sa sirène. Sur la foi de cette preuve, il est clair que le TC no 14 a continué de faire de l’excès de vitesse, a fait une embardée et s’est retrouvé dans un banc de neige au virage en épingle et a brûlé le feu rouge à l’angle de l’avenue Belmont et du boulevard Queen’s, provoquant ainsi une collision qui a causé des blessures à d’autres automobilistes et à un piéton, longtemps après que l’AI eut désactivé sa sirène et abandonné toute tentative de l’immobiliser. à la lumière de cette preuve, il est clair que le TC no 14 a délibérément décidé de conduire de façon dangereuse et téméraire et qu’il a continué de le faire longtemps après que l’agent eut abandonné ses intentions dans l’intérêt de la sécurité publique et qu’il eut perdu de vue le VUS.
Dans cette affaire, je conclus que, selon la preuve relative à la façon de conduire de l’AI, le niveau n’a pas été élevé au point de constituer « un écart marqué par rapport à la norme » et que, comme je l’ai indiqué plus haut, il n’y a aucune preuve permettant d’établir l’existence d’un lien de causalité entre les actions de l’AI et la collision et les blessures subséquentes causées par le TC no 14. Il se peut que l’AI ait seulement interrompu sa poursuite policière du fait que le TC no 14 avait accéléré et l’avait distancé, mais si le TC no 14 a ainsi pu distancer l’autopatrouille c’est uniquement parce que l’AI a fait passer la sécurité publique avant sa volonté d’appréhender le TC no 14. En fait, à l’examen de la preuve dans son intégralité, il est clair que non seulement l’AI est intervenu en pleine conformité avec le Code criminel, le Code de la route et la Loi sur les services policiers de l’Ontario, mais aussi qu’il s’est comporté en tout temps de façon professionnelle et prudente et en faisant preuve de jugement, si bien que je ne vois aucun motif, ici, de déposer des accusations au criminel.
Date : 22 décembre 2017
Original signé par
Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Notes en bas de page
- note de bas de page[1] Retour au paragraphe Il a été observé que l’heure estampillée sur le système de surveillance était en avance d’environ 43 minutes sur l’heure normale de l’Est.
- note de bas de page[2] Retour au paragraphe L’AI, l’AT no 2 et l’AT no 3 ont tous dit que l’AI avait fait une erreur sur ce point et que l’AI se trouvait en fait sur le chemin Glen et non sur le chemin Spadina.