Système sylvopastoral pour l’Ontario
Découvrez l’utilisation du système sylvopastoral comme forme d’intégration de terrains boisés, de fourrages et de bétail grâce au pâturage. Cette information technique est destinée aux éleveurs de bétail de l'Ontario.
ISSN 1198-7138, Publié décembre 2023
Introduction au système sylvopastoral
L’agroforesterie est une forme d’agriculture qui favorise l’utilisation de terrains forestiers à des fins de gains économiques grâce à l’agriculture tout en assurant une gérance adéquate des terres. Un système sylvopastoral est une pratique ou un système d’agroforesterie qui permet l’intégration de terrains boisés, de fourrages et de bétail grâce au pâturage. Le terme incorpore la racine latine « silva » ou « sylva » qui signifie bois ou forêt.
Le système sylvopastoral a le potentiel d’accroître la rétention d’eau pour les cultures fourragères et offre des espaces couverts pour le fourrage et le bétail qui s’y trouvent. Par ailleurs, le système sylvopastoral a été utilisé pour augmenter la séquestration de carbone dans le sol et la végétation du système
Le système sylvopastoral exige une gestion intensive pour permettre la croissance des arbres et des espèces fourragères favorables tout en optimisant par ailleurs le pâturage pour le bétailLe système sylvopastoral est plus que du bétail broutant dans des zones boisées. Le bétail doit être déplacé fréquemment pour assurer un repos et un rétablissement suffisants à la fois pour une croissance optimale de la forêt et pour obtenir un fourrage adéquat pour les animaux.
Histoire de l’agroforesterie dans le sud de l’Ontario
Les archéologues ont déterminé que la plus grande partie du Sud de l’Ontario était par le passé une zone forestière, et que certaines de ces terres peuvent avoir été utilisées pour la production de bois d’œuvre. Il a été déterminé que dès le dixième siècle, le maïs était cultivé dans cette région, ainsi que le tournesol et la courgesuggérant que des stratégies de gestion agroforestière étaient utilisées par les Premières Nations et les communautés autochtones avant l’usage moderne de la terminologie (figure 1). Les approches de système sylvopastoral étaient vraisemblablement utilisées pour entretenir les territoires de chasse, puisque l’agriculture de type savane n’est pas nouvelle et reflète une histoire qui honore le paysage et nos aïeux.
En revanche, le nettoyage complet du terrain a été la pratique par défaut depuis que les Européens ont commencé à s’approprier des terres en Amérique du Nord. Cela visait à faire de la place pour la production agricole et la construction de maisons et d’infrastructures pour mieux tirer profit des produits de la terre et de la forêt
Système sylvopastoral moderne
Le système sylvopastoral est une pratique commune dans l’ensemble de l’Europe et qui est utilisée dans le Sud-Est et le Nord-Est des États-Unis. Au cours des dernières années, la plupart des pays d’Amérique du Sud et d’Amérique Centrale ont adopté cette pratique, les producteurs de ces régions ayant réalisé les avantages qu’elle procure et ayant opté pour elle au détriment de l’enlèvement de tous les arbres afin de créer des pâturages ouverts. Le système sylvopastoral n’est pas très fréquent en Ontario, mais son adoption pourrait offrir des débouchés dans les années à venir en raison des étés plus chauds qui sont prévus et de la réduction des zones disponibles pour le pâturage.
La gestion est la clé des systèmes sylvopastoraux
Le « pâturage buissonneux » a à juste titre été perçu comme une pratique négative par le passé, puisqu’il nécessite de sacrifier des zones naturellement boisées à des fins de pâturage, avec peu ou pas de gestion du bétail sur le terrain. Cela a entraîné une érosion et un compactage accrus du sol ainsi que des dommages aux arbres, laissant la zone boisée sans recrû. De nos jours, lorsque le système sylvopastoral est adopté, des stratégies de gestion intensive pour le pâturage devraient être mises en place, afin d’assurer une réduction de l’érosion du sol et du compactage. Avec une « gestion intensive », les animaux sont mis régulièrement en rotation et l’évaluation de la biomasse du fourrage est réalisée avant et après l’accès au pâturage.
En augmentant l’utilisation du système sylvopastoral, la séquestration de carbone dans le sol peut être accrue et des terres marginales qui ne seraient normalement pas utilisées peuvent l’être de façon plus productive et rentable. Lorsque Thevathasan et coll. (2012) ont comparé un système sylvopastoral à un système de pâturage monoculture, le système sylvopastoral s’est avéré séquestrer de 2,7 à 3 fois plus de carbone. Il s’agit d’une façon bénéfique d’utiliser une zone boisée tout en maximisant la séquestration du carbone et la production de protéines comestibles. L’inclusion du système sylvopastoral dans le projet Drawdown (en anglais seulement) démontre le potentiel d’amélioration des résultats sur le plan climatique.
Considérations pour l’adoption d’un système sylvopastoral
Les conditions météorologiques et la saison sont 2 aspects importants devant être pris en compte lorsqu’un système sylvopastoral est utilisé. Les systèmes sylvopastoraux sont les plus productifs durant la saison de croissance au printemps, à l’été et à l’automne. Ils permettent au bétail d’échapper à la chaleur et au soleil en lui offrant des pâturages ombragés dans des zones boisées. Les systèmes sylvopastoraux peuvent être très utiles lors des périodes où la disponibilité du fourrage est faible, comme dans le « trou d’été » et les périodes de conditions très sèches. Certains producteurs choisissent de les utiliser pour le bétail durant l’hiver en tant qu’obstacle aux conditions météorologiquesLes arbres sont particulièrement sensibles aux dommages causés par le bétail en présence de conditions boueuses à la fin de l’automne (novembre et décembre) et au début du printemps (mars et avril). Par conséquent, le bétail est souvent gardé à l’écart de la zone durant ces périodes afin d’éviter les dommages excessifs aux racines des arbres. Le plan et les options de pâturage de l’exploitation agricole doivent donc être flexibles pour prévenir les dommages aux arbres.
Un système sylvopastoral doit être géré adéquatement afin d’être fructueux. En utilisant des rotations adéquates de pâturages et en prenant soin des végétaux et du bétail (plutôt que de privilégier les uns aux dépens des autres), le système sera à même de prospérer. L’adoption de pratiques optimales liées à la sélection du type de bétail, des techniques de pâturage, de la densité des arbres et du maintien de la qualité du fourrage augmentera également les chances de réussite. Les agriculteurs devraient demander des conseils auprès de conseillers, par exemple des forestiers, pour les aider à concevoir un système sylvopastoral rentable.
L'emplacement
Plusieurs conditions doivent être évaluées avant d’utiliser une zone boisée dans le cadre d’un système sylvopastoral. Une clôture de sécurité et de l’eau sont 2 facteurs importantsLa zone doit aussi pouvoir produire suffisamment de fourrage pour nourrir le nombre d’animaux dans le système. Le producteur et les fournisseurs de service devraient pouvoir accéder relativement facilement à cette zone. Même si l’ombrage est l’un des avantages d’exploiter un système sylvopastoral, il est tout de même nécessaire d’avoir suffisamment d’ensoleillement pour le fourrage. Pour cette raison, les arbres devraient être dispersés et uniformément distribués afin de fournir de l’ombrage avec un ensoleillement suffisant pour le fourrage. Dans le cas d’un système sylvopastoral en Ontario, un bon point de départ consiste à avoir de 63 à 125 gros arbres par hectare (de 25 à 50 par acre) (figure 2). Les arbres devraient être bien adaptés à l’emplacement et respecter les objectifs de gestion. Les arbres devraient par ailleurs être entretenus en taillant ou en enlevant des branches et en enlevant et en remplaçant les arbres morts.
Espéces d’arbres et de fourrages
Espéces d’arbres
Les espèces indigènes d’arbres et de fourrages sont préférées, même si certaines espèces d’arbres non indigènes peuvent fonctionner dans de nouvelles plantations de systèmes sylvopastoraux pourvu qu’elles soient gérées correctement en vertu de l’expertise d’une personne formée en foresterie, afin d’assurer la diversité d’espèces d’arbres et de fourrages dans l’ensemble de la zone. Il est important de confirmer que la variété d’arbres plantés ne produit pas de feuilles pouvant empoisonner le bétail. La présente fiche technique énumère certaines espèces d’arbres pouvant être utilisées en Ontario.
Les espèces d’arbres indigènes à envisager pour les systèmes sylvopastoraux en Ontario sont les suivantes :
- érable argenté
- frêne blanc
- noyer noir
- chêne rouge
- thuya occidenta
Les espèces indigènes et non indigènes à envisager pour les systèmes sylvopastoraux en Ontario sont les suivantes :
- pin (espèces)
- saule (espèces)
Les espèces non indigènes à envisager pour les systèmes sylvopastoraux en Ontario sont les suivantes :
- peuplier hybride
- robinier faux-acacia
- noisetier
- épinette de Norvège
Les espèces de saules sont nouvellement prises en compte pour un système sylvopastoral en Ontario. Certaines sont utilisées comme culture en raison de leur cycle de récolte tous les 3 ans. Les espèces de conifères (pins, épinettes) dans un système sylvopastoral peuvent offrir une densité d’arbres accrue, mais n’offriront par conséquent pas une densité de logement élevée pour le bétail. La diversité d’espèces d’arbres et d’espèces de fourrages est un point important à considérer dans un système sylvopastoral, puisque la diversité minimise les risques liés aux ennemis des cultures et aux maladies.
Cultures fourragères
Un mélange d’espèces d’herbes et de légumineuses choisi en fonction des conditions locales devrait être utilisé dans un système sylvopastoral.
Conseils pour le pâturage
La gestion des pâturages tournants devrait être exercée pour permettre une croissance adéquate du fourrage et minimiser les dommages aux arbres. Même si plusieurs espèces pourraient être utilisées dans ce type de système, il se prête plus facilement aux ruminants (bovins, moutons, chèvres) pour ce qui est de la facilité à contrôler les animaux et des perturbations (comparativement à la volaille et aux porcs, respectivement).
La densité de logement variera selon les différentes espèces de bétail, mais comme point de départ, moins d’animaux devraient être utilisés lors de la mise en pâturage d’un système sylvopastoral nouvellement développé comparativement à un parcours équivalent. Cela vise à assurer une abondance de fourrage pour les animaux et à réduire le risque de dommages ou d’évasion.
Une clôture électrique temporaire peut être efficace si les animaux sont déplacés fréquemment pour assurer le recrû du fourrage. Si vous utilisez des « piquets de clôture vivants », les isolateurs de clôture électrique devraient d’abord être installés sur des bandes de montage qui peuvent être agrandies sur les arbres en croissance en desserrant des boulons. Des isolateurs cloués directement sur les arbres exigeront plus d’entretien pour prévenir la défaillance du dispositif (figure 3).
Système sylvopastoral pour l’Ontario
En Ontario, le système sylvopastoral a le potentiel d’être un système durable et rentable avec des avantages en matière de soins des animaux, de séquestration de carbone et de bilan hydrique. Passer à un système sylvopastoral exige un investissement important dans la clôture, l’approvisionnement en eau, l’établissement ou l’enlèvement d’arbres et l’établissement du fourrage. La mise en œuvre de systèmes de pâturages tournants est nécessaire pour optimiser l’utilisation du fourrage et la production animale, ainsi que pour prévenir les dommages au sol et aux arbres. Les pâturages doivent être adaptés aux conditions météorologiques. Il est essentiel de pouvoir déplacer les animaux vers de meilleures zones de pâturage lors de conditions météorologiques défavorables afin de prévenir les dommages. Un système sylvopastoral peut ne pas être le bon choix en présence d’un bon peuplement d’arbres de qualité élevée ou lorsqu’il serait difficile de changer le système de pâturage actuel du bétail (continu ou tournant) sur un parcours herbeux.
Références
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Cette fiche technique a été écrite par Sedley Benitz, Départment des sciences biologiques animales, Université de Guelph, James Byrne, spécialiste de l’élevage des bovins de boucherie, ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales (MAAARO), Brett Chedzoy, Cornell Cooperative Extension, comté de Schuyler, New York et Christoph Wand, spécialiste de la durabilité, MAAARO.