Dans le contexte de l’examen du système de santé et de sécurité au travail, les travailleurs vulnérables sont plus exposés que la plupart des travailleurs à des conditions dangereuses pour la santé et la sécurité, et ne disposent d’aucun pouvoir pour les changer. Au cours de cet examen, les intervenants ont identifié plusieurs sous-groupes dans la main-d’œuvre générale comme étant vulnérables. Le Comité a été le plus souvent mis au fait de la situation des jeunes travailleurs; des immigrants récents; des travailleurs novices ou embauchés par de nouvelles entreprises; des travailleurs étrangers employés pour remplir un poste temporaire ou combler une pénurie de main-d’œuvre saisonnière, surtout en agriculture; des secteurs hôtelier et du tourisme d’accueil ainsi que de la construction; des travailleurs qui gagnent de très bas salaires et détiennent plusieurs emplois à temps partiel; et des travailleurs temporaires.

La vulnérabilité des travailleurs découle de plusieurs facteurs : l’ignorance de leurs droits en vertu de la LSST , comme le droit de refuser de faire un travail risqué, l’absence d’expérience ou de formation liée à un emploi particulier ou au danger qu’il représente, et l’incapacité d’exercer leurs droits ou de soulever des questions portant sur la santé et la sécurité, par crainte de perdre leur emploi ou, dans certains cas, d’être déportés.

Plusieurs des recommandations du Comité trouvées dans d’autres sections de ce rapport amélioreraient la santé et la sécurité de tous les travailleurs, mais surtout de ceux qui sont vulnérables. Si elles étaient appliquées, les recommandations pour une formation obligatoire en matière de sensibilisation à la santé et la sécurité avant l’entrée en fonction, pour une formation adaptée aux risques potentiels contribueraient à remédier au problème du taux de blessures plus élevé chez les nouveaux travailleurs; la mise en place de ces recommandations profiterait aussi au nombre disproportionné de jeunes travailleurs et d’immigrants récents qui tendent à exercer des tâches exigeantes au plan physique ou encore dangereuses. Si les superviseurs étaient tenus d’avoir la formation requise, ils comprendraient plus facilement leurs responsabilités supplémentaires à l’égard des travailleurs occupant des postes à risques élevés, surtout si ceux-ci sont jeunes, nouveaux ou temporaires. De même, des recommandations quant au renforcement de la protection contre les représailles sont essentielles pour permettre aux travailleurs vulnérables d’exercer leurs droits et de ne pas avoir peur d’exprimer leurs préoccupations en matière de santé et de sécurité.

En 2000, le système de santé et de sécurité au travail a accordé la priorité aux jeunes travailleurs. Depuis, les efforts déployés pour les protéger (y compris l’éducation, des campagnes énergiques de sensibilisation du public et une mise en application ciblée) se sont soldés par des améliorations importantes et mesurables : une diminution de 45 % du taux d’absences résultant de blessure chez les adolescents en 2008. En général, cependant, la protection des travailleurs vulnérables, et plus particulièrement ceux dont la langue maternelle n’est pas l’anglais, présente des défis au système de santé et de sécurité au travail. Ces défis portent sur la sensibilisation, la détermination du lieu de travail, la distribution de renseignements et de services pertinents et l’application de la réglementation. Il existe de nombreux organismes publics et privés qui appuient les membres vulnérables de la société, et que le système de santé et de sécurité au travail pourrait utiliser comme précieux points d’accès ou pour profiter de leur influence.

Dans cette section, le Comité formule des recommandations au ministère du Travail sur des questions touchant les travailleurs vulnérables, l’application ciblée de la Loi ainsi que la sensibilisation et la protection des travailleurs agricoles. D’autres enjeux portant sur les travailleurs vulnérables, qui ne font pas l’objet de recommandations, sont décrits dans la section intitulée Enjeux supplémentaires, que nous aborderons plus tard.

Recommandation 29

Un comité consultatif nommé en vertu de l’article 21 de la  LSST améliorerait la capacité du système de santé et de sécurité au travail de répondre aux besoins des travailleurs vulnérables. Il s’agirait d’un forum permanent pour les parties consultantes qui ont de bonnes connaissances concernant les travailleurs vulnérables et qui sont chargées de les protéger. Un tel comité pourrait comprendre des représentants des milieux de travail et des groupes d’employeurs provenant de secteurs où les emplois sont précaires; des agences d’appui aux immigrants et aux réfugiés; des organismes communautaires et des agences de services sociaux; des cliniques juridiques communautaires; d’autres ministères; et, enfin, des programmes fédéraux et municipaux. Des questions précises au sujet desquelles le comité pourrait donner des conseils comprennent l’application des recommandations du Comité, l’amélioration des stratégies d’application de la loi ainsi que l’élaboration et la distribution de matériel de sensibilisation.

Recommandation 30

Pour être efficaces, les projets d’approche et de sensibilisation doivent être soutenus par un suivi ou l’application de la Loi en amont. Le succès de l’application de cette recommandation dépendra du fait que l’information courante et fiable sur les travailleurs vulnérables est accessible au ministère du Travail. Pour orienter sa stratégie d’application visant les milieux de travail et les secteurs d’activité où les travailleurs vulnérables sont concentrés, le ministère du Travail devrait solliciter les conseils du comité nommé en vertu de l’article 21 si celui-ci est déjà établi; il devrait aussi consulter les intervenants et cultiver des sources potentielles d’information à l’extérieur du système de santé et de sécurité au travail.

Recommandation 31

Pour sensibiliser le public aux questions de santé et de sécurité au travail parmi les travailleurs vulnérables, les produits d’information pourraient s’adresser au milieu du travail, à la collectivité et à des sous-groupes précis de la main-d’œuvre générale.

Le Comité note qu’en vertu de l’article 25(2)i) de la LSST , l’employeur « affiche dans le lieu de travail, en anglais et dans la langue de la majorité des travailleurs à cet endroit, une copie de la présente loi et des documents explicatifs préparés par le ministère sur les droits, responsabilités et devoirs des travailleurs »; le Comité recommande que le ministère du Travail élabore ces documents explicatifs (décrits plus en détail dans la section Ressources de ce rapport) sous forme d’affiche traduite en langues multiples, sans frais ou à peu près. L’affichage obligatoire de tels documents sensibiliserait tous les travailleurs à la LSST , mais ce serait surtout les travailleurs vulnérables qui en tireraient parti.

Pour sensibiliser davantage le milieu de travail aux questions de santé et de sécurité, le Comité recommande que le système de santé et de sécurité au travail élabore des renseignements fondamentaux sur la  LSST et sur la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail, rédigés en langues et en formats multiples, et qu’il les distribue de sorte qu’ils puissent atteindre les travailleurs vulnérables à l’échelle de la collectivité. Il existe de nombreuses options de distribution, notamment par le truchement d’organismes publics et privés : dans les organismes d’aide à l’établissement pour les nouveaux arrivants; sur les sites Web gouvernementaux axés vers les immigrants potentiels; par l’intermédiaire d’administrateurs fédéraux et d’agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires; dans les consulats; dans les annonces de journaux et de stations de radio et de télévision ethniques; dans les endroits publics comme les bibliothèques, les autobus, le métro et les centres communautaires; dans des cliniques juridiques communautaires; dans le cadre d’un cours de français ou d’anglais langue seconde; et par l’entremise du système scolaire, en présumant qu’une fois de retour à la maison, les enfants transmettront l’information à leurs parents. De tels efforts devraient constituer un moyen efficace d’atteindre les gens possédant des capacités limitées de lecture et d’écriture ainsi que ceux qui hésitent à se rendre aux bureaux du gouvernement.

Recommandation 32

Le métier d’agriculteur est habituellement reconnu comme une occupation dangereuse. Selon un récent rapport du Programme canadien de surveillance des traumatismes à la ferme (PCSTF), l’agriculture se classe au troisième rang parmi les industries les plus dangereuses au Canada au plan du taux d’accidents mortels. Les données du PCSFT indiquent une tendance récurrente de blessures subies en milieu agricole; par exemple, de 1990 à 2005, environ 71 % des décès à la ferme mettaient en cause de la machinerie.

En Ontario, la portée de la LSST s’est élargie pour comprendre les fermes en 2006, selon certaines conditions. L’une d’elles est que les fermes sont exemptes de la plupart des règlements de la LSST, y compris ceux qui s’appliquent automatiquement à tout milieu de travail couvert par la LSST . Les lignes de conduite établies par le système de santé et de sécurité au travail visent plutôt des dangers précis liés à la conduite de tracteurs, à l’opération d’équipement mécanique, à la manipulation d’animaux, aux atmosphères dangereuses, aux espaces exigus, aux chutes, aux procédures de verrouillage et aux maladies professionnelles. Ces lignes de conduite peuvent être appliquées à titre d’obligation générale de l’employeur de prendre toutes les précautions raisonnables pour assurer la protection des travailleurs.

Le Comité est favorable au renforcement de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs agricoles. Pour ce faire, la portée des règlements existants de la LSST– par exemple, le Système d’information sur les matières dangereuses utilisées au travail (SIMDUT) – pourrait être élargie pour comprendre les fermes, et d’autres règlements axés sur les fermes pourraient être élaborés afin de mettre en évidence les principaux dangers qui font l’objet des principes directeurs actuels. Tout nouveau règlement exigeant la formation obligatoire des travailleurs et des superviseurs, tel qu’il est recommandé dans ce rapport, devrait aussi s’appliquer aux fermes.