Description du danger

Le propriétaire d'un petit centre de fermentation libre-service est mort asphyxié dans une atmosphère riche en dioxyde de carbone (CO2) et appauvrie en oxygène. Le CO2 a été produit par la fermentation du vin dans le sous-sol bien fermé et non ventilé. Le magasin n'était doté d'aucune ventilation naturelle ou mécanique et était fermé au moment de l'incident. La fermentation d'un grand nombre de cuvées avait commencé au cours de la semaine précédente. Deux ambulanciers paramédicaux appelés sur les lieux ont été également incommodés par la concentration élevée de CO2 dans l'escalier menant au sous-sol.

Contexte

La fermentation du vin est produite dans des touries en verre ou en plastique ou dans des seaux et le processus dégage du CO2 qui se répand dans le lieu de travail. Le dégagement de CO2 est plus important au début du processus, quand la fermentation est la plus active. Sans ventilation adéquate, le CO2 peut s'accumuler, remplacer l'oxygène et atteindre des concentrations dangereuses dépassant de beaucoup la limite d'exposition moyenne pondérée selon la durée au travail, qui est de 5 000 parties de CO2 par million de parties d'air (ppm). L'accumulation de CO2 peut se produire même dans des ateliers situés au niveau du sol avec accès à l'extérieur.

Effets sur la santé

Le CO2 est un gaz incolore et inodore naturellement présent dans l'air à des concentrations d'environ 350 ppm, soit environ 0,04 %. Le processus de fermentation primaire qui produit le vin produit également du CO2. Le volume de CO2 produit varie selon le type de vin, la composition du moût, la température ambiante et l'étape de la fermentation. À l'étape la plus active de la fermentation, le volume de CO2 produit chaque jour peut dépasser de 10 à 15 fois le volume naturellement présent dans l'air. Sans ventilation adéquate, le CO2 peut remplacer l'oxygène, de sorte que l'atmosphère contienne beaucoup de CO2 et peu d'oxygène.

On considère le CO2 comme un simple asphyxiant, bien qu'à des concentrations élevées, il agisse également comme un puissant dépresseur du système nerveux central. Les travailleurs exposés à des concentrations de CO2 supérieures à 2 à 3 % (20 000 à 30 000 ppm) peuvent éprouver une respiration rapide et de l'essoufflement. L'exposition à des concentrations de CO2 supérieures à 4 % (40 000 ppm) présente un danger immédiat ou reporté pour la vie et la santé du travailleur et peut interférer avec sa capacité d'évacuation. L'exposition à des concentrations de CO2 supérieures à 10 % (100 000 ppm) peut causer la mort en quelques minutes.

Lorsque la concentration d'oxygène se situe entre 10 et 16 %, le travailleur peut ressentir une fréquence cardiaque rapide, une respiration rapide et de l'intolérance à l'exercice. Au fur et à mesure que la concentration d'oxygène diminue entre 6 et 10 %, il peut avoir la nausée, s'effondrer et tomber dans le coma. Exposé à une concentration d'oxygène inférieure à 6 %, il peut perdre connaissance et mourir dans un court laps de temps footnote 1.

Lieu présentant un danger

De manière générale, on ne connaît pas bien le risque d'appauvrissement en oxygène et d'élévation de la concentration de CO2 résultant de la fermentation dans les centres de fermentation libre-service. Lorsque les premiers intervenants ont pénétré dans l'atelier où le décès est survenu, la concentration d'oxygène était de 16 % environ. Cette lecture du niveau d'oxygène a été prise après qu'on eut mis en marche la ventilation mécanique. La concentration d'oxygène peut avoir été inférieure au moment du décès. La concentration de CO2 n'a pas pu être mesurée parce qu'elle dépassait la limite de détection maximale du matériel de détection disponible.

En 2002, deux travailleurs d'un établissement vinicole de Colombie-Britannique sont morts après être entrés dans une cuve de fermentation. La concentration en oxygène dans la cuve était d'environ 16 % et la concentration de CO2 dépassait 100 000 parties par million, ou 10 % footnote 2. Dans un tel environnement, la concentration d'oxygène réduite – ou la concentration de CO2 élevée –, gêne la capacité d'évacuation et cause la perte de conscience et la mort.

Exigences de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST) et de ses règlements

  • L'employeur fournit au travailleur les renseignements, les directives et la surveillance nécessaires à la protection de sa santé et de sa sécurité (alinéa 25 [2] a] de la LSST). Par exemple, les renseignements et les directives peuvent comprendre :
    • les effets sur la santé du CO2
    • les circonstances dans lesquelles le CO2 peut s'accumuler en concentration élevée
    • les limites de la ventilation mécanique et naturelle
    • l'utilisation, le soin et l'entretien de matériel de détection
    • les mesures et procédures d'urgence
  • L'employeur informe le travailleur, ou la personne qui exerce son autorité sur celui-ci, des risques que comportent le travail et la manipulation, l'entreposage, l'utilisation, l'élimination et le transport de tout objet, appareil, matériel ou agent biologique, chimique ou physique (alinéa 25 [2] d] de la LSST). Par exemple, le travailleur doit connaître le danger des niveaux élevés de CO2 et la possibilité que la consommation et le remplacement de l'oxygène durant le processus de fermentation aient appauvri l'oxygène/élevé le CO2 de l'atmosphère.
  • L'employeur prend toutes les mesures raisonnablement nécessaires dans les circonstances pour protéger les travailleurs contre l'exposition au CO2 résultant du stockage, de la manipulation, de la transformation ou de l'utilisation du CO2 dans le lieu de travail (article 3 du règlement 833, Contrôle de l'exposition à des agents biologiques ou chimiques).
  • L'employeur prend les mesures afin de limiter l'exposition des travailleurs au CO2 conformément aux limites suivantes (article 4 du règlement 833, Contrôle de l'exposition à des agents biologiques ou chimiques).
    • La limite d'exposition moyenne pondérée selon la durée pour un travailleur pendant une journée de travail de huit heures ou une semaine de quarante heures est 5 000 ppm.
    • La limite d'exposition de courte durée d'un travailleur pendant une période de 15 minutes est 30 000 ppm.
  • Les établissements industriels sont adéquatement ventilés par des moyens mécaniques ou naturels de façon que l'atmosphère ne mette pas en danger la santé et la sécurité des travailleurs (article 127 du règlement 851, Établissements industriels).
  • Tout air évacué à l'extérieur doit être remplacé. L'air de remplacement réunit les conditions suivantes :
    1. il est chauffé, s'il y a lieu, pour maintenir dans le lieu de travail la température minimale mentionnée à l'article 129 [du règlement 851, Établissements industriels]
    2. il est exempt de toute contamination par des poussières, vapeurs, fumées, brouillards ou gaz dangereux
    3. il est dirigé de façon :
      1. à ne pas soulever de poussière dans le lieu de travail
      2. à ne pas gêner le fonctionnement de tout système d'évacuation de l'air
      3. à ne pas provoquer de courants d'air excessifs (article 128 du règlement 851, Établissements industriels)
  • Le rejet de l'air à l'extérieur par un système d'évacuation se fait de manière à empêcher la reprise des contaminants et leur envoi dans le lieu de travail (article 128 du règlement 851, Établissements industriels).
  • Les travailleurs susceptibles d'être exposés à une atmosphère dont la teneur en oxygène est inférieure à 18 pour cent, mesurée à la pression atmosphérique, sont protégés par un système de ventilation mécanique de façon à ne pas mettre leur santé et leur sécurité en danger (article 138 du règlement 851, Établissements industriels).

Précautions recommandées et mesures de contrôle

  • On devrait installer des détecteurs de CO2 équipés d'alarmes sonores dans toutes les zones de fermentation. Les détecteurs doivent être réglés pour se déclencher à la valeur limite d'exposition moyenne pondérée selon la durée ou sous celle-ci. Les détecteurs doivent être inspectés et faire l'objet d'un entretien régulier selon les recommandations du fabricant. Les capteurs peuvent devoir être étalonnés fréquemment et remplacés régulièrement.
  • La concentration de CO2 de certains établissements vinicoles peut dépasser le seuil de détection maximal des détecteurs de CO2 utilisés pour l'évaluation de la qualité de l'air intérieur et des limites d'exposition professionnelle. On peut utiliser certains tubes de détection de CO2 à lecture directe, mais il faut faire extrêmement attention en approchant et en évaluant le secteur, qui peut présenter un danger immédiat pour la vie et la santé.
  • On devrait effectuer la fermentation dans des secteurs du lieu de travail ventilés mécaniquement vers l'extérieur et approvisionnés en air neuf.
  • Les premiers répondants (policiers, pompiers, ambulanciers paramédicaux des services médicaux) doivent être au courant que l'atmosphère des centres de fermentation libre-service peut être élevée en CO2 et déficiente en oxygène, et qu'il faut se munir de matériel de détection et de matériel de protection individuelle approprié pour répondre aux urgences dans ces lieux de travail.

Ces ressources ne remplacent pas la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST) et ses règlements, et ne devraient pas être utilisées ou considérées comme étant des conseils juridiques. Les inspecteurs de la santé et de la sécurité appliquent ces lois et les font respecter en se fondant sur les faits qu’ils constatent sur le lieu de travail.