Introduction

Le poireau, Allium porrum, est originaire de l'Asie centrale, mais sa culture et sa distribution sont aussi réalisées depuis longtemps en Asie occidentale et dans les pays qui bordent la Méditerranée. La culture du poireau est pratiquée en Europe depuis le Moyen-Âge et s'est élargie à l'Amérique du Nord dès l'arrivée des premiers colons européens. Bien que plus populaire en Europe qu'en Amérique du Nord, le poireau pourrait bien voir grandir sa part du marché canadien, et la production ontarienne pourrait bien supplanter les importations des États-Unis, compte tenu de la consommation intérieure croissante de ce légume et de la diversification de nos habitudes alimentaires.

Nutrition

Le poireau s'adapte à un large éventail de sols, mais ceux dont la couche arable est profonde sont préférables car ils favorisent la croissance de plantes vigoureuses et une récolte supérieure à la moyenne. Le pH optimal se situe entre 6,5 et 7,0. Les sols de sable grossier sont à éviter car les grains de sable coincés entre les gaines foliaires déplaisent au consommateur. On doit préparer le sol en y enfouissant un engrais vert ou en épandant du fumier à sa surface pour élever sa teneur en matière organique et en éléments nutritifs et pour hausser sa capacité de rétention d'eau. Le poireau nécessite environ 200 à 250 kg d'azote (N) à l'hectare, de préférence en trois amendements individuels : un premier tiers incorporé au sol avant le semis, un autre tiers placé en bandes et un troisième, sous forme de fumure de couverture lorsque les feuilles sont sèches. Les besoins du poireau en phosphate ne sont pas très considérables, des apports de 50 à 100 kg de P2O5 par hectare sont suffisants. Ses besoins en potassium sont également faibles puisqu'il se contente de 150 à 200 kg de K2O par hectare sous forme de sulfate de potassium.

Types et cultivars

Le poireau appartient à l'un des quatre types suivants, selon l'époque où il atteint la maturité : 1) poireau d'été; 2) poireau d'automne; 3) poireau d'automne et d'hiver; 4) poireau d'hiver. Seuls les deux premiers types sont cultivables en Ontario car les rigueurs du climat abaissent la qualité des poireaux qui y passent l'hiver en terre au point qu'ils ne sont plus commercialisables au début du printemps.

Les cultivars de poireaux ont des types de croissance très différents qui se reflètent dans l'aspect du produit final. Certains poireaux portent leurs feuilles vertes, longues et étroites, sur un long fût étroit et blanc alors que d'autres ont de longues feuilles larges de couleur bleu vert et des fûts blancs, courts et épais.

Les essais effectués dans le sud-ouest de l'Ontario ont permis de mettre en valeur les cultivars de poireaux suivants en 1990 : Regius (Ohlsens-Enke), Longina (Northrup King), Titan (Stokes), Leone (Bejo) et Cobra (Nickerson-Zwaan). Les producteurs ont avantage à se renseigner sur les résultats d'essais les plus récents car cette liste risque d'être modifiée considérablement d'une année à l'autre.

Transplantation

Selon la méthode traditionnelle, les poireaux d'été sont semés en serre au début mai dans des caissettes contenant un mélange sans sol. La transplantation des jeunes plants dans le champ se fait vers la fin avril ou le début mai.

Il existe maintenant de nouvelles techniques et des méthodes moins laborieuses pour les cultures de poireaux à maturation hâtive. Lorsque des plateaux à 288 cellules sont utilisés pour le démarrage des plants, on peut faire la transplantation au moyen d'une repiqueuse à carrousel ou d'une repiqueuse à quatre cônes.

Pour obtenir des plants qui atteindront la maturité vers la fin de l'automne, il faut semer les graines dans des planches de semis extérieures vers la fin avril ou le début mai. Ainsi, les plants seront de taille suffisante pour être transplantés, racines nues, vers la fin juin ou le début juillet. L'écartement des planches de semis est fonction du matériel dont on dispose pour détruire les mauvaises herbes. L'espacement des semences doit être tel qu'on obtiendra sur chaque mètre de rang 70 plants vigoureux prêts à transplanter.

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Figure 1. Les plants démarrés en multicellules et transplantés par procédé mécanique nécessitent moins de main-d'oeuvre et ont une grosseur plus uniforme que les plants repiqués à racines nues.

L'espacement des poireaux cultivés en champ est un des principaux facteurs qui influent sur le rendement par unité de surface. Habituellement, la distance entre les plants est de 10 à 15 cm tandis que l'écartement des rangs dépend plutôt du matériel utilisé pour désherber le champ. Lorsque le temps est plutôt sec, il est préférable d'irriguer le champ peu après la transplantation pour obtenir une implantation rapide. L'irrigation d'appoint sera nécessaire si la pluie vient à manquer au cours des chaudes journées d'été, période durant laquelle la croissance devrait être rapide.

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Figure 2. L'espacement à l'intérieur du rang permet d'obtenir des tailles uniformes jusqu'à maturité.

Lutte contre les mauvaises herbes

Aucun produit chimique destiné à la lutte contre les mauvaises herbes n'est homologué pour la culture du poireau. Il existe d'autres méthodes pouvant s'avérer utiles : rappui du sol à la préplantation, choix de champs ayant une faible population de mauvaises herbes (rotation des cultures) et écartement des rangs facilitant le sarclage. Lorsque la superficie cultivée en poireaux est considérable, il vaut la peine d'acheter de la machinerie spécialement conçue pour la culture en ligne.

Insectes nuisibles et maladies

Thrips (Thrip tabaci)

Les thrips de l'oignon sont très courants et il est probable qu'ils migrent sur le poireau depuis des hôtes situés à proximité (graminées adventices). Au cours de l'infestation des poireaux, les thrips causent, en se nourrissant, des lésions marbrées blanc argenté à la surface des feuilles. Le diagnostic est difficile à établir puisque des symptômes semblables peuvent avoir d'autres origines. Lorsqu'on soupçonne la présence de thrips, il faut arracher les poireaux et replier les feuilles une à une jusqu'aux plus jeunes feuilles situées au coeur de la plante.

Mouche de l'oignon (Hylemya antiqua)

La mouche de l'oignon est largement répandue, et plusieurs générations de l'insecte se développent durant la saison de croissance. Il faut examiner les plantes soigneusement pour dépister les mouches de l'oignon.

Pourriture blanche (Sclerotium cepivorum)

En Ontario, cette maladie est présente dans les marais de Holland, de Thedford, de Grand Bend et de Point Pelee. Sous forme de sclérotes, le champignon survit dans le sol durant de longues périodes. Les poireaux ne devraient pas être cultivés sur des terres qu'on a récemment consacrées à la culture de plantes de la famille de l'oignon. C'est avant tout au moyen de mesures sanitaires qu'on parviendra à éviter la dispersion de la maladie et on devra, par exemple, nettoyer le matériel agricole et rejeter les déchets de poireaux à bonne distance des zones de production. Les premiers symptômes de la maladie sont le dépérissement et le jaunissement progressifs des feuilles depuis leurs pointes jusqu'à leurs bases. Les jeunes plantes affectées se flétrissent et se couchent au sol; elles sont faciles à déloger du sol et révèlent, enchevêtrée dans leurs racines, une masse blanche et dense de mycélium où se nichent de minuscules sclérotes noires. Le temps chaud et sec favorise le développement de la pourriture blanche.

Mildiou du poireau (Phytophthora porri)

Il s'agit d'une maladie fongique qui peut frapper durement la culture vers la fin de l'été, après des pluies abondantes. Les pointes de feuilles affectées semblent imbibées d'eau tout le long de leur bordure. Les plants plus vieux qui sont légèrement atteints se flétrissent rapidement après la récolte. Le mildiou du poireau ravage surtout les cultures réalisées dans les baissières de champs où le drainage est médiocre. La maladie survit dans les résidus de récolte.

Rouille (Puccinia porri)

La rouille est une maladie fongique qui éclate fréquemment dans les cultures parvenues à maturité, au cours des étés secs. Elle entraîne une chute importante de la valeur commerciale et du rendement. On reconnaît la maladie aux spores de couleur rouille qui couvrent les faces inférieure et supérieure des feuilles.

Le poireau est également vulnérable aux maladies courantes de l'oignon, comme la racine rose, la tache pourpre, le mildiou, la tache foliaire (Botrytis), le charbon, la pourriture du col et l'anthracnose.

En cas de problèmes dans la culture de poireaux, s'adresser à un conseiller en horticulture ou en lutte contre les ennemis des cultures. En Ontario, aucun produit chimique n'a été homologué spécifiquement pour le poireau.

Récolte

À maturité, la base des feuilles extérieures montre des signes évidents de sénescence. Les feuilles devraient alors satisfaire aux normes commerciales de calibre et de longueur.

Il existe de nombreuses méthodes de récolte, mais on utilise le plus souvent un couteau spécial similaire à celui servant à ameublir les planches de semis de choux. Certains modèles comportent une partie vibrante de largeur variable.

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Figure 3. La souleveuse à lame vibrante dégage les plantes et enlève une bonne partie de la terre qui adhère aux racines.

Il existe une machine qui permet de mécaniser la récolte, l'effeuillage et l'habillage des racines dans le champ. En effet, la souleveuse mécanique coupe les racines des plants de poireau avec un couteau vibrateur et fait tomber le plus gros de la terre qui adhère aux racines. Au fur et à mesure que la machine avance, les fûts de poireaux sont maintenus verticalement entre deux courroies et, presque dans une seule opération, les racines superflues ainsi que les feuilles supérieures sont coupées par des ensembles de lames rotatives. Cependant, les petites exploitations ne peuvent supporter les coûts d'une telle mécanisation; toutes les opérations suivant la cueillette et le dégagement doivent par conséquent être faites à la main. L'enlèvement des feuilles mortes et la taille des racines et des autres feuilles sont donc réalisés sur une table servant au lavage et au rinçage des poireaux, dans un hangar d'emballage. Une fois rincés par un jet d'eau, les fûts sont mis dans des boîtes contenant chacune 12 paquets de poireaux.

La récolte débute vers la mi-août et se poursuit jusqu'à ce que le sol gèle en novembre. À ce moment, la plupart des producteurs commencent à mettre les poireaux sur le marché. Au cours des journées les plus chaudes d'été et d'automne, il est préférable de mettre les légumes sur la glace avant de les expédier afin qu'ils conservent leur fraîcheur maximale. Certains producteurs emballent les poireaux dans la glace durant toute la saison.

Entreposage

Les poireaux se conservent bien en entrepôt durant deux à quatre mois si on y maintient une température de 1 à 3°C, que l'humidité est élevée et à condition qu'ils soient entreposés immédiatement après la récolte. Pour faciliter la manutention, il est recommandé d'employer des caisses-palettes de 40 cm de haut dont les parois, ajourées, sont faites de planches; ces caisses-palettes permettent une meilleure aération des légumes et donc leur rafraîchissement plus uniforme durant l'entreposage. Les palettes sont empilées les unes sur les autres, jusqu'au sommet de l'entrepôt. Un tel système permet d'expédier les poireaux sur une période de quatre mois à mesure que le temps et les conditions du marché sont propices à la vente.

Tableau 1. Calendrier des semis, de transplantation et de récolte du poireau
SemisTransplantationRécolte
15 au 28 févr.20 au 30 avril20 juill. au 10 août
15 au 30 mars5 au 20 mai15 août au 10 sept.
10 au 30 avril25 juin au 10 juill.25 sept. aux gels

Certains producteurs de poireaux hâtifs récoltent toute la culture au moment où elle atteint sa pleine maturité. Ils placent les poireaux dans un entrepôt frigorifique pour une courte période avant de les emballer et les mettre sur le marché de façon uniforme et continue.

Commercialisation

On trouve sur le marché des fûts de calibres très différents. La norme en ce qui concerne l'empaquetage des poireaux veut qu'on réunisse trois fûts de même calibre dans un paquet et qu'on place 12 paquets semblables par boîte. Habituellement, le producteur ne mélange pas dans une même boîte des paquets de poireaux appartenant à des catégories différentes. La taille des poireaux importe peu mais les fûts plus gros valent plus chers que les petits fûts. Les grossistes préfèrent des paquets dont les fûts sont uniformes ainsi que des boîtes dont les paquets sont uniformes.

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Figure 4. L'uniformité des paquets importe plus que le calibre des poireaux dans un paquet.

Potentiel de récolte

Le rendement potentiel du poireau dépend de la densité de peuplement des plants. Un espacement de 60 cm (24 po) entre les rangs et de 10 cm (4 po) entre les plants donne un rendement dépassant 160 000 plants par hectare. En supposant que 80 % des plants démarrés soient commercialisables, on mettra sur le marché environ 3 600 boîtes contenant 12 paquets de poireaux chacune. Selon le même raisonnement, un espacement de 91 cm (36 po) entre les rangs et de 15 cm (6 po) entre les plants donnera une récolte de plus de 70 000 plants, et on mettra donc sur le marché quelque 1 600 boîtes de 12 paquets.

Qualité

Les poireaux de bonne qualité ont des feuilles bien fraîches et vertes ainsi que des fûts très blancs. Pour obtenir des fûts blancs d'au moins 15 à 20 cm de longueur, on transplante les jeunes plants dans un sillon peu profond (10 à 15 cm). Puis, au fur et à mesure que la plante croît, la terre des rangs est travaillée et mis en butte de façon à forcer les fûts à blanchir. Habituellement, plus le fût blanc est long, plus le produit est de qualité supérieure. Par contre, le flétrissement et le jaunissement de l'extrémité du plant réduiront la qualité. Il importe peu que les extrémités soient endommagées, à condition qu'elles puissent être enlevées sans nuire à l'apparence du plant.

La torsion des tiges et le renflement des bases sont des caractéristiques à éviter; il est préférable de jeter ces plants afin de conserver la qualité du paquet.

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Figure 5. Les plants de poireaux buttés donnent une plus grande récolte de fûts blancs de qualité supérieure.