L’importance des pratiques de gestion optimales

Bon nombre d’agriculteurs, notamment ceux qui cultivent le maïs et le soja, utilisent des semences traitées avec des insecticides pour protéger leurs cultures contre les insectes nuisibles. Certains insecticides comme les néonicotinoïdes sont toxiques pour les pollinisateurs. Le semis de graines traitées peut contribuer à libérer dans l'air des particules de poussière contenant des insecticides toxiques, ce qui pose un risque d'exposition non négligeable pour les pollinisateurs. Les facteurs associés à un risque significatif d'exposition comprennent l'usage de semences traitées, le type de semoir utilisé, les conditions pendant le semis, ainsi que la présence de végétaux en fleur et de ruchers.

Les pratiques de gestion optimales (PGO) suivantes permettent de réduire le risque d'exposition des abeilles et des autres insectes pollinisateurs à la poussière libérée par les semences traitées. Comme une boîte à outils, ces pratiques offrent diverses options qui devraient être combinées autant que possible.

Pour des ressources additionnelles et plus d’information sur les PGO visant à protéger les pollinisateurs, consultez Santé Canada sur la protection des pollinisateurs.

Recourir à la lutte intégrée pour maîtriser les insectes nuisibles

Le recours aux pratiques de lutte intégrée (LI) est indispensable pour lutter contre les ravageurs de façon durable. Une telle démarche peut inclure des pratiques culturales qui permettent de repousser les organismes nuisibles (comme la rotation des cultures) ainsi qu'une identification adéquate du problème d'infestation et des facteurs de risque. Il est recommandé, dans le cadre d’un programme de lutte intégrée, d’adopter certaines mesures avant de prendre la décision d’utiliser des semences traitées.

Ravageurs du sol

Évaluer les champs et établir si l’abondance des populations de ravageurs dans le sol justifie une intervention ou si les champs présentent un risque élevé d’infestation.

Trouver plus d’information sur les ravageurs vivant dans le sol et les PGO qui peuvent s’appliquer.

Utilisation des insecticides

Utiliser des semences traitées avec des insecticides uniquement en cas de nécessité. En Ontario, la vente et l’utilisation de semences de maïs et de soya traitées avec des néonicotinoïdes sont règlementées. Voir les règles relatives à l'utilisation des néonicotinoïdes à l'intention des producteurs pour connaître les exigences sur l’utilisation des semences de maïs et de soya traitées avec néonicotinoïdes, que les producteurs agricoles de l’Ontario doivent respecter. Lorsqu’un traitement insecticide est requis, utiliser la plus faible dose efficace pour le traitement des semences.

Directives sur les étiquettes des pesticides et des semences

Lire et respecter les directives fournies sur les étiquettes des pesticides et des sacs de semences avant d’utiliser des semences traitées. Les directives d’utilisation sur les étiquettes de pesticides ou de sacs de semences traitées, concernant par exemple le port d’équipement de protection individuelle ou le respect de zones tampons, doivent en tout temps être respectées afin de minimiser les risques pour la santé humaine et l’environnement.

Semences non traitées avec un insecticide

La plupart des fournisseurs de semences peuvent offrir des semences non traitées avec des insecticides, si elles sont commandées à l’avance. Consulter le fournisseur de semences pour connaître les dates limites de commande et les choix offerts.

Communiquer régulièrement avec les apiculteurs afin de contribuer à protéger les abeilles domestiques

L'échange d'information et la collaboration entre les agriculteurs, les travailleurs à forfait et les apiculteurs au sujet des dates de semis des graines traitées et de l'emplacement des ruches peuvent aider à réduire le risque d'incidents touchant les abeilles. Ces échanges permettront aux agriculteurs de savoir où sont situées les ruches à proximité de leurs champs et d'avertir les apiculteurs avant de procéder au semis. Les apiculteurs pourront ainsi s'assurer que les ruches se trouvent à des endroits stratégiques, prendre des mesures pour protéger ou déménager temporairement leurs ruches lorsque cela est possible et veiller à ce que les abeilles aient accès à des sources d'eau potable. Les apiculteurs doivent indiquer aux agriculteurs où se trouvent leurs ruches et les agriculteurs doivent signaler aux apiculteurs les dates de semis des graines traitées et des applications de pesticides.

Reconnaître l’habitat des pollinisateurs et veiller particulièrement à réduire leur exposition à la poussière contaminée

Les abeilles récoltent du pollen et du nectar sur les cultures, les arbres et les mauvaises herbes en fleur, et puisent leur eau des mares ou du sol humide des champs et des environs. Les pollinisateurs peuvent être exposés à la poussière contaminée par l’insecticide contenu dans les semences et transportée dans l'air ou déposée sur leurs sources de nourriture et d'eau.

Pendant la saison des semis, les mauvaises herbes comme le pissenlit et les arbres en fleur, notamment l'érable, le saule, l'aubépine, le pommier et d'autres essences, constituent d'importantes ressources pour les pollinisateurs qui butinent. La dérive de la poussière qui s'échappe du semoir peut se produire, peu importe les conditions météorologiques. Un temps très sec ou venteux peut accroître l'exposition des pollinisateurs parce que de telles conditions favorisent le transport des particules de poussière. On doit éviter de semer des graines traitées dans ces conditions si des végétaux en fleur, des sources d'eau stagnante ou des ruches se trouvent en aval du vent, et on doit suivre les meilleures pratiques de gestion permettant de réduire l'exposition à la poussière contaminée. Il est recommandé aussi de supprimer les mauvaises herbes en fleur dans le champ à ensemencer pour ne pas attirer des pollinisateurs qui y butineraient.

Éviter de produire de la poussière en manipulant et en chargeant des semences traitées

Manipuler les sacs de semences avec soin durant le transport, le chargement et le déchargement afin de réduire l'abrasion, l'émission de poussière et les déversements accidentels. Ne pas charger ni nettoyer le semoir près des ruches et des endroits où butinent les abeilles comme des cultures, des arbres ou des mauvaises herbes en fleur. Éviter de mettre le semoir en marche à des endroits où la poussière produite par l'appareil pourrait entrer en contact avec des colonies d'abeilles domestiques ou des pollinisateurs qui butinent.

Utiliser un lubrifiant approprié pour l’écoulement des semences

Depuis 2014, l'agent de fluidité de Bayer CropScience est le seul lubrifiant dont l'usage est permis pour l’écoulement des semences de maïs et de soja traitées avec des insecticides contenant de la clothianidine, du thiaméthoxame ou de l’imidaclopride (comme Poncho, Cruiser, Gaucho, Stress Shield). La recherche a montré que l’agent de fluidité réduit considérablement la quantité de néonicotinoïdes dans la poussière dégagée.

Suivre attentivement le mode d’emploi de l’agent de fluidité mentionné sur l’étiquette de ce dernier. Ne pas utiliser plus de ⅛ tasse d'agent de fluidité par unité de semences (c'est-à-dire 80 000 graines de maïs ou 140 000 graines de soja). Mélanger entièrement l’agent de fluidité avec la semence pour obtenir un bon résultat. Effectuer le mélange dans la trémie du semoir ou en ajoutant l’agent de fluidité à la tarière au moment de charger les semences en vrac.

L’utilisation de graphite pour lubrifier le mécanisme du semoir (comme les doigts pinceurs pour le maïs ou les dispositifs de dosage pour le soya) est acceptable en vertu de la nouvelle règlementation. Toutefois, le graphite ne peut pas être utilisé dans des semoirs pneumatiques lorsque la semence est traitée avec un insecticide à base de néonicotinoïde.

Bien utiliser le semoir afin de réduire la dérive des particules de poussière

Selon certaines études, l'emploi de semoirs à pression négative (à vide) pose un risque d'exposition considérable pour les pollinisateurs en raison de la dérive des particules de poussière contaminée aux insecticides s'échappant de ce type de semoir. Il n'existe que très peu d'information sur le risque d'exposition lié aux autres types de semoirs. Tous les agriculteurs doivent veiller à réduire ou à surveiller la quantité de particules de poussière contaminée avec des insecticides s'échappant de leur semoir.

Suivre le mode d'emploi fourni par le fabricant du semoir et se tenir au courant des nouvelles pratiques d'utilisation. Nettoyer et entretenir régulièrement le semoir, y compris le boîtier du ventilateur et la trémie des semoirs pneumatiques, en utilisant par exemple un aspirateur pour éliminer toute trace de poussière. Installer si nécessaire des déflecteurs afin de diriger la poussière qui s'échappe vers le sol et de réduire ainsi la dérive des particules de poussière.

Déflecteurs

Les fabricants de semoirs peuvent ne pas accepter les réclamations de garantie ou de performance quand un déflecteur est installé. Cependant, on suggère aux producteurs de considérer les déflecteurs sur les semoirs à maïs de la même façon dont ils perçoivent le choix des buses de pulvérisation dans le but de réduire la dérive et le déplacement des pesticides hors du champ. Par ailleurs, il convient de noter qu'indépendamment de l'utilisation de déflecteurs ou de lubrifiants de semences, les semis sont à éviter à proximité de zones où des pollinisateurs peuvent se rassembler, comme les ruchers, et tout particulièrement en amont de ces zones.

Les producteurs devraient consulter leur fournisseur local de machinerie agricole pour connaître les choix qui s’offrent à eux dans ce domaine. Ils peuvent également envisager la possibilité de mettre au point eux-mêmes un déflecteur de poussière pour leur semoir tout en tenant compte d’importants critères de conception. Ainsi, un adaptateur ou un raccord pouvant être installé sur le boîtier du ventilateur d'aspiration est requis afin de pouvoir y rattacher un tuyau. Le boîtier du ventilateur d'aspiration capte les émissions d'air et les achemine à travers un orifice rond (voir les figures 1 et 2). Il est indispensable que le raccord et les tuyaux initiaux soient assez grands pour éviter la création d'une quelconque résistance pouvant nuire au bon fonctionnement du semoir. La capacité du raccord et des tuyaux d'évacuation doit être au moins égale à celle de la sortie d'air principale. Un diamètre plus grand est préférable. Un tuyau d'évacuation initial d'un diamètre de 15 cm (6 po) donne une ouverture d'environ 177 cm2 (28 po2), ce qui est probablement suffisant pour certaines souffleries, mais pas pour toutes.

Diagramme montrant un déflecteur de base doté d'un collecteur en T qui permet de réduire la vitesse de l'air dans le haut. Collecteur d'air (dont le diamètre de l'ouverture doit être égal ou supérieur à celui de l'ouverture de la turbine). Turbine du semoir au bas de l'image. À droite, on voit un tuyau qui dirige l'air vers le sol. Les tuyaux ondulés vont aussi davantage réduire la vitesse de l'air que les tuyaux lisses.
Figure 1. Exemple d’un déflecteur de base. Source : Syngenta Canada.
Gros plan d'un raccord et de tuyaux fixés à la partie supérieure d'un semoir.
Figure 2. Raccord et tuyaux fixés à la partie supérieure d'un semoir Kinze. Source : Kearney Planters, Highgate Ontario.

Il est très important d'augmenter la capacité totale d'évacuation à un certain endroit du système, afin de réduire la vitesse de l'air pulsé. Le but est de permettre à la vitesse de l'air de diminuer considérablement à mesure qu'il est dirigé vers le sol. Cela peut se faire immédiatement à la sortie d'air principale du boîtier de la soufflerie avec un collecteur approprié (figure 2) ou un peu plus loin, en insérant un collecteur en « T » ou en « Y » pour rediriger l'air dans deux tuyaux (figure 1). Dans certains cas, il est peut-être plus facile d'utiliser un seul tuyau jusqu'à un endroit précis du semoir où il est plus pratique de diviser la tuyauterie en deux. Selon d'autres conceptions, le tuyau unique peut acheminer l'air dans une boîte d'expansion (figures 3 et 4) d'une capacité beaucoup plus grande que celle du tuyau, avant de l'évacuer en direction du sol.

L'enceinte d'évacuation est dirigée vers le sol et doit être située aussi près que possible de la surface, sans toutefois que l'air pulsé crée de poussière au niveau du sol. Il est recommandé que ce point d'évacuation soit garni de lanières de tapis, de caoutchouc ou de soies pour permettre à l'air pulsé de se disperser (voir figures 3 et 4) et au système de fonctionner plus près du sol sans craindre qu'il soit endommagé par les obstacles présents dans le champ. L'espace entre la sortie du tuyau ou la boîte d'expansion et les autres composants du semoir doit être suffisamment grand pour permettre aux résidus de récolte de passer.

Arrière d'un semoir montrant la boîte d'expansion avec lanières de soies.
Figure 3. Boîte d'expansion munie de soies pour évacuer l'air et la poussière. Source : Kearney Planters, Highgate Ontario.
Semoir avec boîte d'expansion et lanières de caoutchouc
Figure 4. Boîte d’expansion John Deere. Source : Syngenta Canada.

Pour s’assurer que la modification a été faite correctement, faire fonctionner le semoir à l'extérieur sans le déflecteur, puis avec le déflecteur. Dans les deux cas, il doit y avoir des semences dans les roues de dosage et le semoir doit fonctionner au bon régime (T/M). Une fois les essais complétés, on devrait être en mesure d'obtenir des lectures de vide appropriées, avec ou sans déflecteurs, avec un réglage raisonnable de la vitesse du ventilateur.

Bien nettoyer les surfaces et éliminer les résidus

Les semences répandues accidentellement ou exposées de même que la poussière doivent être incorporées dans le sol ou retirées de la surface de ce dernier. Garder les semences traitées et la poussière produite à l’écart des eaux de surface. Ne pas laisser de sacs de semences vides ou de restants de semences traitées dans les champs ou dans l’environnement. Participer si possible à des programmes de collecte de sacs de semences.

Les producteurs peuvent retourner leurs sacs de semences vides à certains lieux de vente au détail. Communiquer avec le fournisseur local pour plus d’information sur l’élimination des sacs de semences vides ou avec Cleanfarms au 416 622-4460 (numéro sans frais : 1 877 622-4460) ou encore par courriel à info@cleanfarms.ca.

Signaler tout cas suspect d’intoxication aux pesticides chez des insectes pollinisateurs

Pour déclarer un cas suspect lié au semis de graines traitées ou à l'application de pesticides, s’adresser à l'organisme fédéral ou provincial responsable. La page Web de Santé Canada sur la protection des pollinisateurs fournit les coordonnées de ces organismes ainsi que d'autres renseignements. On peut également communiquer avec l’Agence de règlementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada au 1 800 267-6315.