Rendement énergétique d’un système de digestion anaérobie à la ferme
Apprenez ce qu’il faut considérer pour calculer le type, la quantité et la valeur économique de l’énergie pouvant être produite à partir d’un système de digestion anaérobie à la ferme.
ISSN 1198-7138, Publié juin 2025
Introduction
Les digesteurs de ferme peuvent produire efficacement de l’énergie électrique et de l’énergie thermique à partir de matières organiques que la ferme génère ou qu’elle reçoit. Cette fiche technique fournit de l’information pour déterminer le type, la quantité et la valeur économique de l’énergie qu’on peut s’attendre de produire avec un digesteur anaérobie de ferme. Elle présente également un exemple de bilan énergétique effectué pour un digesteur.
Qu’est-ce qu’un digesteur anaérobie de ferme
Un digesteur anaérobie (DA) de ferme est constitué d’un conteneur chauffé et étanche qu’on installe à la ferme pour extraire du biogaz de la décomposition de la matière organique (Figure 1). Ce biogaz, qui contient environ 60 % de méthane (CH4), sert à produire de l’énergie.
Le DA de ferme a ceci de particulier qu’il produit un effluent du digesteur (le digestat) qui est généralement épandu sur des terres locales pour fournir des éléments nutritifs aux cultures. Dans certains cas, le digestat se sépare en fractions solide et liquide et la fraction solide du digestat peut également être épandue comme fertilisant, mais peut aussi servir de litière pour les animaux ou être vendue comme compost ou matière biologique.
Pour en savoir plus sur les DA de ferme, voir la fiche technique Rudiments de la digestion anaérobie.
Ajout de matière organique
La matière organique qui se prête à la digestion peut être classée en trois catégories :
- les sous-produits de l’agriculture, dont fumier, litière, déchets d’aliments pour animaux, résidus de culture (cannes ou paille) et eaux de ruissellement des silos
- les cultures énergétiques, y compris toute culture pratiquée expressément pour la production d’énergie – c’est surtout le maïs à ensilage qui est utilisé, mais bien d’autres cultures pourraient l’être, notamment les graminées, les cultures fourragères et la plante entière de la betterave à sucre
- les matières de source non agricole, comme des matières issues d’usines de transformation des aliments, des matières organiques séparées à la source, des déchets de boîtes à graisse
Les exigences règlementaires concernant l’ajout de matière organique varient selon les matières utilisées et leur combinaison. La Loi de 2002 sur la gestion des éléments nutritifs indique un processus permettant à un digesteur anaérobie mixte réglementé de mélanger ensemble certaines matières de source agricole et de source non agricole. Consultez la fiche technique Exigences règlementaires applicables aux digesteurs anaérobies mixtes réglementés pour plus de renseignements.
Dans certains cas, une autorisation environnementale ou une autorisation de projet d’énergie renouvelable, délivrée en vertu de la Loi sur la protection de l’environnement, 1990 peut être exigée pour le digesteur et pour l’épandage du digestat d’un DA mixte sur des terres.
Communiquez avec le Centre d’information agricole pour obtenir plus d’information sur les exigences règlementaires au
Facteurs contribuant au rendement énergétique
Le rendement énergétique d’un DA dépend des matières premières qui l’alimentent, car cinq caractéristiques de celles-ci peuvent l’influencer :
- Teneur en matière sèche
- Teneur en matières solides volatiles
- Production de biogaz par tonne de matières solides volatiles
- Teneur en méthane de biogaz
- Éléments antagonistes dans la matière première
Teneur en matière sèche
Normalement, plus une matière a une teneur élevée en matière sèche (MS), plus elle produit de l’énergie. C’est ce qu’on appelle les matières solides totales. Les matières qui ont une très faible teneur en MS (comme les eaux de lavage ou les fumiers très dilués) donnent un rendement énergétique très faible, voire négatif, quand le chauffage préalable à la DA nécessite presque autant d’énergie, sinon davantage, que n’en produit le DA. On peut se servir de ces matières pour en diluer d’autres ou pour les traiter, s’il y a un avantage financier à le faire (par exemple, si l’on perçoit des redevances de déversement).
Des pratiques d’exploitation différentes s’appliquent aux digesteurs qui traitent des matières ayant une teneur élevée en MS (> 20 % de MS). On doit alors mélanger les matières à d’autres matières entrantes, plus diluées, ou aux effluents recyclés du digesteur, ou recourir à des modes de production d’énergie autres que la digestion (par exemple, lorsque la combustion dans un système de combustion de la biomasse pour produire de l’énergie thermique comprend des teneurs en MS de plus de 70 %).
On peut confier la détermination de la teneur en MS à la plupart des laboratoires d’analyse agricole ou se fier aux estimations fournies par les tableaux des teneurs en MS des différentes matières agricoles du logiciel AgriSuite offert gratuitement en ligne.
Teneur en matières solides volatiles
En plus de la teneur en MS, il faut tenir compte de l’aptitude de la matière à se dégrader efficacement dans le digesteur. Ainsi, le sable ne se digère pas, malgré une teneur élevée en MS. Les matières solides volatiles (MSV) sont des composés organiques d’origine animale ou végétale qui constituent une partie de la teneur en matière sèche. Les MSV sont parfois appelées des matières solides organiques totales. Dans le cas des matières digestibles, plus la teneur en MSV est élevée, plus le rendement énergétique (biogaz) l’est également. La teneur en MSV s’exprime souvent en pourcentage de la teneur en MS. La teneur en MSV de la plupart des matières utilisées dans les DA de ferme se situe dans la fourchette de 63 à 98 % de leur teneur en MS. La plupart des laboratoires en Ontario peuvent effectuer une analyse des MSV.
Pour la plupart des digesteurs anaérobies de ferme, il existe une quantité de MSV quotidienne maximale qu’il est recommandé de ne pas dépasser. Au-delà de ce plafond, le digesteur risque d’être plus difficile à stabiliser, de produire moins de biogaz et de présenter un problème de moussage. Ce plafond est généralement exprimé en kilogrammes de MSV par jour par mètre cube de capacité du digesteur (kg de MSV/jour/m3). Des valeurs de plus de 4,5 kg de MSV/jour/m3 frôlent la limite opérationnelle d’un digesteur, surtout lors de sa mise en service.
Production de biogaz par tonne de MSV
La production de biogaz s’entend de la production qu’on obtient de la matière pendant la période où elle se trouve dans le digesteur. Plus la valeur de la production de biogaz par tonne de MSV est élevée, plus le rendement énergétique l’est également. Cette valeur diffère considérablement selon le type de matière et son état. Les différentes matières utilisées dans les DA de ferme produisent entre 200 et 1 200 m3 de biogaz par tonne de MSV. Il existe des ressources publiées (comme des articles dans des journaux de recherche et du matériel de référence de l’industrie) qui montrent les fourchettes de rendement prévisibles produit par diverses matières ou divers substrats. Pour s’assurer qu’une matière donnera la production de biogaz attendue, rien ne remplace cependant les données d’exploitation d’un DA comparable utilisant les mêmes matières, ni les données recueillies au terme d’essais de digestion réalisés en laboratoire sur des matières précises. Une analyse du potentiel biochimique du méthane est une méthode standardisée qui permet de déterminer le rendement possible de biogaz et de méthane pour des matières individuelles ou pour la codigestion de plusieurs matières (Figure 2). Certains laboratoires en Ontario peuvent réaliser ce type d’analyse.
Source : BPC Instruments.
Teneur en méthane de biogaz
Le biogaz renferme du méthane (CH4), du dioxyde de carbone (CO2), du sulfure d’hydrogène (H2S), de la vapeur d’eau et d’autres constituants. La teneur en méthane de biogaz de source agricole se situe typiquement entre 50 et 65 %.
Éléments antagonistes dans la matière première
Divers éléments dans une matière première peuvent réduire la production de biogaz. Certains fumiers peuvent avoir des teneurs en azote suffisamment élevées pour interrompre la digestion, surtout lorsque le DA est soumis à de fortes températures. Des teneurs élevées en azote dans du fumier de porc ou de volaille peuvent causer cette réaction antagoniste. Des matières premières renfermant des substances comme du sulfure de cuivre ou des antibiotiques peuvent aussi inhiber la digestion. Pour s’assurer du bon fonctionnement du digesteur, il faut parfois commander une analyse de laboratoire ou obtenir des données d’exploitation recueillies pour des DA comparables alimentés avec les mêmes matières.
Introduction de matières nouvelles
La digestion est un procédé biologique. Il faut du temps pour qu’il s’adapte à l’introduction d’une matière nouvelle dans le digesteur.
Avant d’introduire une matière nouvelle, se doter d’un plan qui précise le taux d’introduction et les étapes à suivre pour surveiller les changements et y réagir. Ainsi, un plan pourrait prévoir l’ajout des matières nouvelles à raison d’abord de 10 % du contenu pour atteindre progressivement la totalité du contenu en l’espace de 4 à 6 semaines. Il pourrait aussi prévoir l’introduction lente des matières nouvelles ou la modification des vitesses d’agitation si de la mousse devait se former dans le digesteur.
Estimation du rendement en biogaz et du rendement énergétique de matières premières
De l’information est disponible dans des articles de journaux de recherche et du matériel de référence de l’industrie pour se faire une idée du rendement en biogaz de différents substrats de matières premières utilisés seuls ou en mélange. Toutefois, pour obtenir une estimation vraiment fiable, il faut souvent s’adresser à un consultant qui connaît cette technologie. Ce dernier basera en général ses prévisions sur des analyses de laboratoire (comme des résultats d’analyse du potentiel biochimique du méthane), sur des données provenant d’installations comparables et sur son expérience. Le tableau 1 présente une estimation du rendement en biogaz et du rendement énergétique de trois matières premières d’emploi courant.
Matière | Rendement en biogaz par tonne humide de matière | Rendement en électricité par tonne humide de matière | Rendement en énergie thermique par tonne humide de matière |
---|---|---|---|
Fumier de bovins laitiers | 23 | 48 | 62 |
Maïs à ensilage | 180 | 335 | 425 |
Déchets de boulangerie (moyenne) | 265 | 490 | 630 |
Rendement énergétique du fumier
À l’aide du tableau 1, il est possible de se faire une idée du rendement en biogaz et en énergie qu’on peut espérer d’une matière. Voici comment procéder pour calculer le rendement qu’on peut espérer obtenir dans le cas d’une ferme laitière comptant 140 vaches en lactation (plus les génisses de remplacement). Les calculs qui suivent ne servent qu’à illustrer la méthode de calcul. La conception d’une installation doit se fonder sur une évaluation fiable faite par une personne compétente.
Exemple
Production annuelle de fumier de 140 vaches et des génisses de remplacement : environ 5 600 tonnes (selon les données du logiciel AgriSuite)
Rendement en électricité
5 600 tonnes/an × 48 kWh/tonne
= 269 000 kWh/an (environ 730 kWh/jour)
Rendement en énergie thermique
5 600 tonnes/an × 62 kWh
= 347 000 kWh/an (environ 950 kWh/jour)
Par temps froid l’hiver, 50 % de l’énergie thermique peut être nécessaire pour maintenir la température du digesteur. Par conséquent, le jour le plus froid de l’hiver, 475 kWh/jour d’énergie thermique excédentaires seront disponibles. À raison de 3 413 British Thermal Unit (BTU) par kWh, ce rendement procurerait l’énergie thermique équivalente à celle que produit une chaudière ordinaire de 100 000 BTU pendant 16 heures.
Rendement énergétique découlant de l’ajout de matières de source non agricole
Un digesteur de ferme peut mélanger jusqu’à 50 % de matières de source non agricole sans voir son efficacité compromise. Les calculs suivants ont été faits pour un digesteur installé sur la même ferme laitière, auquel on ajoute 10 % de déchets de boulangerie.
- Ajout annuel de 560 tonnes de matière de source non agricole (soit 10 % des 5 600 tonnes de fumier)
- Rendement en électricité supplémentaire : 560 tonnes/an × 490 kWh/tonne = 274 000 kWh/an
- Rendement en énergie thermique supplémentaire : 560 tonnes/an × 630 kWh/tonne = 353 000 kWh/an
Rendement total en électricité de ce DA de ferme :
269 000 kWh/an (fumier) + 274 000 kWh/an (déchets de boulangerie)
= 543 000 kWh/an (environ 1 450 kWh/jour)
Rendement total en énergie thermique de ce DA de ferme :
347 000 kWh/an (fumier) + 353 000 kWh/an (déchets de boulangerie)
= 700 000 kWh/an
Dans cet exemple, le DA produit nettement plus d’énergie thermique s’il reçoit des matières mixtes que s’il reçoit uniquement du fumier. Bien des fermes d’élevage ne trouveraient pas le moyen d’utiliser toute cette énergie thermique, surtout durant les mois les plus chauds de l’année.
Rendement énergétique des cultures énergétiques
Certains systèmes de biogaz sur des fermes de l’Ontario utilisent des cultures énergétiques comme une des matières premières pour produire du biogaz. La principale culture utilisée à cette fin est du maïs à ensilage. La figure 3 montre une trémie remplie de maïs à ensilage destiné à être incorporé au contenu du digesteur.
Voici des calculs réalisés à partir des données du tableau 1 pour 1 ha de maïs à ensilage :
- Production moyenne de maïs à ensilage dans de bons sols : 45 tonnes
- Rendement en électricité : 45 tonnes × 335 kWh/tonne = 15 000 kWh
- Rendement total en énergie thermique : 45 tonnes × 425 kWh/tonne = 19 000 kWh
- Rendement en énergie thermique utilisable =19 000 kWh × 25 % = 4 750 kWh
Ce calcul repose sur l’hypothèse que la ferme utilise 25 % de l’énergie thermique produite. Bien des fermes de cultures commerciales n’auront pas la possibilité d’utiliser autant d’énergie thermique.
Le rendement total en énergie utilisable par hectare est de 19 750 kWh (en tenant compte de la récupération de l’énergie thermique), ou de 15 000 kWh (sans récupération de l’énergie thermique).
Ce rendement correspond à la quantité d’énergie disponible procurée par une année de culture. Une capacité de production d’électricité d’environ 2 kW est nécessaire pour faire fonctionner le digesteur sur une base continue et mettre à profit les 15 000 kWh d’énergie disponible (dans l’hypothèse où le DA fonctionne au moins 8 000 heures/an).
Comparaison de l’énergie consommée et de l’énergie produite
On doit consommer de l’énergie pour produire de l’énergie renouvelable. En utilisant du maïs à ensilage, calculons l’énergie consommée pour produire, récolter, transporter et traiter dans le digesteur 1 hectare de maïs à ensilage offrant un rendement de 45 tonnes/hectare (Figure 4).
Énergie consommée pour la production et la digestion de la culture :
- 940 kWh d’énergie tirés des 87,5 litres de carburant consommés pour produire, récolter et transporter 1 hectare de maïs à ensilage
- 420 kWh d’énergie tirés des 42,3 m3 de gaz naturel nécessaires à la fertilisation azotée de la culture
- 650 kWh d’électricité nécessaires pour faire fonctionner le digesteur
Total de l’énergie consommée = 2 010 kWh/hectare
Bilan énergétique
Les calculs qui précèdent montrent que la production totale d’énergie utilisable à partir de la digestion anaérobie de 1 hectare de maïs à ensilage correspond à 19 750 kWh si l’on utilise de l’énergie thermique et à 15 000 kWh si l’on ne met à profit que l’électricité :
- Si l’on utilise de l’énergie thermique et de l’électricité, la production et la digestion de la culture nécessitent 10,2 % de l’énergie produite.
- Si seulement de l’électricité est utilisée, la production et la digestion de la culture nécessitent 13,4 % de l’énergie produite.
Ces calculs ne prennent pas en considération la consommation d’énergie cachée, par exemple l’énergie nécessaire pour faire rouler les camions de ferme ou fabriquer du béton.
Résumé
Les digesteurs de ferme peuvent produire efficacement de l’énergie électrique et de l’énergie thermique à partir de matières organiques que la ferme génère ou qu’elle reçoit. Toutefois, seuls des calculs permettent de déterminer s’il est rentable sur le plan économique de produire cette énergie.
Rédaction
La version anglaise de cette fiche technique a été rédigée par Jake DeBruyn, ing., ingénieur en intégration des nouvelles technologies, Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de l’Agroentreprise (MAAAO), et Anna Crolla, ing., ingénieure, énergie et systèmes de récolte, MAAAO.
Notes en bas de page
- note de bas de page[1] Retour au paragraphe Extrapolé à partir de l’information présentée dans Braun, R. et A. Wellinger., Potential of Co-digestion, IEA Bioenergy Task 37, 2003; et Murphy, J., R. Braun, P. Weiland et A. Wellinger, Biogas from Crop Digestion, IEA Bioenergy Task 37, 2010.
- note de bas de page[2] Retour au paragraphe Dans l’hypothèse où l’énergie produite par le biogaz est convertie dans des proportions de 35 % en électricité et de 45 % en énergie thermique. Une partie de l’énergie thermique sert à chauffer le digesteur. Le rendement en électricité peut varier de 25 à 42 %.