Introduction

Voici le 3e article d’une série dont l’objectif est d’aider les producteurs de pommes et de fruits tendres de l’Ontario à évaluer les risques climatiques qui peuvent être une source de dommages pour leurs arbres et leurs cultures. Il est important de reconnaitre les risques climatiques propres à chaque situation géographique et de mettre en place des stratégies pour réduire ou éliminer les effets de ces derniers sur l’exploitation.

De quoi s'agit-il ?

Les dommages hivernaux sont des blessures de gel causées au bois et aux tissus des boutons qui se produisent lorsque les températures froides atteignent un niveau critique. Les arbres fruitiers possèdent des mécanismes complexes au sein de leurs cellules qui permettent leur aoûtement ou leur adaptation à l’hiver. L’exposition à des journées courtes et à des températures plus froides au cours de l’automne et de l’hiver favorise dans les arbres le transport de l’eau, de leurs cellules jusque dans les espaces qui se trouvent entre ces dernières. Ce phénomène protège la structure de la cellule, au moment où les cristaux qui se forment au moment du gel risquent d’endommager les structures des tissus. Il est préférable que les cristaux se forment entre les cellules, car à cet endroit ils ne les endommagent pas. Une exposition plus poussée et continueaux températures froides fait en sorte que les arbres entrent en dormance plus profonde et deviennent plus tolérants aux températures extrêmement froides.

Quand cela se produit-il ?

Les dommages hivernaux se produisent lorsque les températures chutent sous le seuil critique que chaque espèce peut tolérer. Habituellement, le bois est plus tolérant au froid que les boutons floraux. Les troncs d’arbre (surtout au niveau du sol) et les fourches desbranches sont les plus lents à s'endurcir et les plus vulnérables aux températures froides. Si ces températures se produisent tard l’automne ou au début de l’hiver, les dommages s'observent souvent sous forme de troncs fendus ou de blessures dans les fourches. Si les températures se réchauffent, ou qu'elles fluctuent rapidement de manière instable, les dommages hivernaux risquent davantage de se produire. Les arbres qui ne sont pas en santé ou qui sont stressés sont plus vulnérables aux dommages hivernaux. Ces derniers peuvent réduire les rendements, tuer l’arbre immédiatement, ou raccourcir son espérance de vie en rendant l’arbre plus sensible aux ravageurs (c.-à-d. les chancres et les insectes perceurs).

Où cela se produit-il ?

Les dommages hivern aux constituent un risque climatique auquel sont couramment confrontés les producteurs d’arbres fruitiers, surtout lorsque les arbres sont cultivés dans les limites les plus nordiques de leur zone de rusticité. Certaines espèces de pêches et de nectarines sont vulnérables aux dommages la plupart des hivers alors que dans le cas des espèces plus tolérantes au froid,comme les pommes, les dommages hivernaux sont plus fréquents dans les zones plus froides, ou à l’écart de l’influence des Grands Lacs. Certaines variétés sont moins rustiques, comme le cultivar de pêche Loringet le cultivar de pomme Mutsu/Crispin.

Stratégies possibles d’atténuation des risques

Certaines des stratégies présentées ci-dessous peuvent contribuer à réduire ou à éliminer les dommages hivernaux.

  1. Assurance-production : On peut adhérer à l’assurance-production avant l’hiver. L’exploitant est ainsi assuré qu'au moins une partie du coût de ses intrants sera couvert si les froids hivernaux tuent les boutons à fruit. Les pommiers seront aussi couverts s'ils sont tués par l’hiver, bien que le taux de mortalité des arbres doit atteindre 7 % avant de pouvoir soumettre une réclamation. La prime à payer va dépendre de la protection ou couverture choisie, des antécédents de réclamation de l’exploitation, et du potentiel de rendement des vergers. Avec le temps,les primes peuvent être réduites si l’exploitant n'a pas présenté de réclamations. Certains producteurs ont de la difficulté à verser la prime (surtout les premières années d’établissement et lorsqu'ils ont des réclamations), et aussi parce que l’assurance-production n'est pas conçue pour couvrir entièrement les pertes, de rendement ou de prix. D’autre part, les niveaux de protection diminuent au cours des années suivant une réduction de rendement, en raison des répercussions de la perte sur les rendements moyens à long terme. De plus, les pertes locales attribuables au gel ne sont pas couvertes. Les producteurs qui possèdent de nombreux vergers risquent donc d’être pénalisés lorsqu'ils obtiennent de bons rendements dans les sites non touchés par les dommages hivernaux.
  2. Choix de sites moins vulnérables au gel : Le fait d’éviter les terrains plats, l’analyse de l’effet des bâtiments et des brise-vent, et la recherche de sites bien ventilés ou situés à proximité de vastes plans d’eau, tout cela peut aider à éviter le gel. Ces possibilités ne sont pas accessibles à tous les producteurs, mais elles devraient tout de même être prises en compte au moment de choisir un site pour un verger.
  3. Éclaircissage des haies ou des espaces boisés : Ces interventions peuvent réduire la zone vulnérable à la formation de poches de gelée, ou favoriser une meilleure circulation d’air. Toutefois, les avantages liés à la protection contre le vent peuvent s'atténuer en cours de saison, ce qui complique les pulvérisations, accentue l’érosion du sol et l’abrasion par le sable. Habituellement, ces interventions doivent être faites au préalable. Se rappeler que les cageots empilés peuvent aussi avoir un effet sur le mouvement de l’air.
  4. Choix de cultivars plus rustiques : Certains cultivars sont plus tolérants au froid bien que cette caractéristique puisse changer au cours de l’hiver dépendamment du moment où les froids se produisent. Les variétés McIntosh, Honeycrisp et de NorthernSpy tolèrent davantage le froid que les Golden Delicious, Ambrosia et Empire. Il n'est pas toujours possible de choisir ce genre de cultivars, en raison des conditions climatiques du site de la demande du marché ou de la longueur de la saison de croissance, mais cela vaut la peine d’y réfléchir.
  5. Épandage d’azote au sol en début de saison seulement : Cette pratique favorise la croissance active des arbres, tout en contribuant à une bonne pollinisation et à la nouaison, de manière à ce que le processus d’aoûtement puisse commencer à la fin de l’été. L’azote foliaire appliqué l’été ou en postrécolte sous forme d’urée pour renforcer les boutons ou pour lutter contre la tavelure dans les pommes doit être effectué de manière à correspondre précisément aux besoins des arbres, afin qu'il n'y ait pas d’excès d’azote disponible favorisant une croissance tardive. S'assurer d’appliquer la bonne dose d’azote au printemps afin d’éviter les carences qui seraient difficiles à corriger.
  6. Allées en gazon ou cultures de couverture entre les rangs après juillet : Legazon ou les cultures de couverture absorbent l’excès d’azote du sol,ce qui incite les arbres à devenir matures et à s'endurcir. Les cultures de couverture favorisent également une meilleure couleur des fruits et offrent une surface résistante pour la machinerie agricole, surtout en saisons pluvieuses. Des coûtssont associés à l’achat de semences et à la fauche pour établir et maintenir cette culture de couverture, car si elle n'est pas coupée, elle peut nuire à la récolte et attirer les rongeurs.
  7. Pas de taille à l’automne ou en début d’hiver : Les arbres taillés à l’automne sont plus vulnérables aux dommages hivernaux surtout dans le cas des tissus qui entourent la cicatrice de taille. Même en hiver, les dommages peuvent se produire en présence de chutes soudaines de température après la taille. La présence d’insectes perceurs et de chancres est favorisée dans les tissus en dommagés qui entourent les cicatrices de taille, car cela facilite leur entrée dans l’arbre. Il peut être plus exigeant en main-d’œuvre de retarder la taille à la fin de l’hiver ou au début du printemps et on dispose peut-être aussi de moins de temps pour le nettoyage avant le début des pulvérisations, mais il reste préférable de protéger les arbres de valeur.
  8. Peinture des troncs d’arbre avec de la peinture blanche au latex : La couleur blanche reflète la lumière du soleil et sa chaleur, ce qui empêche le tronc de se réchauffer au risque de favoriser la circulation de la sève au milieu de l’hiver. Cette mesure empêche le tronc de geler et de se fendre, une blessure désignée sous le nom de lésions du sud-ouest. On doit utiliser une peinture au latex de bonne qualité pour assurer un bon recouvrement et le maintien de la peinture. La peinture des arbres demande de la main-d’œuvre et il est difficile de mécaniser le processus si l’on veut obtenir un bon recouvrement; de plus, il faut repeindre les troncs tous les deux ans.
  9. Éoliennes : Des recherches réalisées sur d’autres cultures (raisins) ont montré qu'on peut utiliser des éoliennes pour réduire les dommages hivernaux lorsque les températures chutent, à la condition que ces dernières ne soient pas sous le seuil critique. Ces éoliennes peuvent réduire les dommages hivernaux aux arbres fruitiers également.

Résumé

En évitant ou en réduisant les dommages hivernaux, on permet aux arbres de rester davantage en santé et on obtient une floraison plus saine qui permettra d’obtenir une pleine récolte de fruits. Les conditions climatiques instables à la fin de l’automne, au début de l’hiver et jusqu'au débourrement peuvent rendre les arbres et les boutons plus vulnérables. En raison de la pression qui est mise sur les arbres pour qu'ils produisent davantage, il devient nécessaire de tenir compte de leur rusticité et de leur capacité à résister aux chutes de température. Le choix du site, le choix des cultivars et les pratiques culturales permettant d’obtenir une croissance raisonnable contribueront à réduire les dommages hivernaux.