En août 2018, le rapport de l’Examen indépendant des services correctionnels de l’Ontario (EISCO) intitulé Violence dans les établissements correctionnels en Ontario : Rapport provisoire a été remis au ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels. Le Rapport provisoire présentait un certain nombre de conclusions à la suite d’une enquête de 90 jours sur des incidents de violence commis par des détenus à l’endroit du personnel signalés dans des établissements correctionnels provinciaux de l’Ontario. Le présent rapport s’appuie sur bon nombre de ces conclusions et présente l’Étude de cas : Centre de détention du Sud de Toronto (CDST), une analyse approfondie de l’établissement qui a signalé le plus grand nombre et le plus haut taux d’augmentation du nombre d’incidents de violence commis par des détenus à l’endroit du personnel signalés en 2017. L’Équipe de l’Examen indépendant a entrepris une consultation supplémentaire des employés des services correctionnels, par l’entremise du sondage sur la violence dans les établissements correctionnels de l’EISCO, afin d’alimenter directement le document Violence dans les établissements correctionnels en Ontario : Rapport final. Bien que certaines des conclusions et recommandations soient propres au CDST, d’autres s’appliquent de manière plus large aux établissements provinciaux de l’Ontario. Le Rapport final présente les principales conclusions et soumet 42 recommandations regroupées sous les thèmes suivants :

  • collecte de données et partage des renseignements
  • culture et dotation en personnel des établissements
  • pratiques opérationnelles

Collecte de données et partage des renseignements

Il est clairement nécessaire d’améliorer les pratiques du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels (MSCSC) pour ce qui est de la collecte de données et du partage de renseignements. L’Équipe de l’Examen indépendant a conclu que le décompte provincial actuel du ministère des incidents de violence commis par des détenus envers le personnel signalés est inefficace pour cerner les enjeux propres à chaque établissement correctionnel. Afin d’acquérir une compréhension approfondie de la violence dans les établissements correctionnels et, par la suite, d’élaborer une réponse opérationnelle personnalisée, des analyses locales de chacun des établissements provinciaux de l’Ontario doivent être menées pour expliquer les écarts, par exemple, sur les plans de l’effectif minimal, des données démographiques sur les détenus et de la culture institutionnelle.

Les employés des services correctionnels signalent les incidents de violence (c.-à-d. les menaces, les tentatives d’agression, les agressions) au moyen d’un processus propre au MSCSC. L’Étude de cas du CDST a révélé des incohérences quant au moment où les incidents étaient signalés, au-delà de l’échelon local, à l’Unité de la gestion de l’information (UGI) du MSCSC et quant à la quantité de détails que contenaient les rapports d’incident déclenché par un détenu. Bien que le processus de signalement soit inévitablement subjectif, le ministère pourrait modifier ses politiques afin de limiter le niveau de discrétion appliqué par les sergents qui procèdent aux signalements, par exemple en décrivant clairement les situations dans lesquelles il faut signaler un incident au moyen d’un rapport d’incident déclenché par un détenu ou en déterminant les renseignements obligatoires à inclure dans les rapports, notamment l’identité des employés impliqués dans les incidents. Cela aiderait à cerner les tendances, à accroître la transparence et la responsabilisation et à éclairer l’élaboration d’une intervention opérationnelle appropriée. En outre, les données se rapportant à la violence dans les établissements correctionnels doivent être surveillées aux échelons ministériel, régional et institutionnel au sein du ministère et communiquées rapidement entre ces échelons afin de permettre des interventions opérationnelles et stratégiques appropriées.

Afin d’assurer la conformité aux lois et aux politiques du ministère et d’éviter des examens inutiles sur les inconduites des membres du personnel, il conviendrait de mener des vérifications de routine des incidents signalés et des documents connexes. De manière plus large, la violence dans les établissements correctionnels devrait être surveillée à intervalles réguliers et, dans la mesure du possible, en temps réel en ce qui concerne un certain nombre de variables, y compris l’heure, l’endroit, le personnel et le ou les détenus impliqués dans un incident. Le ministère pourrait examiner la façon d’attribuer ces responsabilités au bureau de l’inspecteur général des services correctionnels, un organisme de surveillance créé en vertu de la Loi de 2018 sur les services correctionnels et la réinsertion sociale.

Culture et dotation en personnel des établissements

L’Équipe de l’Examen indépendant s’est appuyée sur l’expérience des employés des services correctionnels pour mieux comprendre la culture du travail dans les établissements provinciaux de l’Ontario. Plusieurs thèmes sont ressortis de cette consultation, notamment les préoccupations des employés concernant la sécurité du lieu de travail, les relations tendues entre le personnel et la direction et les attitudes à l’égard du travail en milieu correctionnel, de la formation, du mentorat et des possibilités de jumelage.

Un peu plus de la moitié des agents des services correctionnels qui ont répondu au sondage sur la violence dans les établissements correctionnels de l’EISCO ont signalé qu’ils ne se sentaient pas en sécurité en travaillant dans leur établissement, alors que les deux tiers des répondants de tous les autres postes (c.-à-d. à l’exception de ceux qui se sont identifiés comme des agents des services correctionnels) ont déclaré qu’ils se sentaient en sécurité dans leur établissement. En outre, 66 % des agents de première ligne ont indiqué qu’ils craignaient d’être agressés par un détenu au moins une fois par semaine, par rapport à seulement 27 % des répondants de tous les autres postes, et près de la moitié (44 %) des employés de ce dernier groupe ont indiqué ne jamais craindre d’être agressés. Cet écart dans les réponses des personnes travaillant dans des établissements provinciaux de l’Ontario est particulièrement intéressant étant donné que bon nombre des employés qui ne sont pas des agents des services correctionnels (p. ex., sergents, personnel des programmes et des soins de santé) ont eux aussi des contacts directs fréquents avec les détenus.

Le sondage sur la violence dans les établissements correctionnels de l’EISCO a également révélé une relation tendue entre les agents de première ligne et divers échelons de direction. Par exemple, 38 % des agents des services correctionnels ayant répondu au sondage ne se sentaient pas soutenus par les sergents de leur établissement, et plus des deux tiers ne se sentaient pas soutenus par les cadres supérieurs. Dans leurs observations écrites, de nombreux agents des services correctionnels ont fait référence à une déconnexion entre la direction et le personnel de première ligne. Bien que la majorité des agents (58 %) aient été d’avis que la communication était bonne entre les collègues, seulement 13 % ont indiqué qu’il y avait une bonne communication entre le personnel et la direction dans leur établissement. Tous les efforts du ministère visant à réduire la violence dans les établissements correctionnels doivent tenir compte du fonctionnement de la relation entre le personnel de première ligne et la direction et de la façon dont il faut renforcer les voies de communication afin d’établir des directives, des attentes, des possibilités de rétroaction et des responsabilités claires.

Une philosophie générale punitive axée sur la discipline, particulièrement présente parmi les agents des services correctionnels, est ressortie des réponses au sondage sur la violence dans les établissements correctionnels de l’EISCO. Bien que plus de la moitié des répondants s’étant identifiés comme des agents des services correctionnels et des sergents (y compris les sergents d’état-major) aient déclaré entretenir une bonne relation avec les détenus et que 40 % aient indiqué que des relations amicales avec les détenus dans leur établissement ne minaient pas l’autorité du personnel, la grande majorité (74 %) des répondants ont appuyé la notion voulant que les détenus devraient être maintenus sous une discipline stricte. Des préférences pour les mesures punitives sont également ressorties clairement des commentaires écrits de nombreux répondants au sondage, notamment des mesures qui renforceraient selon eux la sécurité du personnel (p. ex., des peines minimales obligatoires, une détention plus restrictive).

Plus du quart (26 %) des répondants au sondage ont indiqué que le recours à la force par le personnel constituait un mécanisme clé qui contribuait à la sécurité de leur établissement. Malgré des allégations selon lesquelles les agents des services correctionnels étaient réticents à recourir à la force, les données du ministère ont révélé que le nombre d’incidents de recours à la force signalés a en réalité augmenté, passant de 1 249 incidents en 2013 à 2 490 en 2017. L’Étude de cas du CDST a soutenu cette constatation, le nombre d’incidents de recours à la force signalés dans cet établissement ayant augmenté entre 2014 et 2017. De façon intéressante, l’Étude de cas a en outre révélé que le recours à la force par le personnel a précédé les incidents de violence commis par des détenus à l’endroit du personnel signalés dans environ 11 % des cas. Étant donné l’accent mis par le ministère sur l’usage de la force comme dernier recours, cette constatation met en lumière la nécessité de se concentrer davantage sur les techniques de désescalade verbales et de désamorçage lors de la formation du personnel.

En 2016, après un moratoire de quatre ans sur l’ensemble du recrutement des agents des services correctionnels, le ministère s’est engagé à embaucher 2 000 agents au cours des trois années suivantes. Cet engagement soudain à l’égard de l’embauche d’un si grand nombre de nouveaux agents des services correctionnels a entraîné une concentration des efforts sur l’embauche plutôt que sur la refonte indispensable du Programme de formation et d’évaluation des agents des services correctionnels (Programme FEASC). Bien que le ministère ait reconnu que le Programme FEASC est obsolète et qu’il est nécessaire de le réviser, aucun changement n’a été apporté. À l’heure actuelle, les techniques de désescalade et de communication font cruellement défaut dans le Programme FEASC. En réformant le programme de cours, le ministère doit veiller à ce que les diplômés du Programme FEASC reçoivent une formation suffisante dans les domaines des droits de la personne, du droit pénitentiaire ainsi que de l’autogestion de la santé et de la résilience pour pouvoir composer avec le stress en milieu de travail. La formation doit être applicable aux situations courantes vécues par les agents des services correctionnels dans leur milieu de travail lorsqu’ils interagissent avec des détenus.

Les réponses au sondage sur la violence dans les établissements correctionnels de l’EISCO ont rendu compte de l’importance d’un personnel expérimenté et d’une formation. Toutefois, plus de la moitié (52 %) des agents des services correctionnels ayant répondu au sondage ont indiqué qu’ils ne se sentaient pas prêts à commencer à travailler immédiatement après leur embauche, et un peu moins de la moitié (48 %) ont indiqué qu’ils ne se sentaient pas prêts à commencer à travailler après l’obtention de leur diplôme du Collège de formation correctionnelle de l’Ontario. De plus, la majorité des agents des services correctionnels qui ont répondu au sondage (55 %) n’étaient pas satisfaits de la formation locale offerte dans leur établissement, et 58 % ont déclaré être insatisfaits des possibilités locales de mentorat ou de jumelage.

L’Étude de cas du CDST a apporté un éclairage complémentaire sur les préoccupations des employés des services correctionnels concernant le manque de possibilités locales de formation, de mentorat et de jumelage. Malgré l’existence de certaines initiatives locales, la participation à ces initiatives était en grande partie volontaire et dépendait de la disponibilité et de la volonté du personnel expérimenté pour guider les nouvelles recrues. La création d’un poste d’agent des services correctionnels dans un rôle de haut niveau ou de supervision pourrait à la fois offrir des incitatifs liés au perfectionnement au personnel qualifié et motivé et répondre aux besoins en matière de mentorat par les pairs. En outre, cela offrirait l’avantage supplémentaire d’améliorer l’intervention des services correctionnels de l’Ontario visant à répondre aux besoins en matière de soins spécialisés et de réadaptation des détenus qui exigent le plus de soutien. Il serait important, cependant, que la progression entre les classes d’agents des services correctionnels soit fondée sur les compétences démontrées, le mérite et l’attestation de formation plutôt que sur l’ancienneté uniquement.

Pratiques opérationnelles

Les politiques, les pratiques et les procédures d’exploitation doivent tenir compte des facteurs uniques à un établissement, notamment sa taille et sa raison d’être (p. ex., détention provisoire, emprisonnement, traitement), la population carcérale et la culture du lieu de travail. Plus important encore, toutefois, les opérations correctionnelles doivent être solidement ancrées dans des pratiques fondées sur des données probantes afin de maximiser la sécurité des établissements et celle des employées, des détenus et, en fin de compte, du public. L’Équipe de l’Examen indépendant a reçu un certain nombre de suggestions du personnel des services correctionnels concernant les pratiques opérationnelles qui pourraient contribuer à contrôler la violence dans les établissements correctionnels. Les enjeux soulevés comprenaient une politique d’isolement disciplinaire, l’utilisation d’armes à impulsions, une classification appropriée des détenus et des programmes correctionnels. En ce qui concerne l’isolement, les données du ministère ont démontré que bien que les employés des services correctionnels de première ligne prétendent qu’il a été éliminé, l’isolement continue d’être couramment utilisé comme outil disciplinaire. L’Étude de cas du CDST a confirmé que l’isolement est utilisé et qu’il s’agit en réalité de la peine imposée à la suite de la majorité des inconduites officielles découlant d’incidents commis par des détenus envers le personnel signalés.

Dans les territoires de compétence canadiens où l’utilisation d’armes à impulsions a été mise à l’essai ou mise en place, ces armes sont rarement utilisées ou leur utilisation a cessé en raison du manque de données probantes suggérant qu’elles réduisent le risque de violence dans les établissements correctionnels. En outre, les études existantes ont démontré que l’importation de ces armes dans les établissements correctionnels entraîne un certain nombre de risques et qu’elle a été associée à plusieurs conséquences négatives, notamment des blessures graves, des décès et des poursuites civiles coûteuses. Malgré cela, certains employés des services correctionnels ont continué à exiger que le ministère ajoute les armes à impulsions comme option de recours à la force et demeurent convaincus que l’expérience de l’Ontario sera différente de celle des autres territoires de compétence.

Certains employés des services correctionnels ont indiqué que les incidents de violence qui surviennent par les trappes pour passer les repas dans les portes des cellules constituaient un problème de sécurité urgent. Au CDST, 43 % des agressions et des tentatives d’agression par des détenus envers le personnel qui ont été signalées en 2017 sont survenues par les trappes pour passer les repas dans les portes des cellules. La majorité des incidents sont survenus dans des unités d’isolement et une grande partie se sont produits dans l’unité spéciale de détention et l’unité d’évaluation de la santé mentale, ce qui laisse croire que les incidents liés aux trappes pour passer les repas peuvent être limités à un sous-groupe de détenus. Peu d’études examinent l’utilisation de trappes pour passer les repas dans les portes des cellules dotées d’un mécanisme de sécurité, et leur utilité pour réduire la violence dans les établissements correctionnels n’a pas été établie. Par conséquent, la mise en place à grande échelle de trappes pour passer les repas modifiées serait peu judicieuse, bien que le ministère pourrait envisager, à titre expérimental, de moderniser un nombre très limité de trappes dans certains établissements. Les établissements sélectionnés pour le projet pilote devraient être ceux affichant le nombre le plus élevé, ou une surreprésentation, d’incidents commis par des détenus à l’endroit du personnel signalés qui sont survenus par la trappe pour passer les repas de la porte d’une cellule. Il serait important d’aménager ces trappes modifiées uniquement pour les détenus classés de manière adéquate dans des unités en particulier, conjointement avec la mise en œuvre d’autres mesures (p. ex., la prestation de programmes aux détenus, l’ajout de formations du personnel) et après l’établissement pas le ministère de politiques régissant l’utilisation appropriée de ces trappes. En outre, une collecte rigoureuse de données sur l’utilisation des trappes spéciales, les interventions simultanées supplémentaires, les incidents liés aux trappes signalés et les résultats pour les détenus est essentielle à l’évaluation du projet pilote.

L’importance de bien évaluer et classer les détenus a été établie dans les documents empiriques et a été étayée par les employés des services correctionnels dans leurs réponses au sondage sur la violence dans les établissements correctionnels de l’EISCO. Malheureusement, le ministère n’effectue pas d’évaluations régulières des risques pour la sécurité ou de la classification, mais s’appuie plutôt sur les alertes dans le Système informatique de suivi des contrevenants (SISC), lesquelles sont assujetties à la discrétion des employés des services correctionnels et ne sont pas vérifiées par des cliniciens. Bien que le ministère ait reconnu la nécessité de mettre en œuvre un outil d’évaluation de la sécurité fondé sur des données probantes et qu’il ait mis sur pied un groupe consultatif pour contribuer à son élaboration, aucun outil n’a encore été créé à l’échelle du ministère, ce qui a entraîné l’adoption de solutions locales dans certains établissements de l’Ontario. Par exemple, le CDST a élaboré le rapport de placement interne qu’il utilise actuellement pour classer les détenus en fonction de leurs besoins en matière de logement.

Une fois qu’ils sont classés, les détenus doivent pouvoir être logés de manière appropriée en fonction du risque pour la sécurité qu’ils présentent et de leurs besoins en matière de programmes. Le sondage sur la violence dans les établissements correctionnels de l’EISCO a permis de constater que certains employés des services correctionnels reconnaissaient l’importance d’offrir un logement parallèle et de l’utiliser de façon appropriée. Dans l’Étude de cas du CDST, bien qu’il n’ait pas été possible d’obtenir le nombre moyen de détenus au CDST par type d’unité, selon un décompte d’une journée, environ 43 % des détenus du CDST étaient logés dans une unité de supervision directe dans la population générale, alors que seulement 10 % environ de tous les incidents commis par des détenus à l’endroit du personnel signalés (26 sur 252) en 2017 sont survenus dans ce type d’unité. Cela laisse supposer que bien que le rapport de placement interne ne soit pas fondé sur des données probantes et qu’il n’ait pas été évalué, une classification et un logement appropriés peuvent avoir une incidence directe sur la sécurité du personnel. En revanche, alors qu’environ 3 % des détenus étaient logés dans une unité d’isolement, ceux-ci ont été impliqués dans 28 % de tous les incidents commis par des détenus à l’endroit du personnel signalés au CDST en 2017. De même, environ 11 % des détenus étaient logés dans une unité spéciale de détention ou une unité de gestion du comportement. Toutefois, au cours de la même année au CDST, environ 18 % de tous les incidents commis par des détenus envers le personnel signalés sont survenus dans ces unités. Cela met en évidence l’importance d’une classification et d’un logement appropriés des détenus et la nécessité de mettre en œuvre rapidement un outil d’évaluation des risques pour la sécurité fondé sur des données probantes à l’échelle du ministère.

Les documents empiriques ont indiqué que le fait d’offrir et d’assurer un accès à des programmes appropriés pour les détenus était un élément essentiel d’une pratique correctionnelle fondée sur des données probantes et ont souligné leurs avantages potentiels sur la réadaptation et la réinsertion de même que sur l’atténuation de la violence dans les établissements correctionnels. Des commentaires des employés des services correctionnels ont révélé que bon nombre d’entre eux reconnaissaient l’importance et les avantages potentiels des programmes pour les détenus, bien qu’un certain nombre ait exprimé des préoccupations en ce qui a trait à l’accessibilité de ces programmes dans leur établissement.

L’Étude de cas du CDST a apporté un éclairage important sur de nombreux enjeux liés aux programmes qui peuvent s’appliquer à d’autres établissements. Par exemple, l’Équipe de l’Examen indépendant a découvert que la majorité des programmes offerts au CDST ne sont pas axés sur la réadaptation ou le traitement et que leur prestation dépend d’organismes communautaires non contractuels ou de bénévoles, ce qui les rend donc vulnérables aux annulations causées par un manque de personnel, un confinement dans les cellules et des exigences opérationnelles concurrentes. À l’heure actuelle, le CDST propose seulement deux programmes qui sont élaborés et offerts par le ministère; les deux appliquent une démarche motivationnelle et prennent la forme de séances d’information qui n’ont pas été créées dans l’intention de réadapter les détenus ou de leur offrir un traitement. L’Étude de cas du CDST a également révélé que les détenus logés dans des unités plus restrictives sont moins susceptibles d’avoir accès aux programmes offerts par l’établissement. Le manque d’accès aux programmes au CDST peut être attribuable à de nombreux facteurs opérationnels. Il est essentiel que le ministère fournisse les ressources et les services de soutien appropriés pour veiller à ce que des programmes de réadaptation fondés sur des données probantes soient régulièrement offerts dans chaque établissement en fonction des évaluations des risques et des besoins personnalisées.

La réussite des systèmes correctionnels dépend du sentiment de sécurité du personnel et des détenus. Une collecte et une surveillance diligentes des données sont essentielles pour assurer une analyse et une compréhension adéquates des incidents de violence. De nombreux facteurs qui compromettent la sécurité du personnel et des détenus ne sont pas propres à l’Ontario; les pratiques fondées sur des données probantes et les leçons tirées d’autres territoires de compétence apportent un éclairage utile sur les efforts de transformation en cours au sein du MSCSC. Les données probantes et l’expérience des autres territoires de compétence ont continué de démontrer que, contrairement aux croyances exprimées par certains employés des services correctionnels, une intensification des mesures axées sur la sécurité ne suffit pas à elle seule à résoudre les problèmes sous-jacents de violence dans les établissements correctionnels. Les relations entre le personnel et la direction, le recrutement et la formation, l’évaluation et le logement appropriés ainsi que la prestation de programmes aux détenus représentent certains domaines à privilégier pour réduire la violence et accroître la sécurité dans les établissements correctionnels de l’Ontario. De plus, les efforts de modernisation des services correctionnels en Ontario doivent également mettre l’accent sur un cadre décisionnel rigoureux, éthique, empathique et axé sur les soins.

Les pratiques fondées sur des données probantes doivent être au centre des opérations correctionnelles. Néanmoins, il faut tenir compte de l’opinion des personnes qui travaillent et qui vivent dans les établissements provinciaux; leur expérience est une source inestimable de données probantes et leurs préoccupations sont pertinentes et méritent l’attention du ministère. Le personnel ministériel doit mettre à profit de manière significative les employés des services correctionnels de première ligne dans l’élaboration des initiatives de réforme du ministère. Le personnel de première ligne exige un soutien continu dans la mise en œuvre d’une politique ministérielle à l’échelon local, fournissant une rétroaction importante tout au long du processus.

Il est important que le ministère déploie un effort concerté pour aider et soutenir les employés des établissements correctionnels au moment où ils doivent composer avec le stress et les blessures en milieu de travail. Les membres du personnel de première ligne ont déclaré que les services de soutien auxquels ils ont actuellement accès pour gérer leur stress en milieu de travail après un incident (p. ex., le Programme de gestion du stress en cas d’incident critique et le Programme d’aide aux employés et à leurs familles) sont insuffisants. Étant donné l’incidence que peut avoir un travail dans un établissement correctionnel sur la santé mentale d’une personne, l’élaboration d’une stratégie complète qui offre des services d’auto-évaluation, d’autogestion de la santé et de soutien externe doit être une priorité du ministère.

La mise en œuvre des recommandations formulées dans le présent rapport pourrait améliorer considérablement la sécurité du personnel et des détenus. Le MSCSC et le gouvernement de l’Ontario doivent chercher à garder l’élan procuré par les récents efforts de modernisation afin de protéger la sécurité, la dignité et les droits des personnes qui travaillent et qui vivent dans les établissements correctionnels de la province.